NOR : ECOC0300345S
Le Conseil de
la concurrence (section II),
Vu la lettre enregistrée le
22 avril 2003 sous les numéros 03/0031 F
et 03/0032/M, par laquelle la société Dyneff
a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en
uvre par TotalFinaElf France, devenue Total France,
individuellement ou conjointement avec plusieurs sociétés
de son groupe, quelle estime anticoncurrentielles et
a sollicité le prononcé de mesures conservatoires ;
Vu le livre IV du code de commerce
relatif à la liberté des prix et de la concurrence
et le décret no 2002-689 du 30 avril 2002
fixant ses conditions dapplication ;
Vu les observations présentées
par les sociétés Total France, SARAM (SA Rhône-Alpes-Méditerranée),
SPBA (Société pétrolière du Bec-dAmbés)
et DPA (Les Docks des pétroles dAmbés)
et par le commissaire du Gouvernement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
La rapporteure, le rapporteur général,
le commissaire du Gouvernement et les représentants
des sociétés Dyneff, Total France, SARAM, SPBA
et DPA entendus lors de la séance du 8 juillet 2003 ;
I. - CONSTATATIONS
1. Dyneff,
premier opérateur indépendant exerçant
une activité de distribution de produits pétroliers
dans le sud de la France, a saisi le Conseil de la concurrence
de pratiques mises en uvre par Total France et certaines
de ses filiales dont les sociétés SARAM, DPA
et SPBA, sur divers marchés afférents à
la commercialisation de produits pétroliers raffinés
sur les zones de Bordeaux et Port-la-Nouvelle, et quelle
estime anticoncurrentielles au regard de larticle L. 420-2 (1o)
du code de commerce et de larticle 82 du traité
instituant la Communauté européenne.
A. - Sur la
zone de Bordeaux
2. Depuis
de nombreuses années, Dyneff louait des capacités
de stockage à la société DPA, qui, au
8 février 2002, atteignaient un volume de
11 000 mètres cubes utilisables pour le gazole,
le fioul domestique et lessence. Souhaitant augmenter
son approvisionnement en produits raffinés importés
et limiter sa dépendance vis-à-vis des raffineurs
locaux, Dyneff sest adressée aux propriétaires
de dépôts de stockage de produits pétroliers
raffinés dans la zone de Bordeaux afin daugmenter
ses locations de capacités de stockage pour des distillats
(gazole et fioul domestique) et pour du fioul lourd.
3. En décembre 2002,
Dyneff a obtenu la conclusion dun contrat dentreposage
et de passage renouvelable chaque mois avec la société
SPBA, permettant le déchargement de bateaux de 25 000 tonnes
de distillats puis le transit des produits vers le dépôt
de la société DPA situé à Bassens.
Le 4 mars 2002, la SPBA a informé Dyneff
de limpossibilité dans laquelle elle se trouvait
de répondre à son besoin de capacité
étant donné la quasi-saturation de son dépôt
et a insisté sur le fait que cette impossibilité
momentanée ne remettait pas en cause de futures opportunités.
Le 27 juin 2002, Dyneff a relancé la SPBA
en ces termes : « Il me serait particulièrement
agréable que vous puissiez me donner une réponse
qui corresponde à mes attentes. Dans lattente
de votre réponse... » Le 2 août 2002,
Dyneff a envoyé à la SPBA copie dune lettre
quelle avait adressée à la DGCCRF pour
dénoncer le refus abusif de la SPBA de lui louer des
capacités de stockage. Le 9 août 2002,
SPBA a proposé à Dyneff de lui libérer
10 000 mètres cubes de capacités devenues
disponibles par une réactivation de deux bacs hors
exploitation. Le 13 août 2002, Dyneff a refusé
cette offre car elle ne correspondait pas à ses besoins.
Au cours du dernier trimestre 2002, les sociétés
Dyneff et SPBA se sont rencontrées à plusieurs
reprises et ont conclu, le 18 décembre 2002,
un contrat dentreposage et de passage pour une capacité
de 15 468 mètres cubes à laquelle
pourraient sajouter 14 590 mètres cubes
au milieu de lannée 2003 du fait de la disparition
de contraintes de capacité de SPBA. Depuis janvier
2003, Dyneff na pas encore utilisé ses nouvelles
capacités.
4. Dans un second temps,
Dyneff a demandé à DPA la conclusion dun
avenant au contrat de location de capacité, le 1er août 2002,
afin de porter ses capacités de stockage de distillats
de 11 000 à 27 500 mètres cubes
sur le dépôt de Bassens. DPA a fait savoir à
Dyneff, dans un courrier du 16 octobre 2002, quelle
ne disposait pas de capacités de stockage supplémentaires
à louer pour le moment mais a indiqué à
Dyneff quelle pouvait dépasser le taux de 20 rotations
de ses capacités existantes sans pénalité
financière afin de permettre à cette dernière
entreprise de faire transiter des quantités de produits
plus importantes si elle le souhaitait. Le 23 octobre 2002,
Dyneff a envoyé à DPA copie dune lettre
quelle avait adressée à la DGCCRF pour
se plaindre du refus de DPA de lui fournir des disponibilités
supplémentaires. Le 24 décembre 2002,
la société Total France a acquis la participation
de BP France dans le capital de la société
Entrepôt pétrolier régionaux, principal
actionnaire de DPA et a informé cette dernière
quelle nentendait pas garder pour elle les 30 303 mètres
cubes de capacités de stockage ainsi acquises. Le 27 décembre 2002,
DPA a répondu positivement à la demande de capacités
de stockage supplémentaires de Dyneff.
5. Enfin, par courrier
en date du 6 janvier 2003, Dyneff a fait savoir
à DPA quelle était intéressée
par loctroi dune capacité de stockage par
DPA dans son dépôt de Bayon pour du fioul lourd.
Depuis lors, aucune discussion na été
engagée par DPA, et Dyneff na jamais relancé
DPA sur ce sujet.
6. Dyneff en conlut que
Total France, via ses filiales SPBA et DPA, a refusé,
de manière abusive, de lui louer des capacités
de stockage pour des distillats entre mars et décembre 2002
pour la première et entre août et décembre 2002
pour la seconde sans raison objective et dans le seul but
de lécarter du marché du stockage et des
marchés avals de la distribution sur la zone de Bordeaux,
afin de protéger la situation concurrentielle de Total
France. En outre, Dyneff reproche à DPA de persister
dans son refus de lui louer des capacités de stockage
de fioul lourd depuis le 6 janvier 2003 et demande
au Conseil de la concurrence de prendre une mesure conservatoire
afin dobliger DPA de lui louer des capacités
de stockage de fioul lourd.
B. - Sur la
zone de Port-la-Nouvelle
7. Jusquen
1999, il existait trois dépôts de stockage de
produits pétroliers raffinés sur le port de
Port-la-Nouvelle appartenant à Total, Petrofina et
SARAM (filiale à 100 % de Elf). Ces dépôts
étaient approvisionnés exclusivement par voie
dimportation en utilisant soit une darse pétrolière
où peuvent accoster des barges de faible tonnage (13 000 tonnes),
soit un sea-line où peuvent accoster des bateaux de
fort tonnage (30 000 tonnes). Ce sea-line consiste
en une plate-forme en mer située à deux kilomètres
des côtes, reliée par pipe aux dépôts
de stockage de Port-la-Nouvelle.
Créé en 1968 par la
société Carburants Sud-Ouest, filiale à
100 % du groupe Elf, ce sea-line ne pouvait être
exploité quen vertu dune autorisation doutillage
privé avec obligation de service public (AOP-OSP) accordée
par le préfet de lAude. Cette AOP-OSP permettait
à la société Carburants Sud-Ouest dutiliser
le sea-line en vue de ses propres besoins sous réserve
de le mettre à disposition du public lorsquelle
nen faisait pas usage elle-même, dans les conditions
fixées par un cahier des charges. Renouvelée
plusieurs fois, cette AOP-OSP a été transférée
à la SARAM, autre filiale à 100 % de Elf,
le 17 mars 1993.
8. Lors des opérations
de concentration Total/Fina et TotalFina/Elf autorisées
respectivement le 26 mars 1999 (aff. COMP/M.1464)
et le 9 février 2000 (aff. COMP/M.1628) par
la Commission européenne après renvoi au ministre
de léconomie, des finances et de lindustrie
français (lettres du 5 mai 1999 et du 26 janvier 2000),
Total puis TotalFina se sont engagées à céder
deux dépôts de stockage sur le port de Port-la-Nouvelle
afin de remédier aux effets anticoncurrentiels de ces
opérations de concentration sur le marché du
stockage dans cette zone. Dans ce cadre, la société
Dyneff, souhaitant garantir son indépendance vis-à-vis
des raffineurs installés en France, a racheté,
le 7 juillet 2000, le dépôt Total de
28 000 mètres cubes et le 9 mars 2001
le dépôt dimportation DPPLN/Petrofina de
133 000 mètres cubes afin de sapprovisionner
par voie dimportation.
9. Souhaitant pérenniser
son accès au sea-line, Dyneff a engagé, dès
novembre 2000, des négociations avec Total France,
SARAM, le Service maritime de navigation du Languedoc-Roussillon
(SMNLR), le préfet de lAude et la DGCCRF. Il
a été convenu que les sociétés
en cause parviendraient à un accord visant à
créer une structure commune Total/Dyneff chargée
dexploiter le sea-line de Port-la-Nouvelle.
10. Dès le 8 novembre 2000,
une réunion a été organisée entre
Total France/SARAM et Dyneff dans les locaux du SMNLR à
la demande du préfet de lAude et du directeur
de la DGCCRF, au cours de laquelle le SMNLR a proposé
la création dun GIE regroupant SARAM et Dyneff
à 50/50 pour lexploitation du sea-line pour une
durée de vingt ans minimum, les durées
des autres concessions reliant cette installation aux dépôts
pétroliers situés sur le port, pouvant faire
lobjet dune extension pour atteindre la même
échéance. Pour ce faire, le préfet de
lAude a prorogé, le 1er janvier 2001,
lAOP-OSP accordée à SARAM jusquà
la date de cession du dépôt de DPPLN/Petrofina.
11. Le 16 janvier 2001,
Dyneff a adressé un projet de protocole de société
par actions simplifiée à Total France. Cette
dernière ne sest manifestée que le 3 mai 2001
dans une lettre invoquant lexistence d« une
situation administrative complexe ». Par courrier
du 4 juillet 2001, Dyneff a demandé à
Total France de lui communiquer les données économiques
permettant à Dyneff dapprécier la valeur
du sea-line et de réaliser en commun un audit technique
du sea-line.
12. Le 11 juillet 2001,
le SMNLR a proposé la signature dune convention
tripartite entre lEtat, SARAM et DPPLN. Cette convention
précisait quil serait procédé « à
la vente par la société SARAM à la société
DPPLN de 50 % de lactif correspondant à
la valeur nette résiduelle des immobilisations corporelles
relatives aux installations du sea-line » et
qu« il sera procédé à
la création dune société (...),
à la signature de la convention définissant
le cahier des charges de lAOP-OSP (...) ».
Or, Total France a refusé de communiquer les données
économiques relatives à la valeur du sea-line
au motif « quelle a proposé de
sen remettre à un expert indépendant »
et na accepté la réalisation dun
audit technique que le 15 octobre 2001. En outre,
Total France a refusé de proposer un cahier des charges
relatif aux vérifications à effectuer au prétexte
de lexistence de rapports dexpertise récents
réalisés en 1997 et 1999. Dyneff a donc lancé
un appel doffres le 1er février 2002,
mais laccord de Total France nest intervenu que
le 5 avril 2002, soit huit mois après
la demande initiale de Dyneff, pour une commande effective
le 23 avril 2002. Cet audit technique a dailleurs
fait apparaître lexistence dune avarie sur
un des tronçons du sea-line qui avait déjà
été changé en 1989. Or, Total France
na jamais donné dexplications sur cette
avarie de 1989 malgré les multiples demandes de Dyneff.
13. Le 8 novembre 2001,
une nouvelle réunion a été organisée
par le SMNLR, au cours de laquelle il a été
convenu que, fin novembre 2001, Total France et Dyneff
produiraient un protocole portant sur les conditions tarifaires
qui seraient accordées à Dyneff et au vu duquel
lAOP-OSP accordée à SARAM serait prorogée
jusquau 30 juin 2002, pour permettre à
ces sociétés de « créer
une société ou une structure qui aura à
gérer lexploitation du sea-line dans le respect
des règles de concurrence ». Néanmoins,
dans un courrier envoyé au SMNLR le 29 novembre 2001,
Total France a reconnu « avoir pris un peu de
retard (...). En effet, il reste quelques points à
finaliser dans un délai que nous souhaitons le plus
court possible ».
14. Le 10 décembre 2001,
SARAM et Dyneff ont envoyé une lettre commune au SMNLR
pour linformer quun accord avait été
trouvé sur les conditions tarifaires dutilisation
du sea-line et quun audit technique et économique
commandé conjointement était en cours. Ceci
a permis à SARAM dobtenir la prorogation de lAOP-OSP
jusquau 30 juin 2002, date à laquelle
la structure commune devait être créée.
15. Le 27 mars 2002,
SARAM a refusé laccostage sur le sea-line du
navire MT Mercure, affrété par Dyneff, au motif
que ce bateau ne correspondait pas aux critères de
vetting Total (procédure interne de vérification
et dinspection des navires). Les 29 mars 2002
et 5 avril 2002, le SMNLR a informé SARAM
que la responsabilité de laccueil de ce bateau
était assurée par son affréteur Dyneff
si bien que rien ne sopposait à ce que ce bateau
accoste sur le sea-line de Port-la-Nouvelle.
16. Le 17 juin 2002,
la société Geocéan a rendu un rapport
concernant laudit technique du sea-line qui faisait
apparaître, à partir des mesures relevées
par un sous-traitant, A-HAK, quune portion du sea-line
était « sérieusement dégradée
par un certain nombre de piqûres de corrosion importantes.
En létat actuel, la durée de vie de la
conduite est fortement limitée voire même inférieure
à un an ». Au 30 juin 2002,
SARAM et Dyneff navaient pas conclu de protocole daccord
permettant de préparer la création dune
société commune, de sorte que le préfet
de lAude na pas renouvelé lAOP-OSP
dont bénéficiait SARAM. Le sea-line a donc été
fermé et ne fonctionne plus depuis le 1er juillet 2002.
17. Depuis cette date,
les négociations entre Dyneff, Total France et SARAM
se sont poursuivies malgré tout afin de rendre le sea-line
rapidement opérationnel. Le 30 juillet 2002,
le projet de « business plan » accompagnant
le projet de SAS (société par actions simplifiée)
proposé par Total France a été rejeté
par Dyneff puisqu« il valorisait le sea-line
à 4 millions deuros au moment même
où un rapport dexpertise que ces sociétés
avaient fait établir en commun par la société
Geocéan le 17 juin 2002 faisait état
de nombreux travaux à réaliser, conduisant en
létat, à une durée de vie de moins
dun an ».
18. Le 12 décembre 2002,
Total France et Dyneff ont informé le préfet
de lAude quelles avaient enfin trouvé un
accord de principe afin dexploiter conjointement le
sea-line de Port-la-Nouvelle et de réaliser les travaux
permettant la remise aux normes techniques et de sécurité
de louvrage recommandée par le rapport Geocéan.
Cependant, dans le même temps, Total France avait fait
réaliser un complément dexpertise technique,
de manière unilatérale, par un sous-traitant
de la société Geocéan, aboutissant à
des conclusions radicalement opposées à celles
rendues par cette dernière cinq mois auparavant et
la présenté à Dyneff le 16 décembre 2002
au cours dune réunion, de sorte que laccord
du 12 décembre 2002 était remis en
cause.
19. Par la suite, Total
France a proposé à Dyneff lentrée
dun associé minoritaire dans la future société
commune, la CCI NPLN, et Dyneff, à son tour, a proposé
lentrée de Siplec, lun de ses clients utilisant
des capacités de stockage à Port-la-Nouvelle.
Cette proposition est apparue choquante à Total qui
voyait là une remise en cause de la répartition
équilibrée du capital de la nouvelle société
en faveur de Dyneff et qui a donc décidé de
rompre les négociations, le 6 février 2003.
20. En effet, en vertu
de larticle 30 du cahier des charges de lAOP-OSP
dont bénéficiait SARAM jusquau 30 juin 2002,
il était prévu que « à
lexpiration de lautorisation, si elle na
pas été renouvelée ou en cas soit de
retrait, soit de suppression totale ou partielle des installations,
le permissionnaire sera tenu denlever lesdites installations
et tous les engins ou appareils qui en dépendront.
Faute à lui de sacquitter de cette obligation,
après mise en demeure, il y sera pourvu doffice
et à ses frais, risques et périls par lAdministration.
Toutefois, il pourra être dispensé par le ministre
des travaux publics de remettre les lieux en létat
sil fait abandon pur et simple à lEtat
des engins, appareils et installations qui les occupent et
de leurs dépendances immobilières ».
Aussi, Total France a-t-elle informé le préfet
de lAude par courrier du 6 février 2003
que « dans le cas où lEtat ne consentirait
pas un nouveau titre doccupation à la société
SARAM seule, nous pourrions envisager le démontage
des installations ».
21. Dyneff soutient que
Total France et SARAM ont prolongé artificiellement
les négociations relatives à la création
dune structure commune Total/Dyneff afin de lempêcher
de pérenniser son accès au sea-line. Elle sest
ainsi trouvée privée de la possibilité
dutiliser le sea-line de Port-la-Nouvelle depuis le
1er juillet 2002 dans la mesure
où le renouvellement de lAOP-OSP donné
par le préfet de lAude était conditionné
par la création de cette structure commune.
22. Dyneff ajoute quelle
est privée dune infrastructure essentielle à
son activité, le sea-line de Port-la-Nouvelle, puisquelle
ne peut, depuis le 1er juillet 2002,
procéder à des importations de produits pétroliers
(en particulier des distillats) par le biais de bateaux de
fort tonnage. Ceci, selon elle, représente un surcoût
de 5 Euro par tonne importée et la désavantage
considérablement par rapport à Total France
laquelle dispose de la possibilité de sapprovisionner
par bateaux de fort tonnage grâce à son dépôt
de Sète, situé à quelques kilomètres
de Port-la-Nouvelle. Cest dans ces conditions que Dyneff
a saisi le Conseil de la concurrence, le 22 avril 2003,
et demandé le prononcé de mesures conservatoires.
23. Le 26 juin 2003,
le préfet de lAude a informé Total France
et SARAM quil sapprêtait à conférer
à SARAM seule une nouvelle AOP-OSP sous réserve
des observations de ces sociétés et de la nécessité
den assurer laccès à des conditions
non discriminatoires à Dyneff ou tout autre opérateur
qui souhaiterait utiliser le sea-line de Port-la-Nouvelle.
II. - LA RECEVABILITÉ
DE LA SAISINE AU FOND
A. - Sur la procédure
Sur
la demande de mise hors de cause des sociétés
Total France, SARAM et SPBA :
24. Total France et
SARAM considèrent que la saisine de Dyneff relative
aux pratiques relevées sur le marché du stockage
de produits pétroliers dans la zone de Bordeaux ne
les concerne pas car Total France et SARAM ne sont pas présentes
dans cette zone. Elles font valoir que SPBA et DPA sont en
tout état de cause des sociétés indépendantes
de Total France, même si cette dernière est leur
société mère. SPBA considère,
quant à elle, que la saisine de Dyneff est principalement
dirigée contre la société Total France,
et non contre SPBA qui nest quen partie contrôlée
par Total France et gérée, au jour le jour,
par Esso SAF.
25. Il nest pas contesté
que SARAM exerce son activité sur la zone de Port-la-Nouvelle
exclusivement de sorte que les pratiques alléguées
par Dyneff sur la zone de Bordeaux ne la concernent pas.
26. La société
DPA est détenue par la société Entrepôts
pétroliers régionaux à hauteur de 53,62
%, elle-même détenue à 100 % par
Total France, Total France à hauteur de 12.37 %,
Esso à hauteur de 10 %, Shell à hauteur
de 10 % et des petits porteurs à hauteur de 14,1%.
Total France contrôle donc directement et indirectement
66 % du capital et des droits de vote de la société
DPA alors que les décisions du conseil dadministration
de DPA doivent être prises à la majorité
des voix. En outre, le président du conseil dadministration
de DPA est le directeur logistique de Total France. Enfin,
il ressort de laudition de DPA que Total France est
propriétaire de 84 690 mètres cubes
de capacités dans le dépôt de DPA à
Bassens et loue la totalité des capacités de
stockage de fioul lourd dans le dépôt de DPA
à Bayon. Il nest donc pas exclu que DPA ne dispose
daucune autonomie de décision par rapport à
Total France, cette dernière étant présente
sur le marché du stockage dans la zone de Bordeaux.
27. La société
SPBA est détenue à 66 % par Total France
et à 34 % par Esso SAF qui détient une
minorité de blocage au conseil dadministration
et à lassemblée générale
de SPBA. Néanmoins, il faut souligner la présence
de dirigeants de Total France et de DPA au sein du conseil
dadministration de SPBA. De plus, jusquen 2003,
SPBA réalisait plus de 70 % de son activité
de stockage avec Total France de sorte que la politique commerciale
de SPBA était, en pratique, très dépendante
de lactivité de stockage de Total France bien
que gérée au jour le jour par Esso.
28. Il en résulte
que Total France est présente sur le marché
du stockage dans la zone de Bordeaux soit en tant que propriétaire
de capacités, soit en tant que locataire de capacités.
Par conséquent, à ce stade de linstruction,
il nest pas exclu quelle exerce un pouvoir de
contrôle important sur les filiales DPA et SPBA de sorte
quil ny a pas lieu de mettre hors de cause les
sociétés Total France et SPBA concernant les
pratiques alléguées à leur encontre sur
la zone de Bordeaux par la société Dyneff.
Sur
la compétence du Conseil de la concurrence :
29. Total France et
SARAM considèrent que le Conseil de la concurrence
nest pas compétent pour connaître des faits
dénoncés par Dyneff dans la zone de Port-la-Nouvelle
car la situation ny est pas le fait dun comportement
de Total France ou de SARAM mais est issue dune décision
du préfet de lAude qui a décidé
unilatéralement de ne pas renouveler lAOP-OSP
dont bénéficiait SARAM pour exploiter le sea-line.
Total France et SARAM considèrent donc quil sagit
dune décision administrative prise dans le cadre
de prérogatives de puissance publique, qui se rattache
à la gestion du domaine public et qui ressort de la
compétence du juge administratif et non du Conseil
de la concurrence.
30. Il convient de rappeler
que par une décision en date du 18 octobre 1999,
concernant laéroport de Paris, le tribunal des
conflits a relevé que, « si dans la mesure
où elles effectuent des activités de production,
de distribution ou de services, les personnes publiques peuvent
être sanctionnées par le Conseil de la concurrence
agissant sous le contrôle de lautorité
judiciaire, les décisions par lesquelles ces personnes
assument la mission de service public qui leur incombe au
moyen de prérogatives de puissance publique, relèvent
de la compétence de la juridiction administrative pour
en apprécier la légalité, et, le cas
échéant, pour statuer sur la mise en jeu de
la responsabilité encourue par les personnes publiques... » ;
quil a également précisé que « les
décisions qui se rattachent à la gestion du
domaine public constituent lusage de prérogatives
de puissance publique ».
31. Néanmoins, en
lespèce, les comportements dénoncés
ne sont pas ceux du préfet de lAude mais ceux
des entreprises Total France et SARAM consistant, dune
part, en déventuelles manuvres dilatoires
afin de ne pas créer de société commune
dexploitation du sea-line avec Dyneff avant le 30 juin 2002
alors que ces sociétés sy étaient
engagées par contrat, dautre part, en un éventuel
refus daccès, dans des conditions objectives
et non discriminatoires, à une infrastructure essentielle :
le sea-line de Port-la-Nouvelle.
32. Ces pratiques, qui,
de toute évidence, ne sont pas le fait de personnes
publiques, ne concernent pas la mise en uvre de prérogatives
de puissance publique. En outre, lexamen de telles pratiques
nimplique aucune appréciation de la légalité
dactes administratifs ou de procédures administratives
et nest donc pas de nature à relever de la compétence
du juge administratif. Dans ces conditions, le Conseil de
la concurrence est compétent pour examiner les pratiques
alléguées des entreprises Total France et SARAM
tant sur la zone de Port-la-Nouvelle que sur la zone de Bordeaux
au regard des articles L. 420-2 du code de commerce et
82 du traité de Rome.
Sur
les pièces versées au dossier le 7 juillet 2003 :
33. La société
Dyneff a fait valoir, lors de la séance du 8 juillet 2003,
que la pièce no 842 transmise au Conseil
de la concurrence par les sociétés Total France
et SARAM le 7 juillet 2003 devait être retirée
du dossier en ce quelle navait pas disposé
dun délai raisonnable pour en prendre connaissance.
Les sociétés Total France et SARAM ont, dans
ces conditions, demandé à ce que la pièce
no 806 à laquelle répondait
la pièce no 842 soit elle aussi écartée
des débats dans la mesure où Total France et
SARAM ne lont reçue que le 2 juillet 2003,
de sorte quelles nont pas disposé dun
délai raisonnable pour y répondre avant le 7 juillet 2003.
34. Le Conseil de la concurrence
a déjà considéré dans sa décision
no 01-MC-07 du 21 décembre 2001
quaucune disposition du code de commerce nimpose
de délais pour la mise en état de procédures
de mesures conservatoires, qui se caractérisent par
lurgence mais dont linstruction doit permettre,
dans un temps nécessairement restreint, de réunir
le plus déléments possibles sur le bien-fondé
de la demande. Lorsque le rapporteur général,
usant de la faculté quil tient de larticle 34
du décret précité, décide, pour
une meilleure organisation du débat, de fixer des délais
aux parties, le dépôt de pièces après
lexpiration du temps imparti ne saurait justifier, sur
ce seul fondement, leur rejet de la procédure dès
lors que la partie adverse a bénéficié
dun temps suffisant pour assurer sa défense au
regard des pièces ainsi produites.
35. Il ressort des débats
que la transmission de la pièce no 842
le 7 juillet 2003 na pas laissé à
la société Dyneff un délai suffisant
pour assurer sa défense. Il convient par conséquent
de la retirer du dossier. En revanche, les sociétés
Total France et SARAM ont pu faire valoir en séance
de nouvelles observations de nature à répondre
aux éléments contenus dans la pièce no 806
de sorte que la demande de Total France et SARAM de retirer
du dossier la pièce no 806 qui leur
a été transmise le 2 juillet 2003
est rejetée.
B. - Sur la
définition des marchés
Les marché du stockage de produits pétroliers
raffinés
36. Il ressort
de la jurisprudence tant nationale (avis du Conseil de la
concurrence no 95-A-11 en date du 20 juin 1995,
lettres du ministre de léconomie, des finances
et de lindustrie du 5 mai 1999 et du 26 janvier 2000)
que communautaire (décisions de la Commission européenne,
aff. COMP M/1464 du 2 mars 1999 et M/1628 du 9 février 2000),
quil existe un marché du stockage de produits
raffinés entendus comme les essences et les distillats
(gazole et fioul domestique) dont la dimension géographique
est nécessairement locale étant donné
les coûts de transport de produits pondéreux
tels que les produits pétroliers.
37. Dans sa décision
du 26 mars 1999, la Commission européenne
a défini le marché du stockage de produits pétroliers
raffinés de la manière suivante : « Les
dépôts de stockage de produits pétroliers
finis sont des outils logistiques employés à
la réception et à la distribution de produits
raffinés par différents opérateurs pétroliers,
à savoir les raffineurs, les indépendants ou
la grande distribution. Le stockage est le service qui consiste
à assurer la mise à disposition des opérateurs
pétroliers, moyennant des contrats de location, dune
partie des capacités de stockage des dépôts
afin de leur permettre davitailler les circuits de distribution.
(...) Plus précisément, chaque dépôt
est susceptible de desservir une certaine zone de chalandise
dont le rayon est fonction des coûts de transport à
supporter pour lacheminement des produits vers leur
destination finale. Ces coûts peuvent varier selon les
modes de transport disponibles (pipeline, rail, camion citerne
etc.). Toutefois, en moyenne, la zone de livraison dun
dépôt sétend rarement au-delà
de 150 kilomètres. »
38. Concernant la zone
de Bordeaux, il ressort de linstruction quil existe
1 058 987 mètres cubes de capacité
de stockage de produits raffinés (essences et distillats)
répartis dans six dépôts de stockage situés
dans un rayon de 150 kilomètres autour de lestuaire
de la Gironde et détenus par les sociétés
EPG (Entrepôt pétrolier de Gironde), société
des Pétroles Shell (dépôt situé
à Pauillac), DPA (dont un dépôts à
Bassens et un dépôt à Bayon), SPBA et
SSO (Société des stockages de lOuest).
Par conséquent, il nest pas exclu quil
existe un marché du stockage de produits raffinés
comprenant lensemble des dépôts de stockage
situés dans une zone de 150 kilomètres
autour de lestuaire de la Gironde.
39. Concernant la zone
de Port-la-Nouvelle, le ministre de léconomie,
des finances et de lindustrie a déjà identifié
un marché du stockage de produits pétroliers
raffinés sur la zone de Port-la-Nouvelle dans ses lettres
du 5 mai 1999 et du 26 janvier 2000 relatives
aux concentrations Total/Fina et TotalFina/Elf. Sur ce marché,
loffre était la suivante :
- sur la côte,
il était recensé cinq dépôts de
stockage, dont le dépôt SARAM (136 000 m3),
le dépôt Total (28 000 m3)
et le dépôt DPPLN-Petrofina (133 000 m3)
sur le port de Port-la-Nouvelle, le dépôt Total
(120 000 m3) sur le port de Sète
et le dépôt BP sur le port de Frontignan (900 000 m3) ;
- à lintérieur
du territoire, il était recensé deux dépôts
Total (dune capacité globale de 86 000 m3)
et un dépôt Esso SAF (40 000 m3)
à Toulouse ainsi quun dépôt Total
(33 000 m3) à Albi.
40. Le ministre de léconomie
et des finances avait donc limité le marché
géographique pertinent à une zone de lordre
de 150 à 200 kilomètres autour de
Port-la-Nouvelle, ce qui exclut de lanalyse le dépôt
de Fos et les dépôts espagnols, qui, en tout
état de cause se trouvent à plus de 230 kilomètres
des dépôts de Port-la-Nouvelle.
41. Le ministre de léconomie
précisait également que le dépôt
de Frontignan nétait pas substituable aux autres
dépôts de stockage présents sur la zone
de Port-la-Nouvelle car il sagissait d« un
dépôt dune ancienne raffinerie, qui tourne
peu (environ deux fois par an alors que la moyenne est de 10
à 12) en raison de ses caractéristiques
(dépôt ancien, difficultés de chargement...).
Il ajoutait que « ce dépôt noffre
pas un service équivalent, et qui plus est, son avenir
est incertain, Mobil [ancien propriétaire] nayant
pas exclu (...) den décider la fermeture ».
La Commission européenne a repris cette analyse dans
sa décision du 9 février 2000. De
plus, le directeur des projets pétroliers de BP a confirmé
létat du dépôt de Frontignan lors
de son audition du 28 mai 2003 en précisant
que : « Le taux de rotation est de 1,5
par an, ce qui est un résultat très mauvais.
Cette situation na pas évolué depuis que
la raffinerie de Frontignan a été transformée
en dépôt (1984) qui comprend des bacs très
importants (100 000 mètres cubes) (...).
Nous navons en revanche pas fait dinvestissement
pour accroître lexploitation de Frontignan depuis
1997. Le dépôt de Frontignan assure sa viabilité
en grande partie grâce aux capacités louées
à la SAGESS sur des contrats de moyen terme depuis
1984. En réalité, sans la SAGESS, BP aurait
sûrement pris la décision de fermer Frontignan. »
42. Il ne peut donc être
exclu quil existe un marché du stockage de produits
pétroliers raffinés limité à une
zone de 150 à 200 kilomètres autour
de Port-la-Nouvelle à lexclusion du dépôt
de Frontignan.
43. La société
Dyneff soutient également quil existe un marché
plus étroit du stockage de produits raffinés
importés limités aux seuls dépôts
de stockage aptes à recevoir des importations de produits
pétroliers raffinés par voie maritime dont la
zone de chalandise sétend de 100 à
150 kilomètres tant sur la zone de Port-la-Nouvelle
que sur la zone de Bordeaux.
44. Les sociétés
Total France et SARAM ne contestent pas lexistence de
ce marché de produit mais remettent en cause lanalyse
géographique du marché retenue par Dyneff sur
la zone de Port-la-Nouvelle au motif que, dans plusieurs articles
de presse, M. Lecea, président de Dyneff, a affirmé
que la zone de chalandise des dépôts acquis à
Port-la-Nouvelle par Dyneff couvrent une partie de lEspagne
et dAndorre de sorte que le marché géographique
pertinent sétend sur plus de 260 kilomètres.
45. Il ressort, cependant, des coupures
de presse citées par Total France et SARAM dans leurs
observations que M. Lecea a affirmé que la zone
de chalandise des dépôts de Port-la-Nouvelle
était de 150 à 200 kilomètres,
ce qui confirme lanalyse menée par le ministre
de léconomie concernant le marché plus
large du stockage de produits raffinés importés.
Il en résulte quil nest pas exclu quil
existe un marché du stockage de produits raffinés
importés limité à une zone de 150 à
200 kilomètres autour des dépôts
de Port-la-Nouvelle à lexclusion du dépôt
de Frontignan, pour les mêmes raisons que précédemment.
46. Enfin, il nest
pas non plus exclu quil existe un segment de marché
spécifique au stockage de fioul lourd dans la mesure
où il nest pas contesté que les installations
permettant de recevoir du fioul lourd doivent répondre
à des caractéristiques techniques très
spécifiques et ne peuvent en aucun cas recevoir dautres
produits raffinés.
Le marché des services portuaires de
déchargement
de bateaux de fort tonnage limité au port de Port-la-Nouvelle
47. Le Conseil
de la concurrence a relevé, dans sa décision
no 02-D-15 du 1er mars 2002
relative à des pratiques relevées dans le secteur
de la manutention des vracs solides au port autonome du Havre,
qu« il nest pas exclu quil
existe un marché pertinent des services portuaires
destinés au déchargement du charbon limité,
soit au port du Havre, soit à la basse vallée
de la Seine », caractérisé par
le fait que le déchargement des navires transportant
du charbon en vrac au port autonome du Havre implique plusieurs
opérations et plusieurs intervenants, à savoir :
dune part, la manutention des marchandises qui permet
le déchargement des navires et qui est réalisée
par des entreprises manutentionnaires utilisant à cet
effet des outillages publics qui supposent le paiement au
port dun certain nombre de redevances et taxes ;
dautre part, lentreposage des marchandises dans
un terminal doté de surfaces de stockage, le terminal
en cause faisant lui-même lobjet dune concession
entre le Port autonome du Havre et la société
CIPHA, qui au titre de cette concession est autorisée
à occuper le domaine public et qui en a confié
la gestion à la société Capcol.
48. Or, le déchargement
de navires de fort tonnage et de barges de faibles tonnage
sur le sea-line et la darse pétrolière de Port-la-Nouvelle
est bien réalisé par des entreprises manutentionnaires
(Saram ou Dyneff) utilisant à cet effet un outillage
privé soumis à une AOP-OSP pour le sea-line
et un outillage public pour la darse pétrolière
qui est la propriété de la CCI de Narbonne et
fait lobjet dune convention doccupation
du domaine public. Dans les deux cas, lutilisation de
ces outillages donne lieu au paiement dune redevance.
Les deux conditions relevées par le Conseil de la concurrence
dans laffaire 02-D-15 sont donc réunies
et permettent de conclure quil nest pas exclu
quil existe un marché des services portuaires
destinés au déchargement des produits pétroliers
sur le port de Port-la-Nouvelle.
49. En outre, il semble
que dun point de vue technique, seul le sea-line de
Port-la-Nouvelle permet laccostage et le déchargement
de bateaux de grande capacité (30 000 tonnes).
De plus, il ressort du procès-verbal de Saram, opérateur
du sea-line, que le sea-line de Port-la-Nouvelle présente
des caractéristiques techniques très particulières,
impliquant le respect de conditions de sécurité
spécifiques quune entreprise « non
experte ne peut pas assurer dans des conditions de sécurité
satisfaisante », contrairement à la
darse pétrolière qui peut être utilisée
par tout opérateur non expert.
50. De plus, du point de
vue économique, il est clair que le choix entre la
darse pétrolière et le sea-line de Port-la-Nouvelle
est fonction du coût dapprovisionnement par voie
dimportation. Or, comme la rappelé la Commission
européenne dans sa décision du 26 mars 1999
précitée : « (...) Le
coût de lapprovisionnement en produits raffinés
est un facteur de concurrence critique au niveau de la revente
au détail, ce qui fait que des surcoûts compris
entre 1 % et 3 % du prix de détail peuvent
faire basculer le client. Dans ces conditions, lapprovisionnement
par voie maritime ne peut, du point de vue économique,
se justifier que pour des volumes importants de produits transportés
en une seule fois. » A cet égard, Dyneff
estime à 5 euros par tonne transportée
le surcoût dun approvisionnement exclusif de distillats
par voie de barges de faible tonnage et il ressort des procès
verbaux daudition de Total France et Saram que lapprovisionnement
par barges exclusivement est moins rentable que lapprovisionnement
par bateaux de fort tonnage.
51. Il en résulte
que les services portuaires de déchargement de produits
pétroliers raffinés rendus par le sea-line et
la darse pétrolière ne sont pas parfaitement
substituables pour des raisons techniques et économiques.
Or, le Conseil de la concurrence, dans son avis no 02-A-01
du 15 février 2002, a déjà
considéré que deux produits répondant
à des caractéristiques techniques différentes
et soumis à des contraintes de coût différentes
peuvent constituer deux marchés de produits distincts
dès lors que ces différences sont, pour les
demandeurs, dune importance telle que ces techniques
ne constituent pas des moyens alternatifs de répondre
à un même besoin alors même quelles
sont partiellement substituables. Il nest donc pas exclu
quil existe un marché pertinent des services
de déchargement de bateau de fort tonnage limité
au port de Port-la-Nouvelle.
C. - Sur la
position dominante des opérateurs
Sur
les marchés du stockage de produits pétroliers
raffinés :
52. Dans sa décision
du 9 février 2000 précitée,
la Commission européenne avait précisé,
à loccasion de son analyse de la position dominante
de TotalFinaElf sur le marché du stockage dans les
dépôts dimportation reliés à
des moyens de transport massif, que « le calcul
des pourcentages inclut les capacités des dépôts
sur lesquels TotalFinaElf pourra exercer un contrôle
unique ou conjoint ». Aussi, pour apprécier
les parts de marché de Total France sur les marchés
pertinents, il convient de tenir compte des capacités
détenues par Total France directement ou indirectement,
et totalement ou partiellement dans les dépôts
de stockage de la zone de Port-la-Nouvelle et de la zone de
Bordeaux.
53. Sur la zone de Bordeaux,
il existe 1 058 987 mètres cubes de
capacités de stockage de produits raffinés.
Or Total France contrôle à 100 % le dépôt
SSO et à 66 % les dépôts SPBA et
DPA soit 577 987 mètres cubes de capacités
de stockage qui représentent 54,57 % de lensemble
des capacités de stockage de produits raffinés
(essences et distillats) théoriques. Total France est
donc dans une situation de nature à lui conférer
la capacité de maîtriser une grande partie des
sources dapprovisionnement et de la chaîne logistique
pétrolière de cette zone. En outre, Total France
contrôle le dépôt DPA qui est le seul dépôt
relié aux dépôts SPBA et Shell permettant
le déchargement des produits sur des camions :
il constitue donc un point de passage incontournable pour
distribuer ses produits sur un marché aval. Par conséquent,
il ne peut être exclu, à ce stade de linstruction,
que Total France individuellement ou conjointement avec ses
filiales DPA, SPBA et SSO soit en position dominante sur le
marché du stockage de produits raffinés dans
la zone de Bordeaux.
54. En outre, en ce qui
concerne le fioul lourd dans la zone de Bordeaux, Total France,
via DPA, contrôle la totalité des capacités
de stockage du dépôt de Bayon, seul dépôt
de stockage disposant dinfrastructures permettant lentreposage
et le stockage de fioul lourd, et les loue en totalité,
de sorte quil nest pas exclu que Total France
et DPA soient en position dominante simple ou collective sur
ce marché.
55. Le stockage de produits
raffinés sur la zone de Port-la-Nouvelle comprend lensemble
des dépôts situés à lintérieur
du territoire et sur la côte à lexclusion
du dépôt de Frontignan. Total France contrôle,
sur la période 2000-2003, 53 à 64 % de
lensemble des capacités de stockage sur la zone
de Port-la-Nouvelle (certains dépôts situés
à lintérieur du territoire ayant cessé
leur activité en 2002) ce qui est de nature à
lui conférer la capacité de maîtriser
une grande partie des sources dapprovisionnement et
de la chaîne logistique pétrolière sur
la zone de Port-la-Nouvelle.
56. Pour ce qui concerne
le stockage de produits raffinés importés limités
aux dépôts de Port-la-Nouvelle et Sète
à lexclusion du dépôt de Frontignan,
Total France contrôle 256 000 mètres
cubes de capacités de stockage sur une capacité
globale de 417 000 mètres cubes soit 61,4 %
de lensemble des capacités des dépôts
de stockage situés sur la côte sur la période
2000-2003.
57. De plus, Total France
disposait de deux moyens alternatifs de sapprovisionner
par bateau de fort tonnage, contrairement à Dyneff,
grâce au sea-line de Port-la-Nouvelle jusquen
juin 2002 et au sea-line de Frontignan relié par
pipe au dépôt de Frontignan, lui même relié
par pipe au dépôt Total de Sète.
58. Par conséquent,
il nest pas exclu que Total France soit en position
dominante sur le marché du stockage de produits raffinés
et sur le marché plus restreint du stockage de produits
raffinés importés limité à une
zone de 150 à 200 kilomètres autour
des dépôts de Port-la-Nouvelle, à lexclusion
du dépôt de Frontignan.
Sur
le marché des services portuaires de déchargement
de navires de fort tonnage :
59. Saram, filiale à
100 % de Total France, est propriétaire des installations
du sea-line et disposait, jusquau 30 juin 2002,
dune AOP-OSP lui conférant le droit dopérer
seule sur le sea-line sous réserve den laisser
lusage aux tiers lorsquelle ne lutilisait
pas pour ses propres besoins. Il nest donc pas exclu
que Total France, via Saram, soit en situation de monopole
sur le marché des services de déchargement de
bateaux de grande capacité.
D. - Sur la
présence déléments suffisamment
probants
Sur
les pratiques alléguées sur la zone de Bordeaux :
60. La jurisprudence
française et communautaire considère comme abusif
le fait pour une entreprise en position dominante sur un marché
de service de refuser de vendre un produit ou de prester un
service à un de ses concurrents sur un marché
aval sans raison objective ou de façon discriminatoire.
61. Or, Dyneff reproche
à SPBA et DPA davoir refusé de manière
abusive de lui louer 27 500 mètres cubes
de capacités de stockage de distillats entre mars et
décembre pour la première et entre août
et décembre pour la seconde comme le démontrerait
le changement de comportement soudain de ces entreprises à
la suite des courriers envoyés par Dyneff à
la DGCCRF afin de dénoncer ces comportements. Au surplus,
Dyneff reproche à DPA de persister dans son refus de
lui louer des capacités de stockage de fioul lourd
depuis le 6 janvier 2003 afin de permettre à
Total France de demeurer lunique fournisseur de fioul
lourd dans la région et de pratiquer des prix de monopole.
Sur
le refus de louer des capacités de stockage pour des
distillats :
62. Il convient tout
dabord de rappeler que, sur un marché nécessairement
dépendant de la disponibilité de cuves ou de
bacs permettant de recevoir des produits dans les dépôts
de stockage, un délai dattente de quatre à
cinq mois nest pas manifestement anormal. En outre,
il ressort des pièces du dossier que les sociétés
SPBA et DPA ont dû faire face à des contraintes
de capacités, à des contraintes organisationnelles
et à des incidents techniques les empêchant de
disposer de lensemble des capacités de stockage
à leur disposition au moment des demandes de location
de capacités présentées par Dyneff. De
plus, même à considérer que les lettres
envoyées par Dyneff à la DGCCRF aient pu faire
accélérer SPBA et DPA dans leur démarche
de location envers Dyneff, leffet de ces lettres ne
suffit pas à lui seul à démontrer que
SPBA et DPA ont refusé de manière abusive de
répondre à la demande de capacité de
stockage de Dyneff. Au contraire, au vu des informations transmise
par les parties, il semble que DPA et SPBA ont informé
Dyneff dès quelles ont su quelles avaient
des disponibilités.
63. En tout état
de cause, Dyneff ne démontre pas en quoi ces refus
auraient eu un quelconque objet ou effet anticoncurrentiel
de nature à remettre en cause lapprovisionnement
de Dyneff en produits raffinés importés dans
la mesure où il nest pas contesté quen
augmentant le taux de rotation de ses capacités dans
le dépôt DPA, Dyneff a réussi à
augmenter de 64 % ses approvisionnements par voie dimportation
entre 2001 et 2002.
64. Il résulte de
lensemble de ce qui précède quaucun
élément présenté à lappui
de la saisine ne permet de penser, quà supposer
quil soit établi que les sociétés
Total France, DPA et SPBA disposent dune position dominante
individuelle ou collective sur le marché du stockage
de produits raffinés sur la zone de Bordeaux, ces sociétés
auraient fait un usage abusif de cette position dominante.
Par conséquent, en labsence déléments
suffisamment probants, il y a lieu de faire application des
dispositions de larticle L. 462-8 du code
de commerce et de rejeter la saisine de Dyneff en tant quelle
vise des refus de location de capacités de stockage
pour les distillats.
Sur
le refus de louer des capacités de stockage pour du
fioul lourd :
65. Le courrier de
Dyneff du 6 janvier 2003 disposait : « (...) Par
ailleurs, nous sommes intéressés par des capacités
de stockage de fioul lourd. Nous avons sollicité la
centrale EDF dAmbés qui nous informe quils
nont pas de capacités disponibles. Sachant que
vous êtes le seul stockistes sur la zone à avoir
ce produit, nous souhaiterions savoir sil est possible
denvisager une discussion sur ce sujet. Dans lattente.
(...) » Contrairement aux demandes de capacités
de stockage formulées par Dyneff pour des distillats,
le courrier du 6 janvier 2003 ne contient aucune
information relatives aux besoins de Dyneff en fioul lourd :
le volume de capacités de stockage souhaité
ainsi que la période de location envisagée ne
sont pas précisés. Il en résulte que
le courrier et le fax de Dyneff en date du 6 janvier 2003
ne peuvent, à eux seuls, constituer une demande formelle
de location de capacité de stockage de fioul lourd
vis-à-vis de DPA. De plus, il nest pas contesté
que Dyneff na jamais relancé DPA pour poursuivre
déventuelles négociations sur ce sujet.
66. Au surplus, DPA fait
valoir que, même en considérant que ce courrier
constituait une demande formelle de Dyneff pour louer des
capacités de stockage pour du fioul lourd, labsence
de réponse de DPA est justifiée par le fait
quelle ne dispose pas de capacités de stockage
de fioul lourd disponible sur le moment, étant donné
lexistence dimportantes contraintes dexploitation
indépendantes de sa volonté : sur les 4 bacs
destinés à recevoir du fioul lourd (nos 60,
81, 82 et 83), le bac no 60 est en suspension
dactivité depuis le 21 janvier 2003
en raison dune altération chimique des produits
quil contient et ne pourra retrouver son activité
normale quen septembre ou octobre 2003 ; lactivité
du bac no 83 est sur le point dêtre
suspendue pour procéder à la révision
décennale imposée par les autorités publiques
et ne redeviendra possible quà la fin de lannée
2003 ; le bac no 82 a été
soumis à la révision décennale à
partir du 19 août 2002 et nest redevenu
opérationnel que le 9 février 2003.
De plus, ce bac est resté six semaines dans lattente
dune réquisition éventuelle par les autorités
publiques dans le cadre des événements liés
au naufrage du Prestige, soit le 30 janvier 2003.
67. Il en résulte
que, même à considérer que DPA ait refusé
à Dyneff de lui louer des capacités de stockage,
DPA fait valoir pour lexpliquer, des éléments
objectifs et indépendants de sa volonté, de
sorte quil nest pas suffisamment démontré
que cet éventuel refus puisse avoir eu un objet anticoncurrentiel.
68. Enfin, il nest
pas démontré que labsence de capacité
de stockage de fioul lourd pour Dyneff remette en cause sa
position concurrentielle sur la zone de Bordeaux ni que le
refus éventuel de louer des capacités de stockage
de fioul lourd à Dyneff ait eu un quelconque effet
anticoncurrentiel sur le marché du stockage de ce produit
dans la zone de Bordeaux.
69. Il résulte de
lensemble de ce qui précède quaucun
élément présenté à lappui
de la saisine ne permet de penser quà supposer
quil soit établi que les sociétés
Total France et DPA disposent dune position dominante
individuelle ou collective sur le marché du stockage
de fioul lourd sur la zone de Bordeaux, il serait fait un
usage abusif de cette position dominante. Par conséquent,
en absence déléments suffisamment probants,
il y a lieu de faire application des dispositions de larticle L. 462-8
du code de commerce et de rejeter la saisine de Dyneff en
tant quelle vise des refus de louer des capacités
de stockage pour du fioul lourd sur la zone de Bordeaux.
Sur
les pratiques alléguées dans la zone de Port-la-Nouvelle :
Sur
les manuvres dilatoires concernant la reprise conjointe
du sea-line de Port-la-Nouvelle :
70. Dyneff reproche
à Total France, via SARAM, davoir abusé
de sa position dominante sur le marché du stockage
de produits pétroliers raffinés importés
et sur le marché des services portuaires de déchargement
de bateaux de fort tonnage, en ayant mis en uvre des
manuvres dilatoires concernant la reprise conjointe
du sea-line de Port-la-Nouvelle, principal moyen dapprovisionnement
de Dyneff en produits importés, ayant pour objet et
pour effet dentraîner la fermeture de cette installation,
le préfet de lAude ayant conditionné le
renouvellement de lAOP-OSP sur le sea-line à
la création de cette structure commune.
71. En première
analyse, il est clair quune partie importante des difficultés
évoquées par Dyneff est associée au non-respect
dun certain nombre dengagements contractuels et
à léchec des négociations engagées
par Dyneff, Total France et SARAM sous légide
du SMNLR et du préfet de lAude ; leur appréciation
relève donc du juge du contrat et non du Conseil de
la concurrence.
72. Néanmoins, il
ressort des pièces versées au dossier que Total
France et SARAM semblent avoir adopté un comportement
négatif consistant à soulever de nouvelles difficultés
à chaque étape du processus de création
de la société commune comme en atteste le retard
pris dans la réalisation dun audit technique
par un organisme choisi en commun, la société
Géocéan ; le refus de transmettre à
Dyneff des informations lui permettant dapprécier
la valeur des immobilisations corporelles relatives aux installations
du sea-line ; la réalisation unilatérale
dun complément dexpertise technique du
sea-line par un sous-traitant de la société
Géocéan et la signature dans le même temps
dun protocole daccord relatif à lavancement
des travaux estimés en fonction du rapport dexpertise
initial ; ou encore le fait davoir informé
le préfet de lAude le 6 février 2003
de leur intention de démonter les installations du
sea-line si SARAM, seule, ne bénéficiait pas
dune nouvelle AOP-OSP.
73. Au surplus, il semble
quau cours des négociations, entamées
pendant lannée 2000 et toujours en cours
en 2003, Total France et SARAM ont pu mettre en uvre
des tactiques dilatoires, notamment en répondant avec
des retards de plusieurs mois aux propositions de Dyneff de
réaliser une expertise technique, en refusant de communiquer
à Dyneff les données économiques lui
permettant dapprécier la valeur du sea-line,
en retardant la réalisation du protocole daccord
portant sur les conditions tarifaires accordées à
Dyneff et la mise en uvre dune structure commune.
Il ne peut être exclu que ces pratiques aient eu un
objet et ont pu avoir un effet anticoncurrentiel dans la mesure
où laccès au sea-line de Port-la-Nouvelle
était conditionné par le renouvellement dune
AOP-OSP de la part du préfet, autorisation qui dépendait
elle-même de la création dune structure
commune Total/Dyneff.
74. Enfin, il est à
noter que Total France et SARAM ont refusé le 27 mars 2002
laccès au sea-line de Port-la-Nouvelle au bateau
MT Mercure affrété par Dyneff au
motif que celui-ci était rejeté par le vetting
Total, cest-à-dire par la procédure de
vérification et dacceptation des bateaux accostant
sur les infrastructures gérées par Total France
et SARAM. Or, malgré les demandes de Dyneff dobtenir
des informations sur les critères appliqués
par Total ou encore une liste actualisée des bateaux
pouvant être affrétés par Dyneff, Total
France a toujours refusé dexpliciter ses critères
de vetting, de sorte quelle se trouvait en position
de choisir les fournisseurs de son principal concurrent de
manière potentiellement discriminatoire.
75. Par conséquent,
il ne peut être exclu que Total France et SARAM aient
mis en uvre des manuvres dilatoires susceptibles,
sous réserve dune instruction au fond, de constituer
un abus de position dominante au sens des articles L. 420-2 (1o)
du code de commerce et 82 du traité de Rome.
Sur
le refus daccès à une infrastructure essentielle :
le sea-line de Port-la-Nouvelle :
76. Dyneff soutient
également que Total France et SARAM lont empêchée
davoir accès à une infrastructure essentielle,
le sea-line de Port-la-Nouvelle, à des conditions objectives
et non discriminatoire par lapplication discrétionnaire
et non transparente du vetting Total aux bateaux affrétés
par Dyneff avant le 30 juin 2002 puis lont
empêchée daccéder définitivement
au sea-line par le biais des manuvres dilatoires précitées
ayant conduit le préfet à ne pas renouveler
lAOP-OSP permettant son exploitation depuis le 1er juillet 2002.
77. Il ressort néanmoins
des pièces du dossier que les volumes de produits pétroliers
de Dyneff entrant à Port-la-Nouvelle sont passés
denviron 450 000 tonnes en 2001 à environ
630 000 tonnes en 2002 et que, sur la période
janvier-juin 2002, Dyneff a rentré 327 321 tonnes
contre 306 321 tonnes sur le second semestre 2002
alors que le sea-line était inutilisable. Il faut donc
en déduire que, globalement, la fermeture du sea-line
en 2002 na pas empêché Dyneff de trouver
une solution alternative à son approvisionnement par
voie dimportation malgré le surcoût éventuel
quimplique lutilisation de barges de faible tonnage
accostant sur la darse pétrolière de Port-la-Nouvelle.
En tout état de cause, la diminution des importations
sur le second semestre 2002 est de lordre de 6,4 %,
de sorte que Dyneff napporte pas suffisamment déléments
probants de nature à démontrer que le sea-line
de Port-la-Nouvelle est une infrastructure essentielle et
quelle ne dispose daucun autre moyen alternatif
de sapprovisionner par voie dimportation. Dans
ces conditions, Dyneff ne saurait valablement invoquer largument
selon lequel Total France et SARAM lont empêchée
daccéder à une infrastructure essentielle
avant comme après le 1er juillet 2002.
78. Il résulte de
lensemble de ce qui précède quil
nest pas exclu que Total France et SARAM aient adopté
une attitude dilatoire qui, sous réserve dune
instruction au fond, puisse être constitutive dun
abus de position dominante sur le marché du stockage
de produits pétroliers ou sur le marché plus
restreint du stockage de produits pétroliers importés
sur la zone de Port-la-Nouvelle au sens de larticle L. 420-2 (1o)
du code de commerce et de larticle 82 du traité
de Rome. La saisine de Dyneff relative aux pratiques relevées
sur la zone de Port-la-Nouvelle doit être déclarée
recevable.
Sur
la demande de mesures conservatoires :
79. Dyneff demande
au Conseil de la concurrence de prendre les mesures conservatoires
suivantes :
- faire injonction
à Total France et SARAM dabandonner à
lEtat les installations du sea-line conformément
à la procédure prévue à larticle 30
de lautorisation doutillage privé avec
obligation de service public (AOP-OSP) ;
- à titre
subsidiaire et en toute hypothèse, de faire interdiction
à Total France et SARAM de démanteler les installations
du sea-line et lui faire injonction dassurer la maintenance
nécessaire à son bon fonctionnement tant quaucune
solution permettant la poursuite de son exploitation naura
été trouvée ;
- faire injonction
à Total France de communiquer à Dyneff les règles
de vetting quelle applique ou entend appliquer pour
le déchargement des navires par le biais du sea-line ;
80. Aux termes de larticle
L. 464-1 du code de commerce : « Le
Conseil de la concurrence peut, à la demande du ministre
chargé de léconomie, des personnes mentionnées
au dernier alinéa de larticle L. 462-1
ou des entreprises et après avoir entendu les parties
en cause et le commissaire du Gouvernement, prendre les mesures
conservatoires qui lui sont demandées ou celles qui
lui apparaissent nécessaires. Ces mesures ne peuvent
intervenir que si la pratique dénoncée porte
une atteinte grave et immédiate à léconomie
générale, à celle du secteur intéressé,
à lintérêt des consommateurs ou
à lentreprise plaignante. Elles peuvent comporter
la suspension de la pratique concernée ainsi quune
injonction aux parties de revenir à létat
antérieur. Elles doivent rester strictement limitées
à ce qui est nécessaire pour faire face à
lurgence. »
81. Dyneff considère
que les manuvres dilatoires mises en uvre par
Total France et SARAM sont à lorigine de la fermeture
du sea-line de Port-la-Nouvelle et portent une atteinte grave
et immédiate au secteur pétrolier dans le sud
de la France en ce quelles suppriment le principal facteur
de concurrence sur les différents marchés pertinents
de lapprovisionnement, du stockage et de la distribution
des produits, et quelles privent de tout effet utile
les décisions des autorités de concurrence françaises
et communautaires prises à loccasion des concentrations
Total/Fina et TotalFina/Elf, dont lobjet était
de « permettre à un opérateur
indépendant de sapprovisionner par voie dimportation
indépendamment de TotalFinaElf et des autres raffineurs
français ».
82. Dyneff ajoute que les
manuvres dilatoires quelle dénonce ainsi
que léventuelle désinstallation du sea-line
entraîne un surcoût dapprovisionnement en
produits pétroliers importés par barges de faible
tonnage évalué à 5 Euro par tonne
qui se répercute sur le consommateur de sorte que ces
pratiques causent une atteinte grave et immédiate aux
consommateurs.
83. Dyneff précise
enfin que ces pratiques lui portent une atteinte grave et
immédiate car elle a dû emprunter plus de 12 millions
deuros pour remettre aux normes les dépôts
acquis à Port-la-Nouvelle alors quelle nen
tire à lheure actuelle aucun bénéfice,
faisant ainsi peser un risque de remise en cause de sa pérennité.
Dyneff en conclut que, si ces manuvres persistent, et
plus encore si le sea-line est désinstallé,
le maintien de Dyneff sur les différents marchés
afférents à la commercialisation de produits
raffinés importés sur la zone de Port-la-Nouvelle
est menacé, de sorte que Total France risque de se
retrouver en position quasi monopolistique sur ces marchés,
ce qui constitue, là encore, une atteinte grave et
immédiate à lintérêt des
consommateurs.
84. Toutefois, il convient
en premier lieu de constater que les décisions des
autorités de concurrence françaises et communautaires
prises à loccasion des opérations de concentration
TotalFina et TotalFina/Elf ne sont pas remises en cause dans
la mesure où elles avaient pour objet de permettre
à un opérateur pétrolier indépendant
de disposer de ses propres capacités de stockage pour
offrir une alternative indépendante de celle de TotalFina
puis de celle de TotalFinaElf. Il faut, en outre, relever
que Dyneff demeure propriétaire des dépôts
acquis à Port-la-Nouvelle, quelle continue de
les exploiter dans la mesure où les volumes quelle
a fait passer par ses dépôts sont en augmentation
entre 2001 et 2002, que, sur le deuxième semestre 2002,
lorsque le sea-line était inutilisable, Dyneff na
subi quune chute très modérée de
ses importations dans le port de Port-la-Nouvelle, de lordre
de 6,4 %. Enfin, Dyneff napporte aucun élément
de nature à démontrer quelle a perdu des
clients depuis quelle ne peut plus utiliser le sea-line
de Port-la-Nouvelle.
85. En second lieu, à
supposer que Dyneff doive faire face à un surcoût
de 5 Euro la tonne transportée par barges, ce
que conteste Total France, il nest en rien démontré
que ce surcoût entraîne à lui seul le risque
de voir la société Dyneff disparaître.
Or, il est de jurisprudence constante quun simple risque
hypothétique sur la pérennité de lentreprise
ne suffit pas à démontrer une atteinte grave
et immédiate à lintérêt de
cette dernière ni à celui des consommateurs.
A cet égard, il faut relever que les comptes de Dyneff
font apparaître un chiffre daffaires en constante
augmentation depuis 1998, passant respectivement de 129 millions
deuros en 1998 à 618 millions deuros
en 1999, à 919 millions deuros en 2000 et
enfin, à 1 053 millions deuros en 2001.
Enfin, il convient de noter que, même en considérant
que le surcoût de 5 Euro par tonne transportée
depuis la fermeture du sea-line soit vérifié,
celui-ci ne pourrait se traduire tout au plus que par un « manque
à gagner » pour Dyneff, lequel ne peut à
lui seul justifier loctroi de mesures conservatoires.
86. Au surplus, il convient
de prendre acte des engagements pris par Total France et SARAM
au cours de la séance consistant, dune part,
à ne pas désinstaller le sea-line de Port-la-Nouvelle
sauf à ce que le préfet de lAude leur
en donne lordre, dautre part, à reprendre
les négociations menées sous légide
du préfet de lAude afin de voir le sea-line être
opérationnel au plus vite et dans des conditions équitables
de manière à permettre à tout utilisateur
dy avoir accès à des conditions non discriminatoires.
87. Il résulte de
lensemble de ce qui précède que les éléments
rapportés par Dyneff ne sont pas suffisants pour établir
que les pratiques dénoncées causent une atteinte
grave et immédiate à léconomie
en général, au secteur concerné, à
lintérêt des consommateurs ou à
la société Dyneff elle-même, nécessitant
ladoption de mesures durgence ; par suite,
les demandes de mesures conservatoires enregistrées
sous le numéro 03/0032 M doivent être
rejetées.
Décision :
Art. 1er. - La
saisine 03/0031 F est rejetée en tant quelle
vise des refus de louer des capacités de stockages
pour du fioul lourd et des distillats sur la zone de Bordeaux.
Art. 2. - Les
demandes de mesures conservatoires enregistrées sous
le numéro 03/0032 M sont rejetées.
Délibéré, sur
le rapport oral de Mme de Zoude-Le Berre, par M. Jenny,
vice-président, présidant la séance,
Mme Behar-Touchais, MM. Flichy, Gauron, Lasserre
et Robin, membres.
La secrétaire de séance,
Nadine Bellegarde
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Le président de séance,
Frédéric Jenny
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