
Né en 1857 et mort assassiné le 7 mai 1932, Paul Doumer exerce au cours de sa carrière politique les mandats de député de l’Aisne (1888-1889 et 1902-1910), de l’Yonne (1891-1896) et de sénateur de Corse (1912-1931). Il est élu Président de la République en 1931.
Egalement ministre des Finances à trois reprises (1895-1896, 1921-1922, 1925-1926), son action porte tout d’abord sur la réforme de l’impôt foncier et sur un projet d’impôt progressif sur le revenu, qui est finalement repoussé. Dans les années 1920, il est à l’origine de lois portant sur le statut juridique des sociétés coopératives de reconstruction et les modalités d’indemnisation des dommages de guerre mobiliers. Pour protéger l’industrie, sinistrée après la Première Guerre mondiale, il relève le tarif des douanes à l’import et initie une réforme du système fiscal avec la création d’un comité consultatif des impôts et revenus publics. En 1921 Paul Doumer met en place une importante réforme de structures du ministère qui scinde la trésorerie et poste aux armées en deux services distincts.
Le SAEF conserve la correspondance adressée au ministre en 1921 par des parlementaires et particuliers. Au détour d’une lettre, on rencontre des correspondants parfois lointains, comme ce membre de la Chambre des représentants de l’Illinois (Etats-Unis) qui, dans un courrier daté du 27 janvier 1921, fait part de suggestions au sujet de la politique menée par la France pour obtenir les réparations et les garanties que lui reconnaît le Traité de Versailles.
Traduction :
Petersburg, Ill. USA, 27 janvier 1921
A l’honorable Paul Doumer, [Secrétaire] des finances de la France.Paris, France.
Mon cher et honorable Monsieur : vous êtes, bien sûr, extrêmement intéressé par les finances de la France. Comment la France peut-elle remplir ses obligations à moins que les termes d’indemnisation du Traité de Versailles ne soient imposés ? Laissez l’Allemagne payer entièrement la note. Lloyd George ne doit pas imposer la collecte des dettes allemandes à la France. La France doit le faire elle-même. Elle doit obtenir chaque sou que l’Allemagne lui doit. La dette que la France détient maintenant sur l’Allemagne doit être maintenue en proportion pour que la France [mot illisible] dans l’application de l’indemnisation. Si ce n’est pas dans cette proportion, l’Allemagne va devenir plus forte, insolente et fanfaronne. Elle n’a aucune honte ni sens de la propriété. L’Allemagne, dans le cours des évènements humains, a pu montrer son inhumanité par un continuel processus de « bascule » qui ne s’arrête jamais. Le prix de la liberté française est son éternelle vigilance. La France doit garder l’Allemagne au minimum irréductible, ou sinon elle se relèvera et attaquera la France à nouveau. Il est préférable de garder l’Allemagne diminuée plutôt que d’avoir à la combattre de nouveau. Sécurité, réparations, désarmement, [mot illisible] ils sont entre les mains de la France maintenant. Si la France a aujourd’hui des scrupules à forcer l’Allemagne à faire des « briques sans paille », combien de temps faudra-t-il avant que votre « douceur » ne se trouve sous le pied allemand ? Le Premier ministre Lloyd George ne peut rien imposer à la France maintenant, il a ses propres problèmes. Wilson est hors-jeu. Le peuple américain souhaite maintenant à la France de faire au mieux pour sa sécurité. Le traité de sécurité anglo-américain ne s’est pas concrétisé. Est-ce que la France ne va pas se défendre elle-même ? « Sa propre préservation est la première loi de la Nature ». A moins que les termes du Traité de Versailles ne soient suivis à la lettre, la France va perdre son destin. Sécurité, réparations, désarmement et indemnisation. Sans tout cela la France va manquer son destin.
Très sincèrement vôtre, James H. Kirby