"Un arrangement, même médiocre, vaut souvent mieux qu'un bon (mais long) procès!"
Jean-Luc Sauvage est Médiateur national délégué et pionnier de la Médiation du crédit et du Médiateur des entreprises

Au cours du printemps et de l'été 2008, j'ai fait partie d'un groupe d'une quarantaine de personnes chargées par le Président de la République, sous l'autorité de René Ricol, d'établir un rapport sur l'origine et les conséquences probables de la crise financière qui s'annonçait aux Etats-Unis. Lorsque cette crise déferla sur l'Europe à la suite de la chute de la banque Lehmann, il fut décidé de créer la Médiation du Crédit dont la mission consistait à combattre la frilosité des banques qui répugnaient à distribuer du crédit aux entreprises, tout naturellement confiée à René Ricol. Ce fut un succès.
Or parmi nos dossiers de médiation nous avons constaté qu'il en existait de nombreux qui portaient sur des problèmes commerciaux et industriels assez éloignés de sujets purement financiers. A donc été créée par René Ricol, Jean-Claude Volot, Nicolas Jacquet, etc..., oeuvrant bénévolement, une autre entité de médiation, ancêtre de notre Médiation des Entreprises actuelle. Son succès fut rapide également et elle poursuit aujourd'hui, dix ans plus tard, son développement régulier.
Rappelons que, malgré la loi de 1995 érigeant la médiation au rang de procédé officiel et strictement encadré, y recourir n'était toujours pas, en 2009, une démarche naturelle des acteurs de l'économie lorsqu'ils se trouvaient en conflit ; les avocats eux-mêmes ne s'en disaient pas de chauds partisans, estimant que cette façon de traiter les différends nuisait à leur activité traditionnelle. Nous avons donc développé un intense effort de promotion de la Médiation du Crédit puis de celle des Entreprises, par des contacts systématiques avec les organisations patronales et les chambres de commerce et par des tournées mensuelles en province dès 2009. Il en résulta une recrudescence d'intérêt de la part des milieux de l'économie, mais pas assez.
Mais peu à peu, tant nos efforts que les contacts de plus en plus étroits avec les acteurs de l'économie d'autres pays ont montré que la médiation était vraiment une excellente "voie d'accès au droit", selon le mot d'Elizabeth Guigou, garde des sceaux il y a vingt ans. L'exemple d'autres pays, notamment du Japon où la médiation constitue LA manière de résoudre un conflit et où assigner un partenaire commercial est considéré comme un échec, a contribué à donner droit de cité à ce que nous faisons tous les jours, et en général très bien, à la Médiation des Entreprises.
Malgré cet indéniable succès, nous ne sommes pas encore assez connus. Souvent les chefs de PME qui nous saisissent disent regretter de ne pas nous avoir connus plus tôt, déplorant d'avoir assigné à l'occasion de conflits antérieurs et avoir dû attendre une décision pendant des années. Ce faisant, ils ne mésestiment pas l'investissement personnel qu'il leur faut accepter pour participer à une médiation, mais admettent qu'un arrangement, même médiocre, vaut souvent mieux qu'un bon (mais long) procès.
En douze ans, le travail de nos médiateurs a évolué, s'est amélioré, s'est diversifié, grâce à nos échanges constants, au cours de réunions hebdomadaires (certes moins nombreuses depuis deux ans). Nous avons pu profiter des expériences et du "carnet d'adresses" de chaque médiateur délégué en nous appelant au secours dans des situations bloquées. Il n'en reste pas moins que nous avons encore et toujours des progrès à faire, notamment en développant notre réseau. Il nous faudrait en effet un maillage territorial plus serré, de sorte que la plupart des dossiers puissent être traités au plus près des acteurs qui nous saisissent. Certes de nouveaux médiateurs nous rejoignent régulièrement, mais il existe sûrement de nombreux anciens cadres dirigeants, juges, commissaires aux comptes, membres de chambres de commerce qui constitueraient d'excellentes recrues bénévoles pour la Médiation des Entreprises.