NOR : ECOC0300424V
La commission
de la sécurité des consommateurs,
Vu le code de la consommation, notamment
ses articles L. 224-1, L. 224-4, R. 224-4 et
R. 224-7 à R. 224-12,
Vu la requête no 01-063,
Considérant que :
I. - LA SAISINE
Le 18 mai 2001
Monsieur B. saisissait la commission sur le problème
de brûlure quoccasionnait leau chaude sanitaire
issue du chauffe-eau de lappartement dont il est locataire.
En effet leau chaude y est mesurée au robinet
à 78 oC et une personne a été
brûlée. De plus le réglage de température
du chauffe-eau était inaccessible.
II. - LES STATISTIQUES
DACCIDENTS
Les brûlures par
leau chaude sanitaire font partie des accidents plus
généraux dus aux liquides très chauds,
notamment chez les jeunes enfants et les personnes âgées.
Certaines statistiques bien quanciennes
permettent déclairer ce problème :
Statistiques EHLASS, 1 119 cas
recensés
(année de recueil 1997)
Les brûlures
sont des accidents qui surviennent une fois sur cinq chez
les enfants de moins de cinq ans et le garçon est plus
particulièrement touché (60 % à
ces âges). Les brûlures par liquides chauds sont
les plus fréquentes (51 %) principalement avant
un an (59 %).
Dans 40 % des cas il sagit
dune atteinte du membre supérieur, et en tout
premier lieu de la main : 25 % (chez les moins de
cinq ans). Cest un accident grave, immédiatement,
puisquil entraîne un taux dhospitalisation
élevé (18 %), une durée moyenne
de séjour de 17,6 jours, trois fois supérieure
à celle de lenquête et une prise en charge
ultérieure dans 51 % des cas, et dautre
part, secondairement, par la fréquence des séquelles
esthétiques (visage) mais aussi fonctionnelles (mains).
Enquête de la Société
française détude et de traitement
de la brûlure (réalisée en 1991-1992)
Cette enquête
donne dintéressantes précisions sur les
brûlures domestiques (voir résultats complets
en annexe). Les brûlures sont principalement observées
dans la cuisine (56,24 %) et la salle de bains (13,58 %).
Létendue de la brûlure est aussi fonction
de la pièce dorigine avec une très forte
implication de la salle de bains (15,7 % contre 8,75
pour la salle de bains).
On observe des étendues de
brûlure très différentes selon le matériel
dorigine et la part prise par leau chaude sanitaire
apparaît déjà comme la plus significative
(brûlures pouvant atteindre 100 % de la surface
avec une moyenne de 16,53 %).
Hôpital Trousseau à Paris
En France, chaque
année, 200 enfants atteints de brûlures
sont traités à lhôpital Trousseau
et les trois quarts ont moins de six ans. Une centaine denfants
meurent chaque année en France des suites de brûlures
(toute origine confondue).
Résultats dune enquête nationale sur
lépidémiologie de lenfant (Mercier
C., Blond M.H., Demont F. - Actualités de la SFETB
« Brûlures ». Données recueillies
en 1974 parmi la population pédiatrique (612 patients)
de 14 centres de brûlés et de 18 services
de chirurgie pédiatrique)
14,7 % des brûlures
des enfants de zéro à cinq ans sont dues à
leau chaude sanitaire avec un âge moyen denviron
vingt-cing mois et une surface moyenne denviron 16 %.
Diagramme des gravités de brûlure
en fonction du temps de contact et de la température
Ce diagramme
a été réalisé à partir
détudes menées chez lhomme. Il faut
en effet savoir que les enfants sont plus « agressés »
par la chaleur que les adultes. En effet il faut :
3 secondes (7 pour un adulte)
pour causer à un enfant une brûlure du 3e degré
avec de leau à 60 oC ;
1 minute (8 pour un adulte) si
leau est à 50 oC. Cette température
peut donc constituer la limite supérieure à
partir de laquelle les brûlures occasionnées
commencent à être sérieuses.
Ceci étant aggravé par
le fait cumulatif de leur moindre sensibilité qui allonge
le temps du réflexe de retrait.
Pour ces enfants les principales sources
de danger sont : leau du bain trop chaude, lenfant
qui samuse avec le robinet deau brûlante
ou qui est surpris par un « réglage »
occasionnel de la source deau chaude ou qui effectue
une fausse manuvre au poste de puisage (mauvaise utilisation
du mitigeur notamment).
III. - LES SÉQUELLES
DE BRÛLURES
Les séquelles
des brûlures résultent soit dune immobilisation
incorrecte, soit dune cicatrisation à tendance
rétractile, fréquente chez lenfant.
Les séquelles inesthétiques
surviennent en zone immobile : achromie, rougeurs, cicatrices
hypertrophiques dévolution spontanément
régressive en six mois à deux ans
ou cicatrices chéloïdiennes, non résolutives,
apparaissant à la suite de brûlures à
cicatrisation spontanée ou à la périphérie
de greffes.
Les séquelles fonctionnelles
surviennent près dun orifice naturel ou au niveau
des plis de flexion. Elles consistent en cicatrices rétractiles
provoquant des brides limitant les mouvements articulaires.
On aboutit par exemple à des doigts soudés les
uns aux autres, à des brides autour de la bouche, des
rétractions des paupières, la soudure du menton
au sternum, etc. Le traitement repose sur la chirurgie
(autoplasties locales, greffes, etc.).
Chez lenfant, cest létendue
des brûlures qui est importante, la profondeur nintervenant
que comme facteur de complication infectieuse. Le risque de
décès croît beaucoup à partir de
30 % détendue des brûlures. 60 %
est un chiffre redoutable. Il ny a pas de survie chez
les brûlés à 80 % et plus.
IV. - LA RÉGLEMENTATION
1. Réglementation
concernant la température
des eaux chaudes sanitaires des règlements insuffisants
Code de la santé
publique : le décret no 2001-1220
du 20 décembre 2001 qui transcrit en droit
national la directive 98/83/CE concernant les eaux destinées
à la consommation humaine. Il ne contient aucune disposition
pour limiter la température maximale de leau
chaude sanitaire.
Code de la construction et de lhabitation :
larrêté du 23 juin 1978, titre III,
précise : « la température
de leau chaude sanitaire ne doit pas dépasser
60 oC au point de puisage » (cest-à-dire
au nez du robinet).
Code de la construction et des installations
relevant de marchés publics : le décret no 80-689
du 2 septembre 1980 fixe à 60 oC
la température de leau chaude sanitaire à
la sortie du préparateur (cest-à-dire
à la source).
Circulaires du ministère de
la santé : ces circulaires ne sont applicables
quen milieu hospitalier, notamment les circulaires 420
TG 3-1974-05 - 28 B O 74/24, 538 TG 3 1974 07 - 07 -
03 BO 74/33 et DGS/SD7A/SD5C/DHCS/E4 2002/243 relatives
à la température de leau et à la
prévention des risques liés aux légionnelles.
2. Aspects réglementaires
et normatifs concernant les installations
de production et de distribution deau chaude
Directive 89-106
du 27 décembre 1988 relative aux produits
de la construction ci exigences essentielles (CEE) :
une exigence de température maximale qui devra être
fixée (pas de chiffre) pour prévenir le risque
de brûlure.
Comité européen de normalisation :
le programme de travail du comité technique 164 (alimentation
en eau. CEN/TC 164) comprend lélaboration dune
norme relative aux installations de plomberie des bâtiments
à usage dhabitation. Le projet Pr-EN806-2 évoque
les questions de températures. Encore très imprécis,
il fait apparaître des contradictions flagrantes entre :
- nécessité
de ne pas chauffer leau au-dessus de 50 oC
pour éviter la corrosion et les dépôts
excessifs (mais pas les brûlures) ;
- nécessité
de chauffer leau au-dessus de 50 oC
pour minimiser le risque de croissance microbienne, en particulier
de Legionella.
Un projet darrêté
modificatif de larrêté du 23 juin 1978
relatif aux installations fixes destinées au chauffage
et à lalimentation en eau chaude sanitaire des
bâtiments dhabitation, de bureaux ou locaux recevant
du public est toujours à létude. Un groupe
de travail a été créé à
linitiative de la direction générale de
la santé depuis le 21 novembre 1995 afin
de réfléchir à lévolution
de cette réglementation.
V. - LES MATÉRIELS
DE PRODUCTION
Les appareils destinés
à la production deau chaude sanitaire sont de
plusieurs sortes :
- chaudières
mixtes (chauffage central + eau chaude) avec ou sans
ballon ;
- chauffe-eau électrique
instantané ou à accumulation (cas général) ;
- chauffe-eau gaz
instantané ou à accumulation (sans raccordement,
à tirage naturel ou à ventouse) ;
- autres moyens,
notamment ceux basés sur lénergie solaire.
A lexception du dernier, tous
ces modes de chauffage de leau disposent de moyens de
réglage de la température de leau mais
ce réglage est généralement inaccessible
(caché sous un couvercle comme dans le cas des appareils
électriques) et de toute façon non « gradué »
en température. Les appareils instantanés notamment
fonctionnent par « élévation de température »
et la température de sortie au robinet dépend
de la celle de leau froide en amont.
VI. - LA SITUATION À
LÉTRANGER
A la connaissance du
rapporteur peu de pays ont réglementé la température
de leau chaude sanitaire.
1. Aux
Etats-Unis
Une véritable
législation réglementant la température
de leau chaude sanitaire nexiste que dans trois
Etats des USA : la Floride (50 oC), lEtat
de Washington (49 oC, 1983), lEtat du
Wisconsin (50 oC, 1988). Les effets de cette
réglementation nont été que partiellement
évalués dans lEtat de Washington le pourcentage
de brûlures par leau chaude sanitaire est passé
de 5,5 % à 2,4 % entre 1970 et 1988. Dans
tous ces Etats, la température de leau chaude
sanitaire est limitée à la source (cest-à-dire
au niveau du chauffage de leau et non au niveau du robinet
ou point de puisage).
2. Dans les pays européens,
on ne retrouve que des « recommandations »
Au Royaume-Uni,
limitation de la température à la source à
60 oC et au point de puisage à 43 oC.
Au Danemark et en Hollande, température
à la source de 52 à 57 oC, et
gymnastique de leau (renouvellement de leau 2,5
fois par 24 heures pour prévenir sa contamination).
En Hollande, ces recommandations sont,
semble-t-il, suffisantes avec un nombre de brûlures
par leau chaude sanitaire extrêmement bas.
VII. - QUELLES SOLUTIONS
ENVISAGER ?
Afin déviter
ces brûlures, il convient de pouvoir maintenir la température
maximale de leau chaude sanitaire à 50 oC.
Dautre part, afin déviter
le risque de développement de colonies de légionnelle
il convient de maintenir leau chaude sanitaire à
une température au moins égale à 60 oC
et/ou de « stériliser » périodiquement
le circuit complet. Cette dernière préconisation
doit être réservée aux lieux « à
risques » tels que définis dans le rapport
du CSHPF, car elle ne paraît pas pouvoir être
mise en uvre en habitat particulier. Afin de faire le
point sur ce problème de contamination nous renvoyons
le lecteur au récent avis (21 janvier 2003)
intitulé « avis de lAgence française
de sécurité sanitaire des aliments concernant
un projet darrêté relatif à la température
de leau chaude sanitaire ». Cet avis ne traite
évidemment pas du problème des brûlures
(bien quévoqué dans les 2e et
3e considérants).
Les deux exigences fixées sont,
dune part, limiter la température au point de
puisage à 50 oC et, dautre part,
assurer une température de production et/ou de stockage
supérieure ou égale à 65 oC.
Sil ny avait pas lexigence
dune production deau chaude sanitaire à
plus de 65 oC, une production à 50 oC
serait sans aucun doute la solution la plus adéquate
dun point de vue qualité/prix puisquelle
na aucune incidence sur les réseaux existants.
Signalons que cette solution présente tout de même
un grand intérêt pour une production instantanée.
Parmi les solutions qui permettent
de limiter la température à 50 oC,
à partir deau à température supérieure,
on trouve notamment :
- la régulation
par mélange. Elle peut se matérialiser sous
la forme dun régulateur thermostatique. Elle
peut aussi utiliser le principe de la régulation électronique ;
- la régulation
par échange. La limitation se fait cette fois-ci indirectement
par lintermédiaire dun échange de
chaleur. Il existe plusieurs sortes déchangeurs :
à plaques tubulaire... Cette solution, bien que théoriquement
admissible et ayant déjà été mise
en uvre, présente moins dintérêt
que les précédentes du fait de sa complexité ;
- les dispositifs
antibrûlures. Pour mémoire, il existe également
des systèmes antibrûlures constitués de
matériaux à mémoire de forme ou à
base dautres techniques. Ces derniers se placent en
amont de la douchette ou en bout de robinet et sont « programmés »
pour stopper tout débit (eau froide et eau chaude)
lorsque la température de leau mitigée
atteint un seuil donné.
Une étude du CSTB nommée
« Programme dactions destinées à
réduire les risques de brûlure dues aux eaux
chaudes sanitaires », a dressé une liste
des technologies disponibles (non exhaustive) ainsi que des
conséquences techniques impliquées et a donc
montré que les solutions techniques existent.
VIII. - LES CAMPAGNES
Au cours des quinze
dernières années, bon nombre de campagnes organisées
dans le monde entier ont mis en évidence lefficacité
de campagnes ciblées de formation du public pour la
prévention des brûlures et des blessures provoquées
par les liquides chauds, plus particulièrement lorsquelles
saccompagnent daccessoires pour la vérification
de la température de leau. Notamment au Canada -
Safe Start - BC Childrens Hospital, en Australie -
Campagne de prévention des blessures provoquées
par leau chaude au New South Wales « Hot
water burns like fire » - au Wisconsin :
projet de prévention des blessures provoquées
par leau du robinet - en Norvège :
projet Harstad.
Les résultats de ce projet
ont montré que les mesures passives (exemple :
baisse de la température de leau, installation
de dispositifs de sécurité) étaient plus
efficaces que les stratégies actives (exemple :
supervision). Les blessures provoquées par la porte
des cuisinières et leau chaude du robinet ont
été éliminées au cours des quatre
dernières années (leur nombre relativement faible,
soit de cinq et trois par année, respectivement, a
été réduit à zéro),
Emet
lavis suivant :
1. Les pouvoirs publics
devraient :
Concernant les installations neuves
ou rénovées, prendre sans attendre un arrêté
limitant, en toute circonstance, la température de
leau chaude sanitaire à 50 oC
aux postes de puisage autres que ceux de la cuisine ;
Concernant les installations existantes,
inciter les ménages, notamment ceux ayant des enfants
en bas âge, à installer des limiteurs de température,
au moins aux postes de puisage de la salle de bains. Une information
des propriétaires et des gestionnaires devrait aussi
être entreprise ;
Inclure dans la prochaine campagne
sur les accidents domestiques un volet concernant les brûlures
denfant et des personnes âgées, notamment
les personnes atteintes de maladie dAlzheimer, notamment
par leau chaude sanitaire et rappelant les conseils
généraux de prudence et informant sur les solutions
techniques existantes.
2. Les installateurs devraient
se référer au Guide technique, édité
par le CSTB : « Qualité et hygiène
des réseaux deau intérieurs ».
3. La commission éditera
une fiche spécifique sur ce sujet.
Adopté au cours de la séance
du 1er octobre 2003, sur le rapport
de M. Jean-Pôl Mambourg, assisté de M. Jean-Michel
Maignaud, conseiller technique de la commission, conformément
à larticle R. 224-4 du code de la consommation.
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