Sommaire N° 15 du 21 octobre 2002


Avis de la commission de la sécurité des consommateurs relatif aux produits de traitement de l’eau des piscines privées

NOR :  ECOC0200277V

    La commission de la sécurité des consommateurs,
    VU le code de la consommation, notamment ses articles L. 224-1, L. 224-4, R. 224-4 et R. 224-7 à R. 224-12 ;
    VU les requêtes nos 00-165 et 02-050 ;
    Considérant que :

Remarque liminaire

    La commission de la sécurité des consommateurs (CSC) a émis à plusieurs reprises des avis concernant les piscines :
      avis relatif aux piscines privées en date du 10 janvier 1990 ;
      avis relatif à la qualité de l’eau et de l’air dans les piscines publiques couvertes en date du 8 janvier 1997 ;
      avis relatif aux piscines enterrées non couvertes à usage privatif en date du 6 octobre 1999 ;
      avis relatif à la sécurité des piscines hors sol non couvertes à usage privatif en date du 18 avril 2000 ;
      avis relatif à la sécurité de certains systèmes de recyclage de l’eau dans les piscines (publiques, collectives, familiales) en date du 30 janvier 2002.
    En outre, trois campagnes sur la prévention des noyades en piscine (et spécialement en piscine privée) ont été menées au cours des étés 2000, 2001 et 2002.
    Le présent dossier constitue donc un complément à la série précédente en traitant des risques chimiques présentés par les produits de traitement de l’eau des piscines familiales. L’eau de ces piscines n’est pas soumise à une quelconque réglementation, contrairement à l’eau des piscines publiques (ou celle des piscines privées à usage collectif). Toutefois, les utilisateurs emploient nécessairement des produits de traitement pour assurer l’hygiène de l’eau de baignade.
    Compte tenu du nombre actuel des piscines privées estimé à 773 000 (dont 575 000 enterrées et 198 000 hors sol), ces produits représentent un volume et donc des risques loin d’être négligeables.

Les saisines

    1.  La commission de la sécurité des consommateurs (CSC) a été saisie le 10 octobre 2000 (requête no 00-165) par l’association Consommation, Logement et Cadre de Vie (CLCV), de Saint-Nazaire, d’un accident survenu à l’un de ses adhérents, Monsieur L..... Celui-ci avait acheté chez Castorama de Saint-Nazaire, en même temps qu’une piscine, un ensemble de produits de traitement dit KIT REVACIL (fabriqué par MAREVA), comprenant, d’une part, le produit REVACIL, désinfectant de piscine sans chlore, à base de Biguanide en solution à 20 % de polyhexaméthylène biguanide (PHMB) comportant également un parfum et un colorant alimentaire, et, d’autre part, le produit REVATOP, anti-algues et anti-bactéries, constitué d’une solution concentrée à 35 % de peroxyde d’hydrogène (H2O2) renforcée aux peracides et dégageant 134 litres de dioxygène (cf. note 1) (O2) actif par litre de solution.
    Au moment de déballer ses achats, Monsieur L... indique qu’il « ressent des sensations anormales puis de sérieuses brûlures au niveau des mains. Il s’avère que le produit (en bidon) s’était répandu à l’intérieur de l’emballage, d’où l’accident. ».
    
Le certificat médical joint mentionne des « brûlures aux deux mains » et une « incapacité totale de travail », sans que ces constatations, toutefois, soient reliées, par le médecin, à une cause précise.
    2.  La CSC a décidé, à la suite de cette requête, d’examiner l’ensemble des produits destinés aux traitements de l’eau des piscines privées par le consommateur.
    3.  Le 3 avril 2002, l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) a saisi la CSC sur les risques graves « qui peuvent résulter soit de l’humidification des pastilles de chloration lors du stockage, soit du mélange accidentel de telles pastilles avec des produits azotés » (requête no 02-050). Plusieurs sinistres survenus dans des entreprises ont eu pour cause la présence de pastilles chlorées (à base de dichloroisocynurate de sodium) réagissant avec de l’eau ou avec des composés azotés (par exemple ammoniaque ou sel d’ammonium) pour former du trichlorure d’azote (NCl3) : ce gaz forme des mélanges explosifs dans l’air dans des conditions de température et d’humidité ordinaires, même à faible concentration.
    D’après l’INRS, ces risques concernent non seulement les établissements industriels qui fabriquent les produits de traitement, les entreprises de transport ou les commerces et centres de distribution, mais également le grand public, dans la mesure où des produits d’usage courant appartenant à ces familles chimiques lui sont accessibles. C’est sur cette base de la consommation que l’INRS a donc saisi la Consommation.

Les différents produits de traitement chimique de l’eau

    La qualité de l’eau d’une piscine exige à la fois des traitements physiques et des traitements chimiques.
    Pour mémoire, le traitement physique consiste à éliminer toute impureté indésirable présentant une taille suffisante pour être retenue par un système de filtration (tel que sable, diatomées, cartouche filtrante). Ce procédé s’accompagne d’un recyclage régulier de l’eau de la piscine grâce à l’hydraulicité du bassin.
    Le traitement chimique est nécessaire pour assurer de bonnes conditions de baignade : il convient que l’eau soit claire, désinfectée et ne contienne pas d’impuretés (notamment des algues ou des particules de faible taille, telles que les colloïdes). Il existe une grande quantité de produits destinés à répondre aux caractéristiques inhérentes à chaque piscine et qui dépendent de sa taille, du nombre de personnes qui l’utilisent, de la fréquence d’utilisation, etc.
    Par nature, les produits chimiques sont actifs et donc doivent strictement être utilisés selon les modes d’emploi indiqués par les fabricants afin de prévenir toute atteinte à la fois aux personnes, à la piscine elle-même et à l’environnement. La plupart de ces produits sont « classés » (au sens des directives communautaires relatives aux substances dangereuses et aux préparations dangereuses et des textes français correspondants) et portent des pictogrammes de danger (cf. note 2) . Ils constituent donc des facteurs de risque, notamment lors du stockage et de la mise en œuvre. En outre, les quantités à utiliser doivent être strictement mesurées : un excès ou un défaut rendraient l’eau impropre à la baignade (risque chimique ou risque bactériologique).
    Il existe plusieurs familles de produits de traitement destinés à garantir l’hygiène, la conservation et la transparence de l’eau.
    En fonction de leur destination, on peut les classer en :
      anti-algues ;
      correcteurs de pH et anticalcaire ;
      désinfectants :
          produits chlorés et stabilisants de chlore ;
          produits bromés ;
          oxydants ;
      détartrants de surface ou de filtre, ou de ligne d’eau ;
      floculants ;
      produits multifonctions (floculant, anti-algues, désinfectant, stabilisant de chlore...).

1. Anti-algues

    Les substances chimiques sont en général des ammoniums quaternaires tels que : chlorure d’alkylbenzylammonium, chlorure de benzalkonium, chlorure de dodécyldiméthylammonium, chlorure d’alkyldiméthylbenzyl. Ils peuvent être classés « irritants », « nocifs » ou « corrosifs » en fonction de leur concentration.
    Il peut aussi s’agir de polymères cationiques qui ont l’avantage d’être non moussants.

2. Correcteurs de pH et anticalcaire

    Parmi les correcteurs de pH, on trouve des produits contenant de l’hydrogénosulfate de sodium, du bisulfate de sodium, destinés à abaisser le pH, des carbonates ou bicarbonates de sodium destinés à augmenter le pH.
    Les anticalcaire suppriment les inconvénients d’une eau trop dure en maintenant le calcaire sous forme soluble. Substances chimiques : polyacrylate de potassium, acide hydroxyéthylidène bis phosphonique, phosphonate de sodium.
    Ils sont tous classés « irritants », sous forme solide et peuvent être classés « corrosifs » sous forme liquide (provoquent de graves brûlures).

3. Désinfectants
3.1. Produits chlorés et stabilisants de chlore

    Il s’agit du traitement classique de l’eau des piscines. Plusieurs familles chimiques se retrouvent :
      hypochlorite de calcium « comburant » et « dangereux pour l’environnement » ; hypochlorite de sodium ou de lithium « irritant » ou « corrosif » selon la concentration ;
      di ou trichloroisocyanurate de sodium, se présentant sous forme de granulés (pour les di) ou de galets ou pastilles (pour les tri), classé « nocif », « comburant » et parfois « dangereux pour l’environnement ».
    Lorsqu’il s’agit d’un stabilisant de chlore, la substance utilisée est l’acide isocyanurique.

3.2. Produits bromés

    Ces produits, qui peuvent remplacer les produits chlorés précédents, se présentent sous forme de pastille libérant environ 70 % de « brome actif » ou 40 % s’ils sont associés avec des composés chlorés. Ils présentent l’avantage de rester efficaces à pH et température élevés et de ne pas nécessiter de stabilisant.

3.3. Oxydants (« oxygène actif »)

    Il s’agit essentiellement du PHMB (polymère d’hexaméthylène biguanide), tel que le REVACIL objet de la requête ci-dessus. Cette substance est associée avec du peroxyde d’hydrogène.
    Ces produits sont classés « irritants ». Lorsqu’ils contiennent également des peracides (par exemple l’acide peracétique) ils sont classés « corrosifs ».

4. Détartrants

    Ils sont utilisés pour détartrer les bassins, les filtres ou la ligne d’eau : il s’agit alors de produits acides (acide chlorhydrique, acide phosphorique, acide formique, souvent en mélange classé « corrosif »), acide sulfamique classé « irritant ».

5. Floculants

    Ils ont pour objet d’éliminer les particules colloïdales (de très petites tailles) telles que limon, argile, particule métallique, micro-organismes, en les agrégeant en un amas qui sera retenu par le filtre.
    Ils se présentent sous forme solide  ; il s’agit de « cartouche » ou « chaussette » contenant des pastilles à placer dans le « skimmer » (sorte de filtre permettant d’éliminer les dépôts à la surface de l’eau). On en trouve aussi sous forme liquide.
    La substance chimique active peut être du sulfate d’aluminium hydraté, du sulfate double d’aluminium et de potassium polyhydraté.
    Ces produits sont classés « irritants ».

6. Produits multifonctions

    Certaines préparations sont vendues comme assurant simultanément plusieurs fonctions. Par exemple  : désinfection, floculation, clarification, stabilisation du désinfectant, anti-algues, ou encore désinfection, pH moins, anti-algues.
    Signalons enfin qu’il existe d’autres procédés de traitement de l’eau des piscines familiales :
      l’électrolyse de sel : une cellule garnie d’électrode transforme le sel ajouté à l’eau du bassin en hypochlorite de sodium ; ce procédé a l’inconvénient d’élever le pH de l’eau ;
      l’électrolyse cuivre/argent, l’ozone, les ultraviolets : ces trois procédés nécessitant le recours à une énergie électrique sont beaucoup moins répandus pour une utilisation familiale.

L’enquête réalisée par le Laboratoire national d’essais (LNE)

    A la demande de la CSC, le LNE a réalisé un recensement (non exhaustif) des produits destinés au traitement de l’eau des piscines privées proposés sur le marché francilien à la vente ou par correspondance, en s’attachant à leur conditionnement et en relevant les indications portées sur les produits après achat de ceux-ci.
    La recherche a été effectuée entre mi-juillet et mi-août 2001, sur Paris et la région parisienne. Les lieux visités étaient des grands magasins, des grandes surfaces, des magasins spécialisés :
    Aqua Center - Aquasun Center (Paris, 3e) ;
    Aquadouce (Chambourcy, 78) ;
    Aqua Plus (Chambourcy, 78) ;
    Astral (Saint-Denis, 93) ;
    Auchan (Maurepas, 78) ;
    BHV (Paris, 4e) ;
    Bleu Tropical (Maurepas, 78) ;
    Bricomarché (Gif-sur-Yvette, 91) ;
    Carrefour (Rambouillet, 78) ;
    Carrefour (Les Ulis, 91) ;
    Castorama (Vélizy-2, 78) ;
    Cora (Massy, 91) ;
    Euro Piscines (Pacy-sur-Eure, 27) ;
    Ever Blue (Rambouillet, 78) ;
    Idoine Piscines (Paris, 14e) ;
    Jardiland (Corbeil, 91) ;
    Jardiland (Palaiseau, 91), aucun produit trouvé ;
    Jardinerie (Chevreuse, 78) ;
    Jean Desjoyaux (Coignières, 78) ;
    Leclerc (Bois-d’Arcy, 78), aucun produit trouvé ;
    Truffaut (Plaisir, 78).
    Les catalogues de vente par correspondance ont également été consultés :
    La CAMIF ETE 2001 ;
    La Redoute ETE 2001 ;
    Les 3 Suisses ETE 2001.
    Il n’a pas été trouvé de produit de traitement de l’eau des piscines proposé à la vente par correspondance.
    Chaque produit trouvé sur le marché a fait l’objet d’une fiche comportant les informations suivantes :
    Le magasin où le produit a été acheté ;
    Le fabricant ou distributeur du produit ;
    Le nom du produit ;
    La nature du produit (anti-algues, anticalcaire, chlore...) ;
    Le conditionnement du produit (flacon, bidon, bouteille...) ;
    La présence d’un bouchon de sécurité ;
    La contenance de l’emballage ;
    L’état du produit (solide, liquide, bloc...) ;
    La présence de symboles, d’instructions et de marquages apposés sur l’emballage ;
    Et autres remarques pertinentes éventuelles.
    En ce qui concerne particulièrement les bouchons de sécurité, les déficiences peuvent être de deux sortes :
      soit la fermeture à l’épreuve des enfants est trop difficile à mettre en œuvre par des adultes avec le risque que l’utilisateur transvase le produit ou perce le bouchon ;
      soit l’efficacité de la fermeture à l’épreuve des enfants ne perdure pas au-delà d’une ou quelques ouvertures.
    C’est ainsi que le LNE a fait les constatations suivantes :
      produit Carrefour anti-algues SOS : l’ouverture du flacon peut se faire en contournant involontairement la sécurité du bouchon ;
      produit Carré bleu algicide : le conditionnement laisse fuir du produit ;
      produit Arch HTH (chlore) : le bouchon peut faire croire que c’est un bouchon de sécurité mais il n’en a pas la fonction ;
      produit Auchan chlore rapide : le bouchon de sécurité est inefficace après la première ouverture ;
      produit Cora chlore choc : la difficulté d’ouverture du bouchon peut conduire à détruire le système de sécurité ;
      produit Carré bleu chlore rapide : la sécurité du bouchon est inefficace après la première ouverture ;
      produit Euro Piscine pH minus : la sécurité du bouchon est inefficace après la première ouverture ;
      produit Aquasun Center pH moins : la difficulté d’ouverture peut conduire à supprimer la sécurité, laquelle est inefficace après quelques ouvertures ;
      produit Marbella pH minus : la sécurité du bouchon est inefficace après la première ouverture ;
      produit Hydrocure DECALMAG : la sécurité du bouchon est inefficace après quelques ouvertures ;
      produit Détartrant Filtre de GIPSA : le conditionnement laisse fuir du produit ;
      produit Cora chlore multifonctions : la difficulté d’ouverture peut entraîner à détruire la sécurité.
    De ces remarques, on retiendra que :
      les fermetures de sécurité ne sont pas toujours efficaces et appropriées ;
      plusieurs conditionnements ne sont pas étanches ou bien l’emballage est trop fragile, ce qui est grave pour des produits pouvant être « irritants » ou « corrosifs » (cf. le kit REVACIL visé dans la requête de M. L. et ayant conduit à de graves brûlures).
    Les conclusions finales du LNE sont les suivantes :
    « La plupart des produits sont conditionnés dans des emballages en plastique.
    Un grand nombre de produits possède un bouchon de sécurité. Pour certains, les difficultés d’ouverture peuvent faire craindre à une suppression de la sécurité.
    Presque tous les produits trouvés sur le marché possèdent des symboles de danger avec des conseils de prudence et phrases de risque. »

Les risques associés aux produits de traitement
1. Risques liés à la composition des produits

    L’examen des étiquetages des différents produits, tels qu’ils ont été relevés et figurent en annexe du rapport du LNE, montre à l’évidence que la plupart de ceux-ci sont loin d’être inoffensifs. Une majeure partie d’entre eux comporte des pictogrammes de danger (« nocif », « irritant », « comburant », « corrosif », « dangereux pour l’environnement »), des phrases de risque et des conseils de prudence.
    A titre d’exemple, l’étiquette du produit EUROTOP fabriqué par Europiscine comporte les pictogrammes « comburant » et « corrosif » ainsi que les phrases suivantes : « Favorise l’inflammation des matières combustibles. Provoque des brûlures. Conserver sous clé et hors de la portée des enfants. Conserver dans un endroit frais. En cas de contact avec les yeux et la peau, laver immédiatement et abondamment avec de l’eau et consulter un spécialiste. Après contact avec la peau, se laver immédiatement et abondamment avec de l’eau. Porter un vêtement de protection approprié. En cas d’accident ou de malaise, consulter immédiatement un médecin (si possible lui montrer l’étiquette) ».
    
La majorité des produits comporte un étiquetage pertinent et répondant aux obligations réglementaires définies par les directives européennes et les textes français les transcrivant relatifs aux préparations dangereuses (notamment l’arrêté modifié du 21 février 1990). On trouve en général la dénomination précise et la fonction du produit, le mode d’emploi, les phrases de risques et les conseils de prudence, les pictogrammes de danger. Toutefois, la présentation des étiquettes laisse parfois à désirer : les différents types d’information sont mélangés et la lecture n’est pas toujours aisée.

2. Risques liés au mélange des produits

    Il faut enfin faire mention du risque particulier présenté par certains mélanges incompatibles. A ce propos, un article paru dans Travail et sécurité d’avril 2002 rappelle que « la première enquête mettant en jeu le produit utilisé pour le traitement des eaux de piscine dichloroisocyanurate de sodium (DCCNa) est consécutive à une explosion survenue en 1993 dans un centre nautique de la région d’Aquitaine ». Cette explosion avait eu pour cause le fait que le bac recevant le DCCNa avait contenu auparavant de l’hypochlorite de calcium, autre produit de traitement des piscines. L’explosion n’avait fait que des dégâts matériels, l’opérateur ayant quitté le local juste avant. Le mélange détonant des deux produits est pourtant signalé dans les ouvrages spécialisés : il se forme du trichlorure d’azote (NCl3) connu pour ses propriétés explosives.
    Par ailleurs, le même article de Travail et sécurité rappelle la fiche toxicologique de l’INRS relative aux dichloroisocyanurates de sodium et de potassium :
    « En présence d’humidité, d’une petite quantité d’eau ou de sels hydratés susceptibles de libérer de l’eau, les dichloroisocyanurates se décomposent ; il peut se former du chlore et du trichlorure d’azote susceptibles de donner lieu à des explosions spontanées (...). A l’état solide, ces produits sont des comburants puissants susceptibles de s’enflammer ou d’exploser au contact de réducteurs ou de matières combustibles (huile, graisse, sciure,...). Avec des dérivés azotés tels que l’ammoniac et ses sels, les amines, l’urée, ils peuvent former du trichlorure d’azote explosible (...) ».
    Le tableau suivant indique les mélanges de produits à éviter ainsi que les risques d’explosions :


    De ces constatations découlent un certain nombre de mesures de prévention préconisées par l’INRS :
      ne pas utiliser simultanément de produits incompatibles : acide di ou trichloroisocyanurique ou ses sels avec de l’hypochlorite de calcium ou de sodium ;
      éviter de laisser les contenants ouverts en bordure de piscine car des éclaboussures pourraient humidifier les di ou trichloroisocyanurate qui, après fermeture du récipient, donneraient naissance à du trichlorure d’azote ;
      stocker par conséquent les produits dans un endroit frais et sec ;
      n’acheter les produits que par petites quantités pour éviter l’humidification lente de stocks de produits ;
      toujours lire les notices, l’étiquetage informatif et les fiches de données de sécurité à destination des consommateurs.

3. Risques liés à la distribution des produits

    Il est regrettable que tous ces produits soient en libre-service dans les grandes surfaces. Les consommateurs peuvent les manipuler et les ouvrir (au risque même de faire des mélanges dangereux) ; les enfants peuvent les attraper, etc. Dans certains pays, ces produits sont conservés sous clef.

L’audition de la Fédération nationale des constructeurs
d’équipements de sport et de loisir (FNCESEL)

    Le 15 novembre 2001, les représentants de la FNCESEL ainsi que du Syndicat des halogènes et dérivés (producteurs de chlore) ont été entendus par la CSC au sujet des risques présentés pour le consommateur par les produits de traitement destinés aux piscines privées. L’ensemble des participants a reconnu que ces produits présentaient nécessairement un danger et exigeaient une mise en œuvre conforme à des modes d’emploi précis et à respecter impérativement. C’est la raison pour laquelle il a été annoncé, lors de cette réunion, qu’un document était en train d’être finalisé et avait pour titre : Guide d’informations sur les produits de traitement et de désinfection utilisés en piscines familiales. Ce guide, réalisé par le groupe Hygiène Sécurité Environnement de la FNCESEL, en collaboration avec le Syndicat des halogènes et dérivés, est destiné aux professionnels et a pour objet :
    «   de rappeler les réglementations existantes ;
      d’informer l’ensemble des professionnels de la piscine sur la meilleure façon de respecter les obligations et sur les comportements à avoir en cas d’incident ou d’accident ;
      de mettre en évidence les incidents les plus souvent constatés de façon à ce que des mesures préventives soient mises en œuvre ;
      d’inciter les professionnels à informer leurs clients, notamment les propriétaires de piscines familiales, sur les règles à respecter lors de la manipulation, du stockage, de la mise en œuvre des produits ainsi que de la gestion des déchets. »
    Ce document a été présenté officiellement le 6 juin 2002. Très détaillé quant aux différents produits de traitement de l’eau et aux risques propres à chacun, il donne aux professionnels des conseils de mise en œuvre et les incite à les répercuter aux particuliers, notamment par le biais d’une fiche modèle « Conseils d’utilisation des produits pour piscine ». La fiche sur le « traitement et désinfection des piscines privées avec des produits chlorés » réalisée par le syndicat des halogènes en partenariat avec des associations de consommateurs et la CSC, et déjà disponible depuis environ deux ans, est également recommandée.

Quelques exemples d’accidents
1.  Centre antipoison de Marseille
A.  -  Enquête réalisée en 1994

    Une étude sur les incidents et accidents liés à l’emploi des produits pour piscine a été réalisée à la demande de la CSC par le centre antipoisons (CAP) de Marseille. Cette étude, bien que déjà ancienne (période janvier à juillet 1994), a le mérite de donner une idée des catégories de produits les plus à risque ainsi que de la fréquence et de la gravité des accidents.
    Sur 18 638 dossiers établis pendant les sept mois précités au CAP de Marseille, seuls 145 concernent des produits pour piscine, soit environ 2 dossiers tous les trois jours ; toutefois, si l’on prend en compte le phénomène saisonnier de l’utilisation de la piscine, on relève par exemple 2 dossiers par jour pour le mois de juillet.
    Sur les 145 dossiers, 115 cas cliniques sont répertoriés, le reste étant constitué de simple demande de renseignements.
    Parmi les produits impliqués, 2 classes arrivent largement en tête :
      les produits à base de chlore destinés à la stérilisation et essentiellement les comprimés ou galets à base d’acide di ou trichloroisocyanurique ;
      les algicides à base d’ammoniums quaternaires « particulièrement redoutés des médecins répondeurs du CAP de Marseille ».
    Parmi les sujets intoxiqués, on relève une nette prédominance de victimes du sexe masculin de plus de quinze ans.
    En ce qui concerne les circonstances d’accidents, il est à remarquer qu’aucune tentative de suicide n’a été signalée avec ce type de produit (une ingestion volontaire pourrait avoir des conséquences gravissimes). Trois cas principaux peuvent être distingués :
      l’ingestion : c’est le cas soit de l’absorption accidentelle d’un liquide dans lequel a été dissout du « chlore » (galets, etc.), soit de l’absorption d’un liquide alimentaire se trouvant dans un récipient ayant contenu un produit pour piscine, soit de l’ingestion d’un produit liquide pur. Ce dernier cas est illustré par une fillette de deux ans ayant bu au goulot d’un flacon d’anti-algues ; le CAP, contacté 30 minutes plus tard, a constaté, après une fibroscopie œsophagienne, l’existence de lésions caustiques du haut œsophage et du cardia ; une deuxième fibroscopie pratiquée sept jours plus tard a montré une amélioration notable (érythème cardial sans sténose significative).
            Un cas voisin des produits bus concerne les produits croqués, sucés ou léchés. Ce cas est illustré par celui d’un chien de deux ans ayant croqué et ingéré trois pastilles de chlore : le CAP de Marseille n’a été contacté que six jours après par le vétérinaire et, malgré un traitement symptomatique comportant corticoïdes et lavage régulier de la gueule, le chien décédera le 14e jour ;
      les contacts cutanéo-muqueux : dans cette catégorie, le risque essentiel est celui des projections au niveau de l’œil, notamment dans deux cas de figure : lors de la chute du récipient contenant le produit, lors de la préparation du produit avant traitement de la piscine. Les conséquences peuvent parfois être graves, exemple d’un homme de cinquante et un ans ayant reçu une projection d’algicide dans les yeux : malgré une intervention rapide et le recours à un ophtalmologue, le sujet ne guérira de ses lésions caustiques cornéennes qu’au bout de trois semaines de traitement ;
      les inhalations : cette circonstance représente plus de 50 % de l’ensemble de dossiers cliniques. Elle survient lors de l’ouverture des récipients contenant des produits chlorés. En général, la pièce où se fait cette ouverture est :
            -  petite ;
            -  mal ventilée ;
            -  à température élevée.
    Dans ce type de circonstance, « les conséquences ont été rarement graves, elles ont souvent été suivies d’une intervention médicale, voire d’une hospitalisation, parfois même par SAMU, en particulier à cause de l’apparition de troubles respiratoires importants, et même de crises d’asthme sévères ».
    On peut résumer l’enquête réalisée par le CAP de Marseille de la façon suivante :

Classes d’utilisation des produits en cause

    Produits de stérilisation : 81.
    Produits algicides : 41.
    Produits pour vérifier pH : 12.
    Produits antiguêpes : 4.
    Produit floculant : 1.
    Divers : 6.
      décapants : 1 ;
      peintures : 2 ;
      thermomètres : 3.

Sujets en cause

    Animaux : 4 dossiers (4 chiens).
    Etres humains : 111 dossiers (119 individus).
    Sexe :
      féminin : 47 ;
      masculin : 71 ;
      inconnu : 1.
    Ages :
    0 à 11 mois : 4.
    12 à 35 mois : 22.
    36 mois à 7 ans : 18.
    7 à 15 ans : 13.
    Plus de 15 ans : 57.
    Inconnu : 3.

Circonstances des intoxications

    Ingestions accidentelles :
      produit bu : 7 ;
      produit croqué : 12.
    Contact cutané :
      curiosité : 5 ;
      projections : 10 ;
      baignades : 12.
    Inhalation :
      ouverture de boîtes : 21 ;
      préparation : 14 ;
      nettoyage piscines : 6 ;
      divers : 13.
    Professionnelles : 9.
    Inconnues : 6.

Symptomatologie

    Une symptomatologie existe dans 98 dossiers sur 115, soit dans 85 % des cas.
    Atteinte des phanères : 4.
    Signes neurosensoriels : 6.
    Signes digestifs : 6.
    Signes cutanés : 13.
    Atteinte sphère ORL : 10.
    Signes oculaires : 18.
    Signes respiratoires : 40.

Evolutions

    Sur les 115 dossiers cliniques : 23 fois l’évolution n’a pas été demandée, vu le peu d’intérêt du cas ; pour tous les autres cas, une demande a été faite (seules 43 réponses ont été reçues).
    Parmi les 43 évolutions connues, il faut signaler :
      un décès chez un chien ;
      des lésions caustiques graves chez une petite fille ;
      une atteinte cornéenne, ayant nécessité 21 jours de traitement.
    Pour finir, le CAP de Marseille estime que, en matière d’étiquetage :
    «   celui-ci devrait être revu en particulier pour les dérivés de l’acide di ou trichloroisocyanurique ;
      les présentations pour les mêmes catégories de produit devraient être améliorées ;
      le client devrait au moment de l’achat, recevoir une information orale de la part de vendeur qualifié en particulier bien au fait du mode d’utilisation et des risques liés à la manipulation ».

    En ce qui concerne les deux premières demandes ci-dessus, la CSC a constaté que, à quelques exceptions près, les étiquetages des produits pour piscine avaient été largement améliorés depuis quelques années (ceci est notamment vérifié par comparaison entre le rapport du LNE précité datant du 5 juillet 2001 et un rapport similaire plus ancien datant du 4 avril 1995).
    Quant à la troisième demande, il est remarquable que le guide professionnel de la FNCESEL et du SHD déjà cité prévoit cette information du professionnel vis-à-vis de l’utilisateur.

B.  -  Données de 2000

    Cette étude sur les incidents liés à l’emploi des produits pour piscines, réalisée également à la demande de la CSC, a été effectuée à partir de l’ensemble des dossiers établis par le CAP de Marseille au cours de l’année 2000. En fait, ont été pris en compte tous les dossiers pour lesquels une piscine pouvait être en cause, donc tant les produits que les conditions de baignade.
    29 167 dossiers ont été passés en revue pour en extraire les 176 dossiers concernant les piscines.

I.  -  GÉNÉRALITÉS
1.  Nombre

    176 dossiers ont été retrouvés sur un total de 29 167, soit une fréquence moyenne d’un dossier tous les deux jours.
    Cependant, ce sont bien entendu les mois d’été qui foisonnent en dossiers (cf. répartition mensuelle).

2.  Nature des demandes (176)

    Ont été distingués les dossiers avec victimes des dossiers sans victime.
    a)  Pas de victime (28) ;
    Trois sous-groupes peuvent être distingués :
    Demandes de composition (10) : elles proviennent pour moitié de centres antipoison, et pour moitié du public :
    Centres antipoison humains : 3 dossiers (dont un centre antipoison étranger) ;
    Centre antipoison vétérinaire : 2 dossiers ;
    Famille : 3 ;
    Médecin, paramédicaux : 2.
    Bien entendu, seuls les centres antipoison ont accès aux compositions.
    Demandes sur la possibilité d’un danger (13) :
      lors d’une baignade dans une piscine traitée (9) : souvent « après » un surdosage, mais parfois en préventif (« risque pour une femme enceinte de se baigner dans une piscine traitée par... ») ;
      danger d’un produit (4) : par exemple : « Y a-t-il risque d’intoxication cyanhydrique avec les galets de chlore... ? »
    Demandes diverses (5) :
      demande sur le mode d’emploi (3) : en effet, le numéro de téléphone du CAP de Marseille figure sur les emballages... ;
      demande d’identification (2) : par deux fois, le centre antipoison de Marseille a été contacté pour des comprimés « retrouvés » dans la chambre d’un adolescent ; il s’agissait dans les deux cas de phénol-red.
    b)  Cas cliniques (148) ;
    148 dossiers ont été retrouvés (147 retenus), correspondant à 206 victimes. Ils seront développés plus loin.
    

3.  Répartition mensuelle

Janvier Février Mars Avril Mai Juin Juillet Août Septembre Octobre Novembre Décembre
1 1 8 12 25 33 41 34 11 6 2 2

Il.  -  INTOXICATIONS (147)

    A été écarté un dossier concernant un animal : depuis le décret de 1996 sur les centres antipoison, le centre de Marseille ne répond plus aux demandes concernant les animaux, mais oriente les appeleurs sur un centre antipoison vétérinaire (le décret de 1996 précise que les centres antipoison doivent répondre aux demandes concernant « les intoxications humaines »).
    Dans le dossier écarté, nous avions répondu à la demande expresse du centre antipoison vétérinaire.

1.  Produits (147)

    Cinq classes ont été différenciées, plus, comme nous l’avons précisé plus haut, les « baignades ».
    a)  Produits de stérilisation (84) :
    Ils viennent largement en tête (près de 2/3 des dossiers) et sont surtout nombreux en été.
    b)  Eaux de piscine/ambiance (28) :
    Cette catégorie n’avait pas été différenciée en 1994 ; y sont regroupées indifféremment piscines publiques et privées.
    Les appeleurs sont le plus souvent des familles, qui ne connaissent pas le type exact de produit en cause.
    Dans un cas, il s’agissait de l’intoxication collective « d’une cinquantaine de personnes ».
    c)  Algicides (12) :
    Contact cutané (2), emballages portés à la bouche (3) voire utilisés pour contenir des boissons (2) -, ou projections oculaires (5) n’ont eu aucune conséquence grave.
    d)  Produits pour le contrôle du pH (11) :
    Deux sous-catégories :
      pour vérification du pH (3) ;
      pour modification du pH (8),
dont il sera reparlé plus loin.
    e)  Vespicides (5) :
    Les produits antiguêpes, particulièrement craints au CAP de Marseille, n’ont heureusement été en cause que rarement et sans conséquence grave.
    f)  Autres produits (7) :
    Floculants (2) ;
    Multi-usages (2) ;
    Divers (3) (colle, détergent, acétone).

2.  Sujets

    Ont été recensé 206 « victimes » pour 147 dossiers.
    En fait, seuls 146 dossiers ont été retenus, le dossier exclu concernant la cinquantaine de personnes exposées dans une piscine publique.
    Les 156 victimes restantes se répartissent alors ainsi :
    Adultes 76 (F. 26 M. 50) ;
    Enfants 80 (F. 34 M. 44 I ? 2).
    Comme habituellement chez l’enfant, c’est la tranche d’âge 1-3 ans qui prédomine (34 sujets sur 80).

3.  Circonstances

    Comme dans le rapport de 1994, la principale circonstance est l’ouverture d’emballage des produits de stérilisation, suivie du contact buccal (ou de l’ingestion) des divers types.
    Viennent ensuite les projections, lors du versement des liquides, avec en particulier atteinte oculaire.
    Les mélanges sont très rares.

III.  -  CAS CLINIQUES
1.  Symptomatologie

    Globalement, une symptomatologie existe dans 78 % des cas.
    Une étude plus fine des dossiers permet cependant de préciser :
      que 100 % des projections oculaires sont à l’origine d’une symptomatologie ;
      que près de 90 % des circonstances « inhalation » sont à l’origine d’une symptomatologie pulmonaire ;
      qu’il existe encore des colorations bleu verdâtre que prennent les cheveux blonds, au grand dam de leurs propriétaires... ;
      qu’il n’y a pas eu de lésion caustique digestive.

2.  Evolution.    Gravité

    Preuve de la faible gravité globale, seuls 30 % des dossiers ont eu une demande d’évolution (47/176). 31 réponses ont été obtenues. Dans tous les cas, la guérison a été de règle dans les 24 heures.

3.  Remarques

    a)  Produits et voies de pénétration ou de contact :
    On peut noter que :
    Chez l’enfant : la voie principale est digestive, puis pulmonaire.
    Chez l’adulte :
vient en premier la voie pulmonaire liée au geste d’ouvrir les emballages sans précaution , suivie de la voie oculaire.
    Dans certains cas, il peut y avoir plusieurs voies pour un seul produit. L’intoxication professionnelle est très rare (3, dont une exposition chronique).
    b)  Produits et symptomatologie :
    On peut noter que :
    Chez l’enfant : le contact buccal-voie digestive est la circonstance la plus fréquente, avec, cette année, aucune conséquence grave.
    Les cas d’inhalation lors d’ouverture d’emballage de produit de stérilisation sont le fait de sujets âgés de dix à quinze ans.
    Chez l’adulte : produits de stérilisation, voie et symptomatologie pulmonaires sont encore en tête en valeur absolue ; ainsi, pour 42 cas d’exposition pulmonaire, 38 fois existe une symptomatologie pulmonaire, soit plus de 9 fois sur 10.
    Toutefois, nous aimerions insister plus particulièrement sur deux points qui ont retenu notre attention :
    La projection oculaire :
    Pour 6 appels sur un modificateur de pH : 6 dossiers, 6 projections, avec chaque fois symptomatologie : Y aurait-il un problème dans la présentation, dans le mode d’utilisation, dans les conseils à l’utilisateur ?
    Le contact cutané :
    Accompagné de symptomatologie locale, lors de l’emploi de produits de stérilisation à base de péroxyde d’hydrogène : Même question !
    c)  
Produits et composition :
    Dans la plupart des cas, le CAP de Marseille possédait la composition des produits en cause.
    Pour autant que nous ayons pu en juger au vu des dossiers, il a été nécessaire de contacter le fabricant une dizaine de fois seulement (sur 176 dossiers). Et, en général, les compositions ont pu être obtenues rapidement.

IV.  -  CONCLUSIONS

    Comme en 1994, la majorité des dossiers concerne l’inhalation de produits de stérilisation lors de l’ouverture de leur emballage.
    Par contre, aucun dossier grave n’a été relevé au cours de l’année 2000, tant pour les algicides que les vespicides.
    Enfin, s’il faut bien sûr revoir les conseils d’utilisation notés sur les emballages de produits de stérilisation, peut-être faudrait-il en faire de même pour les modificateurs de pH et les produits à base de péroxyde d’hydrogène.
    Ce bilan semble toutefois plus rassurant en terme de gravité.

    2.  Centre antipoison de Lille

    A la demande de la commission, le centre antipoison de Lille a bien voulu rechercher dans sa base de données les cas d’intoxication liés à l’utilisation de produits pour piscine. De 1995 à 2002, 5 cas ont été relevés, mais l’un d’eux était en fait un accident du travail dans une piscine collective et ne doit donc pas être retenu ici. Le faible nombre de cas est explicable dans la mesure où la région de Nord - Pas-de-Calais est peu équipée en piscines privées.
    Parmi les 4 cas concernant des particuliers, 2 sont des ingestions accidentelles de produit par un adulte et par un enfant de cinq ans, les 2 autres étant des troubles des yeux, chez des adultes, consécutifs à une baignade dans une eau tout juste traitée par un bactéricide. Le tableau ci-dessous résume les circonstances et les conséquences de ces accidents.
    Il faut noter que la gravité était faible dans 3 cas et modérée dans le quatrième.
    Enfin, pour les produits Hydrocure d’ELF-ATOCHEM et Bacti T de SEDIP, les compositions n’étaient pas disponibles au moment de l’appel d’urgence.
    

PRODUITS CIRCONSTANCES DE SURVENUE GRAVITÉ ÉVOLUTION COMPOSITION CONNUE
Baquacil, bactéricide, société ELF-ATOCHEM. 1er cas :
Adulte 19 ans.
Accident domestique.
Baignade dans piscine tout juste traitée.
Juin 1998.
Conjonctivite.
Gravité : faible.
Guérison sans séquelle. Oui (CAP de Lille) disponible au moment de l’appel.
  2e cas :
Adulte.
Accident domestique.
Baignade dans piscine tout juste traitée.
Juillet 1998.
Hyperhémie conjonctivale.
Gravité : faible.
Guérison sans séquelle.
Hydrocure, bactéricide, société ELF-ATOCHEM. Enfant 5 ans.
Ingestion accidentelle domestique.
A bu une gorgée du contenu d’un diffuseur de piscine.
Juillet 1999.
Irritation ORL.
Gravité : faible.
Guérison sans séquelle. Non disponible au moment de l’appel, obtenue par téléphone auprès du CAP de Toulouse le jour même.
Bacti T, algicide, société SEDIP. Adulte.
Ingestion accidentelle domestique.
Octobre 1998.
Lésion du voile du palais.
Œsophagite stade I.
Gravité : modérée.
Guérison sans séquelle. Non disponible au moment de l’appel, obtenue par fax auprès du fabricant le jour même.

L’information du consommateur

    Les produits de traitement de l’eau des piscines sont soumis à l’arrêté du 21 février 1990 modifié définissant les critères de classification et les conditions d’étiquetage et d’emballage des préparations dangereuses, arrêté qui a transcrit en droit français les directives européennes correspondantes.

1.  Description de l’étiquette

    La première source d’information sur les produits de traitement des eaux de piscine est l’étiquette.
    Une étiquette doit comporter :
      la dénomination précise du produit ;
      les coordonnées (y compris téléphoniques) du responsable de la mise sur le marché ;
      les phrases de risques (R...) et conseils de prudence (S...) correspondants aux substances dangereuses contenues dans la préparation en fonction de leur concentration ;
      l’indication du composé nécessitant les pictogrammes de dangers nécessaires ;
      les pictogrammes prévus par l’arrêté ;
      la masse ou le volume du contenu ;
      le mode d’emploi et conseils d’utilisation ;
      des indications complémentaires, telles que le code emballeur, le sigle ECOEMBALLAGE.
    Cet étiquetage est souvent réalisé en plusieurs langues.
    D’après l’étude réalisée par le LNE, les étiquettes de produits de traitement de l’eau sont réalisées de façon conforme à la réglementation. Toutefois, certaines étiquettes utilisent des caractères d’imprimerie qui sont difficilement lisibles, notamment pour des personnes n’ayant pas toujours une excellente vue.

2.  Mentions complémentaires volontaires

    La plupart des étiquettes portent une mention indiquant que la formule du produit a été déposée au CAP, ainsi que les numéros de téléphone des principaux CAP (notamment ceux du sud de la France). Certains fabricants indiquent de façon assez précise les périodes d’emploi des produits de traitement (matin, soir, fréquence d’utilisation, caractéristiques physico-chimiques de l’eau permettant de décider du traitement à réaliser et de la dose, etc.). Il est parfois indiqué également si l’introduction du produit de traitement nécessite une interruption de la présence des baigneurs, et pendant quelle durée.
    Quelques fabricants, peu nombreux, rajoutent sur l’étiquette des informations non obligatoires destinées à améliorer la sécurité générale des utilisateurs de piscine. Par exemple, on peut trouver :
    « Ne pas laisser des enfants sans surveillance au bord d’une piscine, quelle que soit sa profondeur. Penser à recouvrir la piscine d’une bâche dès que personne ne se baigne. »
    
La première phrase est tout à fait recommandable. En ce qui concerne la seconde, elle semble moins pertinente compte tenu du fait qu’une bâche ne constitue pas une protection suffisante pour un enfant en bas âge (cf. avis précédent de la CSC).
    Autre formulation :
    « Ne laissez pas un enfant seul près d’une pièce d’eau ou d’une piscine gonflable même peu profonde. Attention aux noyades, installez des dispositifs de sécurité autour des piscines privées. Ne courez pas autour d’une piscine, ne laissez pas les enfants et les animaux jouer sur la couverture d’hivernage. Eloignez tout appareil électrique de la proximité d’une piscine (risque d’électrocution). »

3.  Informations relatives aux dangers
des mélanges de produits

    Soulignons aussi le fait que quelques étiquettes portent une mention proscrivant les mélanges de produits de différentes catégories. Il est regrettable que ce conseil ne soit pas systématique compte tenu des risques évoqués précédemment. A titre d’exemple, la FNCESEL et le SHD indiquent que les produits chimiques incompatibles avec les isocyanurates et l’hypochlorite de calcium sont les suivants (liste non exhaustive) :
      acides et bases fortes ;
      peintures, huiles, graisses ;
      glycérine ;
      produits pétroliers (essence, kérosène) ;
      éthers ;
      ammoniaque et sels d’ammoniaque ;
      ammoniums quaternaires (à la base de nombreux algicides) ;
      solvants (toluène, xylène) ;
      alcools (méthanol, éthanol) ;
      composés aliphatiques et aromatiques insaturés ;
      peroxydes ;
      agents réducteurs (sulfures, sulfites, bisulfites, thiosulfates, nitrates) ;
      produits ménagers en général.

4.  La protection de l’environnement

    Il a déjà été indiqué que plusieurs catégories de produits exigeaient le pictogramme « dangereux pour l’environnement ». Cela se traduit également sur l’étiquette par les conseils de sécurité S60 « Eliminer le produit et son récipient comme un déchet dangereux » et S61 « Eviter le rejet dans l’environnement. Consulter les instructions spéciales sur la fiche de données de sécurité ».
    Ces consignes impliquent pour le consommateur :
      l’interdiction de déverser ces produits dans les conduits habituels d’écoulement d’eau, dans les cours d’eau ou dans la nature en général ;
      l’interdiction de mélanger ces produits avec les déchets ménagers ;
      l’obligation de se débarrasser de ces produits dans le cadre des collectes sélectives des déchets toxiques en quantités dispersées. Dans les communes où il n’y a pas de collecte spécifique, les produits doivent être apportés à la déchèterie la plus proche.
    Des consignes particulières sont à respecter en cas de déversement accidentel de produit, ainsi que pour la vidange des piscines contenant des produits actifs. Le détail de toutes ces consignes figure dans le guide FNCESEL/SHD joint en annexe. Ce guide prévoit qu’une fiche de « conseils d’utilisation des produits de piscine » sera distribuée aux consommateurs par les professionnels.

5.  La fiche de données de sécurité

    Cette fiche est destinée, en premier lieu, aux professionnels. Elle est obligatoire pour tous les produits dangereux. C’est une fiche qui comporte 16 rubriques réparties en 6 catégories :
      information générale ;
      utilisation ;
      transport ;
      dangers ;
      élimination ;
      situations d’urgence.
    Le professionnel, dans le cadre de son obligation d’information, doit la remettre à toute personne qui en fait la demande.

6.  Les « fiches conseils »

    Indépendamment de la fiche de « conseils d’utilisation des produits de piscine » déjà citée, le consommateur peut également obtenir les fiches réalisées en partenariat par 9 associations nationales de consommateurs et le syndicat des halogènes, avec le concours de la CSC, notamment celle relative aux « traitement et désinfection des piscines privées » et celle relative aux « pictogrammes de danger ».

L’audition de la société M...
par la commission plenière

    Le président-directeur général de cette société, M. L..., a demandé à être entendu en plénière et a fait deux types de remarques :
      sur la requête initiale, il fait remarquer que le produit en cause présentait un bouchon de sécurité enfant ainsi qu’une bague d’inviolabilité ; les fuites constatées pourraient être dues à des microtrous et le contact avec le produit (peroxyde d’hydrogène) entraîne des traces blanches ainsi que des picotements qui disparaissent après rinçage à l’eau en une demi-heure environ. Les brûlures signalées par l’Association de consommateurs ne lui paraissent pas pouvoir être reliées à ce produit ; d’ailleurs, les fiches de données de sécurité d’air liquide sur la préparation ne permettent pas d’expliquer les brûlures constatées chez le requérant ;
      M. L... trouve dangereux que les produits pour piscines (ainsi d’ailleurs que d’autres produits chimiques à diverses destinations) soient en libre-service tant dans les grandes surfaces alimentaires que dans les grandes surfaces de bricolage. Les mélanges possibles de certaines préparations peuvent conduire à des intoxications ou des explosions, et ce avec un effet retard : il cite 4 exemples de mélanges très faciles à réaliser et qui conduiraient rapidement dans une grande surface à des dégâts plus ou moins importants et en tout cas à une panique. Il signale que dans certains pays (Allemagne, certains Etats des Etats-Unis, Suisse), ces produits ne sont pas en libre distribution et sont même gardés dans des armoires fermées à clef.
                    Emet l’avis suivant :
    Plusieurs améliorations sont demandées par la CSC :

1.  Aux fabricants

    Améliorer la présentation de l’étiquetage (lisibilité, disposition des rubriques, couleurs, etc.).
    Faire figurer sur l’étiquette l’interdiction absolue de tout mélange de ces produits de traitement de piscine, entre eux ou avec d’autres produits chimiques pouvant être présents à la maison ou dans les ateliers ou garages des bricoleurs.
    Faire figurer sur l’étiquette les périodes d’utilisation des produits et indiquer si les traitements de l’eau autorisent ou interdisent la fréquentation par les baigneurs (pendant quelle durée).
    Améliorer les fermetures à l’épreuve des enfants.
    Augmenter la résistance des emballages de façon qu’aucune fuite d’un produit classé nocif, corrosif ou dangereux pour l’environnement ne soit possible, par suite d’un choc ou d’un renversement, notamment pendant le transport.

2.  Aux installateurs de piscines

    Assurer une information systématique de l’acheteur, notamment en ce qui concerne le stockage des produits, leur mise en œuvre et leur élimination. En ce qui concerne plus précisément le stockage, l’utilisateur doit être informé du danger de stocker les produits dans un environnement humide et chaud (attention aux abris de jardin pouvant atteindre l’été 40 oC ou au-delà).
    Indiquer à l’utilisateur la façon de contrôler que l’eau de piscine répond aux critères physico-chimiques exigés par l’hygiène et la sécurité ; l’informer sur la bonne utilisation des « kits » de contrôle de la qualité de l’eau.
    Remettre systématiquement à l’acheteur une fiche produit.

3.  Aux distributeurs de produits
de traitement de l’eau

    Dans l’attente d’une réflexion sur les règles de distribution de ces produits, il conviendrait dès maintenant d’améliorer la présentation des produits et notamment :
      veiller à la séparation des différentes classes de produits ;
      ne pas placer côte à côte des catégories de produits susceptibles de conduire à des mélanges dangereux ;
      ne pas placer ces produits à hauteur d’enfants en bas âge ;
      assurer autant que possible une surveillance permanente de ces rayons (vidéosurveillance ou présence d’un responsable de rayon) de façon à empêcher le public d’ouvrir et de manipuler les différents produits ;
      remettre systématiquement à l’acheteur une fiche produit ou l’afficher sur le point de vente.

4.  Aux consommateurs

    Attirer leur attention sur la nécessité de :
      lire toujours les étiquettes ou les notices ;
      exiger les fiches conseils et, le cas échéant, les fiches de données de sécurité ;
      assurer un stockage correct (absence d’humidité, température modérée, séparation des différentes familles de produits, etc.) ;
      ne jamais mélanger les produits ;
      contrôler régulièrement la qualité de l’eau (au moyen des « kits ») afin de ne pas sous-utiliser ou surutiliser les produits de traitement ;
      respecter l’environnement (attention aux rejets et à l’élimination des déchets) ;
      s’informer sur « quoi faire en cas d’accident » (appel des centres antipoison, premiers gestes, etc.).

5.  Aux pouvoirs publics

    Contrôler ces produits sur les lieux de vente : la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) notamment pourra, lors de ses contrôles, s’inspirer du rapport LNE, ainsi que l’a suggéré la sous-directrice de la protection du consommateur.
    Examiner la faisabilité d’une normalisation sur les règles de distribution des préparations dangereuses.
    Pour sa part, la Commission se saisira d’office de l’amélioration des règles de distribution des différentes catégories de produits chimiques dangereux se trouvant à disposition des consommateurs.
    Adopté au cours de la séance du 3 juillet 2002, sur le rapport de Dominique Auzou, assisté de Jacques Bedouin, conseiller technique de la commission, conformément à l’article R. 224-4 du code de la consommation.
    

A N N E X E


NOTE (S) :

(1) Rappelons que la nomenclature officielle (IUPAC) nomme oxygène, chlore, azote, hydrogène... les 3atomes, alors que les noms des 3molécules constituées à partir de ces atomes portent un préfixe grec indiquant le nombre d’atomes entrant dans ces molécules : dioxygène (O2), trioxygène (O3) (encore appelé ozone), dichlore (Cl2), diazote (N2), dihydrogène (H2)...

(2) Voir en annexe les différents pictogrammes et leur signification.

 

© Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie - DGCCRF - 29 octobre 2002