
Au XIe siècle, les lieux-dits « Berci » et « La Rapée » faisaient partie de la paroisse de Conflans (quartier de Charenton à la confluence de la Seine et de la Marne) et du fief de la Grange-aux-Merciers (à la hauteur de l’actuelle rue Nicolaï). Trois siècles plus tard, l’abbaye de Montmartre percevait encore des droits seigneuriaux sur ces domaines.
La terre de Bercy était investie par les cultures potagères, les pâturages et les vignobles (« la vallée de Fécamp »), mais également, depuis le XVIe siècle, par des maisons de plaisance dont les somptueux jardins descendaient jusqu’à la Seine.
Au XVIIIe siècle, le village appartenait au bailliage relevant d’une famille (les Malon de Bercy) dont la seigneurie s’étendait jusqu’à Conflans.
À cette même époque, à partir de 1784, une enceinte à mission purement fiscale fut édifiée autour de Paris : elle était connue sous le nom de « Mur des fermiers généraux ». Le long de cette enceinte, haute de plus de 3 mètres, s’échelonnaient une soixantaine de bureaux d’octroi, pour la plupart conçus par l’architecte Claude-Nicolas Ledoux, et chargés de la perception des droits sur les marchandises entrant dans Paris (les deux octrois encore présents en faisaient partie).
Mais avec l’insurrection de 1789 et la suppression par les gouvernements révolutionnaires des services de la ferme générale, l’octroi d’ancien régime fut abandonné, la plupart des bâtiments détruits par le feu, et la perception des droits momentanément confiée à huit « régisseurs des douanes nationales » (décret du 23 avril 1791). Le mur fut remplacé par une ceinture de boulevards, et le futur boulevard de Bercy ouvert dans le cadre d’une ordonnance du bureau des finances du 16 janvier 1789.
Le château de Bercy, élevé dans un site exceptionnel dominant la Seine (en marge de l’actuel bois de Vincennes), était entouré d’un parc aménagé par André Le Nôtre. Au décès du dernier des Malon, le domaine fut en partie vendu à la ville de Paris, le parc loti à partir de 1809, et le château détruit en 1861 permettant l’extension du bois de Vincennes, le passage de la voie ferrée Paris-Lyon-Méditerranée (PLM) et la construction des entrepôts viticoles (1840 et 1863).
Tout cela intervenait au moment où Napoléon III décidait de faire coïncider les limites administrative et militaire de Paris et de diviser la ville en vingt arrondissements (loi du 16 juin 1859). Le nouveau Paris « intra-muros » rejoignait l’enceinte fortifiée de Thiers, édifiée entre 1840 et 1845 et composée de 23 barrières dont la barrière de Bercy traversant les jardins du château. Cette enceinte fut détruite après déclassement à la fin de la première guerre mondiale et une grande partie la commune de Bercy annexée au territoire de la ville de Paris (loi du 19 avril 1919, art. 10 et 11), aux termes de conventions conclues entre le ministre des finances et le préfet de la Seine.
Le nouvel ensemble architectural de Bercy a conservé de chaque côté les bâtiments des régies d’octroi. Celles-ci étaient chargées de la perception des droits sur les boissons et marchandises entrant dans Paris, par voie d’eau ou de terre, et destinées à l’approvisionnement des habitants. Ces taxes ne touchaient pas les boissons et marchandises en transit (arrêté du 29 nivôse an VII).
Le ministère des Finances à Bercy
Le 24 septembre 1981, le président de la République, François Mitterrand, décida de restituer au musée l’ensemble du palais du Louvre, avant l’Exposition universelle de 1989, concrétisant son engagement pour la mise en œuvre d’un ensemble de chantiers à caractère culturel.
Le chef de l’État fixait comme objectifs majeurs:
- que l’édification du nouvel ensemble de constructions dédié au nouveau ministère des finances marque l’esthétique architecturale et l’urbanisme moderne, et soit réalisée dans un délai de cinq ans;
- que ce transfert de services administratifs permette un « rééquilibrage vers l’est » de la capitale des implantations de bâtiments publics;
- la modernisation d’un grand service public avec les moyens de technologie moderne.
Le 5 mars 1982, le quartier de Bercy est retenu pour l’implantation des édifices, provoquant une longue polémique (« …subsiste l’absurdité de l’éloignement du ministère des finances à Bercy », Le Monde, 4 octobre 1988 ; « Bercy, mal aimé des grands travaux », Le Monde, 8 mai 1990).
Un concours national d’architecture est lancé quelques mois plus tard et, sur 137 projets, quatre ont été sélectionnés par le jury.
Le jury était composé de :
- trois représentants du maître d’ouvrage : le directeur du Personnel et des Services généraux, le directeur de la Comptabilité publique et le président du jury, Guy Vidal, ancien directeur du Budget, coordonnateur de l’opération de transfert du ministère ;
- trois personnalités : Yvonne Brunhammer, conservatrice en chef du musée des Arts décoratifs; Marc Emery, rédacteur en chef de la revue Architecture d’aujourd’hui et Pierre-Yves Ligen, directeur de l’ Atelier parisien d’urbanisme (Apur), ville de Paris ;
- trois architectes : Yves Lion, Roland Simounet, James Stirling.
Les lieux où devait être érigé le bâtiment principal, compris entre la gare de Lyon, les entrepôts viticoles de Bercy et le quai de La Rapée, avaient été en partie occupés pendant près d’un demi-siècle par une annexe du ministère des anciens combattants.
En décembre 1982, le projet présenté par Paul Chemetov et Borja Huidobro pour les bâtiments Colbert, Vauban et Necker est retenu.
Le maître d’ouvrage était le ministère des Finances (DPSG), et les maîtres d’œuvre, les architectes, assistés d' Emile Duhart-Harosteguy, architecte-conseil. Les entreprises chargées du gros œuvre : la société Dumez et DTP (Bouygues).
Plus de 250 entreprises ont travaillé pour la construction de Bercy.
En juillet 1983, le projet des architectes Louis Arretche et Roman Karasinsky est adopté pour les bâtiments Sully et Turgot.
Le chantier des différents bâtiments démarre en 1984.
De 1987 à 1989, environ 6 000 agents emménagent progressivement dans l’ensemble des bâtiments. L’installation des agents se fera en commençant par les bâtiments Sully et Turgot, puis l’année suivante, les agents prennent place dans les bâtiments Necker et Vauban.
Enfin, en juin 1989, les ministres s’installent à leur tour dans le bâtiment Colbert. Pierre Bérégovoy fut le premier ministre des Finances à s'installer à Bercy.
À la fin de l’année 1989, on peut considérer que l’opération Bercy est terminée.
[Source : Service des archives économiques et financières (SAEF)]
Les projets refusés
En mai 1982, un grand concours national d'architecture est lancé pour le nouveau ministère des Finances qui doit voir le jour à Bercy. 137 projets seront présentés.Voir une sélection de 6 projets originaux, non retenus.
Télécharger la brochure « Et si Bercy ... nos ministères imaginaires » [PDF; 1,8 Mo]
Visite du chantier
Visite de François Mitterrand, président de la République, sur le chantier de Bercy, le 22 août 1988.