<< sommaire du BOCCRF n° 2004-09

Arrêt de la cour d’appel de Paris (1re chambre, section H) en date du 21 septembre 2004 relatif au recours formé par la société Dexxon Data Media, la société Majuscules, Carrefour Hypermarchés France et la société Texas Instruments France SA contre la décision no 03-D-45 (*) du Conseil de la concurrence en date du 25 septembre 2003 relative aux pratiques mises en œuvre dans le secteur des calculatrices à usage scolaire

NOR :  ECOC0400318X

    Demandeurs au recours :
    La société Dexxon Data Media, venant en droit de la société Noblet, agissant poursuite et diligences de son président-directeur général, dont le siège social est 79, avenue Louis-Roche, 92230 Gennevilliers, représentée par la SCP Fisslier-Chiloux-Boulay, avoués associés, ayant pour avocat Me Philippe Rincazaux, avocat au barreau de Paris, toque J 018 ;
    La société Majuscules :
    -  représentée par M. Michel Bolot en sa qualité de président du conseil d’administration et par M. Eric Fournier, en sa qualité de directeur général, dont le siège social est 15, rue Brantôme, 75003 Paris ;
    -  représentée par la SCP Lagourgue et Olivier, avoués associés, ayant pour avocats Me Jean-Christophe Grall et Me Claude Guet, avocats au barreau de Paris, toque P 40, 80, avenue Marceau, 75008 Paris ;
    Carrefour Hypermarchés France SAS, agissant par son président, dont le siège social est sis ZAE Saint-Guénault, 1, rue Jean-Mermoz, 91002 Evry, représentée par la SCP d’Auriac-Guizard, avoué, ayant pour avocat Me Michel Debroux, avocat au barreau de Paris, toque K 112, 112, avenue de Kléber, BP 173, Trocadéro, 75780 Paris Cedex 16 ;
    La société Texas Instruments France SA, agissant par son président, ayant son siège social BP 5, avenue Jack-Kilby, 06271 Villeneuve-Louvet Cedex, représentée par Me François Teytaud, avoué, ayant pour avocat Me Claude Lazarus, avocat au barreau de Paris, toque K 112, 112, avenue de Kléber, BP 173, Trocadéro, 75780 Paris Cedex 16 ;
    Défendeur au recours :
    M. Régis Valliot, agissant en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan de la société Plein Ciel Diffusion, fonctions auxquelles il a été nommé par jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 8 octobre 2001, demeurant 41, rue du Four, 75006 Paris, représentée par la SCP Xavier Varin et Marc Petit, avoués associés.
    En présence du ministre chargé de l’économie, DGCCRF, bureau 1, bâtiment 5, 59, boulevard Vincent-Auriol, 75013 Paris, représenté par Caroline Montalcino, muni d’un pouvoir régulier.
    Composition de la cour :
    L’affaire a été débattue le 30 mars 2004, en audience publique, devant la cour composée de :
    Mme  Pezard, présidente ;
    M.  Carre-Pierrat, président ;
    Mme  Delmas Goyon, conseiller,
qui en ont délibéré.
    Greffier lors des débats : M. Truet-Callu.
    Ministère public représenté lors des débats par M. Woirhaye, substitut général, qui a fait connaître son avis.
    Arrêt contradictoire, prononcé publiquement le 21 septembre 2004 par Mme Pezard, présidente, signé par Mme Pezard, présidente, et par M. Truet-Callu, greffier présent lors du prononcé.

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    Après avoir, à l’audience publique du 30 mars 2004, entendu les conseils des parties, les observations de M. le représentant du ministre chargé de l’économie et celles du ministère public, les conseils des parties ayant eu la parole en dernier.

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    A la suite des conclusions d’une enquête administrative en date du 7 mars 1997, le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie a, par lettre enregistrée le 6 août 1997 sous le numéro F 976, saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par les sociétés Noblet et Texas Instruments France dans le secteur des calculatrices à usage scolaire.
    Après instruction de cette saisine, différents griefs d’ententes ayant été notifiés aux sociétés Noblet, Texas Instruments France, Carrefour, Sapac magasins populaires, Plein Ciel Diffusion, Majuscule, Sodalfa, Distributeurs associés et à la centrale d’achats Casino-Rallye, le Conseil de la concurrence a, par décision no 03-D-45 du 23 septembre 2003, caractérisé un ensemble de pratiques visant à uniformiser les prix publics de vente des calculatrices à usage scolaire par un jeu d’ententes tant verticales (dispositifs restrictifs de concurrence similaires de la part des deux fabricants de calculatrices à l’égard de leurs réseaux de distribution) qu’horizontales (concertation entre les fabricants théoriquement en concurrence), de sorte que la détermination du niveau de prix des produits Texas Instruments et Casio a pu échapper au libre jeu de la concurrence en infraction aux dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce.
    Aux termes de cette décision, le Conseil de la concurrence a décidé que :
    Article 1er.  -  Il est établi que les sociétés Noblet, Carrefour France, Plein Ciel, Sodalfa et Majuscule ont enfreint les dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce.
    Article 2.  -  Il est établi que les sociétés Texas Instuments France, Carrefour France, Plein Ciel et Distributeurs associés ont enfreint les dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce.
    Article 3.  -  Il est établi que les sociétés Noblet et Texas Instruments France ont enfreint les dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce.
    Article 4.  -  Il n’est pas établi que les sociétés Casino-Rallye et Sapac Magasins populaires ont enfreint les dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce.
    Article 5.  -  Il est pris acte des engagements souscrits par les sociétés Texas Instuments France et Distributeurs associés, tels qu’ils sont mentionnés aux paragraphes 520 et 521, et il leur est enjoint de s’y conformer en tous points.
    Article 6.  -  Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :
    -  1 065 000  euros à la société Texas Instruments France ;
    -  474 800  euros à la société Noblet ;
    -  2 108 000  euros à la société Carrefour France ;
    -  218 000  euros à la société Majuscule ;
    -  4 300  euros à la société Distributeurs associés.
    Article 7.  -  Dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, les sociétés Texas Instruments France, Noblet, Carrefour France, Majuscule et DA feront publier la partie II de la présente décision, à frais communs et à proportion des sanctions pécuniaires prononcées à leur encontre, dans une édition de la revue Que Choisir et dans le quotidien Le Monde. Cette publication sera précédée de la mention « décision no 03-D-45 du 25 septembre 2003 du Conseil de la concurrence relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des calculatrices à usage scolaire. »

            La cour,
    Vu les recours en annulation et, subsidiairement, en réformation, de :
    -  la société Texas Instruments France, déposé le 3 novembre 2003 ;
    -  la société Majuscule, déposé le 30 octobre 2003 ;
    -  la société Dexxon Date Media, venant aux droits de la société Noblet, déposé le 30 octobre 2003 ;
    -  la société Carrefour Hypermarchés France, le 31 octobre 2003 ;
    Vu le mémoire, en date du 31 décembre 2003, aux termes duquel Me Régis Valliot, ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de la société Plein Ciel Diffusion, demande à la cour de confirmer la décision du Conseil de la concurrence en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu de prononcer de sanction pécuniaire à l’égard de la société Plein Ciel Diffusion, de lui donner acte de ce qu’il s’en rapporte pour le surplus à justice sur le mérite des recours formés et de statuer ce que de droit quant aux dépens ;
    Vu les mémoires, en date des 28 novembre 2003 et 10 mars 2004, par lesquels la société Majuscule demande à la cour de :
    -  à titre principal, annuler la décision critiquée au motif que le droit à être jugé dans un délai raisonnable n’a pas été respecté, ordonner le remboursement des sommes par elles versées au titre de la sanction pécuniaire qui lui a été infligée, assorti des intérêts au taux légal à compter de leur paiement avec capitalisation dans les conditions de l’article 1154 du code civil ainsi que des frais qu’elle a engagés pour procéder à la publication de la décision critiquée assorti des intérêts au taux légal à compter de leur paiement avec capitalisation dans les conditions de l’article 1154 du code civil ;
    -  à titre subsidiaire, d’annuler la décision du conseil en ce qu’il a considéré qu’elle s’était concertée avec la société Noblet pour fixer les prix de revente au public des produits Casio et ordonner les remboursements des sommes ci-dessus mentionnées et dans les mêmes conditions ;
    -  à titre infiniment subsidiaire, de constater l’absence de motivation de la sanction pécuniaire prononcée à son encontre et de réformer la décision du conseil en ce qu’elle lui a infligé une sanction pécunaire sans proportion avec, d’une part, la gravité des pratiques poursuivies et le dommage causé à l’économie et, d’autre part, la situation économique individuelle de l’entreprise, réduire sensiblement le montant de l’amende qui lui a été infligée et ordonner le remboursement des sommes par elles versées dans les conditions précédemment rappelées ;
    -  en toute hypothèse, condamner le ministre de l’économie au paiement de la somme de 25 000 euros au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens ;
    Vu l’exposé des moyens déposé le 1er décembre 2003 et le mémoire en date du 15 mars 2004, par lequels la société Texas Instruments France demande à la cour de :
    -  à titre principal, annuler la sanction qui lui a été infligée en raison de la violation du principe du contradictoire, invoquant, prononcer le cas échéant une nouvelle sanction à son encontre tenant compte des éléments figurant au dossier qui lui est soumis, et en conséquence : constater, d’une part, que les pratiques qui lui sont reprochées ne présentent pas un caractère de gravité particulier et n’ont en toute hypothèse causé aucun dommage à l’économie et, d’autre part, l’absence d’éléments au dossier permettant de justifier une diminution du taux de réfaction de la sanction par rapport à la proposition formulée par le rapporteur général dans le procès-verbal du 5 octobre 2001 et ordonner le remboursement immédiat par le Trésor public du trop-perçu des sommes versées au titre de la sanction pécuniaire prononcée à son encontre assorti des intérêts au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir, avec capitalisation dans les conditions de l’article 1154 du code civil ;
    -  à titre subsidiaire, réformer la décision en ce qui concerne le montant de la sanction qui lui a été infligée, en raison de l’absence de gravité des pratiques et de l’absence de dommage à l’économie et ordonner le remboursement du trop-perçu des sommes versées au Trésor public dans les mêmes conditions que celles précédemment mentionnées ;
    -  en tout état de cause, condamner le ministre chargé de l’économie à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens ;
    Vu l’exposé des moyens en date du 28 novembre 2003 et le mémoire du 15 mars 2004, aux termes desquels la société Carrefour Hypermarchés France demande à la cour de :
    -  à titre principal, annuler la décision critiquée et ordonner la restitution de la somme de 2 180 000 euros, versée au titre de la sanction pécuniaire et celle de 199 672 85 euros, versée au titre de la publication de cette décision dans le journal Le Monde, ces sommes devant être assorties des intérêts au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 du code civil ;
    -  à titre subsidiaire, réformer la décision critiquée en réduisant le montant de la sanction pécuniaire qui lui a été infligée, dont le caractère est manifestement abusif, avec remboursement, suivant les mêmes modalités, des sommes susmentionnées ;
    -  en toute hypothèse, condamner le ministre chargé de l’économie à lui verser la somme de 50 000 euros au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens ;
    Vu les mémoires en date des 3 décembre 2003 et 15 mars 2004, aux termes desquels, la société Dexxon Data Media, venant aux droits de la société Noblet, demande à la cour de :
    A titre principal :
    -  constater l’acquisition de la prescription des faits ayant donné lieu à la décision critiquée plus de trois années s’étant écoulées entre la saisine du Conseil de la concurrence par le ministre de l’économie en date du 6 août 1997 et le premier acte interruptif, au sens de l’article L. 462-7 du code de commerce ;
    -  juger que le Conseil de la concurrence a méconnu l’article L. 462-7 du code de commerce en considérant que les faits ayant donné lieu à la saisine F 976 n’étaient pas prescrits ;
    -  constater, en tout état de cause, la nullité de la procédure, son droit à un procès équitable, garanti par l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui n’a pas été respecté ;
    -  juger que le Conseil de la concurrence a méconnu, d’une part, l’article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales compte tenu de la durée excessive de la procédure, ainsi que, d’autre part, l’article L. 463-1 du code de commerce qui impose que l’instruction et la procédure devant le Conseil de la concurrence sont pleinement contradictoires ;
    -  en conséquence, annuler la décision no 03-D-45 du Conseil de la concurrence en date du 25 septembre 2003 ;
    -  ordonner le remboursement immédiat des sommes qui ont été payées par elle au Trésor public en exécution de la décision entreprise, avec intérêts au taux légal à compter de la date de leur paiement, et la somme de 44 978,63 euros correspondant au coût de la publication dans le journal Le Monde qu’elle a supportée, avec intérêts au taux légal à compter du 9 décembre 2003.
    A titre subsidiaire :
    -  constater que les éléments du dossier ne démontrent aucun manquement de sa part aux dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce ;
    -  en conséquence, annuler ou, subsidiairement, réformer la décision critiquée et qu’il n’est pas établi qu’elle ait enfreint l’article L. 420-1 du code de commerce ;
    -  ordonner le remboursement immédiat des sommes qui ont été payées par elle au Trésor public en exécution de la décision entreprise, avec intérêts au taux légal à compter de la date de leur paiement, et la somme de 44 978,63 euros correspondant au coût de la publication dans le journal Le Monde qu’elle a supportée, avec intérêts au taux légal à compter du 9 décembre 2003.
    A titre très subsidiaire :
    -  constater le caractère disproportionné des sanctions qui lui ont été infligées, dès lors que le Conseil de la concurrence n’a pas démontré l’existence d’un dommage à l’économie, et qu’elle démontre que les pratiques n’ont pu causer un dommage à l’économie ;
    -  en conséquence, annuler ou, subsidiairement, réformer la décision attaquée en réduisant substantiellement le montant de la sanction pécuniaire qui lui a été infligée ;
    -  condamner le ministre de l’économie à lui payer la somme de 50 000 euros HT au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens ;
            Sur ce,
            Sur la procédure :

            Sur la prescription :

    Considérant que la société Dexxon soutient que les faits, objet de la procédure, sont, au sens de l’article L. 462-7 du code de commerce, prescrits ; que, selon elle, l’acte de saisine remontant au 6 août 1997, pour des faits couvrant une période allant de 1992 à 1996, les lettres du rapporteur adressées le 3 juillet 2000 à la société Noblet, aux droits de laquelle elle se trouve, et à la société Texas Instruments, pour leur demander, notamment, de lui faire parvenir l’intégralité des tarifs et conditions de vente - de calculatrices - ... pour les années 1997 et 1998, ne seraient pas de nature à interrompre le délai triennal de prescription, dès lors que, étant inutiles, ces demandes auraient eu exclusivement pour objet d’interrompre artificiellement la rescription encourue ;
    Mais considérant que les demandes ainsi formulées par le rapporteur du Conseil visaient à rechercher si les pratiques en cause s’étaient poursuivies pendant les sept premiers mois de l’année 1997 dès lors que, contrairement aux prétentions des requérantes, les documents sollicités n’étaient pas annexés à l’acte de saisine du conseil.
    Or, considérant qu’il appartenait au rapporteur de recueillir l’ensemble des données de nature à permettre au conseil de se prononcer sur les pratiques contestées antérieures à l’acte de saisine et se rattachant aux comportements économiques dénoncés ;
    Qu’il s’ensuit que le conseil a, à bon droit, retenu que les courriers adressés par le rapporteur le 3 juillet 2000, qui tendaient à la recherche et à la constatation de comportements anticoncurrentiels, ayant pu être commis, pour partie tout au moins, pendant la période visée par la saisine, ont interrompu le cours de la prescription qui avait commencé à courir le 6 août 1997, date de l’enregistrement au conseil de la saisine du ministre, de sorte que ce moyen qui n’est pas fondé, sera rejeté ;

            Sur la longueur de la procédure :

    Considérant que les sociétés Carrefour, Majuscule et Dexxon font valoir le caractère anormalement long de la procédure dans la mesure où neuf années se sont écoulées entre les faits reprochés et la remise de la notification des griefs ; qu’elles soutiennent que rien ne vient réellement justifier de tels délais de traitement, dans un dossier ne présentant pas de difficultés particulières et que le nombre d’entreprises concernées et des pièces à examiner ne suffirait pas à justifier un tel délai, de sorte que la décision du conseil devrait, sur le fondement de l’article 6, § 1, de la CEDH, être annulée ;
    Mais considérant que, si la durée excessive d’une procédure peut contrevenir aux dispositions du texte précité, en ce qu’elle peut faire obstacle à l’exercice normal des droits de la défense, encore faut-il que la partie qui l’invoque, établisse avec précision la nature des atteintes portées à ces droits ;
    Que, en l’espèce, force est de constater qu’une telle preuve n’est pas rapportée par les sociétés requérantes de circonstances propres à caractériser une atteinte à l’exercice normal des droits de la défense, étant au surplus rappelé que, à supposer excessive la durée de la procédure au regard de la complexité de l’affaire, la sanction qui s’attache à la violation de l’obligation pour le Conseil de la concurrence de se prononcer dans un délai raisonnable, au sens du texte précité, n’est pas l’annulation de la procédure ou sa réformation, mais la réparation du préjudice résultant éventuellement d’un tel délai ;
    Que ce moyen qui n’est pas fondé, sera donc écarté ;

            Sur l’atteinte au principe de la contradiction :

    Considérant que la société Dexxon soutient que, ayant été informée des griefs formulés à son encontre que plus de quatre ans après la saisine du Conseil de la concurrence et plus de huit ans après les faits visés à l’appui de ces griefs, cette information tardive a, en violation de l’article 6, § 3, de la CEDH, porté atteinte à l’exercice des droits de la défense d’autant que la notification des griefs serait intervenue après une instruction dépourvue de véritables investigations, les pièces de la procédure ayant été, selon elle, réunies par l’enquête administrative ;
    Mais considérant que ce moyen est inopérant, dès lors que cette entreprise ayant acquis la qualité de partie en cause à compter de la notification des griefs, il lui était loisible de soumettre à l’examen du Conseil de la concurrence les moyens et les pièces qu’elle estimait utiles à la défense de ses intérêts et que cette faculté lui est, à nouveau, ouverte dans le cadre du présent recours ;
    Que ce moyen sera donc rejeté ;
            Sur l’application du principe de la contradiction à la procédure de transaction :
    Considérant, en droit, que, selon les dispositions de l’article L. 464-2-II du code de commerce, « lorsqu’un organisme ou une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés et s’engage à modifier ses comportements pour l’avenir, le rapporteur général peut proposer au Conseil de la concurrence, qui entend les parties et le commissaire du Gouvernement sans établissement préalable d’un rapport, de prononcer la sanction pécuniaire prévue au I en tenant compte de l’absence de contestation. Dans ce cas, le montant maximum de la sanction encourue est réduit de moitié » ;
    
Considérant, en l’espèce, que la société Texas Instruments France, qui a, contrairement à l’argumentation du ministre chargé de l’économie, intérêt à agir en contestation tant de la procédure mise en œuvre que de la sanction prononcée à son encontre, invoque la violation du principe de la contradiction dans la mise en œuvre des dispositions susvisées pour la détermination de la sanction qui lui a été infligée ;
    Considérant que la société requérante a par procès-verbal en date du 5 octobre 2001, sollicité l’application de ces dispositions, en souscrivant les engagements suivants avec leurs modalités d’exécution :
    -  ne procéder à aucune concertation avec ses concurrents dans le secteur des calculatrices à usage scolaire, susceptible de constituer une infraction aux dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce ;
    -  ne pas mettre en place de dispositifs ayant pour objet et pour effet d’obtenir des distributeurs qu’ils pratiquent tous les mêmes prix de vente et ne diffuser aucun tarif public de vente présenté comme obligatoire pour les distributeurs, dans des conditions contraires aux dispositions du même article ;
    Considérant qu’il est acquis aux débats que le rapporteur général du Conseil de la concurrence a proposé que la sanction encourue par la société Texas Instruments France soit diminuée de moitié et que le conseil a, toutefois, considéré que la gravité des pratiques, leur étendue et leur durée, justifiaient qu’un taux de réfaction moindre soit appliqué ;
    Considérant que, au plan procédural, la société requérante soutient que, en ayant éludé volontairement tout débat sur la modification du taux de réfaction proposé par le rapporteur général, le Conseil de la concurrence n’aurait pas respecté le principe de la contradiction qui devait s’appliquer pleinement dans le cadre de la procédure de transaction instituée à l’article L. 424-2-II du code de commerce ; qu’elle fait valoir que, n’ayant pas présenté d’observations sur les griefs et ayant accepté de mettre en œuvre des engagements lourds et contraignants dans le but notamment d’obtenir un taux de réduction de l’amende finale à hauteur de 50 %, le conseil se devait de lui demander si elle acceptait que lui soit appliqué un taux de réfaction moindre ou, si, dans ces conditions, elle désirait mettre un terme à la procédure de transaction ;
    Mais considérant qu’il ne se déduit pas des termes de l’article L. 464-2-II du code de commerce, que l’engagement pris par procès-verbal par le rapporteur général du conseil devait conduire la société Texas Instruments France à tenir pour acquis que la proposition de réduction de la sanction émise par celui-ci serait purement et simplement entérinée par le conseil ;
    Que, au demeurant, la requérante a été à même de présenter toutes observations utiles relativement aux éléments dont il a été tenu compte dans la détermination de la sanction, puisqu’elle a déposé des observations écrites à la suite du rapport et a produit, à l’appui de celles-ci, une analyse économique tendant à contester la gravité des pratiques, le dommage à l’économie et le préjudice subi par le consommateur tels qu’ils avaient été retenus par le rapporteur et que, ayant été entendue lors de la séance, elle a pu à nouveau s’exprimer sur ces points, ainsi que sur la proposition de sanction la concernant émise par le commissaire du Gouvernement dans ses observations écrites, dont elle ne conteste pas avoir été mis à même d’en prendre connaissance dans les quinze jours précédant la séance ;
    Que la société Texas Instruments France a donc eu la faculté d’exercer librement, en application du principe de la contradiction, les droits afférents à sa défense et que, dans ce cadre, il lui appartenait de faire valoir toutes observations qu’elle estimait utiles sur les conditions de la transaction proposée puisqu’elle ne pouvait se méprendre sur la portée juridique de celle-ci et ignorer que le Conseil dans son pouvoir d’appréciation de la sanction, n’était en aucune façon lié par les propositions émises par le rapporteur général ;
    Qu’il s’ensuit que ce moyen n’est pas fondé ;

            Sur le fond :

            Sur les ententes verticales :

            Sur le caractère inconditionnel des remises :
    Considérant que la société Dexxon conteste la qualification faite par le conseil du caractère faussement conditionnel des ristournes consenties par la société Noblet, aux droits de laquelle elle se trouve, à ses distributeurs ; qu’elle fait valoir qu’il s’agissait de remises dont les composantes ne pouvaient être vérifiées qu’en fin d’année dans la mesure où il fallait prendre en considération la proportion de chacune des gammes dans les volumes de ventes et la variation par rapport à l’année précédente, circonstance qui démontrerait leur caractère incertain dès lors qu’elles n’étaient ni de principe acquises ni de montant chiffrables ;
    Qu’elle soutient en outre que les dérogations relatives à l’octroi des ristournes différées en 1994 et 1995 ont été accordées a posteriori pour des raisons objectives et qu’il n’y aurait en aucune garantie donnée a priori à ses distributeurs d’obtenir un taux de ristourne déterminé quel que soit le chiffre d’affaires réalisé, de sorte que les ristournes proposées auraient eu un réel caractère conditionnel ;
    Mais considérant qu’il résulte de l’analyse précise des documents ayant été contradictoirement débattus entre les parties, auquel le conseil s’est livré, et à laquelle la cour se réfère expressément, que :
    -  de nombreuses dérogations aux conditions d’octroi des ristournes en cause ont été accordées par la société Noblet en 1994, aux grossistes de façon générale (note du 19 avril 1994) établie par Gérard Paumier, cote 620 du rapport), ainsi qu’aux distributeurs détaillants ;
    -  pour l’année 1995, une note datée du 30 novembre 1995, adressée par le secrétaire général commercial de la société, aux agents commerciaux mentionne la décision de la société d’accorder à tous ses clients la ristourne maximum de 8 % tant pour la rentrée scolaire que pour la rentrée universitaire (cotes 674, 675 et 676 du rapport) ;
    Qu’il est donc établi que, pour la rentrée des classes 1994, les grossistes ainsi que d’importants revendeurs détaillants ont obtenu la ristourne différée à son taux maximum de 8 %, alors qu’ils n’avaient pas atteint les objectifs qui y donnaient droit et que, de la même façon, pour la rentrée des classes 1995, la société Noblet a décidé d’accorder à tous ses clients cette même remise maximum ;
    Considérant que la société Carrefour soutient donc vainement que les remises ne pouvaient être considérées comme « inconditionnelles » dans la mesure où elles étaient accordées en fonction de la réalisation d’un certain chiffre d’affaires et qu’il y aurait eu une différence entre les taux mentionnés dans les documents contractuels et les taux finalement accordés, d’autant qu’il résulte d’un document saisi sur le bureau de M. Baratte, salarié de la société requérante, qu’il était garanti un palier de 8 % (cote 679 du rapport) et des déclarations de M. Artese, chef de rayon du magasin Carrefour de Langueux, que ces ristournes n’étaient pas conditionnelles ;
    Considérant que c’est de manière toute aussi inopérante que la société Majuscule prétend que, d’une part, le conseil aurait commis une erreur d’appréciation en estimant que le simple fait qu’elle s’engage à verser un avantage financier à ses adhérents prouverait qu’elle aurait obtenu l’assurance de bénéficier d’une ristourne de la part de la société Noblet, et, que, d’autre part, il ne se serait pas agi, en l’espèce, d’une opération d’achat-revente mais d’organisation d’une commande groupée ;
    Qu’en effet, le conseil a justement déduit du numéro 20 de la Lettre des achats Majuscule, en date du 17 mai 1995, adressée par le groupement Majuscule à ses adhérents, conjointement à leur bon de commande de produits Casio pour la rentrée des classes 1995, ainsi libellée : « Ce bon reprend les machines à calculer scientifiques, programmables et graphiques pour la rentrée, appuyé des prix de vente TTC conseillés (...). Sur ces prix de vente conseillés, il vous sera reversé par la centrale 12 % sous forme d’avoir courant décembre », que l’engagement pris de leur reverser une telle ristourne impliquait que le groupement Majuscule avait lui-même obtenu de la société Noblet l’assurance de bénéficier de la ristourne assortiment-progression à son taux maximum ;
    Qu’il s’ensuit que les ristournes consenties par la société Noblet à ses distributeurs, et plus précisément aux sociétés Carrefour et Majuscule, n’avaient pas de caractère conditionnel et que, en revanche, leur présentation sous la forme conditionnelle était de nature à permettre aux distributeurs de ne pas les répercuter sur les prix de revente aux consommateurs et conférait, ainsi, aux prix nets facturés par la société Noblet la qualité d’un prix artificiellement élevé ;
            Sur l’adhésion des distributeurs à la politique de prix des fabricants :
    Considérant que, pour critiquer la décision du conseil, la société Dexxon fait valoir qu’il ne serait justifié d’une quelconque concertation de la société Noblet avec ses distributeurs sur une adhésion de ces derniers à une politique de prix minimum ; que les distributeurs auraient toutjours conservé une complète maîtrise de leur politique tarifaire et que les alignements de prix constatés sur le marché résulteraient de la politique commerciale des acteurs de la grande distribution et donc du jeu normal du marché ;
    Que la société Carrefour fait valoir qu’aucun document ne démontrerait que les distributeurs se seraient engagés auprès de la société Noblet à pratiquer des prix publics déterminés par elle en contrepartie de l’obtention d’une ristourne différée à un taux garantie ou auraient tacitement appliqué une politique anticoncurrentielle ; qu’elle aurait été libre, à l’instar des autres distributeurs, de fixer de manière autonome les prix publics des calculatrices scolaires ;
    Que la société Majuscule conteste également l’existence d’un accord avec la société Noblet d’autant que, selon elle, la mise en œuvre d’une entente sur les prix de revente des produits Casio serait impossible à réaliser en raison de la très grande autonomie de ses adhérents dans la détermination de leur politique commerciale ;
    Mais considérant que, en premier lieu, la teneur de la Lettre des achats Majuscule, en date du 17 mai 1995, démontre l’existence d’un accord entre le groupement Majuscule et la société Noblet, qui est corroboré par l’intervention de cette dernière auprès du groupement Sodalfa, à la demande de la société Majuscule, afin qu’elle cesse de proposer les machines Casio aux prix promotionnels net Noblet, assortis d’une remise de 10 %, dès lors que cette remise était de nature à permettre aux détaillants de vendre ces machines en dessous des prix publics établis par la société Noblet ;
    Que, en second lieu, il résulte des éléments recueillis par le rapporteur que la société Carrefour, ayant vendu les calculatrices Casio aux prix publics déterminés par la société Noblet, n’a donc pas tenu compte dans le calcul de ses prix de vente des ristournes qu’elle avait eu l’assurance de percevoir plusieurs mois avant la rentrée scolaire ; qu’elle ne peut sérieusement avancer que le dispositif, tendant à obtenir des distributeurs qu’ils pratiquent les mêmes prix de vente et sa mise en place, résulterait d’une intention unilatérale de la société Noblet dès lors que, si elle n’avait pas souscrit à une telle entente, elle aurait eu toute liberté pour fixer ses prix de vente ;
    Considérant que la société Carrefour conteste également avoir conclu une entente anticoncurrentielle avec la société Texas Instruments ;
    Mais considérant qu’il résulte de deux télécopies échangées les 4 et 7 août 1995 entre M. Pietri, directeur commercial de la société Texas Instruments, et M. Altes, représentant de la société Carrefour, que cette dernière a augmenté ses prix de vente au niveau de ceux fixés par la société Texas Instruments, après un rappel à l’ordre de cette dernière et que, par télécopie adressée le 27 octobre 1995 entre les mêmes personnes, il a été demandé à la société Carrefour de transmettre le nouveau prix de vente de la calculatrice TI 81 à chacun de ses magasins ;
    Qu’il s’ensuit que, ainsi que l’a exactement relevé le conseil, la société Carrefour, bien que connaissant le caractère artificiellement conditionnel des ristournes octroyées par la société Texas Instruments, ne les a pas répercutées dans ses prix de revente, et que, en appliquant les tarifs fixés par ce fournisseur, elle a nécessairement et volontairement souscrit à une entente tarifaire ;
    Considérant que l’ensemble des sociétés requérantes ont donc participé aux pratiques dénoncées, contraires aux dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce, qui ont eu pour objet et pour effet de fausser le jeu de la concurrence ;

            Sur l’entente horizontale :

    Considérant que la société Dexxon critique la décision déférée en ce qu’elle a retenu l’existence d’une concertation entre la société Noblet et la société Texas Instruments qui auraient procédé à un échange d’informations sur les prix de vente de six types de calculatrices et sur certains projets commerciaux ; qu’elle fait valoir que la note du 19 février 1996 ne saurait démontrer une action concertée d’échanges d’informations dès lors que la demande d’information aurait revêtu un caractère unilatéral, accessible à tous, dans le cadre d’une veille concurrentielle ; que le caractère transparent du marché des calculatrices à usage scolaire ne serait pas exclusif d’une vive concurrence entre les deux marques et qu’il n’existerait pas de barrières artificielles à l’entrée sur le marché de telles calculatrices ;
    Mais considérant qu’il résulte de la note rédigée le 19 février 1996 par M. Pietri, directeur commercial de la société Texas Instruments, que celui-ci a communiqué à M. Noblet, président du conseil d’administration de la société éponyme, son principal concurrent, le prix de la calculatrice TI 30, la baisse probable du prix de la calculatrice TI 80, ainsi que le prix de quatre autres calculatrices et qu’une nouvelle version du produit TI 30, attendu sur le marché, ne serait pas mise en vente avant la fin de l’année 1996 ;
    Que le conseil relève avec pertinence que la réaction de M. Noblet, à l’information qui lui a été donnée relativement au produit TI 30, « je regrette cette nouvelle mise en cause et que de notre côté nous aviserons sur une décision éventuelle de changement, » induit que l’échange dont témoigne la note n’était pas isolé mais s’inscrivait dans le cadre d’un accord entre les deux sociétés qui se trouvait ainsi remis en cause ;
    Que, au demeurant, la note adressée le 22 mars 1996 par M. Ocana, directeur du marketing de la société Noblet, à M. Noblet démontre que la mise en cause invoquée par ce dernier concernait effectivement le report de la mise sur le marché de ce produit au prix de 89 francs qui aurait permis à la société Noblet soit de hisser le prix de la FX 92, comme le laissait envisager la note du 19 février 1996, soit à la calculatrice FX 92 de redevenir le premier prix du marché ; que par ailleurs, dans la même note, M. Ocana demande à M. Noblet : «Vous serait-il possible, dans le cas où vous auriez des contats avec M. Pietri, d’essayer d’obtenir quelques informations sur la nouvelle TI 30 ? » ;
    Qu’il convient, en outre, de souligner, que, contrairement aux prétentions de la société Dexxon, l’échange d’informations reproché aux entreprises précède la publication des tarifs de la société Texas Instruments, ainsi qu’en atteste la télécopie adressé le 20 février 1996 par M. Pietri à MM. Lazare et Brachman, clients grossistes de cette société ;
    Considérant que le conseil a, aux termes d’une analyse précise et par une motivation pertinente que la cour adopte expressément, apprécié les effets des pratiques mises en œuvre par les sociétés Noblet et Texas Instruments, dans le secteur des calculatices à usage scolaire ;
    Qu’il convient, en effet, de souligner que, outre le fait d’avoir fausser le jeu de la concurrence, ces pratiques se sont aussi traduites par une progression sensible (+ 16,3 %) du prix moyen des calculatrices en cause entre 1992 et 1995, alors que celle constatée sur les modèles scientifiques programmables était beaucoup plus faible, le prix moyen des modèles scientifiques graphiques ayant baissé dans une proportion de 9,5 % et celui des autres calculatrices (quatre opérations, imprimantes, organiseurs,...) hors scolaire, ayant diminué de 26,1 % ;
    Considérant qu’il s’ensuit que le conseil a, au regard des dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce, exactement qualifié les comportements des sociétés requérantes en ce que l’absence de concurrence assurée à l’intérieur de chacun de leurs réseaux respectifs par les sociétés Noblet et Texas Instruments, détenant ensemble 89 % des parts du secteur concerné, n’a pas été compensée par l’existence d’une concurrence « intermarques » puisque, d’une part, ces deux opérateurs, en situation de quasi-duopole, se sont livrés à des pratiques verticales respectives et que, d’autre part, une pratique de concertation horizontale entre elles, portant sur leur stratégie commerciale et leurs prix, est établie ;

            Sur les sanctions :

    Considérant, en droit, qu’aux termes de l’article L. 464-2-I du code de commerce, les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l’importance du dommage causé à l’économie et à la situation de l’entreprise sanctionnée ; qu’elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise et de façon motivée pour chaque sanction ;
    Que, selon l’article L. 464-2-II du même code, « lorsqu’un organisme ou une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés et s’engage à modifier ses comportements pour l’avenir, le rapporteur général peut proposer au Conseil de la concurrence (...) de prononcer la sanction pécuniaire prévue au texte précédemment rappelé en tenant compte de l’absence de contestation. Dans ce cas, le montant maximum de la sanction encourue est réduit de moitié » ;
    Considérant en l’espèce que, s’agissant de la sanction applicable à la société Texas Instruments, celle-ci conteste, à tort, l’application faite par le conseil des dispositions de l’article L. 462-2-II du code de commerce ;
    Qu’en effet le conseil a, à bon droit, estimé que la réfaction prévue par ce texte est applicable au plafond légal puisqu’il renvoie, sans ambiguïté, au montant maximum de la sanction encourue et non pas, comme soutenu à tort par la requérante, à la sanction que le conseil aurait, conformément aux critères posées au I du même article, déterminée, étant en outre précisé que celui-ci n’est pas tenu par le taux de réfaction proposée par le rapporteur général ;
    Qu’il s’ensuit que le conseil a exactement retenu que, le chiffre d’affaires de la société Texas Instruments réalisé en France, au cours del’exercice clos le 31 décembre 2002, s’élevant à 133 129 391 euros, le plafond légal de 5 % normalement applicable aurait été de 6 656 470 euros, le plafond légal devait être ramené, conformément au texte précité, à la somme de 3 328 235 euros ;
    Que, dans cette limite, il a, compte tenu de ces constatations, exactement fixé, aux termes d’une motivation pertinente que la cour adopte au regard de la gravité des pratiques relevées et du dommage causé à l’économie, la sanction applicable à la société Texas Instruments à la somme de 1 065 000 euros ;
    Considérant que les sociétés Majuscule et Dexxon ne sont pas fondées à soutenir que le conseil n’aurait respecté ni le principe de proportionnalité de la sanction à la gravité des faits et au dommage à l’économie entraîné par les pratiques en cause, ni l’obligation qui lui incombait d’individualiser la sanction prononcée ;
    Qu’en effet, c’est à l’issue d’un examen circonstancié de ces différents éléments que celui-ci, auquel aucun défaut de motivation ne peut être reproché, a fixé les sanctions contestées à un niveau très inférieur au plafond fixé par l’article L. 464-2 du code de commerce et dans des conditions conformes au principe de proportionnalité qui leur est applicable ;
    Qu’il n’y a donc lieu à réformer les sanctions pécuniaires et les mesures de publication prononcées ;
    Qu’il s’ensuit que l’ensemble des recours formés à l’encontre de la décision no 03-D-45 du 25 septembre 2003 du Conseil de la concurrence seront rejetés ;
    Considérant qu’il n’y a donc lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ; que les sociétés requérantes conserveront à la charge les dépens de l’instance,

                    Par ces motifs :
    Donne à Me Régis Valliot, ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de la société Plein Ciel Diffusion, l’acte par lui requis ;
    Rejette les recours des sociétés Texas Instruments France, Majuscule, Dexxon Date Media et Carrefour Hypermarchés France ;
    Rejette les demandes formulées au titre des dispositions de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;
    Laisse à la charge de chacune des sociétés requérantes les frais et dépens par elles exposées.

Le greffier La présidente

    (*)  Décision no 03-D-45 du Conseil de la concurrence en date du 25 septembre 2003, parue dans le BOCCRF no 16 du 17 décembre 2003.