Le Service des archives économiques et financières présente chaque mois un document d’archives choisi parmi les fonds qu'il conserve. C'est l'occasion de mettre en lumière un document historique, insolite, représentatif des missions ministérielles ou bien encore pour son caractère esthétique. Cette présentation entend élargir le champ habituel des recherches, en montrant la diversité des fonds conservés par le SAEF. Un rendez-vous à ne pas manquer.
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Janvier 2025
Passeport pour l’Amérique !
Les passeports existaient déjà sous l’Ancien Régime. Le terme « passeport » est très ancien, il est attesté dès 1464 et vient de « passe » et « port » à entendre comme « porte » des villes.
Cet outil de surveillance des déplacements des individus sur un territoire donné a été supprimé en 1791 par la Révolution française qui le rétablit en 1792. Deux types de passeport existaient : les passeports à l’étranger (pour les voyageurs français désireux de se rendre dans un autre pays) et les passeports à l’intérieur (pour les voyageurs désireux de se rendre hors des limites de leur département).
Le passeport présenté, édité le 4 août 1826 à Paris, a fait l’objet, comme tous les passeports, d’un droit de timbre de 10 francs de l’époque. Il indique l’âge et les caractéristiques physiques du porteur.
Intéressons-nous à son porteur, Philippe Gengembre ; né le 22 mars 1764 à Houdain (Pas-de-Calais), il suit des études de dessin et de mathématiques. Très curieux, il apprend la chimie aux côtés de Lavoisier qui l’introduit dans les sphères de nombreux savants scientifiques dont notamment le mathématicien Condorcet, le chimiste Fourcroy, l’astronome Laplace.
Il entre comme mécanicien des Monnaies en 1795 et invente un procédé qui « automatise » les presses monétaires (balanciers). Ce procédé surnommé la « main poseuse » permettait la frappe d’environ 20 pièces de 5 francs à la minute.
Le 15 juin 1803, sur recommandation du Ministre des Finances, M. Gengembre est nommé Inspecteur Général des Monnaies (responsable de la frappe monétaire française) par Bonaparte.
Pendant la Restauration, le baron Louis, ministre des Finances, supprime le poste d’Inspecteur des Monnaies le 27 décembre 1815. Suspect pour le nouveau régime, Philippe Gengembre est rétrogradé au poste de Commissaire du Roi dans l’atelier monétaire de Nantes.
En 1818, il installe à la Monnaie de Londres son propre balancier actionné au moyen de la vapeur. Des déplacements à Londres ont motivé la délivrance du passeport présenté ici.
Entre 1823 et 1826, Philippe Gengembre, devenu également fondeur, fournit la charpente métallique et le matériel de frappe du nouvel atelier monétaire nantais. Le développement de la marine à vapeur en Angleterre et aux Etats-Unis va lui permettre de relancer sa carrière : la Marine Royale française, après la construction de son premier navire à vapeur équipé de chaudières anglaises (Le Sphinx), décide de fabriquer ses propres machines à vapeur sur le site d’Indret, en remplacement d’une fonderie existante jusqu’alors. La mission de créer l’usine est confiée à M. Gengembre en 1827. Sous sa direction, une vingtaine de bateaux y seront construits. Trois autres navires sont en cours de construction lorsque survient son décès, le 19 janvier 1838. Il est enterré à Nantes.
Ce remarquable ingénieur a eu une descendance non moins remarquable. Son fils Charles Colomb entreprend en 1826 pour le gouvernement d’importantes constructions au port de Saint-Ouen sur la Seine, travaux interrompus puis abandonnés à la suite de la révolution de 1830. Plus tard, il quitte la France et s’installe aux Etats-Unis avec sa femme et leurs trois enfants. Il séjourne un moment dans le Kentucky ; il s’installe ensuite dans l’Ohio. Son troisième fils, Philip prend le nom d’Hubert, issu de la famille anglaise de sa mère. Philip Hubert, d’abord professeur de français et d’histoire, devient architecte à New York vers 1865 et dessine notamment l’hôtel Chelsea, constitué d’appartements et de studios d’artistes, avant d’être transformé en hôtel.
Pour aller plus loin
Sélection d'ouvrages de la bibliothèque historique du SAEF :
Histoire du passeport français depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours : Histoire législative et doctrinale. Analyse et critique. Renseignements pratiques / par Maurice d’Hartoy et Bernard Faÿ. - Paris : Librairie ancienne Honoré Champion, 1937.- 1 vol. : 148 p. ; in-8°. - Fonds Cheff. (CHEFF BH 8° 7786)
Notice historique sur le balancier et sur la presse monétaire … / par Thonnelier.- Paris : Rignoux, 1834. – 1 vol. ; 8 p., 2 litho. de Mantoux ; 29,5 x 23,5 cm.- Fonds Monnaie de Paris. (MONNAIE RES. 4° 531)
Coup d'œil sur les questions relatives à la fabrication des Monnaies,...- Paris : Pinard, 1829. – 1 vol. ; 45 p. ; 20,5 x 14 cm.- Fonds Monnaie de Paris. (MONNAIE 8° 3350)
Sur la fabrication des monnaies avant l'emploi de la presse à vis ou balancier/ par R. H. G. Chalon.- [S.l.] : [s.n.], 1840.- 1 vol. ; 6 p. ; 23 x 15 cm.- Fonds Monnaie de Paris. (MONNAIE ROSAN 8° 1284)
Photographies représentant les différentes machines-outils servant à la fabrication des monnaies.- Paris : [s.n.], 1899.- 1 vol. ; 15 pl. photo. ; 49 x 53 cm (oblong).- Fonds Monnaie de Paris. (MONNAIE PNO13)
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