NOR : ECOC0300336S
Le Conseil de
la concurrence (section I),
Vu la lettre, enregistrée le
3 mars 1999 sous le numéro F 1129, par
laquelle le ministre de léconomie, des finances
et de lindustrie a saisi le Conseil de la concurrence
de pratiques mises en uvre dans le secteur des batteries
industrielles ;
Vu le livre IV du code de commerce
relatif à la liberté des prix et de la concurrence,
le décret no 86-1309 du 29 décembre 1986
modifié et le décret no 2002-689
du 30 avril 2002 fixant les conditions dapplication
du livre IV du code de commerce ;
Vu la décision de sursis à
statuer no 01-D-06 du 27 mars 2001 ;
Vu les décisions no 01-DSA-14
du 7 novembre 2001 et no 01-DSA-25
du 3 janvier 2002 ;
Vu la notification de griefs et le
rapport ;
Vu les observations présentées
par les sociétés Jungheinrich France, CEAC-Exide,
Hawker (pour les sociétés Oldham et VHB-Varta),
et par le commissaire du Gouvernement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
La rapporteure, la rapporteure générale
adjointe, le commissaire du Gouvernement, les représentants
des sociétés Jungheinrich France, Hawker et
CEAC-Exide entendus au cours de la séance du 10 juin 2003,
Adopte la décision fondée
sur les constatations (I) et les motifs (II) suivants :
I. - CONSTATATIONS
1. Le secteur des batteries industrielles
1. Les batteries
sont des générateurs électro-chimiques
qui produisent du courant électrique à partir
dune réaction chimique. Elles peuvent également
recevoir du courant et laccumuler sous forme chimique,
doù leur nom de « générateurs
réversibles » ou « accumulateurs ».
2. Les batteries industrielles
comprennent les batteries de traction destinées à
fournir de lénergie à des engins motorisés
et les batteries stationnaires qui fournissent de lénergie
dappoint pour les installations fixes. Les batteries
de traction équipent des engins tels que les chariots
élévateurs utilisés pour la manutention,
les laveuses et balayeuses de sol dans le secteur du nettoyage,
ou encore les voitures de golf. Elles se rechargent la nuit
par des chargeurs, leur poids varie entre 50 et 2 000 kilogrammes
et leur durée de vie est denviron cinq ans.
Leur capacité est déterminée par la possibilité
de décharge de la batterie dans un temps donné ;
à titre dexemple, une batterie capable de délivrer
100 ampères en 5 heures a une capacité
théorique de 500 ampères/heure (A/H). Les
batteries stationnaires équipent, par exemple, les
centraux téléphoniques, les ordinateurs, le
dispositif de signalisation SNCF. Leur poids varie de quelques
kilogrammes à quelques tonnes et leur durée
de vie est généralement supérieure à
dix ans.
3. La batterie de traction
qui équipe un engin au moment de sa mise en service
est appelée batterie de « première
monte ». Elle peut être achetée
soit directement avec lengin sur lequel elle est installée
par le constructeur, soit auprès dun fabricant
de batteries, ou dun intermédiaire. La durée
de vie dune batterie étant inférieure
à la durée de vie dun engin de manutention,
le marché comporte un deuxième segment qui est
celui de la batterie de remplacement ou « deuxième
monte ».
4. Le syndicat des industries
de matériels de manutention estime, en ce qui concerne
les batteries de traction, que 800 000 unités
ont été vendues en France en 1994, contre 900 000
en 1995 et 920 000 en 1996, pour une valeur estimée
à 480 millions de francs en 1994, 540 millions
de francs en 1995 et 552 millions de francs en 1996.
En 1996, les ventes se sont réparties de façon
égale entre batteries de première monte et batteries
de remplacement. Sagissant des batteries de première
monte, le secteur de la manutention a fourni, en 1996, près
de 87 % des débouchés, le solde étant
essentiellement représenté par le secteur du
nettoyage. La prépondérance du secteur de la
manutention est encore plus forte pour les batteries de remplacement,
puisque le secteur du nettoyage ne représente que 1 %
des utilisations.
2. Les entreprises concernées
2.1. Le groupe Hawker
Oldham France
5. La société
Oldham France SA était, à lépoque
des faits, filiale du groupe britannique British Tyre Rubber
(BTR). En 1999, suite à sa fusion avec le groupe SIEBE,
le groupe BTR a pris la dénomination dInvensis
Plc. En 2000, la société Oldham France a été
regroupée avec la société VHB sous lenseigne
Hawker SA. Elle fabrique, dune part, des batteries et
chargeurs, dautre part, des matériaux destinés
à la détection de gaz. Lactivité
batteries industrielles génère environ 88 %
du chiffre daffaires de la société, soit
534 millions de francs en 1996, dont environ 35 %
sont réalisés à lexportation.
6. Lactivité
traction a dégagé en 1996 un chiffre daffaires
de 365 millions de francs, soit 68 % de celle des
batteries industrielles. La vente de chargeurs représente
environ 50 milllions de francs. Elle dispose de 14 agences
qui assurent le suivi technique des batteries et chargeurs
chez les utilisateurs.
7. Au cours de la période
1994-1996, les ventes totales de batteries de traction de
la société Oldham France ont augmenté,
portées essentiellement par les batteries de première
monte (49 % du total des ventes en 1994 contre 60 %
en 1996), tandis que les ventes de batteries de remplacement
diminuaient. Selon le directeur général de la
société, « le marché du
remplacement depuis 1993 est en diminution permanente du fait
de la forte augmentation de la location des chariots, les
constructeurs de chariots sont propriétaires de leur
matériel et au terme des 4-5 ans de la location, effectuent
le renouvellement de la batterie ».
8. En nombre déléments,
la société Oldham détenait, en 1997,
une part de marché de 45 % pour les batteries
de première monte et de 54,7 % pour les batteries
de remplacement.
VHB Batteries industrielles (Varta Hawker
batteries)
9. La société
VHB, filiale du groupe BTR, puis Invensys, depuis 1995, a
été absorbée en 2000 par la société
Oldham France, qui a pris la dénomination de Hawker
SA. Son chiffre daffaires sest élevé,
en 1996, à près de 80 millions de francs.
Les batteries produites par VHB se différencient de
celles fabriquées par Oldham, et les deux sociétés
sont restées indépendantes jusquen 2000,
date à laquelle la société VHB a été
absorbée par la société Hawker.
10. En 1997, la société
VHB détenait 13,7 % de part de marché en
première monte, et 9,1 % de part de marché
en batteries de remplacement.
2.2. La Compagnie européenne
daccumulateurs CEAC-Exide
11. En 1995,
la société CEAC a été rachetée
par le groupe américain Exide qui est le premier producteur
de batteries au plomb des Etats-Unis. Depuis le 15 avril 2002,
la société mère Exide Technologies et
trois de ses filiales américaines ont été
placées, par décisions de justice, sous la protection
des dispositions du chapitre XI de la loi fédérale
sur les faillites. Ni la société CEAC, qui est
une société française par actions simplifiée
et qui poursuit son activité, ni ses actionnaires,
les sociétés Exide Holding Europe, Sicind SPA,
Exide Holdings France SA, et SAMAG gestion ne sont concernées
par ces décisions.
12. Les ventes de batteries
de traction de la société CEAC ont généré
plus de 220 millions de francs de chiffre daffaires
davril 1996 mars 1997. Au cours de lannée
1997, la part de marché détenue par CEAC était
de 38 % pour les batteries de première monte et
de 31 % pour les batteries de remplacement.
2.3. La société
Jungheinrich France
13. La
SARL Jungheinrich France est filiale à 100 % de
la société allemande Jungheinrich Aktiengesellschaft.
Elle assemble et commercialise du matériel de manutention
et dentreposage et offre les services liés :
dépannage, entretien, vente de pièces de rechange
et location. Elle a réalisé, en 1996, un chiffre
daffaires de 657 millions de francs et estime détenir
12,5 % du marché national du chariot de manutention,
se plaçant ainsi en seconde position derrière
la société Fenwick.
14. Les achats de batteries de
traction de la société Jungheinrich se sont
élevés à près de 39 MF en
1996, dont 75 % auprès de la société
Oldham, 14 % auprès de la société
VHB et 11 % auprès de la société
CEAC-Exide.
3. Les pratiques relevées
Les accords passés entre la société
Oldham
et la société Jungheinrich
15. Un
courrier transmis par la société Oldham à
la société Heinrich, le 9 décembre 1993,
décrit les éléments dun « accord-cadre
1994 » (cotes 269 à 270 du rapport denquête ;
cote 76 du rapport). Il comporte notamment un « accord-cadre
sur le marché du remplacement », dans
lequel la société Oldham sengage, pour
lannée 1994, à comptabiliser toutes les
batteries vendues en direct chez leurs clients communs sur
des matériels de la marque Jungheinrich, et à
verser à la société Jungheinrich une
ristourne correspondante de 8 % par trimestre. Cet accord
précise que « le niveau de vos remises
de prix sur le marché du remplacement pourrait nuire,
à moyen terme, à votre politique de prix premier
équipement ». Une « charte
de respect de la première monte » est
jointe au même courrier. Elle prévoit :
« Oldham réserve la fourniture de batteries
et de chargeurs pour le premier équipement au constructeur
Jungheinrich qui en effectuera linstallation, lhomologation
et la livraison chez le client. Il va de soi que le rôle
de Jungheinrich doit être de convaincre le client final
du bien fondé de léquipement dorigine.
Le secteur automobile est considéré hors clause
de réserve. Dans le cas où la société
Oldham serait amenée à définir des prix
de première monte pour des clients dampleur nationale,
elle le fera en liaison avec le constructeur Jungheinrich
dans le respect des intérêts réciproques,
ex : Promodès, Lidl, ... ».
16. Par lettre adressée
le 6 décembre 1994 par la société
Oldham à la société Jungheinrich, il
est précisé (cotes 204 à 211 du rapport) :
« 3. Engagement
A. - Harmonisation
tarifaire : à ce jour, elle est respectée,
mais au sein de votre groupe se dégagent deux politiques
dachat et de comportement de fidélisation :
lune en régularité dachat, avec
engagement moral, prix extrêmes, lautre en promotionnel
dachat, sans engagement. Lévolution de
nos efforts tarifaires doit tenir compte de ces deux tendances
qui saffirment au quotidien.
B. - Respect
de la première monte : maintien de la charte de
respect de la première monte. la remise des prix aux
clients nationaux se définit sur le matériel
de remplacement. La remise de prix de première monte
est uniquement du ressort du constructeur (...)
4. Tarification
A. - Première
monte : nos études économiques sur les
coûts pour 1995 tendent à définir une
augmentation générale du produit batterie de
4,8 %. Lapplication dune telle hausse serait
préjudiciable à la qualité de votre commerce.
Nous vous suggérons donc, pour le premier quadrimestre
1985, la recherche de lévolution de votre tarif
batterie et, si toutefois cette évolution est positive,
nous vous proposons lapplication dune hausse de
3 % sur nos prix de cession à compter du 1er mai
1995. Nous vous donnons quatre mois pour une analyse
commune et transparente du niveau de prix du marché.
Dès à présent, notre tarif général
public pour le remplacement subit une hausse de 6 %.
Pour les ventes aux clients Promodès, la révision
de prix peut intervenir au 1er janvier
1995 (clause du marché entre nos deux sociétés).
Nous vous demandons de négocier dès maintenant
une hausse de 3 %.
B. - Deuxième monte :
le coût des batteries de remplacement doit tenir compte
des frais supplémentaires dexploitation et de
logistique que la première monte ne supporte pas,
à savoir : le transport client/agence/client ;
le montage en agence et la rénovation du coffre.
Notre proposition : grille première monte
+ 8 % ;
Marché direct du remplacement :
maintien de laccord de réciprocité.
Notre proposition : rétrocession
ramenée de 12 à 9 % ;
Compte tenu de leffort sur base
tarifaire de 0 % pendant quatre mois ;
Lintérêt commun
de la continuité de cet accord devra être étudié
en janvier prochain, après communication. »
17. Un courrier du
25 janvier 1996, adressé par la société
Oldham à la société Jungheinrich, expose
(cotes 210 à 211 du rapport) : « Nous
vous avons exposé lors de nos derniers entretiens,
lobligation que nous avions daugmenter de 4 %
nos prix de cession pour lannée 1996. Les difficultés
que vous rencontrez pour augmenter vos prix de marché,
batteries et chargeurs chez vos clients dampleur nationale
ne nous laissent pas indifférents. Cest pourquoi
une politique de prix stricte dencadrement à
la hausse sur le marché du remplacement est menée
depuis septembre 1995 par notre direction commerciale. Dès
à présent nous constatons la hausse du prix
moyen de lélément et nous pensons que
vous en ressentirez les effets dans le mois à venir.
(...) Une liste de prix conseillés clients est en cours
délaboration, et servira de référence
minima pour le commerce de notre réseau, qui doit préserver
vos intérêts. »
18. Le maintien de
la charte de respect de la première monte est
confirmé dans un courrier adressé le 23 janvier 1997
à la société Jungheinrich par la société
Oldham (cotes 229 à 235). Ce courrier précise
également : « En ce qui concerne
le marché du renouvellement, notre société
a porté son effort durant lannée écoulée
à faire remonter le prix marché auprès
du client final. Le résultat a été concluant :
+ 8 % par rapport à 1995. »
19. Le directeur commercial
et le directeur financier de la société Oldham
France ont déclaré, le 10 décembre 1997 :
« Le seul accord de partenariat que nous ayons
pour le remplacement a été signé avec
Jungheinrich en 1994. En contrepartie dinformations
sur sa clientèle, Jungheinrich reçoit une commission,
actuellement de 9 %, sur le produit de la vente. Cela
dit, un client peut choisir un fabricant de batteries concurrent.
Quand il remplace directement sa batterie, le client final
le fait sous sa propre responsabilité. En première
monte, le constructeur de chariots délivre un certificat
Apave de la conformité du chariot de pouvoir lever
une charge à telle hauteur particulière.
Cela dit, un concurrent peut fournir
une configuration de batterie identique à la nôtre,
car en fait les batteries sont substituables.
Dans le cadre du renouvellement, laccord
avec Jungheinrich prévoit des propositions de prix
identiques faites par lun ou lautre aux clients
Jungheinrich. Dans tous les cas, cest Oldham qui facture.
Cest un accord de coopération commerciale. Au
plan technique, il ny a pas dincompatibilité
à ce que lacheteur final commande séparément
batterie et chariot puisque cest le fabricant de chariot
qui, dans tous les cas, réalise lassemblage (...). »
20. Revenant sur leurs
déclarations, par télécopie du 17 décembre 1997,
les représentants de la société Oldham
précisent : « Dans le cas du renouvellement,
Jungheinrich ne fait pas de proposition au client.
Jungheinrich nous informe dune
demande de renouvellement de batterie dun utilisateur.
Oldham, ensuite, prend contact avec cet utilisateur et lui
établit une offre de prix.
Lorsque la proposition Oldham aboutit
favorablement par une commande, Oldham verse alors une commission
de 9 % à Jungheinrich (en fin de trimestre).
La commission est calculée,
alors, sur le prix de cession Oldham à Jungheinrich. »
21. Le directeur général
dOldham France a déclaré, le 21 mars 2000 :
« La transmission par Jungheinrich à
Oldham des coordonnées des clients qui doivent remplacer
leurs batteries présente lintérêt
pour Oldham de pouvoir atteindre des clients qui ne connaissent
pas forcément la société, et lui permet
de faire des économies de frais commerciaux et de déplacements. »
22. Le directeur logistique
de la société Jungheinrich France a déclaré,
le 22 juin 1999 : « Il est possible
de dissocier achat de chariot et achat de batterie ;
toutefois, la batterie dorigine doit être mise
en place par Jungheinrich France qui assure les tests techniques
et de qualité de mise en service de lengin. Le
tarif des batteries est variable en fonction de la puissance
et de la marque, il est estimé à environ 10 %
du prix du chariot.
Pour les batteries de première
monte, Jungheinrich France achète des batteries auprès
de ses trois principaux fournisseurs essentiellement ;
le client choisit librement la marque de la batterie qui équipe
lengin (...).
Pour les batteries de remplacement
Jungheinrich France communique le besoin client au fabricant.
En général, léchange se fait à
lidentique mais le client peut choisir une autre marque
(...) il ny a pas daccord dexclusivité.
Lessentiel des ventes des batteries
de remplacement est assuré directement par les fabricants
qui versent un commissionnement pour communication de coordonnées
à Jungheinrich France, ce commissionnement représente
9 % du prix de la batterie (...).
Un relevé périodique
de versement des commissions est adressé à chacun
des fabricants de batteries, le pourcentage de commissionnement
varie cependant dun fabricant à lautre. »
Les accords passés entre la société
Jungheinrich
et la société CEAC-Exide
23. Les
annexes, jointes au courrier adressé le 16 février 1996
par la société Exide Europe-CEAC, à la
société Jungheinrich, indiquent (cotes 176 et
177 du rapport) :
« Annexe 4 Politique
premier équipement :
Nous refusons de fournir aux utilisateurs
les batteries destinées à des matériels
neufs.
Ces batteries doivent être fournies
par lintermédiaire de constructeurs ou assimilés.
Exceptions : clients achetant
en direct : automobile, compagnies aériennes,
prestataires de ces compagnies, etc.
Définition du premier équipement :
il sagit de la première batterie équipant
un appareil neuf fourni par le constructeur ou assimilé.
Annexe 5 : Politique de renouvellement :
Notre vocation, après avoir
concédé le premier équipement, est de
remplacer les batteries devant lêtre.
Néanmoins, pour abonder dans
votre sens, nous renouvelons nos propositions des années
précédentes à savoir : vente par
notre réseau sur indication du votre (commission à
définir), vente par votre réseau suivant tarif
fournitures joint (annexe 1) et tarif forfaitaire interventions :
330 FRF HT par intervention (...). »
24. Dans un courrier,
adressé le 5 février 1997 à
la société Jungheinrich, la société
CEAC-Exide renouvelle les mêmes conditions pour 1997
(cotes 167 à 175 du rapport).
25. Par procès-verbal
du 3 décembre 1997, le directeur commercial
de la société CEAC-Exide a déclaré :
« Lors du renouvellement, nous sommes tenus,
compte tenu du cahier des charges, à identifier le
chariot voire ses évolutions. Cela nécessite
une communication technique, soit du constructeur du chariot
soit du client final... Les batteries de traction sont substituables
entre elles, même sil est nécessaire de
réaliser des assemblages... Pour la première
monte, chaque client est libre dacheter la batterie
selon les conventions quils ont passées avec
le constructeur de chariot. Cependant, nous avons un accord
de première monte avec Jungheinrich, lequel a fait
valoir des raisons de sécurité déquilibre
de lengin. Néanmoins, nous livrons le client
de Jungheinrich qui nous en fait la demande. »
Les accords passés entre la société
Jungheinrich
et la société Varta
26. Un
courrier, adressé à la société
Jungheinrich le 19 décembre 1994 par la société
VHB relatif aux engagements de la société Varta
pour lannée 1995, précise : « Varta
industrie sengage à respecter les tarifs premier
équipement, y compris dans les référencements
nationaux, si toutefois et pour des raisons stratégiques,
les prix remis aux référencements nationaux
nétaient pas compatibles avec le prix Jungheinrich,
Varta sengage à assurer à Jungheinrich
une marge brute de 20 % (...). » Ce
courrier indique que Varta sengage à une « harmonisation
des tarifs Jungheinrich/Mic » et, pour les
prix de vente aux clients finals, la société
Varta sengage vis-à-vis du fabricant de chariots
dans les termes suivants :
« Tarification 1995
a) Tarif
« première monte » suivant dossier
en votre possession ;
b) Tarif « deuxième
monte-remplacement deux grilles : avec et sans coffre
(jointes) (...). »
27. Le 31 août 1993,
la société Promodès a lancé un
appel doffres pour la fourniture dengins de manutention
et de batteries de traction, « (...) en
vue dobtenir le meilleur rapport qualité-prix ».
Compte tenu de lapplication des accords passés
entre les sociétés Jungheinrich, et Oldham,
les prix proposés à Promodès étaient
strictement identiques, ce qui a eu pour effet de vouer à
léchec cette mise en concurrence.
Les griefs notifiés
28. Sur la
base de ces constatations, les griefs suivants ont été
notifiés et maintenus au stade du rapport : - à la
société Jungheinrich France davoir initié
des accords de prix et de répartition de clientèle
avec les fabricants de batteries Oldham France, VHB Varta
et CEAC-Exide, qui ont eu pour objet et pour effet dempêcher
lexercice normal de la concurrence, dempêcher
la libre détermination des prix et générer
une augmentation artificielle des prix ; - aux sociétés
Oldham France, VHB Varta et CEAC-Exide, davoir passé
des accords de répartition de clientèle avec
Jungheinrich France, réservant la clientèle
des batteries de première monte au seul fabricant dengins
de manutention et la commercialisation des batteries de renouvellement
aux fabricants de batteries, et de sêtre entendue
chacune en ce qui la concerne avec Jungheinrich France pour
fixer de façon concertée les prix de vente au
consommateur final, ces pratiques ont eu pour objet et pour
effet dempêcher, dune part, lexercice
normal de la concurrence, dautre part, la libre détermination
des prix, et générer une augmentation artificielle
des prix.
Ces pratiques mises en uvre
de façon concertée entre entreprises en situation
de se faire concurrence ont eu pour objet et pour effet dempêcher,
de restreindre ou de fausser le jeu normal de la concurrence
sur le marché de la commercialisation des batteries
de traction, dentraver laccès au marché,
dempêcher la libre détermination des prix
en méconnaissance du principe dautonomie des
décisions qui doit prévaloir sur un marché
concurrentiel, générer une augmentation artificielle
des prix, et faire échec à toute tentative de
mise en concurrence par un client final tant sur le marché
national que sur le marché intracommunautaire.
Les pratiques mises en uvre
à linitiative de Jungheinrich France, de façon
concertée avec Oldham France, VHB Varta et CEAC-Exide
sont constitutives dententes anticoncurrentielles au
sens de larticle L. 420-1 du code de commerce
et 81 du traité de Rome. »
II. - DISCUSSION
1. Sur les moyens de procédure
Sur
la prescription :
29. La société
Oldham expose que le ministre de léconomie, des
finances et de lindustrie a saisi le Conseil de la concurrence
le 3 mars 1999, que la saisine était accompagnée
dun rapport administratif denquête établi
le 30 juin 1998 dont lacte le plus ancien
tendant à la recherche, la constatation ou la sanction
de faits, est intervenu le 10 novembre 1997. La
société Oldham soutient que cette date doit
être retenue pour calculer la prescription triennale
prévue par les dispositions de larticle L. 462-7
du code de commerce, quainsi les faits antérieurs
au 10 novembre 1994 sont prescrits. En conséquence,
la société demande que les documents relatifs
à lappel doffres organisé par la
société Promodès entre les mois daoût
et novembre 1993 soient retirés du dossier.
30. Aux termes de larticle
L. 462-7 du code de commerce « le Conseil
ne peut être saisi de faits remontant à plus
de trois ans sil na été fait aucun
acte tendant à leur recherche, leur constatation ou
leur sanction ». Selon une jurisprudence constante,
sagissant dinfractions continues, le délai
de prescription ne commence à courir que lorsque la
situation délictuelle a pris fin (cour dappel
de Paris, 27 septembre 1990, société
des Lubrifiants du midi). Ainsi, les courriers adressés
par la société Oldham à la société
Jungheinrich les 6 décembre 1994, 26 janvier 1996
et 23 janvier 1997, en affirmant le « maintien
de la charte de respect de la première monte »,
donnent à la pratique de mise en uvre de cette
charte, définie explicitement dans un courrier du 9 décembre 1993,
un caractère continu. En revanche, les documents relatifs
à lappel doffres organisé entre
août et novembre 1993 par la société Promodès
pour renouveler ses engins de manutention et les batteries
bénéficient de la prescription triennale puisque
le premier acte tendant à la recherche, la constatation
ou la sanction de ces faits est daté du 10 novembre 1997.
Toutefois, si les faits prescrits ne peuvent faire lobjet
de griefs, ils peuvent être décrits dès
lors que cette description est de nature à éclairer
les pratiques non prescrites.
31. La société
CEAC-Exide soutient quaucun acte interruptif de prescription
intervenu depuis la saisine du Conseil de la concurrence ne
lui est opposable et, quen conséquence, la prescription
des faits lui est acquise.
32. Le Conseil étant
saisi des pratiques dans leur ensemble, linterruption
de la prescription produit effet à légard
de toutes les parties qui y sont impliquées, y compris
à légard de celles qui nont pas
été entendues dans le délai précité,
ainsi que la précisé la cour dappel
de Paris aux termes dune jurisprudence constante et
notamment dans un arrêt du 2 mars 1999 (SA
SECO Desquenne). Plusieurs actes tendant à la recherche,
la constatation ou la sanction de pratiques anticoncurrentielles,
ont été effectués depuis la saisine du
Conseil de la concurrence et ont régulièrement
interrompu la prescription triennale à légard
de toutes les parties, en particulier la transmission au commissaire
du Gouvernement dune proposition de non-lieu à
poursuivre la procédure, le 12 septembre 2000,
puis la transmission de la notification de griefs, le 20 février 2002.
Sur
la régularité des procès-verbaux :
33. Les sociétés
CEAC-Exide, Oldham, VHB, et Jungheinrich France contestent
la validité des procès-verbaux établis
dans le cadre de lenquête administrative, au motif
quils ne précisent pas explicitement lobjet
de lenquête et ne comportent quune mention
pré-imprimée selon laquelle a été
indiqué lobjet de lenquête relative
à la vérification du respect des titres III
et IV de lordonnance du 1er décembre
1986. Ces sociétés soutiennent que les déclarations,
ainsi recueillies, nont pas été loyalement
obtenues et ne peuvent être utilisées contre
elles.
34. La société
Oldham affirme quil ne peut être tenu compte de
larrêt de la Cour de cassation Bec Frères
du 20 novembre 2001, car il est postérieur
à la décision du Conseil du 27 mars 2001
prononçant un sursis à statuer. La société
expose que lapplication rétroactive de cette
jurisprudence porte atteinte au principe de sécurité
juridique et contrevient aux dispositions de larticle 6-1
de la Convention européenne des droits de lhomme
qui consacre le droit à un procès équitable.
Elle fait, de plus, valoir que la télécopie
quelle a reçue le 21 novembre 1997
indiquait seulement que lenquêtrice était
chargée « dune enquête qui
vise à apprécier le fonctionnement de la concurrence
dans le secteur des batteries industrielles » et
fournit une note interne montrant selon elle, quà
lissue de laudition du 10 décembre 1997,
les personnes interrogées ignoraient lobjet de
lenquête.
35. La société
VHB soutient quil ne peut être considéré
que dautres énonciations du procès-verbal,
en date du 22 décembre 1997, ou des éléments
extrinsèques à celui-ci permettent détablir
que la personne entendue avait connaissance de lobjet
de lenquête.
36. La société
CEAC-Exide fait valoir que les procès-verbaux, établis
les 3 décembre 1997 et 2 février 1998,
nabordent que de façon succincte laccord
passé avec la société Jungheinrich et
que lenquêtrice, en nindiquant pas, lors
de cette audition, quelle était déjà
en possession dune lettre adressée par la société
CEAC-Exide le 5 février 1997, a eu un comportement
déloyal.
37. La Cour de cassation,
dans un arrêt en date du 20 novembre 2001
(société Bec Frères), a retenu que « la
mention préimprimée sur le procès-verbal
selon laquelle lobjet de lenquête a été
porté à la connaissance de la personne entendue
suffit à justifier, jusquà preuve contraire,
de lindication de cet objet (...) ».
Les procès-verbaux dont la régularité
est mise en cause mentionnent lidentité des personnes
entendues, le lieu de rencontre, et portent la mention préimprimée :
« avons justifié de notre qualité,
lui avons indiqué lobjet de notre enquête
relative à la vérification du respect des dispositions
des titres III et IV de lordonnance du 1er décembre
1986 ». La note interne établie à
lissue de laudition du 10 décembre 1997
et fournie par la société Oldham, napporte
pas la preuve que lobjet de lenquête naurait
pas été porté à la connaissance
des personnes interrogées puisquelle mentionne,
au contraire, que lenquêtrice a rencontré
des fabricants de batteries et dengins de manutention,
et que, parmi les principaux points abordés, figure
la quasi-exclusivité dont bénéficient
les fabricants de chariots sur le marché de la première
monte. De même, la preuve nest pas rapportée,
en ce qui concerne les autres procès-verbaux mis en
cause, que les personnes interrogées se seraient méprises
sur lobjet de lenquête, les déclarations
recueillies étant relatives au marché des batteries
de traction et aux relations entre les fabricants de chariots
et les fabricants de batteries.
38. Par ailleurs, aucune
disposition légale ou réglementaire ne fait
obligation aux enquêteurs de communiquer aux personnes
entendues en cours denquête les pièces
qui ont déjà été recueillies.
39. Il ressort de ce qui
précède que le principe de loyauté dans
la recherche des preuves na pas été méconnu
par les enquêteurs et quil ny a pas lieu
décarter des débats les procès-verbaux
mis en cause.
Sur
le défaut de motivation des griefs notifiés :
40. La société
CEAC-Exide soutient que la notification de griefs nexpose
pas les moyens sur lesquels sont fondés les griefs
et quen conséquence le principe du contradictoire
na pas été respecté, puisquelle
na pas été en mesure dorganiser
sa défense. Elle rappelle que ce principe est consacré
tant par les dispositions de larticle 15 du nouveau
code de procédure civile, que par larticle 6
de la Convention européenne des droits de lhomme
et des libertés fondamentales, ainsi que par larticle 14
du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
qui garantissent le droit à un procès équitable.
41. Les sociétés
Jungheinrich, CEAC-Exide et Oldham dénoncent également
labsence de motivation des griefs notifiés. Elles
font valoir que la rapporteure avait initialement soutenu
dans une proposition de non-lieu, transmise aux parties en
septembre 2000, que « les seuls éléments
régulièrement recueillis dans le cadre de lenquête
administrative et au cours de linstruction par le rapporteur
ne permettent pas détablir que les sociétés
Jungheinrich France et/ou Oldham auraient mis en uvre
des pratiques anticoncurrentielles », que la
décision de sursis à statuer, rendue le 27 mars 2001,
précisait que lensemble des éléments
recueillis ne permettaient pas déclairer le Conseil
et quaucune mesure nouvelle dinstruction na
été prise entre cette date et celle de la notification
des griefs. La société Jungheinrich soutient
que le complément dinstruction qui a ainsi été
ordonné par le Conseil ne peut se résumer à
une simple relecture des pièces du dossier. Selon la
société Oldham, la nature conditionnelle de
la notification de griefs, dans laquelle il est précisé
que les éléments du dossier sont repris « pour
lhypothèse où à lissue de
lexercice du contradictoire, le Conseil estimerait que
les procès-verbaux avaient été régulièrement
établis, et les pièces recueillies comme moyens
de preuve légitimes », établit
à elle seule labsence de motivation des griefs
notifiés.
42. En application de la
jurisprudence de la cour dappel de Paris, et notamment
de son arrêt du 6 juin 2000 (SOCAE Atlantique),
la proposition de non-lieu à poursuivre la procédure
examinée par le Conseil lors de sa séance du
30 janvier 2001 était fondée sur lirrégularité
des procès-verbaux établis et des pièces
recueillies dans le cadre de lenquête administrative,
létat du dossier, une fois retirés ces
éléments, ne permettant plus dasseoir
le caractère anticoncurrentiel des pratiques dénoncées.
La décision de sursis à statuer du 27 mars 2001
constate que les éléments recueillis ne permettent
pas déclairer le Conseil, « en
létat actuel du dossier », lequel
ne comportait plus les pièces considérées
par la rapporteure comme irrégulières. La notification
de griefs, établie postérieurement aux précisions
contenues dans larrêt de la Cour de cassation
en date du 20 novembre 2001, Bec frères,
relatif aux conditions de régularité des procès-verbaux,
est fondée sur lanalyse de lensemble des
procès-verbaux et documents recueillis au cours de
lenquête et dont la validité ne pouvait
plus être mise en doute. Cette seule évolution
dans létat du dossier était susceptible
de modifier lanalyse qui en était faite et dapporter
les éléments permettant déclairer
le Conseil, sans quil soit besoin de procéder
à de nouveaux actes dinstruction.
43. De plus, les pièces
du dossier sur lesquelles sont appuyés les griefs notifiés
sont indiquées dans la notification de griefs. Ainsi,
les accords visés aux paragraphes 15 à
25 ci-dessus sont décrits au point 3.1.1 et qualifiés
au point 4.1.1 dans la notification de griefs.
44. Il ressort de ce qui
précède que les griefs notifiés étaient
motivés et que cest à tort quil
est soutenu que le caractère contradictoire de la procédure
na pas été respecté, ainsi que
le droit à un procès équitable, tel que
consacré par larticle 6 de la Convention
européenne des droits de lhomme et des libertés
fondamentales et par larticle 14 du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques. Par ailleurs, les
dispositions du nouveau code de procédure civile, en
particulier son article 15, sont inapplicables devant
le Conseil de la concurrence, ainsi quen a jugé
la cour dappel de Paris dans un arrêt du 6 juin 2000
(SOCAE Atlantique).
Sur
la régularité de la notification des griefs :
45. La société
CEAC-Exide soutient que Mme Michel-Amsellem, rapporteure
générale adjointe, nétait pas compétente
pour notifier les griefs. Elle fait valoir que les dispositions
de larticle L. 461-3 ne sont applicables que depuis
la publication du décret no 2002-689
du 30 avril 2002 qui fixe les conditions dapplication
du livre IV du code de commerce et que la transmission
de la notification de griefs, effectuée antérieurement
à la publication de ce décret est irrégulière.
46. Aux termes de larticle
L. 461-3 du code de commerce, « le rapporteur
général peut déléguer à
un ou des rapporteurs généraux adjoints tout
ou partie des attributions quil détient au titre
du livre IV du présent code ».
Cette disposition législative, dont les modalités
dapplication navaient pas à être
précisées par décret, est entrée
en vigueur dès la publication du texte de loi. Par
décision du 22 juin 2001 portant attribution
de fonctions, publiée au Journal officiel de
la République française le 18 juillet 2001,
le rapporteur général a donné à
Mme Michel-Amsellem, rapporteure générale
adjointe, délégation permanente pour accomplir,
au sujet des dossiers dont le suivi est confié à
cette dernière, divers actes et notamment la transmission
des notifications prévues à larticle L. 463-2
du code de commerce. Les griefs ont donc été
régulièrement notifiés.
Sur
laccès au dossier :
47. La société
Jungheinrich dénonce une rupture de légalité
de traitement entre les parties, sa demande de consultation
du dossier après réception du rapport ayant
été refusée, alors que la demande de
consultation formulée par la société
Hawker a été acceptée. La société
Jungheinrich fait valoir quelle na pu consulter
le dossier quaprès avoir déposé
ses observations, contrairement à la société
Hawker.
48. Les sociétés
Jungheinrich et Hawker nont ni demandé à
consulter le dossier ni formulé dobservations
au reçu de la notification de griefs. Après
réception du rapport, la société Hawker
a, par lettre du 13 mars 2003, expliqué quelle
navait pas été en mesure de déposer
des observations en réponse à la notification
de griefs en raison de la cession de la société
Hawker au groupe EnerSys Inc., en date du 22 mars 2002,
et a sollicité laccès au dossier ainsi
que loctroi dun délai supplémentaire
conformément à larticle L. 463-2
alinéa 4 du code de commerce. Elle a été
autorisée à consulter le dossier, ce que son
conseil a fait les 18 et 19 mars 2003, mais,
par lettre du 19 mars, la présidente du Conseil
a rejeté la demande de prolongation des délais.
49. La société
Jungheinrich explique, dans son mémoire en réponse
du 9 mai 2003, quelle était, à
lépoque de la notification des griefs, « totalement
préoccupée par la réorganisation de sa
sectorisation commerciale ». Elle a, par lettre
du 20 mars 2003, sollicité lautorisation
de consulter le dossier et loctroi dun délai
supplémentaire pour présenter ses observations.
Par lettre du même jour, le rapporteur général
du Conseil a rejeté cette demande.
50. Les sociétés
Jungheinrich et Hawker ont déposé des observations
dans le délai de deux mois à compter de la réception
du rapport, les observations de la première sont parvenues
au Conseil, le 28 mars 2003, et celles de la seconde,
le 3 avril 2003.
51. Par décision
du 9 avril 2003, la présidente du Conseil
a finalement accordé à toutes les parties, à
titre exceptionnel compte tenu des particularités de
lespèce, un délai supplémentaire
dun mois pour consulter le dossier et déposer
de nouveaux mémoires. La société Jungheinrich
a consulté le dossier le 14 avril 2003 et
a déposé des observations complémentaires
le 9 mai 2003. La société Hawker a
consulté le dossier le 23 avril 2003 et a
déposé des observations complémentaires
le 13 mai 2003. La société CEAC a
déposé des observations complémentaires
le 2 mai 2003.
52. Il ressort de ce qui
précède que toutes les entreprises destinataires
du rapport ont pu disposer des délais quelles
estimaient nécessaires à la consultation du
dossier et à la préparation de leur défense.
La société Jungheinrich ne démontre pas
en quoi le refus qui lui a été adressé
le 20 mars 2003 aurait pu nuire à lorganisation
de sa défense ou aurait entraîné une rupture
de légalité de traitement entre les parties,
dans la mesure où elle a ensuite disposé du
même délai supplémentaire et de la même
possibilité de déposer un mémoire en
réponse complémentaire dans lequel il lui était
loisible de développer tous ses moyens de défense.
Sur
les sanctions encourues :
53. La société
Oldham fait valoir quaucun document établi en
cours de procédure ne fait référence
au risque encouru dinjonctions ou damendes et
que le Conseil ne peut donc lui infliger une sanction sans
méconnaître les dispositions de larticle
L. 463-1 du code de commerce.
54. Les sanctions auxquelles
sexposent les entreprises sont suffisamment explicitées
par les dispositions de larticle L. 464-2 du code
de commerce, dans sa rédaction en vigueur à
lépoque des faits, selon lesquelles notamment :
« Les sanctions pécuniaires sont proportionnelles
à la gravité des faits reprochés, à
limportance du dommage causé à léconomie
et à la situation de lentreprise ou de lorganisme
sanctionné. Elles sont déterminées individuellement
pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de
façon motivée pour chaque sanction. Le montant
maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 %
dun montant du chiffre daffaires hors taxes réalisé
en France au cours du dernier exercice clos. »
En application dune jurisprudence constante, (cour dappel
de Paris, 19 janvier 1999 SA Laurent Bouillet entreprise,
et cour de cassation, 13 mars 2001, entreprise Jean
Lefebvre), la détermination du montant des sanctions
relève de la substance même de la délibération
du conseil et nest pas soumise au débat contradictoire
devant celui-ci. La cour dappel de Paris juge en effet
que les sanctions « découlent nécessairement
de la constatation des faits reprochés au sujet desquels
chacune des parties a été appelée à
présenter ses observations ».
55. Or, la notification
de griefs et le rapport énoncent les griefs retenus
et contiennent lensemble des éléments
relatifs à la gravité des faits et au dommage
causé à léconomie ; les sociétés
ont pu faire valoir moyens sur ces différents points
tant dans leurs observations écrites quoralement
lors de la séance devant le Conseil. Largument
de la société Oldham doit donc être écarté.
2. Sur le fond
56. La société
Jungheinrich fait valoir que les accords mis en cause sont
des accords verticaux, passés avec des fournisseurs,
et non avec des concurrents. Elle expose que des contraintes
de sécurité, notamment déquilibrage
des chariots, justifient que lui soit confiée linstallation
des batteries de première monte sur les chariots neufs
et quun certificat de conformité doit être
délivré par les fabricants de chariots avant
la mise en service. Néanmoins, elle assure ne pas disposer
dune exclusivité pour la vente des batteries
de première monte et produit des factures dengins
vendus sans batteries. En tout état de cause, selon
elle, les acheteurs exigent des chariots équipés
dune batterie de traction et ce nest que, dans
de très rares exceptions, que certains dentre
eux, disposant dune puissance dachats incontestable,
ont souhaité scinder lachat du matériel
en plusieurs éléments afin de bénéficier
davantages dérogatoires aux tarifs et conditions
générales de vente habituellement pratiqués.
La société Jungheinrich cite, à cette
occasion, les distributeurs Lidl, Aldi, ED. Par ailleurs,
le constructeur de chariots affirme quil ne souhaite
pas être revendeur de batteries de remplacement. Il
soutient encore que, sagissant daccords verticaux
entre un acheteur et ses fournisseurs, leur caractère
éventuellement anticoncurrentiel doit être analysé
au regard des dispositions du règlement communautaire
2790-1999 du 22 décembre 1999 relatif à
lapplication de larticle 81 du traité
de Rome à des catégories daccords verticaux,
auquel le Conseil a donné la valeur de guide danalyse.
La société Jungheinrich assure que les accords
concernés ne comportent aucune restriction concernant
les ventes réalisées par lacheteur, ni
aucune obligation relative au prix de vente des batteries
quelle intègre dans ses chariots, et que de toute
façon, elle ne vend pas des batteries mais des chariots.
Quant aux batteries de remplacement, elle fait valoir que,
puisquelle nen vend pas, aucun prix ne lui est
imposé. Enfin, elle nie avoir pris linitiative
de ces accords et met en avant la puissance de marché
des fabricants de batteries.
57. La société
Hawker assure que la preuve dune entente entre Jungheinrich
et elle-même sur la fourniture de batteries de première
monte nest pas rapportée, les lettres adressées
par elle au fabricant de chariot faisant simplement référence
au « maintien de la charte première monte »
et ne contenant aucun élément permettant détablir
lexistence dune entente sur les prix. Elle soutient,
de plus, que ces lettres font état dune démarche
unilatérale de sa part, qui ne peut être qualifiée
de pratique concertée avec la société
Jungheinrich. En ce qui concerne les batteries de remplacement,
elle affirme que les accords passés avec la société
Jungheinrich prévoyant le signalement par le fabricant
de chariots des batteries à remplacer contre le versement
dune commission sur les ventes annuelles de batteries
Oldham de remplacement sur les chariots de marque Jungheinrich,
na pas dobjet et ne peut avoir deffet anticoncurrentiel,
la société Jungheinrich nétant
pas présente sur le marché du remplacement et
aucune concertation sur les prix nétant, de ce
fait, possible. Enfin, la société Hawker fait
valoir que les pratiques qui lui sont reprochées nont
eu aucun effet sur la concurrence, sur les prix ou sur les
possibilités daccès au marché,
et souligne le degré élevé de concurrence
présenté par le marché des chariots élévateurs
et par le marché des batteries de traction.
58. La société
CEAC-Exide affirme que le terme « concédé »
relatif aux batteries de première monte, utilisé
dans les courriers adressés à Jungheinrich les
16 février 1996 et 5 février 1997,
ne signifie pas quelle sest conventionnellement
privée de la possibilité de commercialiser des
batteries de première monte aux clients de la société
Jungheinrich France. Elle fait valoir que les lettres indiquent
seulement « nous refusons de fournir aux utilisateurs
les batteries destinées à des matériels
neufs. Ces batteries doivent être fournies par lintermédiaire
des constructeurs ou assimilés (...) ».
Elle assure fournir directement ses clients les plus importants
en batteries de première monte, notamment ceux des
secteurs automobiles et des transports aériens et avoir
réalisé avec ces clients un chiffre daffaires
de plus de 220 MF davril 1996 mars 1997,
sans commune mesure avec celui réalisé avec
la société Jungheinrich, dà peine
plus de 4 MF sur la même période. De même,
elle livrerait, selon ses déclarations, les clients
de Jungheinrich qui en font la demande et cite, à cet
égard, Lidl et Aldi. Elle explique que laccord
sur la première monte passé avec la société
Jungheinrich nexistait que parce que ce constructeur
a fait valoir des raisons de sécurité relatives
à léquilibre des chariots et que cet accord
na aucun effet sur les prix.
59. La société
VHB soutient que le seul engagement quelle a pris pour
la première monte est dassurer à son distributeur
une marge brute de 20 % sur la revente de ses produits
dans le cas où il y aurait une mise en concurrence.
Elle considère que cet accord ne peut avoir pour effet
dempêcher la concurrence entre les différents
fabricants de batteries.
Sur
lexistence dune relation de concurrence entre
la société Jungheinrich et les fabricants de
batteries de traction :
60. Bien que les batteries
de première monte achetées par la société
Jungheinrich aux fabricants de batteries soient destinées
à être intégrées dans les chariots
neufs, leur prix pour lutilisateur final constitue néanmoins
un argument de vente pour le constructeur de chariots et est
susceptible de faire lobjet de négociations.
En témoignent le fait que le prix de la batterie soit
dissocié de celui du chariot dans les factures adressées
par la société Jungheinrich à ses clients
et les préoccupations exprimées par la société
Oldham, dans ses courriers successifs, quant aux difficultés
que la société Jungheinrich rencontrera pour
répercuter sur ses clients les hausses de tarifs constructeur
des batteries de première monte : « Lapplication
dune telle hausse serait préjudiciable à
la qualité de votre commerce » (courrier
du 6 décembre 1994, paragraphe 16 ci-dessus) ;
« Les difficultés que vous rencontrez
pour augmenter vos prix de marché, batteries et chargeurs
chez vos clients dampleur nationale ne nous laissent
pas indifférents » (cf. paragraphe 17
ci-dessus). La société Jungheinrich admet que
certains de ses clients souhaitent dissocier lachat
de la batterie et celui du chariot. Pour ces clients, le prix
de la batterie intégrée qui lui serait facturé
par le constructeur est en concurrence avec celui qui lui
est directement proposé par les fabricants de batteries.
En tant que cliente des fabricants de batteries, la société
Jungheinrich est contrainte par les prix que ceux-ci pratiquent
pour la première monte et quelle doit refacturer
à ses propres clients. En tant que concurrente des
fabricants de batteries, la société Jungheinrich
est contrainte par le prix que ces derniers sont susceptibles
de proposer à ses clients, qui limite la marge susceptible
dêtre réalisée par elle sur les
batteries intégrées. Cette marge est également
contrainte par le prix des batteries de remplacement commercialisées
par les fabricants de batteries et leurs distributeurs, qui
peut constituer un élément de comparaison pour
les clients finals, ainsi que le précise la société
Oldham dans laccord cadre 1994 : « le
niveau de vos remises de prix sur le marché du remplacement
pourrait nuire, à moyen terme, à votre politique
de prix premier équipement » (cf. paragraphe 15
ci-dessus).
Sur
les accords passés entre la société Jungheinrich
et les fabricants de batteries :
61. Le « maintien
de la charte de respect de la première monte »
sur lequel la société Oldham sengage dans
ses courriers adressés à la société
Jungheinrich en date des 6 décembre 1994
et 23 janvier 1997 (cf. paragraphes 16 et 18
ci-dessus) fait explicitement référence à
la « Charte de respect de la première monte »
telle quelle est définie dans « laccord
cadre 1994 » (cf. paragraphe 15 ci-dessus) :
« Oldham réserve la fourniture de batteries
et de chargeurs pour le premier équipement au constructeur
Jungheinrich qui en effectuera linstallation, lhomologation
et la livraison chez le client. Il va de soi que le rôle
de Jungheinrich doit être de convaincre le client final
du bien-fondé de léquipement dorigine.
Le secteur automobile est considéré hors clause
de réserve. Dans le cas où la société
Oldham serait amenée à définir des prix
de la première monte pour des clients dampleur
nationale, elle le fera en liaison avec le constructeur Jungheinrich
dans le respect des intérêts réciproques,
ex : Promodès, Lidl,... ». Cette
disposition de laccord-cadre 1994 a donc été
prolongée en 1995 et était toujours appliquée
en 1997.
62. Cet engagement de non-concurrence
sur la fourniture de batteries destinées à équiper
les chariots neufs, assorti dun engagement de définition
des prix « en liaison avec »
le constructeur Jungheinrich pour des clients dampleur
nationale, est de nature à fausser la relation de concurrence
décrite ci-dessus : la marge que la société
Jungheinrich peut réaliser sur la vente des batteries
intégrées aux chariots nest plus contrainte
par le prix que peut proposer la société Oldham
à des clients directs. Les exceptions tolérées
dans lapplication de laccord de non-concurrence,
mises en avant par les sociétés pour le cas
des clients « dampleur nationale »,
« disposant dune puissance dachats
incontestable », nenlèvent rien
à lobjet et à leffet anticoncurrentiels
de laccord, en ce qui concerne les clients ne présentant
pas ces caractéristiques mais souhaitant néanmoins
dissocier lachat du matériel en plusieurs éléments.
De plus, laccord de concertation sur les prix ne laisse
à la mise en concurrence, ainsi tolérée
de façon exceptionnelle, quun caractère
formel. Cet accord sapplique également aux hausses
de tarifs comme lindique le courrier de la société
Oldham à la société Jungheinrich du 6 décembre 1994 :
« Pour les ventes aux clients Promodès,
la révision de prix peut intervenir au 1er janvier
1995 (clause du marché entre nos deux sociétés).
Nous vous demandons de négocier dès maintenant
une hausse de 3 %. »
63. La contrainte exercée
par le prix des batteries de remplacement est, quant à
elle, restreinte par lengagement pris par la société
Oldham concernant les prix pratiqués sur ce segment
de marché, ainsi quen atteste limbrication
des engagements pris sur les tarifs des batteries de première
monte et de deuxième monte dans le courrier dOldham
du 6 décembre 1994 (cf. paragraphe 16
ci-dessus) dans lequel il est spécifié, concernant
les tarifs des batteries première monte, quils
sont gelés pendant quatre mois, puisque : « Dès
à présent, notre tarif général
public pour le remplacement subit une hausse de 6 %. »,
puis, concernant les tarifs des batteries de deuxième
monte : « marché direct du remplacement :
maintien de laccord de réciprocité.
1. Notre proposition :
Rétrocession ramenée
de 12 à 9 % ;
Compte tenu de leffort sur base
tarifaire de 0 % pendant quatre mois (prix des batteries
de première monte gelés pendant quatre mois) ».
64. De même, le lien
de causalité établi par ce fabricant entre « Les
difficultés que vous rencontrez pour augmenter vos
prix de marché, batteries et chargeurs chez vos clients
dampleur nationale » et la « politique
de prix stricte dencadrement à la hausse sur
le marché du remplacement » qui est
« menée depuis septembre 1995 par notre
direction commerciale. Dès à présent,
nous constatons la hausse du prix moyen de lélément
et nous pensons que vous en ressentirez les effets dans le
mois à venir », dans un courrier du
25 janvier 1996 (cf. paragraphe 17 ci-dessus),
montre que les accords entre les sociétés Oldham
et Jungheinrich visent à supprimer la pression concurrentielle
que pourraient exercer les prix pratiqués par le fabricant
de batteries pour les batteries de remplacement sur les prix
pratiqués par le fabricant de chariot pour les batteries
première monte. La politique de strict encadrement
à la hausse du prix des batteries de remplacement est
dailleurs couronnée de succès puisque
Oldham annonce, un an plus tard, dans un courrier adressé
à la société Jungheinrich le 23 janvier 1997 :
« En ce qui concerne le marché du renouvellement,
notre société a porté son effort durant
lannée écoulée à faire remonter
le prix marché auprès du client final. Le résultat
a été concluant : + 8 % par rapport
à 1995 » (cf. paragraphe 18).
65. Les courriers des 16 février 1996
et 5 février 1997 attestent que la société
CEAC-Exide a conclu, avec la société Jungheinrich,
le même accord de non-concurrence sur le marché
du premier équipement. Toutefois, ces courriers ne
comportent aucune disposition relative aux prix des batteries
de première monte qui pourraient, par dérogation
à cet accord, être proposés directement
aux clients du fabricant de chariots par la société
CEAC-Exide.
66. Les termes du courrier,
adressé le 19 décembre 1994 par la
société VHB à la société
Jungheinrich, sont trop imprécis pour attester dun
accord de cloisonnement du marché des batteries de
traction entre les deux entreprises.
67. Les contraintes de
sécurité évoquées par la société
Jungheinrich ne peuvent justifier les engagements de non-concurrence
conclu, entre elle et les fabricants Oldham et CEAC-Exide
et la concertation sur les prix instaurée avec la société
Oldham. Les exceptions tolérées aux accords
de non-concurrence, dans lesquelles la fourniture de batteries
est directement négociée avec les fabricants,
montrent que ces contraintes nimposent pas, de façon
absolue, de réserver la fourniture des batteries de
première monte au constructeur de chariots ou de prévoir
une concertation sur les prix en cas de fourniture directe
par le fabricant de batterie.
68. Ces accords ne peuvent,
par ailleurs, être considérés comme des
comportements unilatéraux des fabricants Oldham et
CEAC-Exide, les engagements pris par les fabricants nétant
pas conformes à leurs propres intérêts
de façon directe, et étant en revanche directement
conformes aux intérêts de la société
Jungheinrich. Pour la société Oldham, laccord
réciproque sur le marché du remplacement fournit
une contrepartie indirecte (cf. courrier du 6 décembre 1994,
paragraphe 16 ci-dessus). De plus, la société
Jungheinrich ne sest pas opposée aux engagements
ainsi pris. La poursuite des relations commerciales entre
la société Jungheinrich et la société
Oldham et labsence de protestations suffisent à
démontrer lacceptation tacite par la société
Jungheinrich des dispositions de cet accord, ainsi quen
a jugé la Cour de justice des Communautés européennes
dans un arrêt du 11 janvier 1990 (Sandoz) :
« Lacceptation tacite par les clients
de la ligne de conduite adoptée par le fournisseur
à leur égard, acceptation attestée par
des commandes renouvelées passées sans protestation
à des conditions identiques. » La Cour
avait précisé, dans cet arrêt, que :
« Pour être constitutive dun accord
au sens de larticle 85 du traité, il suffit
quune stipulation soit lexpression de la volonté
des parties, sans quil soit nécessaire quelle
constitue un contrat obligatoire et valide selon le droit
national. »
69. Il ne peut non
plus être considéré que ces accords, examinés
à la lumière des dispositions du règlement
communautaire 2790-1999 du 22 décembre 1999
relatif à lapplication de larticle 81
du traité de Rome à des catégories daccords
verticaux, auquel le Conseil a donné la valeur de guide
danalyse dans plusieurs décisions (cf. notamment
02-D-01), ne sont pas susceptibles davoir eu un effet
anticoncurrentiel sur un marché. En premier lieu, selon
le règlement susvisé, les accords visant à
limiter la concurrence par les prix ne sont pas présumés
ne pas avoir deffet sur la concurrence et ce quelle
que soit la part de marché détenue par le fournisseur.
En second lieu, sagissant daccords ayant des effets
sur le prix de vente des batteries de traction, cest
la part de marché des fabricants de batteries qui doit
être prise en compte, même si les clients de la
société Jungheinrich ont seuls pu être
affectés. Or, les sociétés Oldham et
CEAC-Exide détiennent chacune plus de 30 % du
marché national des batteries de traction.
70. Il ressort de ce qui
précède, quen se concertant pour cloisonner
artificiellement le marché des batteries de traction,
entre première monte et batteries de remplacement,
et sur les prix pratiqués vis-à-vis des clients
finals, dans lobjectif de faciliter la hausse des prix
sur ces deux segments de marché, les société
Oldham et Jungheinrich ont enfreint les dispositions de larticle
L. 420-1 du code de commerce. Laccord passé
entre les sociétés Jungheinrich France et CEAC,
ayant pour objet de supprimer la concurrence entre elles sur
le segment des batteries de première monte, est également
constitutif dune entente anticoncurrentielle au sens
de larticle L. 420-1 du code de commerce.
71. Bien que les sociétés
en cause soient implantées dans différents pays
de lUnion européenne, et que leur activité
génère dimportants mouvements entre pays
membres, le dossier est dépourvu déléments
probants de nature à établir que les accords
passés entre Jungheinrich et ses fournisseurs de batteries
auraient porté une atteinte aux échanges intracommunautaires
et seraient donc contraires aux dispositions du traité
de Rome.
Sur
les sanctions :
72. Les pratiques dentente
anticoncurrentielles ci-dessus retenues ont été
mises en uvre antérieurement à lentrée
en vigueur de la loi no 2001-420 du 15 mai 2001
relative aux nouvelles régulations économiques.
Par suite, et en vertu du principe de non-rétroactivité
des lois à caractère punitif, les dispositions
introduites par cette loi à larticle L. 464-2
du code de commerce, en ce quelles sont plus sévères
que celles antérieurement en vigueur, ne leur sont
pas applicables.
73. Larticle L. 464-2
du code de commerce, dans sa rédaction applicable avant
lentrée en vigueur de la loi du 15 mai 2000,
dispose : « le Conseil de la concurrence
peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux
pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé
ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger
une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement,
soit en cas de non-exécution des injonctions. Les sanctions
pécuniaires sont proportionnées à la
gravité des faits reprochés, à limportance
du dommage causé à léconomie et
à la situation de lentreprise ou de lorganisme
sanctionné et de façon motivée pour chaque
sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une
entreprise, de 5 % du montant du chiffre daffaires
hors taxe réalisé en France au cours du dernier
exercice clos. Si le contrevenant nest pas une entreprise,
le maximum est de 1 524 490,17 Euro. »
74. Les accords visant
à cloisonner artificiellement les marchés afin
de limiter la concurrence par les prix entre les différents
segments ainsi isolés et à se concerter sur
les prix consentis aux consommateurs sont graves en eux-mêmes.
Ils ont, de plus, été mis en uvre par
deux des principaux fabricants de batteries de traction, la
société Oldham disposant dune part de
marché de 45 % pour la première monte et
de 54,7 % pour les batteries de remplacement, et la société
CEAC-Exide, dune part de marché de 38 %
pour les batteries de première monte et de 31 %
pour les batteries de remplacement, soit au total 83 %
pour la première monte, et 85,7 % pour les batteries
de remplacement. Toutefois, les concertations nont été
établies quavec un des fabricants de chariots
élévateurs dont la part de marché est
estimée à 12,5 %, le secteur de la manutention
représentant 87 % des débouchés
pour les batteries de première monte et 99 % pour
les batteries de remplacement.
75. La société
Jungheinrich a conclu, pour les années 1995, 1996 et
1997, un accord avec la société Oldham, prévoyant
que les prix des batteries installées par elle sur
ses chariots ne seraient pas contraints par ceux pratiqués
par la société Oldham, tant sur les batteries
de première monte que la société Oldham
sengage à ne vendre directement que de façon
exceptionnelle, que sur les batteries de remplacement. Cet
accord prévoyait, de plus, quen cas de vente
directe de batteries de première monte par la société
Oldham, les prix seraient établis en liaison avec la
société Jungheinrich. La société
Jungheinrich a, de surcroît, conclu un accord avec la
société CEAC-Exide, pour les années 1996
et 1997, prévoyant que les prix des batteries installées
par elle sur ses chariots ne seraient pas contraints par ceux
pratiqués par la société CEAC-Exide sur
les batteries de première monte, que cette dernière
société sengage à ne vendre directement
que de façon exceptionnelle. Le chiffre daffaires
réalisé par la société Jungheinrich
était de 191 199 749 Euro en 2002. En
fonction des éléments généraux
et individuels tels quils sont appréciés
ci-dessus, il y a lieu dinfliger à la société
Junheinrich une sanction de 150 000 Euro.
76. La société
Oldham a conclu avec la société Jungheinrich
laccord décrit au paragraphe ci-dessus. Le chiffre
daffaires réalisé par la société
Hawker, nouvelle dénomination de la société
Oldham, était de 168 696 950 Euro en
2002. En fonction des éléments généraux
et individuels tels quils sont appréciés
ci-dessus, il y a lieu dinfliger à la société
Hawker une sanction de 75 000 Euro.
77. La société
CEAC-Exide a conclu avec la société Jungheinrich
laccord décrit au paragraphe 75. Le chiffre daffaires
réalisé par la société CEAC-Exide
était de 294 260 341 Euro en 2002. En
fonction des éléments généraux
et individuels tels quils sont appréciés
ci-dessus, il y a lieu dinfliger à la société
CEAC-Exide une sanction de 30 000 Euro.
Décision :
Art. 1er. - Il
est établi que les sociétés Jungheinrich
France, Hawker et CEAC-Exide ont enfreint les dispositions
de larticle L. 420-1 du code de commerce.
Art. 2. - Il
nest pas établi que la société
VHB ait enfreint les dispositions de larticle L. 420-1
du code de commerce.
Art. 3. - Il
est infligé les sanctions pécuniaires suivantes : - la société
Jungheinrich, 150 000 Euro ; - la société
Hawker, 75 000 Euro ; - la société
CEAC-Exide, 30 000 Euro.
Délibéré, sur
le rapport oral de Mme Nguyen-Nied, par M. Nasse, vice-président,
présidant la séance, Mmes Aubert, Mader-Saussaye
et Perrot ainsi que M. Charrière-Bournazel, membres.
La secrétaire de séance, Christine Charron
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Le vice-président, présidant la séance,
Philippe Nasse
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