NOR : ECOC0500004X
La commission
dexamen des pratiques commerciales,
Vu la lettre enregistrée le
2 mai 2003 sous le numéro 03-018, par laquelle
le chef du service économique de lUnion nationale
des producteurs de granulats (UNPG) a sollicité lavis
et les recommandations de la commission dexamen des
pratiques commerciales sur un texte quelle a élaboré
et intitulé « Recommandation de lUNPG
relative aux délais de paiement » ;
Vu larticle L. 440-1 du
code de commerce ;
Vu le décret no 2001-1370
du 31 décembre 2001 portant organisation
de la commission dexamen des pratiques commerciales,
modifié par le décret no 2002-1370
du 21 novembre 2002 ;
Vu le projet de recommandation de
lUNPG ci-joint ;
Le rapporteur entendu lors de sa séance
plénière du 25 février 2004,
Adopte lavis suivant :
Remarque préalable
La
commission dans sa séance plénière du
28 mai 2002 sest auto-saisie du problème
des retards de paiement. Par ailleurs, elle a été
saisie le 23 septembre 2003, par le directeur général
de la concurrence, de la consommation et de la répression
des fraudes, de la question des délais de règlement
(délais de paiement négociés, retards
de règlement et paiements effectifs). Ces deux dossiers
sont en cours dinstruction.
Recommandation de lUNPG
Les recommandations
de lUNPG à ses adhérents font référence
à la directive du Parlement et du Conseil européen
visant, en matière de délais de paiement, à
dénoncer certaines pratiques dont les effets perturbent
le bon fonctionnement dune économie de marché.
Les recommandations figurant dans cette directive ont été
retranscrites, en France, dans certaines dispositions du code
de commerce et, en lespèce, plus particulièrement
au sein des articles L. 441-6 et L. 442-6.
Observation liminaire
La jurisprudence
des autorités communautaires et françaises reconnaît
la licéité des interventions des organisations
professionnelles dans leur rôle de pourvoyeurs dinformations
de caractère général, de conseils et
de défense des intérêts professionnels
de leurs membres.
Entre donc dans la mission de ces
organisations le fait de rappeler à leurs adhérents
le souci des autorités concernées de lutter
contre les délais de paiement « abusifs »
dans le cadre des dispositions adoptées par le législateur
figurant dans les articles L. 441-6 et L. 442-6-I (7o)
du code de commerce :
Art. L. 441-6. - (2e alinéa).
« Sauf dispositions
contraires figurant aux conditions générales
de vente ou convenues entre les parties, le délai de
règlement des sommes dues est fixé au trentième
jour suivant la date de réception des marchandises
ou dexécution de la prestation demandée. »
Art. L. 442-6-I. - 7o.
« Engage la responsabilité
de son auteur et loblige à réparer le
préjudice causé le fait... : de soumettre
un partenaire à des conditions de règlement
manifestement abusives, compte tenu des bonnes pratiques et
usages commerciaux, et sécartant au détriment
du créancier, sans raison objective, du délai
indiqué au deuxième alinéa de larticle
L. 441-6. »
Tout en fixant une durée « focale »
de 30 jours par rapport à laquelle devrait être
établi le caractère abusif dun délai
dune durée supérieure imposée par
un cocontractant, le législateur a reconnu à
chaque entreprise la liberté de fixer, dans ses conditions
générales de vente, les délais de règlement
quelle juge opportun de proposer à ses clients.
Par ailleurs, il nest pas non
plus interdit à un offreur de négocier avec
un partenaire commercial des conditions particulières
de vente dès lors que celles-ci ne constituent pas
des pratiques discriminatoires visées par larticle
L. 442-6 (1o).
Analyse de la recommandation UNPG
Le texte soumis
par lUNPG à lappréciation de la
Commission dexamen des pratiques commerciales comporte
deux articles relatifs à la question des délais
de paiement. Il convient donc danalyser ceux-ci en évoquant
la question du tracé de la frontière entre les
recommandations qui relèvent de lintervention
légitime dune organisation professionnelle auprès
de ses adhérents et celles qui pourraient être
analysées comme de nature à influencer directement
ou indirectement le jeu de la concurrence au sein de la profession
concernée [voir, par exemple, rapport du Conseil de
la concurrence 1991, p. XXXVIII].
Art. 1er. - Objectif :
un délai de paiement de 30 jours.
« LUNPG recommande
aux producteurs de granulat de réduire dès à
présent et progressivement les délais de paiement
dont ils conviennent avec leurs clients pour se rapprocher
à terme dun délai de 30 jours. LUNPG
rappelle quà ce jour, en labsence dun
délai contractuel particulier, le délai de paiement
supplétif est de 30 jours. »
Observations
Plusieurs études
récentes semblent démontrer quen France
les délais et retards de paiement nont toujours
pas diminué. La Commission dexamen des pratiques
commerciales ne peut tout dabord quencourager
une organisation professionnelle à uvrer pour
répondre au souci des autorités communautaires
et françaises de voir se réduire les délais
de règlement et de veiller à lapplication
des pénalités prévues par la loi en cas
de retard de paiement.
Telle quelle est formulée
à larticle 1er de
la recommandation de lUNPG, lincitation à
se rapprocher du délai de 30 jours prévu,
à titre supplétif, à larticle L. 441-6,
deuxième alinéa, ne paraît pas franchir
les limites de ce quune organisation professionnelle
est en droit de conseiller à ses adhérents.
Art. 2. - Un
délai de paiement abusif de 70 jours.
« LUNPG considère
que tout délai de paiement supérieur à
70 jours à compter du 1er janvier 2006
devra être considéré comme abusif. »
Observations
Dans lesprit de
larticle L. 442-6-I (7o), la notion
de délai abusif doit être établie par
référence à « des bonnes pratiques
et usages commerciaux », les conditions de règlement
incriminées « sécartant
au détriment du créancier, sans raison objective,
du délai indiqué au deuxième alinéa
de larticle L. 441-6 ».
Par ailleurs, la directive communautaire
rappelle (point 19 de ses préliminaires) que lune
des situations permettant de conclure à lexistence
dun abus est celle où « la principale
entreprise contractante impose à ses fournisseurs et
sous-traitants des conditions de paiement qui ne sont pas
justifiées eu égard aux conditions dont il bénéficie
lui-même ».
En termes économiques, ce qui
est visé par le texte communautaire cest, semble-t-il,
la recherche dun équilibre raisonnable entre
les durées des « crédits clients
et fournisseurs » compte tenu des durées
respectives des cycles dexploitation des partenaires
à léchange.
Enfin, il appartient au juge détablir
le caractère abusif ou non dun délai de
règlement au regard « des bonnes pratiques
et usages commerciaux ».
La formulation de larticle 2
de la recommandation de lUNPG soulève alors deux
questions :
a) La première
concerne la pertinence du chiffre de 70 jours retenu
comme plafond au-delà duquel un délai de règlement
devrait être considéré comme abusif. Il
serait pour le moins opportun quun tel chiffre soit
justifié au regard des considérations économiques
qui viennent dêtre évoquées.
b) En second lieu,
et plus fondamentalement, se pose la question de savoir si
une organisation professionnelle peut établir, de
façon unilatérale, le caractère
abusif de tel ou tel délai de paiement.
Dans lesprit du texte de larticle
L. 442-6-I (7o), la définition de « bonnes
pratiques et usages commerciaux » devrait plutôt
émaner de négociations entre organisations professionnelles
représentatives des différentes étapes
dune filière de production.
Dans un rapport remis au Parlement
sur les délais de paiement, le gouvernement de lépoque
avait admis que les accords professionnels pouvaient être
exonérés, a posteriori, au titre de ce
qui constitue aujourdhui larticle L. 420-4
du code de commerce : « Des accords strictement
professionnels, sils se limitaient au domaine des délais
de paiement et sils visaient une réduction reposant
sur des données économiques et techniques objectives,
seraient très probablement comparables dans leur portée
à ce quon pourrait légitimement attendre
daccords interprofessionnels ». (Rapport
au parlement sur les conditions dapplication de la loi
no 92-1442 du 31 décembre 1992.
BOCCRF du 15 décembre 1994, p. 572.)
« Des accords strictement
professionnels, sils se limitaient au domaine des délais
de paiement et sils visaient une réduction reposant
sur des données économiques et techniques objectives,
seraient très probablement comparables dans leur portée
à ce quon pourrait légitimement attendre
daccords interprofessionnels. »
Il apparaît à la commission
quune démarche de ce type serait de nature à
établir un cadre consensuel dusages commerciaux
permettant : 1o aux entreprises de garder
le bénéfice du degré de liberté
commerciale indispensable à lexercice dune
concurrence effective ; 2o au juge de
pouvoir apprécier de façon plus objective les
situations quil pourrait considérer comme abusives.
Conclusion :
Tout en constatant quun délai
de paiement supérieur à 70 jours sécarte
de façon substantielle de celui indiqué aux
articles L. 441-6, deuxième alinéa, et
L. 442-6-I (7o) du code de commerce,
la Commission dexamen des pratiques commerciales nest
pas en mesure de porter un avis sur le chiffre plafond évoqué
par lUNPG. Il appartient à lUNPG dengager
un dialogue avec les organisations professionnelles de clients
de ses adhérents, en veillant à ce que les conséquences
éventuelles dune réduction des dits délais
ne viennent pas en réduire leffet.
Délibéré
et adopté par la commission dexamen des pratiques
commerciales en sa séance plénière du
25 février 2004, présidée par
M. Jean-Pierre Dumas.
Fait à Paris,
le 25 février 2004.
Le président
de la commission dexamen des pratiques commerciales,
Jean-Pierre Dumas |
U N P G
RECOMMANDATION DE LUNPG
RELATIVE AUX DÉLAIS DE PAIEMENT
Dans le but de lutter
plus efficacement contre le problème des retards de
paiement dans les transactions commerciales, la directive
du Parlement européen et du Conseil du 29 juin 2000
ainsi que le récent texte législatif de transposition
en France (loi NRE du 15 mai 2001) repris dans le
code de commerce (articles L. 440-1, L. 441-6 et
suivants, L. 442-6) viennent plus particulièrement
poser deux règles nouvelles. Celles-ci concernent linstauration :
dun délai
de paiement supplétif de 30 jours, en
labsence de dispositions contractuelles particulières ;
dun dispositif
visant à lutter contre les délais de paiement
abusifs.
Afin de se conformer à ces
nouvelles orientations législatives, lUNPG recommande
aux entreprises productrices de granulats de mettre en place
dès à présent les moyens nécessaires
pour parvenir à cet objectif de réduction des
délais de paiement, en respectant les points suivants :
Art. 1er. - Objectif :
un délai de paiement de 30 jours.
LUNPG recommande aux producteurs
de granulats de réduire dès à présent
et progressivement les délais de paiement dont ils
conviennent avec leurs clients pour se rapprocher à
terme dun délai de 30 jours. LUNPG
rappelle quà ce jour, en labsence dun
délai contractuel particulier, le délai de paiement
supplétif est de 30 jours.
Art. 2. - Un
délai de paiement abusif de 70 jours.
LUNPG considère que tout
délai de paiement supérieur à 70 jours
à compter du 1er janvier 2006
devra être considéré comme abusif.
Paris, le 10 avril 2003. |