Le document du mois

Le Service des archives économiques et financières présente chaque mois un document d’archives choisi parmi les fonds qu'il conserve. C'est l'occasion de mettre en lumière un document historique, insolite, représentatif des missions ministérielles ou bien encore pour son caractère esthétique. Cette présentation entend élargir le champ habituel des recherches, en montrant la diversité des fonds conservés par le SAEF. Un rendez-vous à ne pas manquer.

Courrier adressé au syndic de la compagnie des agents de change le 27 septembre 1960
SAEF, B-0067684 (fonds de la Compagnie des agents de change)

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Octobre 2024

Dans les coulisses de la Bourse.

La Bourse de Paris naît officiellement le 24 septembre 1724. Y sont alors admis les négociants, marchands, banquiers et agents de change de sexe masculin mais non, « pour quelque cause ou prétexte que ce soit », les femmes, accusées d’avoir activement participé aux émeutes ayant suivi l’effondrement du système spéculatif de Law en 1720.

L’arrêté consulaire du 27 prairial an X (16 juin 1802) met expressément fin à cette prohibition en admettant à la Bourse tous les citoyens. Cependant, cette interdiction perdure implicitement puisque les femmes, si elles jouissent des droits civils et peuvent être marchandes publiques, ne bénéficient pas encore de ce statut.

Une exception à cette exclusion des femmes a néanmoins été la « coulisse », bourse officieuse qui se tient à partir des années 1880 sur les marches de la Bourse, les grands boulevards, des salles de cafés ou dans le hall de certains établissements bancaires. Des courtiers particuliers, les coulissiers, qui prendront ensuite l’appellation de courtiers en valeurs mobilières, s’y retrouvent pour négocier des titres et contribuent à animer le marché financier. Quoi que peu nombreuses, les femmes sont toutefois admises dans ces assemblées informelles.

Après l’acquisition de leurs pleins droits politiques le 21 avril 1944, plus rien, si ce n’est le poids de la tradition, ne s’oppose donc légalement à ce qu’elles entrent à la Bourse.

Une professeure d’enseignement commercial en fait d’ailleurs l’amère expérience, relatée dans une lettre en septembre 1960 : deux huissiers lui rappellent que les femmes sont interdites durant les séances de cotation et la reconduisent à la porte du palais Brongniart.

D’autres connaîtront la même mésaventure au cours des années suivantes et dans la réponse qu’il apporte à chaque fois, le Président du syndic de la Compagnie des agents de change mentionne le souhait de ne pas heurter la sensibilité des femmes et, surtout, « des considérations d’ordre pratique relatives au maintien de l’ordre et aux bonnes mœurs » !

Ce n’est finalement qu’en avril 1967, deux ans après l’accession des femmes à une pleine capacité juridique, que le préfet de Police de Paris donne définitivement des instructions favorables à leur accès à la Bourse, profitant sans doute de la réorganisation cette année-là de la Compagnie des agents de change de Paris qui fusionne avec ses homologues de province, pour devenir la Compagnie nationale des agents de change.