NOR : ECOC0400310X
Demandeurs
et défendeurs aux recours :
SA Neuf Télécom, prise
en la personne de ses représentants légaux,
40, quai du Point-du-Jour, 92100 Boulogne-Billancourt,
représentée par Me François
Teytaud, avoué à la cour, assisté de
Me Olivier Fraget, avocat au barreau de
Paris, cabinet Bird & Bird, 6, rue de Caumartin, 75009 Paris,
toque R 255 ;
SA Neuf Télécom Réseau,
prise en la personne de ses représentants légaux,
38, quai du Point-du-Jour, 92100 Boulogne-Billancourt,
représentée par Me François
Teytaud, avoué à la cour, assisté de
Me Olivier Fraget, avocat au barreau de
Paris, cabinet Bird & Bird, 6, rue de Caumartin, 75009 Paris,
toque R 255.
Défendeurs
et demandeurs au recours :
SA France Télécom,
prise en la personne de son président-directeur général,
6, place dAlleray, 75015 Paris, représentée
par la SCP Gibou-Pignot & Grappotte-Benetreau, avoués
associés près la cour, assistée de
Me Christophe Clarenc, avocat au barreau
de Paris, cabinet Latham & Watkins, 53, quai dOrsay,
75007 Paris, toque T 09.
Société TPS (Télévision
par satellite), prise en la personne de ses représentants
légaux, 145, quai de Stalingrad, 92100 Boulogne-Billancourt,
représentée par Me Dominique
Olivier, avoué à la cour, assistée
de Me Louis Vogel, avocat au barreau de
Paris, SCP Vogel et Vogel, 30, avenue dIéna,
75116 Paris Cedex 16, toque P 151.
En présence
de :
Société
Free, prise en la personne de ses représentants légaux,
8, rue de la Ville-lEvêque, 75008 Paris ;
Société Iliad, prise
en la personne de ses représentants légaux,
8, rue de la Ville-lEvêque, 75008 Paris,
ayant pour avocat Me Yves Coursin, avocat
au barreau de Paris, 49 rue Galilée, 75116 Paris,
toque M 1611 ;
Société TF 1,
prise en la personne de ses représentants légaux,
1, quai du Point-du-Jour, 92100 Boulogne-Billancourt,
représentée par Me Dominique
Olivier, avoué à la cour, assistée
de Me Louis Vogel, avocat au barreau de
Paris, SCP Vogel et Vogel, 30, avenue dIéna,
75116 Paris Cedex 16, toque P 151.
Société Métropole
Télévision (M 6), 89-92, avenue Charles-de-Gaulle,
92200 Neuilly-sur-Seine, représentée
par la SCP Roblin-Chaix de Lavarene, avoué près
la cour.
En présence
du ministre chargé de léconomie, DGCCRF,
bureau 1, bâtiment 5, 59, boulevard
Vincent-Auriol, 75013 Paris, représenté
par M. Michel Roseau, muni dun pouvoir régulier.
Composition de la
cour :
Laffaire a été
débattue le 25 mai 2004, en audience publique,
devant la cour composée de :
Mme Pezard, président ;
M. Savatier, conseiller ;
M. Penichon, conseiller,
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats :
Mme Dalmas.
Ministère public représenté
lors des débats par M. Woirhaye, substitut général,
qui a fait connaître son avis.
Arrêt contradictoire, prononcé
publiquement par Mme Pezard, président, signé
par Mme Pezard, président, et par Mme Dalmas, greffier
présent lors du prononcé.
*
* *
I. - Apparue
en 1999, lADSL (Asymetric Digital Subscriber Ligne)
est une technologie qui permet la transmission, sur les
lignes téléphoniques, de forts volumes de
données numérisés, sans quil
soit nécessaire dinstaller de nouveaux câbles.
Elle permet à lutilisateur, abonné,
une connexion internet permanente à haut débit,
indépendante de lutilisation faite du téléphone :
ce dernier utilise les fréquences basses de la ligne
téléphonique tandis que le haut débit
emprunte les fréquences hautes (> 4 000
Hz).
1.1. Laccès
à labonné se fait par la boucle
locale cuivre de France Télécom. La boucle
locale cuivre désigne la partie du réseau
de France Télécom située entre labonné
final et le central local, encore dénommé « répartiteur », qui
concentre lensemble des lignes des usagers dune
zone avant de les renvoyer vers le réseau cur.
Le support physique de ces raccordements est une paire de
cuivre torsadée. La boucle locale cuivre achemine
ainsi différents services de téléphonie,
des flux ADSL et des services haut débit.
Labonné qui souhaite
avoir accès à cette technologie ADSL doit
installer un filtre et un modem ADSL à son domicile,
à la sortie de sa ligne téléphonique.
En regard, côté répartiteur, lopérateur
daccès doit installer un DSLAM (digital
subscriber line access multiplexer), qui dialogue avec
ce modem pour transmettre les données haut débit
reçues depuis le réseau cur. Il existe
différentes sortes de DSLAM, les uns restreints à
la seule fourniture daccès internet, les autres
(DSLAM vidéo) comportant des accès internet
et télévisuels.
La paire de cuivre, sur laquelle
France Télécom détient un quasi-monopole,
constitue une ressource essentielle car elle nest
pas duplicable à un coût raisonnable par les
opérateurs. Elle doit être mise à la
disposition de ces derniers dans des conditions objectives,
transparentes et non discriminatoires par lopérateur
historique. Cette mise à disposition seffectue
techniquement par la voie du dégroupage.
Le dégroupage (ou option
1) est une offre de gros de France Télécom
qui permet à un opérateur davoir un
accès direct à la boucle locale cuivre et
de raccorder les clients finaux. Les opérateurs déploient
leurs infrastructures et installent leurs équipements
techniques (DSLAM, communateurs...) dans des salles de dégroupage,
au sein des répartiteurs de France Télécom.
Ils développent ensuite leur propres services sur
la paire de cuivre et les commercialisent soit sur le marché
de détail directement aux clients finaux, soit sur
le gros auprès de fournisseurs de services comme
les fournisseurs daccès internet (FAI).
Le dégroupage revêt
deux formes : la mise à disposition de la paire
de cuivre nue (accès totalement dégroupé)
utilisée pour construire des offres à valeur
ajoutée pour les entreprises ou la mise à
disposition des fréquences hautes de la paire de
cuivre (accès partiellement dégroupé),
France Télécom continuant, dans ce dernier
cas, dassurer la composante téléphonique
classique de la ligne.
Actuellement, pour une ligne donnée,
un seul opérateur peut exploiter les fréquences
hautes de la paire de cuivre. En revanche, disposant de
la totalité de ces fréquences, il a la faculté
de diviser la bande passante disponible entre plusieurs
flux indépendants correspondant à des services
daccès à internet, daccès
télévisuel et de téléphonie.
Les réseaux câblés constituent une infrastructure de boucle locale alternative
à la boucle locale cuivre permettant le développement
sur le réseau filaire de services diversifiés :
internet haut débit, téléphonie classique,
services couplés.
1.2. Différents
services peuvent être proposés par les opérateurs
sur un acccès ADSL : les services daccès
internet à haut débit et les services daccès
télévisuels sur ADSL. Ils peuvent être
couplés pour offrir au client des services « multiple
play » sur ADSL.
Les services daccès
à internet par ADSL comportent deux composantes :
laccès et le transport des flux, auxquels sajoute
la connectivité à internet gérée
par le FAI. Au sein de ces derniers, on distingue, outre
loption 1, présentée plus haut :
Loffre « lADSL »
qui, initialement, proposait laccès découplé
du transport : labonné achetait laccès
à France Télécom directement (commercialisé
sous le nom de Netissimo) et sadressait pour avoir
accès aux services internet à un FAI qui pouvait
se procurer la prestation de transport auprès de
France Télécom ; loffre Ma Ligne
TV de France Télécom est proche de ce schéma ;
cette offre Nettissimo a été, dans une large
mesure, remplacée par une offre groupée, dénommée
« lADSL » intégrant accès,
transport et connectivité internet, commercialisée
directement auprès des clients finaux par les FAI,
qui font lacquisition auprès de France Télécom
ou de lun de ses concurrents de loffre de gros
correspondante ;
Loption 3 (ADSL Connect ATM),
usitée dans des zones insuffisamment denses pour
permettre un développement viable du dégroupage :
les opérateurs achètent à France Télécom
une prestation de collecte du trafic ADSL jusquà
un niveau intermédiaire du réseau et vendent
aux FAI une prestation globale daccès et de
collecte ADSL. Le FAI est indépendant de France télécom
pour une partie de la collecte.
Loption 5 (offre IP/ADSL de
France Télécom) dans laquelle le trafic de
labonné ADSL est livré au FAI directement
sur son centre serveur par France Télécom.
Le FAI est indépendant de France Télécom
pour laccès et la totalité de la collecte.
Les offres daccès
télévisuel sur ADSL, à lheure
actuelle exclusivement fondées sur le dégroupage,
sont organisées, dun point de vue technique,
en réseaux présentant des physionomies différentes.
Au départ, la tête du réseau est léquipement
qui reçoit le flux vidéo et lenvoie
vers le point de présence de lopérateur
(POP) sur un réseau de transport, lequel présente
deux types darchitecture :
Larchitecture en boucle, utilisant
la technologie gigabit Ethernet (opérateurs alternatifs),
où les répartiteurs sont connectés
entre eux par une fibre « en série ».
Pour pouvoir former une boucle entre le POP et les différents
répartiteurs, lopérateur ayant recours
à cette technologie doit installer un commutateur
Ethernet dans le POP et dans chaque répartiteur.
Au niveau du premier répartiteur, le commutateur
dirige le flux vers chacun des DSLAM vidéo localisés
dans ce répartiteur et vers les répartiteurs
suivants ; un seul flux de 350 bits/s envoyé
depuis le POP vers la boucle suffit à desservir toute
la boucle en flux télévisuels et/ou internet
(en prenant lexemple de 100 chaînes à
3,5 bits/s chacune) ;
Larchiture en étoile,
plus ancienne, utilisant la technologie ATM (principalement
France Télécom), où les flux sont envoyés
un à un dun « nud central »
vers chacun des répartiteurs ; dans ce cas,
le commutateur Ethernet situé dans le POP doit envoyer
vers chacun des DSLAM vidéo de sa zone le flux de
350 Mbits/s.
Enfin, les services de « multiple
play » par ADSL sont des offres multiservices,
consistant à fournir plusieurs services (accès
à internet, téléphonie, accès
télévisuel). Ils sont à lorigine
pour les opérateurs dune économie de
coûts fixes. Une fois quun opérateur
a décidé de lancer son service dans une configuration
(boucle ou étoile), il lui est très difficile
de changer darchitecture, les coûts de migration
étant structurellement élevés dans
un réseau en exploitation commerciale.
II. - Un
certain nombre dopérateurs de téléphonie
et de télévision se sont intéressés
aux services de « multiple play »
au cours des années 2001 à 2003.
Le 1er décembre
2003, la société Free, opérateur de
télécommunication, a commercialisé,
par lintermédiaire de son modem, le premier
service de télévision par ADSL comprenant
la diffusion de chaînes gratuites et progressivement
de chaînes thématiques payantes venant sajouter
à un accès à internet à haut
débit et à un service de téléphonie
pour le prix de 29,99 euros par mois.
Le 1er août
2003, la société France Télécom
et la société TPS, filiale de TF 1 et
de M 6, opérateur de bouquet par satellite et
éditeur de chaînes payantes, ont signé
un protocole daccord intitulé « Memorandum
of Understanding » (laccord) ayant pour
objet « la mise en place et la commercialisation
auprès du public par TPS et France Télécom
doffres de services de communication audiovisuelle
au moyen dun accès ADSL vidéo ».
Selon cet accord, France Télécom
assure :
- lacheminement des chaînes depuis
la tête du réseau de TPS jusquaux abonnés ;
- la gestion du réseau de télécommunications
ADSL et de la plate-forme de services ;
- le contrôle daccès ;
- la fourniture daccès ADSL vidéo
et sa gestion commerciale ainsi quun service de vidéo
à la demande ;
- la fourniture à TPS de sa logistique
commerciale par lintermédiaire de ses agences
et la commercialisation des offres de programme et daccès
susmentionnées au client final.
La société TPS, pour
sa part, est responsable de la régularité
de son bouquet vis-à-vis de ses clients et de ses
fournisseurs, à lexclusion de France Télécom,
ainsi que du cryptage des chaînes au moyen du système
Viaccess.
Laccord, après avoir
mentionné, « le caractère incertain
du cadre juridique et réglementaire dans lequel sinscrivent
les offres » prévoit que les parties
sont engagées ensemble pour une durée de 10 ans,
sans exclusivité.
Enfin, compte tenu du modem utilisé
par le client final qui doit être compatible avec
un accès internet ADSL et laccès ADSL
vidéo, les parties conviennent de se rapprocher des
FAI.
Le 18 décembre 2003,
les sociétés France Télécom
et TPS ont lancé leur service de télévision
par ADSL à Lyon, puis à Paris, à la
fin du mois de mars 2004. Ce service se présente
sous la forme de deux abonnements : lun, à
« Ma Ligne TV » par lequel France
Télécom fournit à labonné « un accès ADSL vidéo », un terminal récepteur-décodeur numérique
et une télécommande ainsi quun service
de vidéo à la demande, moyennant le versement
mensuel dune somme de 16 euros, et lautre,
à « TPS L » par lequel
la société TPS fournit à ce même
consommateur un bouquet de chaînes pour un coût
de 21 euros par mois.
Par ailleurs, dautres offres
de télévision par ADSL vont être commercialisées,
notamment par le groupe Canal Plus. La société
Neuf Télécom prévoyait de lancer à
Marseille une offre de service de télévision
par ADSL pour laquelle elle ne fournirait directement aucun
service au client final mais serait chargée de laccès
au service, du transport des flux audiovisuels et de la
fourniture du modem : son offre est effective depuis
le 22 mars 2004.
III. - Par
une demande enregistrée le 28 novembre 2003,
les sociétés Free et Illiad, opérateurs
alternatifs de réseaux, ont saisi le Conseil de la
concurrence de certaines pratiques mises en uvre par
le Groupe TF 1 (dont sa filiale, la société
TPS), par la société Métropole Télévision
(M 6) et France Télécom quelles
estiment prohibées par les articles L. 420-1
et L. 420-2 du code de commerce et qui concernent le
service de télévision par ADSL (offre « Ma
Ligne TV » de la société France
Télécom et « TPS L »
de la société TPS).
Les sociétés Illiad
et Free ont assorti cette saisine dune demande de
mesures conservatoires.
Par une demande enregistrée
le 26 décembre 2003, les sociétés
Louis Dreyfus Communications (LDCOM devenue Neuf Télécom)
et 9 Télécom Réseau ont également
saisi le conseil de pratiques mises en uvre par la
société France Télécom quelles
estiment prohibées par larticle L. 420-2
du code de commerce et qui concernent le service de télévision
par ADSL (« Ma Ligne TV » de la société
France Télécom).
Cette saisine était accompagnée
dune demande de mesures conservatoires.
Le 31 décembre 2003,
le conseil a procédé à la jonction
des deux affaires.
Les sociétés Free
et Illiad contestent le refus opposé par le groupe
TF 1 (dont la société TPS) de communiquer
lensemble des conditions contractuelles et tarifaires
concernant la diffusion des chaînes du groupe TF 1
et de sa filiale TPS. Elles font également état
du refus que leur a opposé la société
Métropole Télévision pour la reprise
de ses contenus audiovisuels dans loffre de télévision
par ADSL proposée par la société Free.
La société Neuf Télécom
dénonce les comportements suivants de la part de
France Télécom :
- le fait de proposer des offres de télévision
par ADSL alors quelle agit également dans le
secteur de la télévision par câble ;
- le fait de grouper plusieurs prestations (transport,
accès et équipements) dans le cadre de son
service de télévision par ADSL ;
- les niveaux des tarifs proposés ;
- les entraves au développement doffres
daccès ADSL vidéo concurrentes ;
- lexclusion des offres daccès
ADSL fondées sur le dégroupage ;
- lincompatibilité des modems.
Par décision no 04-MC-01
du 15 avril 2004, statuant sur la demande de mesures
conservatoires, le Conseil de la concurrence a décidé :
« Article 1er.
- La saisine de la société Neuf Télécom
est rejetée pour défaut déléments
probants en ce quelle vise la société
France Télécom pour sa position dans le secteur
du câble et le choix des modems utilisés pour
le service Ma Ligne TV.
Article 2. - Il
est enjoint à la société TPS, à
titre conservatoire et dans lattente dune décision
au fond :
Dinsérer, en caractères
nettement lisibles, dans tous ses documents promotionnels
ou publicitaires relatifs à la commercialisation
du service TPS L diffusés à
compter de la date de notification de la présente
décision, la mention Offre soumise aux conditions
techniques particulières figurant à larticle 2.2
(point 2) des conditions générales dabonnement, étant précisé quaux termes de
cet article :
Laccès aux services
proposés par TPS est conditionné par le fait
que la ligne téléphonique fixe de labonné
soit :
- analogique ;
- raccordable techniquement aux conditions daccès
de France Télécom ;
- éligible géographiquement et
techniquement et capable techniquement de supporter les
débits nécessaires à la technologie
ADSL.
Ladite ligne téléphonique
fixe ne doit pas, par ailleurs, être dégroupée :
en particulier, si labonné est également
abonné à un fournisseur daccès
à internet qui a recours à un opérateur
de télécommunications pratiquant le dégroupage
pour échanger des données sur le réseau
téléphonique grâce à une liaison
haut débit ADSL ou bas débit, laccès
aux services proposés par TPS ne sera pas possible.
Le dégroupage de la ligne téléphonique
fixe de labonné est considéré
par TPS comme un motif légitime de résiliation
du présent contrat.
Article 3. - Il
est enjoint à la société France Télécom,
à titre conservatoire et dans lattente dune
décision au fond :
Dinsérer, en caractères
nettement lisibles, dans tous ses documents promotionnels
ou publicitaires relatifs à la commercialisation
du service Ma Ligne TV diffusés à
compter de la date de notification de la présente
décicion, la mention Offre soumise aux conditions
techniques particulières figurant à larticle 4
(point 3 du premier paragraphe) des conditions spécifiques, étant précisé quaux termes de
cet article : Pour pouvoir être raccordé
au service, le client doit disposer dune ligne téléphonique
non dégroupée, isolée, analogique,
en service et répondant aux caractéristiques
de la technologie ADSL utilisée par France Télécom
pour la fourniture de ce service. Si le client est internaute,
ce dernier sinforme, et se tient régulièrement
informé, auprès de son fournisseur daccès
à internet, du fait que les conditions daccès
à internet satisfont aux conditions daccès
au service.
Dans un délai de deux
semaines à compter de la notification de la présente
décision, dautoriser la société
Neuf Télécom à installer les équipements
nécessaires au raccordement de ses DSLAM vidéo
à son réseau de desserte en boucle, notamment
les commutateurs Ethernet et de répondre aux commandes
daccès de la société Neuf Télécom,
y compris lorsque cet opérateur est à
la fois émetteur et preneur.
Ces prestations sont fournies à la société
Neuf Télécom, dans le cadre des relations
contractuelles existantes, dans des conditions non discriminatoires
et dans la limite des fonctionnalités que permettent
les DSLAM commercialisés sur le marché ;
A compter de la date de notification
de la présente décision, de présenter
séparément, dans tout contrat relatif à
des prestations ADSL vidéo, y compris dans les
contrats existants, le prix du transport et le prix de desserte
locale des flux vidéo. Cette présentation
tarifaire précise également que les deux prestations
sont commercialement indépendantes et peuvent être
assurées par deux opérateurs différents. »
La
cour,
Vu le recours formé par les
sociétés Neuf Télécom et 9 Télécom
Réseau à lencontre de la décision
no 04-MC-01 du 15 avril 2004,
par voie dassignation à laudience du
25 mai 2004, délivrée le 3 mai 2004,
aux termes de laquelle elles demandent à la cour :
- de les recevoir en leur recours et les déclarer
bien fondées ;
- de réformer partiellement la décision
en ajoutant un nouvel article formulé comme suit :
« Article 4. - Il
est enjoint à la société France Télécom
à titre conservatoire et dans lattente dune
décision au fond de suspendre :
La commercialisation de loffre
Ma Ligne TV ou de toute offre de services de
télécommunications analogue destinée
au consommateur final ayant les caractéristiques
décrites dans la présente décision ;
Lapplication des clauses et
dispositions des contrats signés avec les éditeurs
de bouquet en ce quils prévoient une rémunération
forfaitaire du transport par POP pour la durée des
accords, qui nest pas proportionnelle au nombre daccès
activés, ainsi que le prix et le contenu des prestations
offertes au consommateur final et visant directement ou
indirectement à imposer la location dun décodeur
de manière groupée avec une prestation daccès
comme système de cryptage particulier » ;
En tout état de cause,
- de confirmer la décision pour le surplus ;
- de condamner la société France
Télécom à leur payer la somme de 10 000 Euro
au titre de larticle 700 du nouveau code de procédure
civile ;
Vu le recours formé par la
société France Télécom à
lencontre de la décision précitée,
par voie dassignation à laudience du
25 mai 2004, délivrée le 3 mai 2004,
aux termes de laquelle elle demande à la cour :
A titre principal :
- de dire que les mesures conservatoires prononcées
à son encontre violent les exigences du principe
de motivation ainsi quen fait et en droit, les exigences
de larticle L. 464-1 du code de commerce ;
- en conséquence, dannuler les mesures
conservatoires prononcées par le conseil ;
- de dire quil ny avait lieu de prononcer
des mesures conservatoires à son encontre ;
A titre subsidiaire :
- de réformer les mesures prononcées
à son encontre par le conseil ;
Vu le recours formé par la
société TPS à lencontre de la
décision précitée, par voie dassignation
à laudience du 25 mai 2004, délivrée
le 7 mai 2004, aux termes de laquelle elle demande
à la cour :
- de déclarer recevable son recours incident
formé à lencontre de la décision
du conseil ;
- de dire que cette décision doit être
annulée dans son intégralité ;
A titre subsidiaire :
- de dire que la décision du conseil doit
être réformée en ce quelle a considéré
quil existait une atteinte à léconomie
du secteur et aux consommateurs justifiant le prononcé
de mesures conservatoires ;
- en conséquence, « de réformer
la décision du conseil en ses articles 2 et 3,
2e point, en annulant ces mesures » ;
- de rejeter les recours des sociétés
Neuf Télécom et 9 Télécom
Réseau ;
- de condamner les sociétés Neuf
Télécom et 9 Télécom Réseau
au paiement dune somme de 10 000 euros au
titre de larticle 700 du nouveau code de procédure
civile ;
Vu les conclusions
déposées le 21 mai 2004 par les sociétés
Neuf Télécom et 9 Télécom
Réseau ;
Vu les conclusions déposées
les 19, 21 et 24 mai 2004 par la société
France Télécom ;
Vu les conclusions déposées
le 24 mai 2004 par la société TPS (deux
mémoires) ;
Vu les conclusions déposées
le 24 mai 2004 par la société France
Télécom ;
Vu les conclusions déposées
le 25 mai 2004 par les sociétés Neuf
Télécom et 9 Télécom Réseau ;
Bien que régulièrement
assignées, les sociétés Free, Iliad,
TF1 et Métropole Télévision (M6) nont
pas déposé de conclusions ;
Ouï le représentant
du ministre de léconomie en ses observations
tendant à la réformation partielle de la décision
du conseil de la concurrence et le ministère public
en ses conclusions de rejet du recours ;
Sur
ce,
Considérant quil est
de lintérêt dune bonne justice
de juger ensemble les recours formés contre la décision
du conseil no 04-MC-01 du 15 avril
2004 par les sociétés Neuf Télécom
et 9 Télécom Réseau, France Télécom
et TPS, inscrits au répertoire général
de la cour respectivement sous les numéros 2004/8236,
2004/8227 et 2004/8821 ;
Considérant, en droit, quaux
termes de larticle L. 464-1 du code de commerce
les mesures conservatoires que le conseil peut prendre lorsquelles
lui sont demandées ou quelles lui apparaissent
nécessaires, « ne peuvent intervenir
que si la pratique dénoncée porte une atteinte
grave et immédiate à léconomie
générale, à celle du secteur intéressé,
à lintérêt des consommateurs ou
à lentreprise plaignante », et « doivent rester strictement limitées
à ce qui est nécessaire pour faire face à
lurgence » ;
Que, si lautorité compétente
nest pas tenue de constater prima facie une
infraction aux règles de la concurrence avec le même
degré de certitude que celui requis pour la décision
sanctionnant un tel manquement, elle doit être, pour
prononcer de telles mesures, convaincue de lexistence
dune présomption dinfraction raisonnablement
forte, à savoir une entente ayant pour objet ou pouvant
avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence sur
un marché ou lexploitation abusive dune
position de domination sur le marché ; quà
tout le moins, les faits dénoncés et dont
le conseil sestime valablement saisi au fond doivent
être suffisamment caractérisés pour
être tenus comme la cause directe et certaine de latteinte
relevée ;
I. - Sur le
recours formé par la société France
Télécom
Considérant
quà lappui de sa demande tendant à
lannulation des mesures conservatoires prononcées
à son encontre par le conseil dans larticle 3
de sa décision, France Télécom prétend,
pour lessentiel, que ces dernières violent
les exigences du principe de motivation et, en fait et en
droit, celles de larticle L. 464-1 du code de
commerce ;
Sur
la première mesure :
Considérant
que France Télécom fait notamment valoir que
le conseil na pas caractérisé la présomption
de pratique anticoncurrentielle raisonnablement forte à
lorigine de la première des mesures conservatoires
ordonnées à son encontre et que cette dernière,
outre quelle résulte dune erreur manifeste
dappréciation des faits, « méconnaît
les conditions de latteinte grave et immédiate » mentionnée à larticle L. 464-1
précité dès lors que les supports promotionnels
relatifs à loffre « Ma Ligne Tv »
comportent une mention informant les consommateurs sur les « conditions techniques » de
cette offre plus explicite que celle retenue par le conseil « Offre soumise aux conditions techniques
particulières figurant à larticle 4
des conditions spécifiques » ;
Considérant que le conseil
justifie sa mesure dinsertion par le fait que les
documents publicitaires et promotionnels relatifs à
loffre « Ma Ligne Tv » ne font
pas « directement ou indirectement référence
aux incompatibilités existant entre services » (§ 134 de la décision) ;
Mais considérant quà
supposer démontrée une présomption
de manquement raisonnablement forte, lexistence dune
atteinte grave et immédiate à léconomie
générale, à celle du secteur intéressé,
à lintérêt des consommateurs ou
à lentreprise plaignante, mentionnée
à larticle L. 464-1 précité,
nest pas suffisamment caractérisée,
la mesure conservatoire ordonnée proposant un avertissement
au consommateur de même nature que celui mentionné
sur les supports promotionnels de loffre « Ma
Ligne Tv » de sorte quelle napparaît
pas strictement limitée à ce qui est nécessaire
pour faire face à lurgence ;
Sur
la deuxième mesure :
Considérant
que, pour contester la deuxième mesure conservatoire
ordonnée à son encontre, la société
France Télécom invoque, dune part, la
méconnaissance par le conseil de la compétence
spéciale dévolue à lAutorité
de régulation des télécommunications
(ART) en matière de régulation opérationnelle
de loffre de dégroupage, et, dautre part,
une erreur manifeste et grave dappréciation
rendant inapplicable la mesure prononcée, en ce que
linstallation des commutateurs Ethernet dans les salles
de dégroupage ne saurait être mise en uvre « dans le cadre des relations contractuelles
existantes au titre du dégroupage » et
en ce quelle ne saurait prendre à sa charge
la prestation de commande de migration de raccordement des
accès ADSL vers un DSLAM vidéo, son offre
excluant de telles installations et prestation ;
Considérant, en premier lieu,
quà lappui de lexception dincompétence
du conseil, France Télécom fait valoir, excipant
de lavis de lART no 04-72 du
15 mai 2004, que son offre de référence
ne prévoit pas un accès aux commutateurs Ethernet
indépendant, contrairement à lanalyse
retenue par le conseil, et que dès lors, lART
est seule compétente pour statuer sur le différend
entre les parties en application de larticle 4
du règlement CE no 2887/2000 du 18 décembre
2000 relatif au dégroupage de laccès
à la boucle locale, lequel prévoit que « Lautorité
réglementaire nationale est habilitée à
imposer des modifications de loffre de référence
pour laccès dégroupé à
la boucle locale et aux ressources connexes y compris les
prix, lorsque ces modifications sont justifiées » ;
« Lautorité
réglementaire nationale peut intervenir, lorsque
cela se justifie, de sa propre initiative pour assurer la
non-discrimination, une concurrence équitable ainsi
que lefficacité économique et le plus
grand bénéfice pour les utilisateurs »;
Mais considérant que,
dans sa décision no 96-378 DC
du 23 juillet 1996, le Conseil constitutionnel a précisé
que « les décisions de lautorité
pourront trancher des litiges relevant du droit de la concurrence
ou des différends de nature commerciale ou technique
survenus dans la négociation ou lexécution
des conventions dinterconnexions, lesquelles, en vertu
de larticle L. 34-8 du code des postes et télécommunications,
constituent des conventions de droit privé ;
quil en sera de même des litiges entre opérateurs
sagissant des possibilités et conditions dune
utilisation partagée entre eux des installations
existantes ou des conditions de mise en conformité
avec larticle L. 34-4 du même code des
conventions relatives à la fourniture des services
de télécommunications visés par cet
article ; que la saisine des autorités par lune
et lautre des parties est facultative ; quau
cas où les opérateurs nauront pas choisi
de saisir lautorité de régulation, les
litiges seront portés selon le cas soit devant le
Conseil de la concurrence et en cas de contestations devant
la cour dappel de Paris, soit devant le juge du contrat ;
que la loi déférée tend ainsi à
unifier sous le contrôle de la Cour de cassation lensemble
des contentieux spécifiques visés aux I
et II de larticle L. 36-8 » ; que les dispositions du règlement communautaire
susvisé nont pas modifié cette répartition
des compétences ; quil sensuit que
les parties ont la faculté de saisir lART ou
le conseil ; que, dès lors, lexception
dincompétence du Conseil de la concurrence
doit être rejetée ;
Considérant, en second lieu,
sur lerreur manifeste et grave dappréciation
dénoncée par France Télécom,
que cette entreprise prétend, pour lessentiel,
que la mesure prononcée fondée sur les seules
déclarations de Neuf Télécom, lesquelles
ne sont étayées par aucun indice précis,
ne serait pas en relation avec une pratique anticoncurrentielle
identifiée, ne caractérisant pas latteinte
grave et immédiate mentionnée à larticle L. 464-1
précité et serait devenue sans objet ;
Considérant quà
supposer quune présomption dabus de position
dominante raisonnablement forte soit caractérisée
il résulte des écritures de France Télécom,
non utilement contredites par le conseil ou les parties,
quune offre dhébergement ayant pour objet
dautoriser et dorganiser linstallation
des commutateurs Ethernet dans les salles de dégroupage,
dont le conseil a reçu communication le 27 février 2004,
a été faite par cette entreprise à
Neuf Télécom et que cette dernière
société a annoncé le lancement dune
offre daccès ADSL vidéo à Marseille,
pour le 22 mars suivant ; quil ny
a donc plus lieu de craindre une atteinte grave et immédiate
à la concurrence nécessitant la mise en uvre
dune mesure durgence de sorte que, pour lensemble
de ces raisons, la mesure conservatoire apparaît sans
objet ;
Sur
la troisième mesure :
Considérant
que France Télécom allègue que la troisième
mesure conservatoire prononcée à son encontre
nest pas motivée au regard de lexigence
de la caractérisation dune présomption
de manquement raisonnablement forte ;
Quen réplique les sociétés
Neuf Télécom et 9 Télécom Réseau
font valoir que, par suite du couplage tarifaire opéré
par France Télécom entre les prestations de
desserte locale et de transport national de flux vidéo
dans les contrats relatifs au service ADSL vidéo,
les fournisseurs de programmes de télévision,
clients de France Télécom, telle la société
TPS, nont aucun intérêt à faire
appel aux différents opérateurs daccès
qui pourraient exister en aval dun même opérateur
de transport ;
Considérant que, se fondant
sur les seules allégations de Neuf Télécom
et de 9 Télécom Réseau, le conseil
a conclu que le « couplage tarifaire » susdécrit menaçait la concurrence du secteur
de lADSL et portait gravement atteinte à son
économie (§ 142 et § 143 de la
décision) sans toutefois caractériser plus
avant linfraction reprochée ni démontrer
latteinte grave et immédiate qui en résulterait
pour léconomie générale, le secteur
concerné, lintérêt des consommateurs
ou lentreprise plaignante alors même quil
résulte du dossier de la procédure quun
fournisseur de programmes de télévision autre
que TPS a fait appel à différents opérateurs
daccès, parmi lesquels Neuf Télécom,
en passant un accord de diffusion de son bouquet de télévision
ADSL ;
Quil sen déduit
que cette mesure comme les précédentes nest
pas fondée au regard des exigences posées
par larticle L. 464-1 du code de commerce ;
II. - Sur le recours formé
par la société TPS
Sur
la recevabilité du recours :
Considérant, tout dabord,
que, contrairement à ce que soutient la société
TPS, la faculté dexercer un recours incident
contre une décision ordonnant des mesures conservatoires
nest ouverte aux parties en cause devant le conseil
ni par le décret no 87-849 du 19 octobre 1987
- la section II relative aux mesures conservatoires
et la section IV concernant les dispositions communes
névoquant pas cette possibilité - ni
par les dispositions des articles 543 et suivants du
nouveau code de procédure civile relatives à
lappel, qui ne sont pas applicables à la matière,
le décret précité ayant précisément
pour objet de fixer les modalités particulières
des recours ; que, toutefois, la société
TPS doit être déclarée recevable en
son recours - nonobstant la qualification quelle lui
a donné - dès lors quen labsence
de production de lavis de réception de la lettre
de notification de la décision du conseil il nest
pas établi que le délai prévu par larticle L. 464-7
du code de commerce était expiré lorsque cette
société a placé son assignation ;
Considérant, ensuite, que,
contrairement à ce que font valoir les sociétés
Neuf Télécom et 9 Télécom Réseau,
la caractérisation prima facie par le conseil
du marché de la position dominante de lentreprise
sur celui-ci et des pratiques dentente ou dabus
de domination, éléments constitutifs de lincrimination, « ne ressortit pas au seul examen de la recevabilité
de la saisine au fonds » mais constitue lune
des conditions exigées par larticle L. 464-1
du code de commerce pour loctroi de mesures conservatoires ;
que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur
le fond :
Considérant que la société
TPS soutient que le conseil na pas caractérisé
lexistence dune présomption dinfraction
raisonnablement forte au droit de la concurrence ;
quà cet égard, elle fait valoir, dune
part, que les marchés pertinents ne sont pas précisément
identifiés, dautre part, que la position dominant
de TPS nest pas démontrée et, enfin,
quaucune présomption dentente illicite
entre TPS et France Télécom nest établie ;
Considérant, en premier lieu,
que la délimitation dun marché sopère
à partir dune analyse de la substituabilité
des produits ou des services en cause ; que si, au
stade des mesures conservatoires, cet examen ne peut être
mené de manière exhaustive, la définition
du marché ne peut résulter de la seule référence
à des décisions nayant aucun caractère
préparatoire à la décision déférée,
sans quau moins soient rappelés - fût-ce
succinctement - les éléments du raisonnement
conduisant à la délimitation du marché
à partir de lanalyse de linterchangeabilité
des produits et services concernés ;
Or considérant, que, se fondant
sur diverses décisions (§ 41), notamment
celle du TPICE du 30 septembre 2003, pour définir
un premier marché dit de la télévision
à péage, « séparé
mais complémentaire du marché des services
de télévision interactive numérique » (§ 42), doù il déduit, dune
part, lexistence dun marché émergent
des offres multiservices de communication par ADSL, et,
dautre part, que la télévision par ADSL,
en tant que « nouveau support de diffusion
audiovisuelle, en loccurrence le réseau daccès
cuivre du réseau téléphonique, à
côté du réseau hertzien terrestre, du
câble ou du satellite », pourrait ne
pas constituer un marché autonome (§ 43),
le conseil na pas suffisamment explicité les
motifs qui justifient son analyse des marchés en
cause dans la présente affaire ;
Considérant, en second lileu,
que, pour caractériser la position dominante de TPS,
à laquelle seule des mesures conservatoires ont été
notifiées, le conseil, examinant la capacité
de cette entreprise à sabstraire de la concurrence
sur le marché de la télévision à
péage, a pris successivement en considération,
en se fondant sur diverses décisions, la part du
marché du groupe TF1 (24 % contre 50 %
pour Canal Plus), la part daudience des chaînes
thématiques dans le palmarès des 10 chaînes
les plus regardées (4 chaînes pour TF1
et 2 pour Canal Plus), la part daudience des
chaînes généralistes hertziennes diffusées
sur la télévision à péage et
lintégration des sociétés appartenant
au groupe TF1, dominant sur le marché connexe de
la publicité télévisuelle et détenant
une présence forte sur lensemble des programmes
dinformations sur la télévision, sur
lactivité dédition des programmes
du groupe TF1 et sur la télévision à
péage ; quil en a déduit qu« en
létat de linstruction, il ne peut être
exclu quau moins dans la phase de lancement de la
télévision par ADSL, telle quelle se
présente aujourdhui, la société
France Télécom et le groupe TF1 détiennent,
par lintermédiaire des marchés qui y
sont liés, un avantage concurrentiel important par
rapport à leurs concurrents ou apparaissent comme
des partenaires obligés pour les nouveaux opérateurs
entrant sur le marché » ;
Mais considérant quopposant
à cette argumentation dautres décisions,
la société TPS apporte des éléments
selon lesquels le groupe TF1 ne détiendrait aucune
position dominante sur les marchés étudiés
mais serait, au contraire, fortement concurrencé
par dautres entreprises, tel le groupe Canal Plus ;
quelle fait valoir que, sur le marché de la
télévision à péage, la part
de marché du groupe TF1 est de 11,7 % contre
64,8 % pour Canal Plus ainsi quil résulte
de la décision 03-MC-01 du 23 janvier 2003
du Conseil de la concurrence et que sur le marché
de lédition et de la commercialisation des
chaînes thématiques, il noccupe aucune
position dominante comme lindique la Commission européenne
dans sa décision TPS du 30 avril 2002 ;
que TPS remarque, à juste titre, que léventuelle
position dominante détenue sur le marché de
la publicité télévisuelle par le groupe
TF1 ne peut justifier un abus de sa part sur les marchés
visés par la décision que sil existe
un lien de connexité entre tous ces marchés
ainsi quun lien de causalité entre la position
dominante de TF1 sur le premier et labus commis sur
les seconds, lesquels ne sont nullement établis ;
quelle fait enfin justement observer que le conseil
ne peut déduire de cette analyse lexistence
dun avantage concurrentiel de France Télécom
et de TF1, sans préciser la manière dont sexerce
cette domination conjointe et sur quels marchés ;
Considérant, dans ces conditions,
quen labsence concrète de la position
de TPS sur les marchés en cause, la confrontation
des décisions de justice citées par les parties
avec les autres pièces du dossier de la procédure
ne mettent pas la cour en mesure de sassurer du caractère
vraisemblable de la position dominante de TPOS, partant
de lexistence dune présomption raisonnablement
forte dabus de position dominante ;
Considérant, en troisième
lieu, que pour caractériser la présomption
dentente tarifaire verticale et horizontale illicite
résultant de laccord du 1er août
2003 conclu entre France Télécom et TPS, le
Conseil de la concurrence se borne à relever, à
linstar des sociétés Neuf Télécom
et Télécom Réseau, que les offres « Ma
Ligne Tv » et TPS L sont vendues à
un prix maximal équivalent à celui payé
pour « accéder aux offres de TPS sur
le marché de la télévision payante » et quelles sont distribuées dans les agences
de France Télécom, ce qui constitue « un
avantage considérable en raison du maillage territorial
quassurent les agences et de la possibilité
dy commercialiser les services Wanadoo » ;
Mais considérant que ces
seuls éléments sont insuffisants, en létat,
pour caractériser la vraisemblance de lobjet
et de leffet anticoncurrentiel de « lentente
tarifaire » existant entre les parties ;
quen premier lieu les sociétés Neuf
Télécom et 9 Télécom Réseau
ne démontrent ni le caractère prétendument « artificiel » du prix, en
labsence danalyse du coût des prestations,
ni limpossibilité dans laquelle elles se trouveraient
de « répliquer loffre de France
Télécom » ; quen
second lieu, nest pas établie lillicéité
de lalignement du tarif de cette offre sur celui de
la prestation par satellite, les prix pratiqués par
TPS apparaissant, ainsi quelle en apporte la preuve « dans la droite ligne de ceux du marché » ; quenfin, la seule référence à
la distribution de loffre dans les agences France
Télécom ne permet pas de déceler le
caractère anticoncurrentiel du comportement des parties,
TPS disposant, par ailleurs, dun réseau de
distributeurs agréés quelle met également
à contribution ; quil résulte de
ce qui précède que la condition tenant à
lexistence dune présomption dinfraction
raisonnablement forte nest pas remplie ;
Considérant surabondamment
que la preuve nest pas apportée que les autres
conditions nécessaires à ladoption des
mesures conservatoires sont réunies ; que, dune
part, si aux termes de larticle L. 464-1
du code de commerce le conseil peut prendre « les
mesures conservatoires qui lui sont demandées ou
celles qui lui apparaissent nécessaires », cest à la condition quexiste un lien
entre latteinte observée et la mesure prononcée,
la seconde étant limitée à ce qui est
nécessaire pour corriger la première ;
quen lespèce, napparaît pas
caractérisée, dans la décision, la
relation entre les pratiques reprochées - labus
de position dominante résultant de la non-communication
aux opérateurs par TPS de ses conditions contractuelles
et tarifaires concernant le contenu des chaînes quelle
édite et lentente sur les prix existant entre
France Télécom et TPS pour les offres « Ma
Ligne Tv » et TPS L - et la mesure
ordonnée consistant à informer le consommateur
sur les conséquences, au regard de loffre proposée,
du dégroupage de la ligne téléphonique
fixe de labonné ; que, partant, la condition
de proportionnalité de la mesure à latteinte
affectant le marché nest pas remplie ;
quil sensuit que le recours de TPS relatif à
larticle 2 de la décision du conseil ne
peut quêtre accueilli ;
III. - Sur
le recours formé par les société Neuf
Télécom
et 9 Télécom Réseau
Considérant
que les sociétés Neuf Télécom
et 9 Télécom Réseau poursuivent
la réformation de la décision du conseil en
ce que celui-ci na pas ordonné la suspension
de la commercialisation par France Télécom
de son offre « Ma Ligne Tv » quelles
lui demandaient de prononcer à titre de mesure conservatoire
et sollicitent de la cour lajout à la décision
dun nouvel article formulé ainsi quil
a été dit dans lexposé de leurs
prétentions ;
Considérant que les requérantes
reprochent au conseil davoir « effectué
une appréciation manifestement entachée derreur
au regard des dispositions de larticle L. 464-1
du code de commerce en sabstenant danalyser
concrètement, sur la base des mesures qui lui étaient
suggérées par ses rapporteurs et les saisissants,
celles qui étaient nécessaires et proportionnées
à la gravité de la situation quil constatait
et de justifier chacune dentre elles, notamment en
refusant de sexpliquer en quoi la suspension de conventions
litigieuses pourrait ne pas être proportionnée
à une atteinte grave et immédiate dont elles
sont le siège » ;
Quinvoquant linadéquation
des mesures prononcées, les sociétés
Neuf Télécom et 9 Télécom
Réseau prétendent que celles-ci font « totalement
abstraction de lensemble de la question tarifaire
pourtant expressément identifiée, tant de
Ma Ligne Tv que des prestations fournies par
France Télécom aux éditeurs de bouquet
au titre du protocole et du risque pour le dégroupage,
à raison de leffet de levier que France Télécom
peut tirer de sa position sur linternet haut débit
et du parc dabonnés Wanadoo en utilisant cette
nouvelle application de lADSL sans avoir encadré
son comportement » ;
Quau soutien de leur recours
elles font encore valoir que : « Les
mesures imposées sont si manifestement sous-dimensionnées
pour faire face à limportance de latteinte
constatée par les autorités et [qu]elles
ne permettent que si marginalement de remédier aux
aspects économiques des atteintes dénoncées
et constatées, que laissant par hypothèse
les principales pratiques développer leurs effets
délétères sur la concurrence, leur
faiblesse prive en grande part lintervention du conseil
de la portée nécessaire que doit avoir une
mesure conservatoire, à savoir préserver la
concurrence de latteinte grave et immédiate
qui la compromettra sans intervention.
Dès lors que les conséquences
des violations graves du droit de la concurrence, bien que
recensées par le conseil, nont pas été
adéquatement prises en compte dans lanalyse
des mesures conservatoires nécessaires, lensemble
des atteintes identifiées par le conseil et lART,
et qui ne sont pas liées aux aspects opérationnels,
vont développer leurs effets pendant les trois années
que ne manquera pas de durer linstruction au fond
de la saisine, en créant de ce fait une situation
quaucune amende ou injonction ne pourra corriger » ;
Considérant, en lespèce,
quen se bornant à relever « quil
ne peut être exclu, en létat actuel du
dossier et sous réserve de linstruction au
fond, que lensemble des pratiques dénoncées
dans les saisines et précédemment relevées
entrent dans le champ dapplication des articles L. 420-1
et L. 420-2 du code de commerce, et des articles 81
et 82 du traité de Rome, dès lors quelles
affecteraient une partie substantielle du marché
national », le conseil na pas caractérisé
lexistence dune présomption dinfraction
suffisamment forte pour lautoriser à prendre
la mesure conservatoire sollicitée ;
Quen effet, une telle présomption
ne peut être tirée du seul examen de lincidence
que les pratiques invoquées ont sur le marché ;
quainsi est sans portée la circonstance, soulignée
par la décision attaquée, que, selon lART,
la concurrence sur le marché de lADSL sest
dévelopée grâce au « décollage » du dégroupage de la boucle locale en 2003
et que 2004 devrait confirmer le taux de croissance
de ce marché et que « cette dynamique
pourrait être ralentie par lapparition de loffre
Ma Ligne Tv (...) avec un nombre élevé
de souscripteurs à son offre daccès
audiovisuel par ADSL, France Télécom pourrait
bénéficier dun effet de levier pour
renforcer sa position sur le marché de laccès
ADSL et des services daccès internet haut débit » ;
Quen labsence de présomption
dinfraction suffisamment forte, la légitime
vigilance à légard « de
pratiques qui pourraient de manière délibérée
entraver » le développement du secteur
du haut débit « en limitant pour les
opérateurs les possibilités techniques et
économiques de répliquer les offres audiovisuelles
de France Télécom par lintermédiaire
du dégroupage », soulignée
par la décision, nautorise pas le conseil,
dont la décision ne met pas en évidence la
volonté de cette société dadopter
un comportement anticoncurrentiel illicite, à prendre
la mesure conservatoire sollicitée par les sociétés
requérantes, quand bien même la société
Neuf Télécom ne serait pas « en
mesure de proposer aux fournisseurs de programmes de télévision
un service ADSL vidéo à grande échelle
du fait du comportement adopté par France Télécom,
en tant que détenteur de la boucle locale de téléphonie
fixe, pour la gestion des conventions de dégroupage » ;
Quenfin, le fait que les pratiques
en cause menacent louverture à la concurrence
du secteur de lADSL et ont un caractère dimmédiateté,
comme le souligne la décision attaquée, nest
pas de nature à faire présumer que celles-ci
sont constitutives de manquements aux règles de la
concurrence ;
Considérant que, contrairement
à ce que soutiennent les sociétés Neuf
Télécom et 9 Télécom Réseau,
le conseil a tenu compte de la « question
tarifaire » puisque cest au regard
des tarifs pratiqués tels quil résultent
de la convention intervenue entre France Télécom
et la société TPS quil sest interrogé
sur les indices de la mise en uvre dune entente
anticoncurrentielle verticale et horizontale entre ces sociétés ;
Que, devant la cour, les sociétés
Neuf Télécom et 9 Télécom
Réseau ne démontrent pas leur allégation
selon laquelle loffre « Ma Ligne Tv »
est manifestement anticoncurentielle en raison de sa seule
structure tarifaire ; quen effet une violation
des règles de concurrence ne ressort pas du seul
examen des tarifs pratiqués, dès lors quil
est nécessaire, pour apprécier le caractère
prédateur invoqué, de vérifier la définition
et le contour des prestations en cause ainsi que la répartition
des coûts des services y afférents, notamment
en ce qui concerne le décodeur qui est commun aux
différents services proposés et ne se limite
donc pas au seul accès à loffre du bouquet
proposé par la société TPS, laquelle
est soumise, en outre, à la souscription dun
abonnement distinct ; quainsi les difficultés
attachées à ces investigations interdisent
de retenir le caractère vraisemblable des manquements
allégués ;
Considérant quil sensuit
que les sociétés Neuf Télécom
et 9 Télécom Réseau ne peuvent
prétendre que doit être prononcée la
mesure conservatoire sollicitée ;
Considérant, au surplus,
que la preuve nest pas rapportée que les autres
conditions nécessaires à ladoption de
mesures conservatoires seraient réunies ; quen
particulier, il nest pas établi que la mesure
de suspension de la commercialisation de loffre « Ma
Ligne Tv » sollicitée est strictement
nécessaire pour faire face à lurgence ;
Considérant quil faut,
en effet, observer, dabord, que contrairement à
ce que les sociétés Neuf Télécom
et 9 Télécom Réseau soutiennent,
France Télécom ne sest pas réservée
lexclusivité de la diffusion du bouquet de
la société TPS ; quensuite, les
requérantes ne sont pas dans limpossibilité
de commercialiser un service daccès à
la télévision par ADSL, puisquelles
reconnaissent dans leur mémoire (page 24, § 73)
quaprès Marseille elles vont proposer à
Paris les programmes du groupe Canal Plus à compter
de la mi-mai 2004 ; quenfin, comme le démontre
la société TPS, le niveau des prix des différentes
offres est similaire et apparaît lié au coût
des abonnements pour des programmes identiques par satellite
ou par câble ;
Quen outre, comme les autres
parties le font justement remarquer, la suspension de loffre
« Ma Ligne Tv » laisserait le marché
accessible aux seuls concurrents de France Télécom
qui en tireraient un avantage concurrentiel, lequel pourrait
se révéler déterminant et conduire
à léviction de cette société ;
Considérant quil sensuit
que cest par une juste appréciation des faits
qui lui étaient soumis que le conseil a retenu que « sagissant dun service tout à
fait nouveau qui vient dêtre lancé et
dont il est difficile de prévoir précisément
le développement, il apparaît que la mesure
tendant à suspendre loffre de France Télécom
ou à cantonner son développement qui a été
demandée par les parties saisissantes napparaît
pas proportionnée à la nature des atteintes
constatées » ; que, devant la
cour dappel, les sociétés Neuf Télécom
et 9 Télécom Réseau ne justifient
daucun autre élément permettant dapprécier
différemment les circonstances de la cause ;
Considérant quil résulte
de lensemble de ce qui précède que la
décision attaquée doit être confirmée
en ce quelle a refusé de prononcer les mesures
conservatoires réclamées par les sociétés
Neuf Télécom et 9 Télécom
Réseau ; quen revanche elle encourt lannulation
en ses articles 2 et 3 ;
Quil ny a pas lieu de
faire application de larticle 700 du nouveau
code de procédure civile ;
Par
ces motifs :
Ordonne la jonction des recours
formés contre la décision du conseil no 04-MC-01
du 15 avril 2004 par les sociétés Neuf
Télécom et 9 Télécom Réseau,
France Télécom et TPS, inscrits au répertoire
général de la cour respectivement sous les
numéros 2004/8236, 2004/8227 et 2004/8821 ;
Déclare recevable le recours
formé par la société TPS ;
Annule les articles 2 et 3 de la
décision du conseil no 04-MC-01 du
15 avril 2004 ;
Dit ny avoir lieu à
application de larticle 700 du nouveau code de
procédure civile ;
Rejette toutes autres demandes plus
amples ou contraires ;
Laisse les dépens à
la charge du Trésor public.
(*) Décision
no 04-MC-01 du Conseil de la concurrence en date
du 15 avril 2004, parue dans le BOCCRF no 7
du 6 septembre 2004.