NOR : ECOC0300353S
Le Conseil de
la concurrence (section IV),
Vu la lettre enregistrée le
20 décembre 1996 sous le numéro F 926,
par laquelle le ministre délégué aux
finances et au commerce extérieur a saisi le Conseil
de la concurrence de la situation de la concurrence dans les
secteurs du chauffage collectif et des compteurs dénergie
thermique ;
Vu le livre IV du code de commerce
relatif à la liberté des prix et de la concurrence,
le décret no 86-1309 du 29 décembre 1986
modifié et le décret no 2002-689
du 30 avril 2002 fixant les conditions dapplication
du livre IV du code de commerce ;
Vu les observations présentées
par le commissaire du Gouvernement et Gaz de France ;
Vu les autres pièces du dossier ;
La rapporteure, la rapporteure générale
adjointe, le commissaire du Gouvernement et les représentants
de Gaz de France entendus lors de la séance du 25 juin 2003,
Adopte la décision fondée
sur les constatations (I) et les motifs (II) suivants :
I. - CONSTATATIONS
1. Par lettre enregistrée
le 20 décembre 1996 sous le numéro
F 926, le ministre délégué aux finances
et au commerce extérieur a saisi le Conseil de la concurrence
de pratiques mises en uvre par Gaz de France (ci-après
« GDF »). Il soutient que GDF, dans
le cadre dune politique active de soutien au chauffage
individuel centralisé, a subventionné lactivité
commerciale de sa filiale Calliance en assurant, pour le compte
de cette dernière, lapproche commerciale des
maîtres douvrage, en lui communiquant des informations
commerciales, et en réalisant la promotion nationale
de ses offres. Par ailleurs, il reproche à GDF davoir
accordé à deux fournisseurs de compteurs dénergie
thermique, les sociétés Schlumberger Industries
et Wateau, des avantages injustifiés de nature à
fausser le jeu de la concurrence sur le marché des
compteurs thermiques.
A. - Les
secteurs dactivité concernés
2. Linstallation
dun moyen de chauffage nécessite dintégrer
plusieurs produits ou services, dont la fourniture dénergie
(gaz, électricité, fioul domestique), des équipements
(chaudière, radiateurs, plomberie) et des services
complémentaires (entretien, répartition de charges
de chauffage...). Certaines offres, mixtes ou globales, regroupent
tout ou partie de ces produits et services.
1. Les sources dénergie
3. Elles
peuvent être classées en quatre catégories :
le fioul domestique ou le charbon, dont les offreurs sont
en concurrence, lélectricité, disponible
sur la quasi-totalité du territoire sous le monopole
dEDF, le gaz de ville, accessible pour 68 % des
logements français sous le monopole de GDF, et les
autres sources dénergie.
4. Pour les années 1994 et
1995, le prix de lunité dénergie
consommée a varié comme suit :
PRIX DE LÉNERGIE POUR 100
kWh PCI (EN CENTIMES) |
Sources |
1994 |
1995 |
|
Mini |
Maxi |
Mini |
Maxi |
Fioul/charbon |
20,35 |
20,58 |
20,18 |
20,38 |
Autres |
27,22 |
36,93 |
28,7 |
39,44 |
Electricité |
78,07 |
101,55 |
78,52 |
102,15 |
Gaz |
21,28 |
38,92 |
21,12 |
38,58 |
Ces chiffres évoluent
en fonction du prix des matières premières,
mais la hiérarchie entre les énergies les moins
chères (gaz, fioul, charbon et autres) et les plus
chères (électricité) est, en général,
conservée.
2. Les critères
de choix dun mode de chauffage
5.
Plusieurs facteurs influent sur le choix effectué entre
les différentes sources dénergie, notamment
leur disponibilité, les caractéristiques des
logements et le type de chauffage choisi, central ou individuel.
On constate également une prépondérance
du gaz dans les appartements dont le maître duvre
appartient au secteur public :
SOURCE DÉNERGIE RETENUE PAR TYPE DE
LOGEMENT
(en zone desservie par GDF) |
Gaz |
Autres |
Appartements secteur public |
72 % |
28 % |
Appartements secteur privé |
23 % |
77 % |
Tous logements |
48 % |
52 % |
CHAUFFAGE DES LOGEMENTS INDIVIDUELS
NEUFS
de juin 1994 à juin 1995 |
Gaz |
Electricité |
Autres |
Total |
Chauffage central |
21 % |
42 % |
23 % |
86 % |
Chauffage individuel |
0 % |
8 % |
6 % |
14 % |
Total |
21 % |
50 % |
30 % |
100 % |
CHAUFFAGE DES LOGEMENTS COLLECTIFS NEUFS ÉQUIPÉS
de juin 1994 à juin 1995 |
Gaz |
Electricité |
Autres |
Total |
Chauffage central |
30 % |
46 % |
9 % |
85 % |
Chauffage individuel |
0 % |
13 % |
2 % |
15 % |
Total |
30 % |
59 % |
11 % |
100 % |
3. Les équipements
a) Les systèmes
de chauffage
6. Ils sont
de deux types. Le chauffage central collectif peut être
la propriété de la collectivité ou bien
externalisé, un fournisseur vendant alors directement
de la chaleur à un ensemble de logements. Ensuite,
la chaleur est distribuée entre les différents
logements, lévaluation des charges de chauffage
individuelles faisant lobjet dune répartition.
Avec le chauffage individuel, au contraire, chaque logement
dispose de son propre système de chauffage, lusager
réglant directement sa facture dénergie.
b) Les
compteurs dénergie thermique
7. Larticle
L. 131-3 du code de la construction et de lhabitation
impose, aux usagers dune installation collective de
chauffage, lutilisation de compteurs thermiques destinés
à la répartition des charges de chauffage :
« Tout immeuble collectif pourvu dun chauffage
commun doit comporter, quand la technique le permet, une installation
permettant de déterminer la quantité de chaleur
et deau chaude fournie à chaque local occupé
à titre privatif. » Ces compteurs sont
proposés par des fabricants français ou étrangers,
achetés par GDF selon ses prescriptions techniques
et répartis entre les centres EDF-GDF Services qui,
à leur tour, les distribuent entre les installateurs.
Ils restent la propriété de GDF ou de sa filiale
Calliance. Les principaux fabricants présents en France
sont les sociétés Schlumberger, Wateau, ICM,
Sappel, Landis & Gyr, GWF et Somesca.
4. Les services mixtes
ou groupés
8. Il est
possible pour des entreprises de proposer des offres intégrant
plusieurs des produits ou services examinés ci-dessus.
Ainsi, lactivité de « vente de
chaleur » consiste à vendre la chaleur
obtenue à partir dune source dénergie.
Cette activité permet au client de sadresser
à un fournisseur unique, ce qui évite de recourir
à la fois au marché des sources dénergie
et à celui des systèmes de chauffage.
B. - Les
intervenants dans le secteur
1. La société Calliance
9. En 1991,
GDF, qui sest vu confier par la loi no 46-628
du 8 avril 1946 sur la nationalisation de lélectricité
et du gaz la production, le transport, la distribution, limportation
et lexportation de gaz combustible, a mis en place deux
filiales, Calliance et Prestagaz, pour développer la
vente de chaleur, dabord dans le secteur du logement
neuf, puis dans celui du logement existant et du tertiaire
(neuf et existant). La société Calliance a commencé
son activité le 1er octobre
1991. Elle a absorbé Prestagaz en 1994. En 1996, elle
a cédé son activité au GIE Calliance
gestion. Elle employait environ 27 salariés. La
partie exploitation était sous-traitée à
plusieurs sociétés de maintenance et dexploitation,
dont certaines sont des filiales de GDF. Il sagit de
CGST-Save, Elyo, Someth, Sochan, Genese, Servitherme et MET.
10. La société
Calliance disposait de trois agences situées à
Paris, Lyon et Toulouse. Lagence de Paris réalisait
50 % du chiffre daffaires, les agences de Lyon
et de Toulouse se partageant le reste. Par un contrat de franchise
signé le 2 mars 1995, elle avait accordé
à la société Générale dinstallations
électriques (GIE SA), filiale de Gaz de Strasbourg
SA et de la Cofreth, lexclusivité de ses services
dans une zone géographique de 72 communes situées
autour de Strasbourg.
2. La vente de chaleur
par la société Calliance
11. GDF a
mis en place un service intitulé le « chauffage
individuel centralisé » (CIC), qui permet
à chaque occupant dun logement neuf ou rénové
situé dans un immeuble collectif dindividualiser
ses consommations de chauffage et deau chaude grâce
à linstallation, dune part, dune
chaudière collective au gaz desservant lensemble
des appartements, dautre part, de compteurs dénergie
thermique pour chaque appartement. Ce chauffage individuel
centralisé a été mis en place selon trois
modalités :
- le chauffage individuel
centralisé de base, dans lequel la facturation est
globale, la répartition et le recouvrement des charges
étant assurés par le gestionnaire de limmeuble.
Linstallation de production et de distribution est prise
en charge par le maître douvrage et appartient
à la copropriété ;
- la vente de gaz
réparti, proposée depuis 1990, qui repose sur
le même principe que le chauffage individuel centralisé.
Mais GDF assure la relève et la facturation auprès
de chaque occupant de limmeuble en fonction de sa consommation
personnelle dénergie, déterminée
au regard de deux compteurs dont elle est propriétaire
et assure lentretien : un compteur de chaleur et
un compteur deau chaude sanitaire. Il assure aussi la
relève et lentretien du poste de détente-comptage
de la chaufferie, vendu au gestionnaire de limmeuble ;
- la vente de chaleur,
dans laquelle intervient la société Calliance.
A lissue de la construction de limmeuble, Calliance
achète tout ou partie de linstallation de production
et de distribution collective de chauffage, notamment les
compteurs de chaleur et deau chaude sanitaire, avant
de lexploiter en facturant les calories pour le chauffage
et leau chaude sanitaire directement à chaque
occupant ou au gestionnaire de limmeuble, suivant loption
choisie (vente de chaleur individuelle, vente de chaleur collective
ou vente de chaleur collective répartie).
12. De 1993 à 1996,
lactivité de Calliance a évolué
de la manière suivante :
ANNÉES |
CHIFFRE
daffaires
(en francs) |
NOMBRE
de logements
occupés en fin
dexercice
(vente de chaleur
individuelle) |
NOMBRE
de mètres carrés
« vendus » dans
lexercice
(vente de chaleur
collective) |
1993 |
1 431 000 |
725 |
691 777 |
1994 |
46 795 000 |
2 268 |
772 037 |
1995 |
62 824 000 |
4 811 |
1 133 878 |
1996 |
79 182 000 |
6 729 |
1 180 038 |
C. - Les
pratiques constatées
1. Les relations financières
et commerciales entre la SA Calliance et la direction économique
et commerciale de GDF
13. Les relations
entre la SA Calliance et la direction économique et
commerciale de GDF (DEC) sont organisées par un protocole
en date du 16 juillet 1991, modifié par cinq
avenants en date des 30 juin 1992, 5 avril 1993,
3 février 1994, 2 mai 1995 et 13 juin 1996,
dont lobjet est de réviser la rémunération
de Calliance et de préciser ses missions.
14. Le protocole du 16 juillet 1991
a pour « but de définir les conditions
dans lesquelles la DEC charge Calliance de missions de marketing
stratégique relativement à la vente de
chaleur ». La société Calliance
a, en particulier, pour mission l« élaboration
de la politique de vente de chaleur du groupe Gaz de France »
et l« ouverture de la vente de chaleur
vers de nouveaux marchés ». En contrepartie
de ces missions, la DEC versera à Calliance une rémunération
forfaitaire fixée à 3,2 MF (1991) par année
pleine.
Lavenant no 1
au protocole, en date du 30 juin 1992, a pour objet
de permettre à Calliance de répondre à
la demande faite par la DEC « dintensifier
ses actions de communication externe sur la vente de chaleur
afin de pallier la situation déprimée du marché
de la construction neuve ». La rémunération
de Calliance est portée à 1 MF pour chacune
des échéances des troisième et quatrième
trimestres 1992.
Lavenant no 2,
en date du 5 avril 1993, fixe la rémunération
de Calliance à 3,6 MF pour lexercice 1993.
Lavenant no 3,
en date du 3 février 1994, redéfinit
les missions confiées à Calliance. Cette dernière
se voit attribuer diverses missions en matière de développement
et dadaptation des offres « ventes de chaleur
et de froid » (travaux de montage juridique, de
rédaction de textes contractuels...). En outre, certaines
offres sont déclarées prioritaires, telle la
finalisation et ladaptation de loffre de vente
de chaleur en logement neuf. En contrepartie de ces missions,
la rémunération de Calliance est fixée
à 2,7 MF HT pour lexercice 1994. Pour la
négociation des offres pilotes, Prestagaz sera rémunérée
en fonction du temps passé, sur une base journalière
de 5 500 F HT.
Lavenant no 4,
en date du 2 mai 1995, élargit le périmètre
des missions de Calliance en lui confiant « tous
travaux de développement du système dinformation
marketing de la vente de chaleur » et fixe
des priorités pour 1995. Pour lexercice 1995,
la rémunération de Calliance est fixée
à 2,5 MF HT. Sagissant de la négociation
des offres pilotes par les responsables dopérations
de Calliance, la direction commerciale de GDF passera une
commande spécifique à Calliance établie
en fonction du temps passé, sur une base journalière
de 5 500 F HT.
Lavenant no 5,
en date du 13 juin 1996, renouvelle les missions
précédentes, confie à Calliance dautres
missions, telles que lanalyse des marchés et
des « retours dexpérience »,
la définition des services, les tests clientèle,
fixe des priorités pour 1996 et actualise la rémunération
de Calliance qui est portée à 4 MF HT par an.
La rémunération pour la négociation des
offres pilotes par les responsables dopérations
de Calliance reste fixée à 5 500 F HT (base
journalière).
2. Les relations financières
et commerciales entre
la SA Calliance et les centres EDF-GDF Services
15.
Deux séries daccords régissent les relations
entre la SA Calliance et les centres EDF-GDF services, la
première couvrant les années 1991-1993, et la
seconde, les années 1994-1996. Pour la période
1991-1993, deux protocoles ont été signés.
Le premier protocole, en date du 11 juillet 1991,
porte sur le logement neuf. Il précise la répartition
des missions entre EDF-GDF services et Calliance et renvoie
à la conclusion dun accord national pour la définition
de la rémunération de Calliance. Les accords
nationaux dapplication du 11 juillet 1991
et du 1er juillet 1992 traitent
des rémunérations de Calliance et de sa filiale
Prestagaz. Ce protocole a fait lobjet de deux avenants
en date du 1er juillet 1992 et
du 18 mars 1993 qui modifient respectivement les
conditions de rémunération de Calliance et la
répartition des compétences entre EDF-GDF services
et Calliance.
Le second protocole, en date du 25 septembre 1991,
porte sur le logement existant et le tertiaire. Sa mise en
uvre est régie par un accord national dapplication
en date du 1er juillet 1992, qui
précise les rémunérations de Prestagaz.
16. Pour les années
1994-1996, les relations entre Calliance et les centres EDF-GDF
services sont déterminées par un protocole en
date du 15 avril 1994 portant sur tout type de logement.
Ce protocole, qui remplace les protocoles des 11 juillet et
25 septembre 1991, précise la répartition
des missions entre EDF-GDF services et Calliance pour la vente
de chaleur en logement collectif neuf et résidentiel
existant et tertiaire, et prévoit le principe dune
rémunération de Calliance dont les conditions
sont fixées par un accord national dapplication
signé le même jour.
En
ce qui concerne la période 1991 à 1993 :
17. Sagissant du logement neuf,
le protocole daccord du 11 juillet 1991 définit
les conditions de partage des missions entre Calliance, Prestagaz
et les centres EGS en distinguant deux phases, avant et après
la mise en service. Il prévoit, notamment, que la rémunération
de Prestagaz sera fixée par un accord national révisable
dannée en année en fonction des résultats
et que, « durant la période de démarrage,
une rémunération forfaitaire supplémentaire
sera versée à Prestagaz par EGS ».
Lavenant du 1er juillet
1992 précise, en particulier, quEGS « versera
à Prestagaz un intéressement calculé
en fonction du montant daides économisé
sur les affaires où la négociation aura abouti
sans que le montant daides financières autorisé
par les règles en vigueur (actuellement GEM 85)
ait été nécessaire ».
18. Laccord national,
également en date du 11 juillet 1991, sur
le logement neuf prévoit dallouer les rémunérations
suivantes à Prestagaz :
Pour lappui apporté par
Prestagaz aux centres EGS :
- un forfait de 4 000
F pour la prise en charge de chaque affaire ;
- une rémunération
de 600 F par logement si la négociation menée
par Prestagaz aboutit au choix par le promoteur dune
solution au gaz naturel (vente de chaleur ou gaz classique,
individuel ou collectif) ;
- un intéressement
- égal à 25 % du montant économisé
- « si la négociation aboutit sans que
le montant maximal de la participation commerciale ait été
nécessaire ».
Une rémunération forfaitaire
complémentaire, versée par EGS, qui est fixée
à 2 MF pour 1991 (juillet à décembre),
3 MF pour 1992 et 1 MF pour 1993, rémunération
devant disparaître à partir de 1994. Ces conditions
de rémunération sont modifiées pour lexercice
1992 par laccord national signé entre Calliance
et EDF-GDF services le 1er juillet
1992.
19. Sagissant du
logement existant et du tertiaire, le protocole signé
le 25 septembre 1991 définit les conditions
de la collaboration entre Prestagaz et les centres EGS. Il
renvoie à un accord national révisable dannée
en année. Laccord signé le 1er juillet
1992, pris pour sa mise en uvre, prévoit :
Sur les marchés du résidentiel
et du tertiaire existants :
- un forfait de 4 000 F
par opération pour la prise en charge de laffaire ;
- une participation
à létude préliminaire et une rémunération
de 4 centimes/kWh PCS sur la base de la consommation
estimée pour une année dans létude
de faisabilité, si la négociation aboutit au
choix par le promoteur dune solution au gaz naturel.
Sur le marché du tertiaire
neuf, une rémunération de 4 centimes/kWh PCS
sur la base de la consommation estimée pour une année
dans létude de faisabilité, si la négociation
aboutit au choix par le promoteur dune solution au gaz
naturel ;
Sur le marché du tertiaire
public, une rémunération proportionnelle au
temps passé, facturée sur la base de 5 500
F HT par jour, quel que soit le résultat de la négociation ;
Une rémunération forfaitaire
complémentaire de Prestagaz, fixée à
4 MF pour 1992, 2,2 MF pour 1993 et 1 MF pour 1994,
cette rémunération forfaitaire devant disparaître
à partir de 1995.
En
ce qui concerne la période 1994 à 1996 :
20. Le protocole signé
le 15 avril 1994 pour tenir compte, notamment, de
lévolution de lorganisation de Calliance
et de Prestagaz a pour objet de définir, pour tous
les marchés résidentiels et tertiaires, les
conditions du partage des missions entre Calliance, Prestagaz
et les centres EGS. Il est complété par deux
annexes en date du même jour, relatives respectivement
à la répartition des missions entre les centres
EGS et les agences Calliance-Prestagaz et aux missions de
gestion-facturation des clients de Calliance. En outre, un
accord national du même jour a pour objet de fixer,
pour lannée 1994, les diverses rémunérations
prévues dans le protocole.
21. Avant la mise en service,
lapproche commerciale des maîtres douvrage
est assurée par les centres EGS. Pour la négociation,
les centres EGS font appel aux agences Calliance-Prestagaz.
La rémunération de ces dernières comprend,
pour le logement neuf, un forfait de 4 000 F HT
par opération, qui reste acquis à Prestagaz
même si lopération naboutit pas,
et une rémunération de 600 F HT par
logement si la négociation aboutit au choix par le
maître douvrage dune solution au gaz naturel.
Pour le résidentiel existant et le tertiaire neuf et
existant, il est prévu un forfait de 4 000 F HT
par opération, qui reste acquis à Prestagaz
même si lopération naboutit pas ;
une rémunération sur la base de la consommation
de gaz naturel pour une année estimée dans létude
de faisabilité, si la négociation aboutit au
choix par le maître douvrage dune solution
au gaz naturel, calculée suivant un barème dégressif
par tranche (entre 1 et 4 centimes HT/kWh PCS) ;
en cas de probabilité de réussite très
faible, une rémunération proportionnelle au
temps passé, facturée sur une base journalière
de 5 500 F HT/jour, qui est due, quel que soit
le résultat de la négociation avec le maître
douvrage.
22. Après la mise en service,
la gestion-facturation des clients est assurée par
les centres EGS. Une rémunération annuelle de
200 F HT par client leur est versée par Calliance
pour la vente de chaleur individuelle ou répartie.
Pour la vente de chaleur collective, la rémunération
est de 400 F HT par client pour la seule relève
mensuelle des index et de 800 F HT par client pour
la mission complète de gestion.
23. Les sommes recouvrées,
sur les clients pour des actes particuliers (intervention
pour coupure et remise en service...), sont reversées
aux centres EGS. Lachat et linstallation du matériel
nécessaire à la facturation des clients de Calliance
par les centres EGS sont à la charge de ces derniers.
Enfin, les agents des centres EGS qui assurent les missions
de gestion-facturation des clients de Calliance doivent avoir
reçu la formation correspondante, ces coûts de
formation étant à la charge des centres EGS.
24. Dautres dispositions
de laccord national du 15 avril 1994 prévoient
que la promotion nationale des offres de Calliance et de Prestagaz
est assurée par EGS dans le cadre des missions de marketing
opérationnel qui lui sont confiées par GDF.
25. En ce qui concerne
les échanges dinformation et la coopération
technique entre les centres EGS et les agences Calliance Prestagaz,
le centre EGS apporte toute laide nécessaire
et demandée par lagence Calliance Prestagaz dans
le cadre de ses responsabilités de suivi technique.
En outre, le centre EGS « peut proposer à
lagence Calliance Prestagaz une liste dexploitants
de chauffage susceptibles de répondre à un appel
doffres lancé, sil ny a pas dopérateur
technique, pour la conduite et lentretien de linstallation
primaire dont Calliance ou Prestagaz sera propriétaire
ou locataire ».
3. Les appels doffres
lancés en 1992 et 1994
pour lachat de compteurs thermiques
26. GDF
et sa filiale Calliance proposent des offres « globales »
pour les ensembles de logements, qui incluent à la
fois la fourniture de chaleur et la répartition des
charges de chauffage entre les logements. Cette répartition
nécessite le recours à des compteurs thermiques
individuels. Deux services de GDF, appartenant à EDF-GDF
services, participent à la sélection des fournisseurs :
le service politique industrielle et achats (SEPIA) et la
centrale nationale dachats (CNA) qui a en charge létablissement
des marchés-cadres nationaux et assure la gestion de
la qualité des matériels.
27. Les résultats
du premier appel doffres, lancé en octobre 1992
par la centrale nationale dachats de GDF auprès
de 14 fournisseurs, ont été les suivants :
FOURNISSEURS |
PRIX |
|
MODÈLE 600
(l/h) |
MODÈLE 1500
(l/h) |
RETENU |
Wateau |
1 100 |
1 100 |
OUI |
Schlumberger |
1 150 |
1 120 |
OUI |
ICM |
1 200 |
1 180 |
NON |
Fournitec |
1 440 |
1 440 |
NON |
Sappel |
1 500 |
1 500 |
NON |
Cometh |
4 630 |
|
NON |
28. Deux
entreprises, Wateau et Schlumberger, ont été
retenues en fonction de critères techniques (respect
de la réglementation, exploitation aisée) et
financiers (prix de lappareil). Elles étaient
aussi les moins-disantes. Deux marchés ont été
signés, le 11 février 1993, avec ces
deux sociétés, pour une durée de douze mois
(du 1er janvier au 31 décembre 1993).
Ils avaient pour objet la fourniture de « compteurs
permettant de mesurer les quantités dénergie
thermique fournies à chaque appartement par une installation
de chauffage individuel centralisé », ainsi
que des pièces détachées nécessaires
au remplacement des parties défectueuses. Les appareils
devaient être conformes à la réglementation
en vigueur et avoir obtenu lapprobation de la direction
de la métrologie en classe 1. Les besoins étaient
estimés à 4 000 compteurs pour 1993
et le montant prévisionnel du marché fixé
à 4,4 MF HT.
29. Ces marchés
ont fait lobjet de deux avenants, en date du 10 novembre 1993,
qui en ont prolongé la durée pour un an (du
1er janvier au 31 décembre 1994).
Les besoins étaient estimés à 5 000 compteurs
par an, dont 3 500 pour EDF-GDF services et le montant
prévisionnel total chiffré à 5,6 MF HT.
30. En 1993, GDF a élaboré
une nouvelle procédure de sélection de ses fournisseurs,
le programme dexamen daptitude (PEA), qui se déroule
en trois phases : la phase dacceptation de type,
la phase daptitude du fournisseur et la phase dagrément
du matériel ou autorisation demploi.
31. En 1994, une seconde
consultation a été organisée pour un
marché denviron 15 000 compteurs dont
les livraisons devaient séchelonner du 1er janvier
1995 au 31 décembre 1996. Six entreprises
se sont portées candidates : Schlumberger Industries,
Compteurs Wateau, Landis et Gyr, GWF, Kamstrup-Metro A/S et
Sappel. Les entreprises qui désiraient soumissionner
devaient faire subir une série de tests (PEA) aux appareils
quelles proposaient. Le coût de ces tests, soit
une somme forfaitaire de 50 000 F outre 7 000 F
par jour dexamen, devait être supporté
par les entreprises candidates. Les sociétés
Wateau et Schlumberger ont été dispensées
de se soumettre à ces tests, leurs appareils ayant
été expérimentés sur site lors
de lexécution du précédent marché
dont elles avaient été attributaires. Une version
simplifiée du programme dexamen daptitude,
pour un coût limité à 20 000 F,
a été proposée à la société
Landis & Gyr, connue de GDF pour avoir conclu avec cet
établissement public, en janvier 1991, un marché
de fournitures de compteurs électroniques. Toutefois,
cette société na pas donné suite
à cette proposition, son compteur ne correspondant
pas aux besoins spécifiques de GDF. Sagissant
des sociétés GWF, Kamstrup-Metro A/S et Sappel,
elles ont renoncé à se soumettre au PEA. Finalement,
les marchés ont été signés, le
10 novembre 1994, avec les sociétés
Schlumberger Industries et Compteurs Wateau pour un montant
prévisionnel de 18 MF HT.
32. Les contrats de fourniture
de compteurs thermiques passés avec les sociétés
Schlumberger et Wateau stipulaient que « les
dispositions du contrat sont applicables à toutes les
directions dEDF et de GDF, ainsi quà leurs
filiales à participations majoritaires et aux installateurs
et promoteurs qui interviennent pour le compte de Calliance
et de Prestagaz ».
Le nombre total dachats de compteurs
dénergie thermique destinés au secteur
résidentiel effectués par GDF et Calliance est
indiqué dans le tableau suivant :
FOURNISSEURS |
CLIENTS |
1993 |
1994 |
1995 |
Schlumberger |
Calliance |
1 309 |
1 416 |
2 494 |
|
GDF |
2 735 |
3 998 |
4 784 |
Watteau |
Calliance |
256 |
776 |
968 |
|
GDF |
772 |
480 |
1 262 |
33. Les prix
dachat des compteurs dénergie thermique
(débit nominal de 600 litres/heure et débit
nominal de 1 500 litres/heure), fixés dans
les marchés signés avec Wateau et Schlumberger
Industries pour les années 1993 et 1994, sélevaient
à 1 120 F HT pour Schlumberger et 1 100 F
HT pour Wateau.
34. Pour les années
1995 et 1996, GDF a négocié les prix en francs HT
remis par ces deux sociétés :
|
PRIX REMIS |
PRIX NÉGOCIÉS |
|
Wateau |
Schlumberger |
Wateau |
En % |
Schlumberger |
En % |
Ensemble complet sans télérelève |
1 250 |
1 204 |
1 210 |
- 3,2 % |
1 140 |
- 13,1 |
Ensemble complet avec télérelève |
1 460 |
1 504 |
1 360 |
- 6,8 % |
1 400 |
- 6,91 |
Compteur énergie sans télérelève |
1 040 |
1 106 |
1 040 |
|
1 070 |
- 14,1 |
Compteur énergie avec télérelève |
1 040 |
1 251 |
1 040 |
|
1 070 |
- 14,4 |
Mesureur |
370 |
340 |
370 |
|
335 |
- 1,4 |
D. - Les
griefs notifiés
35. Il
a été fait grief à lentreprise
GDF, sur le fondement de larticle 8 de lordonnance
no 86-1243 du 1er décembre
1986 devenu larticle L. 420-2 du code de commerce,
davoir :
- donné à
sa filiale Calliance des avantages par le biais, notamment,
de prix dachat des compteurs thermiques et de transferts
financiers, dont lobjet et les effets, potentiels et
réels, étaient de nature à introduire
des distorsions de concurrence par rapport aux entreprises
du secteur ;
- procédé,
lors des appels à la concurrence pour les années 1993
à 1996, de sorte que soient favorisées
les entreprises Wateau et Schlumberger Industries et que soit
donc limité lexercice de la concurrence par dautres
entreprises.
Labandon de ces deux griefs
est proposé dans le rapport.
II. - DISCUSSION
Sur
la procédure :
36. Larticle 36,
alinéa 2, du décret du 30 avril 2002
fixant les conditions dapplication du livre IV
du code de commerce prévoit que : « Le
rapport soumet à la décision du Conseil de la
concurrence une analyse des faits et de lensemble des
griefs notifiés. » Il appartient, en
conséquence, au conseil dexaminer le bien-fondé
des deux griefs notifiés, nonobstant la proposition
dabandon de ces griefs ultérieurement formulée.
Sur
le fond :
En
ce qui concerne les marchés pertinents et la position
de GDF et de Calliance sur ces marchés :
37. Dans sa décision
no 99-D-51 relative à des pratiques
constatées dans le secteur des applications thermiques
de lénergie, le conseil a considéré
que la fourniture de lénergie destinée
à assurer le chauffage constituait un marché
pertinent, que ce marché se caractérisait par
une rencontre de loffre et de la demande opérée
au stade du choix de léquipement de chauffage
et quil était de dimension nationale. Par ailleurs,
le conseil a rappelé lexistence dun marché
du gaz, sur lequel GDF est en position dominante. Enfin, il
a estimé quil existait un lien de connexité
suffisant entre le marché du gaz et celui de la fourniture
dénergie destinée au chauffage et que
GDF était donc en mesure dabuser, sur le second
marché, de la position dominante quil occupe
sur le premier. Les pratiques mises en cause dans la présente
affaire ayant été constatées entre 1992
et 1996, aucune évolution notable du contexte concurrentiel
ne justifie quil soit procédé à
une analyse différente des marchés susvisés
et de la position occupée par GDF sur ces marchés.
Au cas despèce, il convient de vérifier
si GDF na pas utilisé la position dominante quil
occupe sur le marché du gaz combustible pour favoriser
le développement de lactivité exercée
par sa filiale Calliance.
38. Sagissant de
la détermination du marché affecté par
lactivité de la société Calliance,
GDF soutient quil sagit du marché de la
fourniture dénergie pour le chauffage.
39. Cependant, les services
offerts par Calliance, qualifiés par cette dernière
de « nouveau service intégral pour le
chauffage et la production deau chaude »,
présentent des caractéristiques qui les
distinguent de la simple fourniture dénergie.
Dans une plaquette intitulée « Mieux connaître
la vente de chaleur Calliance », destinée
aux professionnels du bâtiment, ces services font lobjet
de la présentation suivante : « Dans
la pratique, Calliance est propriétaire des moyens
de production de la chaleur qui sont implantés dans
une chaufferie au sein de limmeuble. Elle en assure
lapprovisionnement en gaz naturel, lentretien,
le maintien en bon état de fonctionnement et le renouvellement
à terme. Elle se charge également de la gestion
et de la facturation des clients. » De son
côté, le directeur commercial de la société
Calliance a précisé, dans un procès-verbal
daudition du 25 mars 1996 : « Calliance
vend un produit fini qui intègre livraison, production,
maintenance et gestion-facturation de la chaleur. »
Ainsi, les prestations de vente de chaleur offertes par
Calliance vont au-delà de la seule fourniture dune
énergie destinée au chauffage et à leau
chaude et constituent un marché distinct.
40. A lépoque
des faits dont le conseil est saisi, soit de 1992 à
1996, la société Calliance était la seule
à proposer une offre globale de chaleur produite à
partir de gaz naturel. Mais quatre autres sociétés
(Ges, Sinerg, Econoler et Seccoia), spécialisées
dans létude de systèmes déconomies
dénergie, peuvent être considérées
comme exerçant une activité proche de loffre
globale de chaleur.
En
ce qui concerne lexistence de subventions entre GDF
et sa filiale Calliance :
41. Dans sa décision
no 00-D-57 du 6 décembre 2000
relative à des pratiques mises en uvre par la
SEM Gaz et Electricité de Grenoble et les sociétés
Geste et GEG achats sur le marché des prestations de
services dans le domaine de lénergie et du bâtiment,
le Conseil de la concurrence a considéré « que
la mise à disposition de moyens tirés dune
activité réalisée sous monopole légal
pour le développement dactivités relevant
du champ concurrentiel est susceptible dêtre qualifiée
au regard de larticle L. 420-2 du code de
commerce si deux conditions cumulatives sont réunies :
il faut, en premier lieu, que la mise à disposition
de moyens puisse être qualifiée de subvention,
cest-à-dire quelle ne donne pas lieu, de
la part de lactivité qui en bénéficie,
à des contreparties financières reflétant
la réalité des coûts ; il faut, en
second lieu, que lappui ainsi apporté présente
un caractère anormal ».
42. Sagissant,
tout dabord, des prix réduits dont Calliance
a bénéficié par lentremise de Gaz
de France pour lacquisition de compteurs dénergie
thermique, les prix obtenus sont la conséquence de
la puissance dachat de GDF et de la centralisation des
commandes au niveau du groupe, pratique courante qui ne peut
être considérée comme anormale et ne sanalyse
donc pas comme une subvention.
43. En revanche, il existe
au dossier un faisceau dindices laissant penser que
les prestations dont Calliance bénéficiait de
la part de sa société mère, en vertu
des différents protocoles examinés aux points
13 à 25 de la présente décision, constituaient
des subventions et non des rémunérations équivalant
à des services rendus.
44. Sil est vrai,
comme le soutient GDF, que le caractère forfaitaire
dune rémunération ne suffit pas à
la faire qualifier de subvention, il apparaît toutefois
quen lespèce, face à une mission
définie dans le protocole du 16 juillet 1991
en des termes très généraux, la rémunération
forfaitaire de Calliance qui a été de 3,2 MF
en 1991, 3,6 MF en 1992 et 1993, 2,7 MF en 1994,
2,5 MF en 1995, 4 MF en 1996, a connu
une évolution erratique, augmentant ou diminuant selon
les années, sans quaucune explication logique
ait pu rendre compte de ces variations.
45. Il est, par ailleurs,
exact que le choix dune solution au gaz naturel à
lissue dune négociation menée par
Calliance profite également à GDF, comme le
fait observer ce dernier. En revanche, dautres clauses,
dans les protocoles conclus par Calliance avec les centres
EGS, constituent un ensemble de services rendus par GDF à
sa filiale, sans contrepartie financière. Il en est
ainsi de lachat et de linstallation du matériel
nécessaire à la gestion facturation des clients
de Calliance par les centres EGS, ainsi que des coûts
de la formation obligatoire des agents EGS à la gestion
facturation des clients de Calliance, qui sont à la
charge des centres EGS. Il en est de même de lapproche
commerciale des maîtres douvrage effectuée
pour Calliance par les centres EGS, ainsi que de la promotion
nationale des offres de Calliance et de Prestagaz par ces
centres dans le cadre des missions de marketing opérationnel
qui leur sont confiées par GDF.
46. En outre, le dispositif
présenté au point 2 de lannexe 1
au protocole du 15 avril 1994 entre Calliance-Prestagaz
et EGS sous lintitulé « échanges
dinformations et coopération technique »,
constitue, en réalité, un concours accordé
sans contrepartie à Calliance Prestagaz par le centre
EGS ; ce dernier, apportant « toute laide
nécessaire et demandée par lagence Calliance
Prestagaz dans le cadre de ses responsabilités de suivi
technique, notamment concernant des informations relatives
aux entreprises susceptibles dêtre retenues par
le maître douvrage », et pouvant
« proposer à lagence Calliance
Prestagaz une liste dexploitants de chauffage susceptibles
de répondre à un appel doffres lancé,
sil ny a pas dopérateur technique,
pour la conduite et lentretien de linstallation
primaire dont Calliance ou Prestagaz sera propriétaire
ou locataire ».
47. Il doit, enfin,
être relevé que les pratiques susvisées
ne sont pas conformes aux engagements pris par GDF à
la suite de lavis du conseil no 94-A-15
du 10 mai 1994 relatif à la diversification
des activités dEDF et de GDF qui précisait,
notamment, que les informations détenues par GDF (et EDF)
dans lexercice de ses missions, lorsquelles concernent
les clients et leurs installations, ne doivent pas être
divulguées aux filiales à des fins de démarchage
sur les marchés concurrentiels, sauf à garantir
laccès à ces informations à tous
les acteurs économiques et à ce que les agents
de GDF ne soient plus associés, de quelque manière
que ce soit, à lactivité commerciale des
filiales.
En
ce qui concerne labus de position dominante :
48. Ainsi que le conseil
la établi dans sa décision no 00-D-47
Citelum, il est licite, pour une entreprise publique qui dispose
dune position dominante sur un marché en vertu
dun monopole légal, dentrer sur un ou des
marchés relevant de secteurs concurrentiels, à
condition quelle nabuse pas de sa position dominante
pour restreindre ou tenter de restreindre laccès
au marché pour ses concurrents en recourant à
des moyens autres que la concurrence par les mérites.
49. Une entreprise publique
disposant dun monopole légal, qui utilise les
ressources de son activité monopolistique pour subventionner
une nouvelle activité, ne méconnaît pas,
de ce seul fait, les dispositions de larticle L. 420-2
du code de commerce. Est susceptible, en revanche, de constituer
un abus, aux termes de la décision précitée
ainsi que de la décision no 00-D-50
relative à des pratiques mises en uvre par la
Société française des jeux, le fait pour
une entreprise disposant dun monopole légal,
cest-à-dire dun monopole dont lacquisition
na supposé aucune dépense et est insusceptible
dêtre contesté, dutiliser tout ou
partie de lexcédent de ressources que lui procure
son activité sous monopole pour subventionner une offre
présentée sur un marché concurrentiel,
lorsque la subvention est utilisée pour pratiquer des
prix prédateurs ou lorsquelle a conditionné
une pratique commerciale qui, sans être prédatrice,
a entraîné une perturbation durable du marché
qui naurait pas eu lieu sans elle.
50. Sagissant des
prix prédateurs, le Conseil de la concurrence a défini,
dans sa décision no 00-D-70 du 31 janvier 2001
relative à la situation de la concurrence dans le secteur
de la distribution du disque à Paris, deux situations :
- « un
prix de vente dun bien ou dun service durablement
inférieur à la moyenne des coûts variables
de production de ce bien ou de ce service établit une
présomption de volonté déviction
des concurrents et est en lui-même un prix prédateur » ;
- « un
prix de vente inférieur à la moyenne des coûts
totaux de production, qui comprennent les coûts fixes
et les coûts variables, mais supérieur à
la moyenne des coûts variables, doit être considéré
comme constitutif dune pratique de prédation,
dès lors que le prix est fixé à ce niveau
pour éliminer un concurrent du marché »,
une telle volonté délimination pouvant
« soit se manifester par des documents qui en
font état, soit être déduite du comportement
de lentreprise en cause, notamment lorsque sa politique
tarifaire est différenciée de sa politique commerciale
habituelle sans quaucune autre raison puisse lexpliquer
ou lorsquelle a pour cible manifeste un concurrent à
éliminer ».
51. Au regard de la
jurisprudence qui précède, la situation de la
société Calliance est la suivante :
|
1993 (*) |
1994 |
1995 |
1996 |
Charges variables sur affaires |
1 517 000 |
41 787 000 |
56 138 000 |
72 124 000 |
Charges fixes |
7 444 000 |
18 158 000 |
16 895 000 |
16 555 000 |
Charges totales (charges variables
+ charges fixes) |
8 961 000 |
59 945 000 |
73 033 000 |
88 679 000 |
Chiffres daffaires |
1 431 000 |
46 795 000 |
62 824 000 |
79 182 000
|
(*) Chiffres de la seule société
Calliance SA, exerçant lactivité
de vente de chaleur individuelle, la vente de chaleur
collective étant alors réalisée
par Prestagaz. |
Ainsi, le chiffre daffaires
de la société Calliance est resté supérieur
à ses charges variables, sauf pour lannée
de démarrage de lactivité, ce qui ne peut
être analysé comme trahissant le caractère
prédateur des prix pratiqués. En revanche, lexploitation
sest traduite, au cours des quatre années dexistence
de Calliance, par un important déficit (7,5 MF
en 1993, 12,15 MF en 1994, 10,2 MF en 1995 et 9,5 MF
en 1996) qui a conduit Calliance à mettre fin au développement
de son activité en 1996 et à céder les
contrats en cours au GIE Calliance gestion pour quil
les gère jusquà leur terme. La décision
ainsi prise par GDF de mettre fin à une activité
non rentable ne peut, en labsence dautres éléments,
être considérée comme participant dune
stratégie de fermeture du marché.
52. Sagissant de
léventuelle perturbation durable du marché,
GDF fait valoir que les pratiques qui lui sont imputées
nont pu avoir aucun effet sur des concurrents inexistants
et sur un marché dont le caractère non profitable
est attesté par labsence dentrants, ledit
marché ayant, dailleurs, disparu avec la mise
en sommeil de la société Calliance en 1996.
53. Bien quon ne
puisse exclure que linexistence de concurrents trouve
aussi une explication dans laccumulation des avantages
consentis par GDF à sa filiale Calliance, qui rendaient
dautant plus difficile la contestation de la position
de cette entreprise par déventuels entrants,
il nest pas permis, en lespèce, de conclure
à un effet de perturbation durable du marché
dans les termes de la jurisprudence précitée,
eu égard à léchec que la société
Calliance a rencontré assez rapidement dans le développement
de son offre globale de chaleur, après quelques années
seulement dexploitation. Le faible succès de
loffre de chaleur proposée par Calliance auprès
des utilisateurs potentiels apparaît dans le tableau
suivant, qui rapproche la vente de chaleur par Calliance de
la consommation de gaz du secteur résidentiel :
|
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
Milliards de kWh vendus par Calliance |
0,002 |
0,010 |
0,017 |
0,026 |
Milliards de kWh consommés
en secteur résidentiel (gaz) |
144,5 |
149 |
150,5 |
153,9 |
54. Le commissaire
du Gouvernement fait néanmoins valoir que, même
si les subventions octroyées par GDF à sa filiale
nont pas eu deffet sensible sur le marché,
leur objet était anticoncurrentiel et devrait être
sanctionné en tant que tel.
55. Cependant, les éléments
présents au dossier nétablissent pas que
GDF aurait poursuivi un objet anticoncurrentiel. En outre,
les subventions octroyées par GDF à sa filiale
nétaient pas dune nature et dun montant
tels que la poursuite dun tel objet se trouverait établie
par lexistence même de ces subventions.
En
ce qui concerne les contrats conclus par GDF pour lachat
de compteurs thermiques :
56. Larticle L. 410-1
du code du commerce dispose : « Les règles
définies au présent livre (livre IV :
De la liberté des prix et de la concurrence) sappliquent
à toutes les activités de production, de distribution
et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes
publiques, notamment dans le cadre de conventions de délégation
de service public. »
57. GDF soutient que les
compteurs thermiques sont achetés pour son propre compte
afin de les incorporer à son activité. Il prétend
en être propriétaire et être le seul à
les utiliser. Il ajoute que ces matériels ne sont pas
commercialisés à des tiers et en tire la conclusion
que, en achetant ces compteurs, il ne sest pas livré
à une activité économique au sens de
larticle L. 410-1 du code de commerce précité.
58. Cependant, les compteurs
dénergie thermique achetés par GDF, pour
son propre compte ou pour celui de sa filiale Calliance, doivent
servir à mesurer la quantité de chaleur délivrée
pour le chauffage et leau chaude sanitaire dans chaque
logement dun immeuble et de facturer auprès des
différents occupants les quantités effectivement
consommées. Lindividualisation de la consommation
de chaque logement que permettent ces compteurs constitue
lun des éléments du produit mis au point
par GDF sous le nom de « chauffage individuel centralisé ».
59. Ainsi, lorsque GDF
achète des compteurs dénergie thermique,
il nagit pas en qualité dutilisateur final,
mais dans le but de les commercialiser en les intégrant
au service de vente de chaleur. Lachat de compteurs
thermiques individuels nest pas dissociable de lactivité
de vente de chaleur et, inversement, lactivité
vente de chaleur ne pourrait exister sans la commercialisation
desdits compteurs. Lachat de ces compteurs entre donc
dans le champ dapplication de larticle L. 410-1
précité, et le Conseil de la concurrence a vocation
à connaître des pratiques dénoncées.
60. Dans ses décisions
no 00-D-13 du 1er mars
2000 relative à une demande de mesures conservatoires
présentée par la société Armor
Hélicoptère, no 00-D-48 du 10 octobre 2000
relative à une saisine présentée par
la société Ipcos et no 02-D-65
du 28 octobre 2002 relative à la saisine
de la société LMCA contre des pratiques dEDF,
le Conseil de la concurrence, rappelant le principe de liberté
de choix de lacheteur, a considéré, notamment,
quEDF « est libre de choisir ses fournisseurs
en formulant certaines exigences techniques dans le respect
de la réglementation en vigueur ». Par
ailleurs, GDF, au cas particulier, avait déjà
pu vérifier les performances et les qualités
techniques des compteurs dénergie thermique vendus
par les sociétés Schlumberger et Wateau et avait,
en conséquence, dispensé ces dernières
de se soumettre au programme dexamen daptitude.
Aucun élément ne vient établir que sa
décision aurait été dictée par
la volonté dévincer dautres fournisseurs
du marché et cette volonté nest pas non
plus démontrée par le fait que plusieurs entreprises
aient renoncé à présenter leur candidature
en raison du coût, élevé à leur
yeux, de la procédure de qualification. Il nest
donc pas établi que la pratique de GDF ait eu un objet
anticoncurrentiel ou quelle ait perturbé ou pu
perturber le jeu de la concurrence.
Décision :
Article unique. - Il nest
pas établi que GDF ait enfreint les dispositions de
larticle L. 420-2 du code de commerce.
Délibéré, sur
le rapport oral de Mme de Mallmann, par Mme Pasturel,
vice-présidente, présidant la séance,
Mmes Behar-Touchais, Perrot et Mader-Saussaye, et ainsi
que M. Flichy, membres.
La secrétaire de séance, Nadine Bellegarde
|
La vice-présidente, présidant la
séance, Micheline Pasturel
|
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