PAROLES D'EXPERT
Hugues Poissonnier, professeur à Grenoble Ecole de Management et directeur de l’IRIMA (Institut de Recherche et d'Innovation en Management des Achats) est le rédacteur du Livre Blanc "De la charte au label Relations fournisseurs et achats responsables : une démarche de progrès et créatrice de valeur".
Il nous explique aujourd'hui autour de 3 questions, comment il perçoit le label RFAR, la nécessité d'y consacrer un ouvrage et l'importance de la fonction achat dans l'économie actuelle.
Pourquoi avoir décidé d’accorder un livre blanc au label RFAR ?
Ce label RFAR me semble très vertueux, à la fois pour les organisations directement concernées, les donneurs d’ordres et leurs fournisseurs, mais aussi pour toutes celles qui, d’un peu plus loin, vont bénéficier des effets bénéfiques de la pacification de relations trop souvent conflictuelles entre organisations. Au final, c’est tout l’écosystème et, de proche en proche, toute l’économie, qui pourra bénéficier d’un niveau accru de confiance et de bienveillance dans les échanges, y compris entre concurrents. Quand l’on constate les coûts économiques, sociaux et environnementaux des pratiques traditionnelles, il est clair que le fait d’œuvrer, même modestement, au développement de relations plus partenariales et collaboratives est plus que bienvenu. L’ambition du livre blanc est de transformer la vaguelette actuelle en faveur de la labellisation (près de 50 organisations sont actuellement labellisées) en une vague beaucoup plus forte et robuste. Montrer aux organisations les possibilités d’atteindre des objectifs clairement définis, de bénéficier de retombées positives indirectes, tout en fournissant des clés pour lever les éventuelles difficultés (tout ce que l’on trouve dans le livre blanc) me semblait essentiel pour renforcer la dynamique vertueuse amorcée.
Pourquoi la fonction achat est-elle si importante aujourd’hui ?
La fonction achats est sans doute celle qui change le plus actuellement dans les organisations. Elle était encore, il y a peu, la moins mature des grandes fonctions et il est possible de dire aujourd’hui que le rattrapage a eu lieu. Dans beaucoup d’organisations, on prend conscience aujourd’hui du fait que la performance, qu’elle soit économique, sociale ou environnementale, ne peut plus désormais se construire qu’à plusieurs, notamment avec les fournisseurs, ces partenaires devenus indispensables pour innover. J’aime rappeler cette phrase du poète Friedrich Hölderlin « là où croît le péril croît aussi ce qui sauve ». C’est toute l’histoire récente des achats, souvent accusés de bien des maux et notamment d’avoir contribué à la désindustrialisation dans un pays comme la France. A l’heure où la responsabilité est une préoccupation affirmée des entreprises et où les achats représentent plus de 60 % de leur chiffre d’affaires, il n’est pas raisonnable de prétendre faire de la RSE sans mettre en place des achats plus responsables.
Assistons-nous à un changement de culture et existe-t-il encore des marges de progrès dans le domaine des achats ?
Oui même s’il ne s’agit pas forcément de tout changer. Il y a dans le Monde et dans les pratiques achats des choses qui fonctionnent très bien et dont l’enjeu essentiel aujourd’hui est la préservation. A côté de ces pratiques vertueuses, certaines méritent clairement de disparaître ou d’évoluer fortement. Voilà où doit porter le changement. Même s’il est évolutif (et c’est l’une de ses grandes vertus) le label RFAR a le mérite de bien pointer les pratiques et valoriser et celles qu’il convient de changer, sous peine d’affaiblir les écosystèmes (naturel et économique). A les écouter, par de multiples biais, je pense que de très nombreuses personnes, au sein des organisations les plus diverses, prennent aujourd’hui conscience des interdépendances entre leurs organisations et ces écosystèmes. De ces prises de conscience découlent chaque jour, et c’est heureux, des progrès qu’il était difficile d’imaginer il y a seulement cinq ans.
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