Le Médiateur des entreprises

Renforcer la confiance entre les acteurs économiques

3 questions à Arnaud Lafont

"Les mesures annoncées pour juguler au mieux la crise sanitaire et préserver l'économie de la France ont largement cité la médiation comme un outil indispensable et complémentaire"

Arnaud Lafont est médiateur national délégué, en charge de l'animation du réseau des médiateurs

Les mesures annoncées pour juguler au mieux la crise sanitaire et préserver l'économie de la France ont largement cité la médiation comme un outil indispensable et complémentaire - Arnaud Lafont est médiateur national délégué, en charge de l'animation du réseau des médiateurs

Les chiffres montrent que l'activité de médiation ne cesse de croître... est-ce parce que les rapports entre entreprises se tendent, ou bien parce que la médiation est davantage connue ?

La médiation est de plus en plus connue en tant que mode amiable de résolution d’un différend, grâce notamment aux médias et aux professions juridiques, qui accompagnent davantage leurs clients vers la médiation. L’Etat, lui-même, trace un chemin vers ce mode amiable dans la commande publique, comme y incite l’article 5 de la loi sur la justice du XXIème siècle (2018), et plus récemment encore la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire. Et les mesures annoncées pour juguler au mieux la crise sanitaire et préserver l’économie de la France ont largement cité la médiation comme un outil indispensable et complémentaire. Ainsi, la médiation commence à être désormais de mieux en mieux identifiée dans l’esprit de nombreux chefs d’entreprise.

 

Dans ce contexte, est-ce que la médiation est un outil créateur de confiance ?

Au regard de l’activité des juridictions civiles ou administratives, le nombre de saisines reçues par le Médiateur des entreprises dispose encore d’un potentiel d’accroissement important. De plus, ceux qui, par lassitude, crainte ou appréhension du coût financier, subissent sans réagir ni attaquer par les voies judiciaires, sont susceptibles à l’avenir de faire appel à la médiation. L’Etat les y engage notamment lorsque les montants financiers en jeu restent modestes. Il reste malgré tout beaucoup à faire. Nous essayons d’assurer un « service après-vente » pour analyser, à froid au bout de quelques mois, ce que les médiés ont pensé de la médiation et si les effets attendus, notamment la confiance retrouvée, se sont bien concrétisés. Et là, nous pouvons dire que la grande majorité des médiés interrogés sont satisfaits.

 

Dans les dossiers du Médiateur, constatez-vous que certaines entreprises abusent du rapport de force avec leurs fournisseurs, au détriment de ces derniers ?

Les abus peuvent se situer dans tous les secteurs d’activités, et de la part d’entreprises de toutes tailles. Néanmoins, le différentiel de taille entre deux acteurs économiques crée, volontairement ou pas, un rapport de force. C’est de ce rapport de forces que naît l’absence de dialogue. Lorsqu’il est trop important, les « faibles » n’osent pas saisir la médiation. Ce sont donc des cas que nous ne voyons malheureusement pas, ou trop tardivement. Lorsque nous sommes saisis, en revanche, cela contribue à rééquilibrer immédiatement le rapport de force, puisque l’acceptation d’une médiation de la part du donneur d’ordres (cela se passe ainsi dans la quasi-totalité des cas !) enclenche le processus de dialogue. Plus largement, le Médiateur de entreprises déploie des efforts pour débusquer les mauvaises pratiques et tenter, avec l’ensemble des acteurs concernés, de les éradiquer, notamment en promouvant des référentiels ou chartes de bonnes pratiques auxquels les acteurs peuvent adhérer librement, mais qui les engagent néanmoins vis-à-vis de leurs clients et de leurs fournisseurs. Rappeler cet engagement, certes non contraignant, aux signataires lorsqu’ils sont saisis pour une médiation est un réel levier pour engager un processus de médiation dans de bonnes conditions.