NOR : ECOC0300410Y
Monsieur,
Par dépôt dun dossier
dont il a été accusé réception
le 29 avril 2003, vous avez notifié lacquisition
de sept stations-services autoroutières par la Société
des pétroles Shell (ci-après « Shell »)
auprès de la société TotalFinaElf France.
Cette acquisition a été formalisée par
un contrat signé le 31 mars 2003.
I. - Les parties
et lopération
Shell, société
anonyme et filiale du groupe anglo-hollandais Royal Dutch/Shell,
est propriétaire, directement ou via ses filiales à
100 % (Europe service restauration SA, Station du Forum
SARL et SOCOVI SA), dun réseau de stations-services
et de linfrastructure nécessaire à son
approvisionnement en carburants. La partie française
du groupe Shell est constituée dun ensemble de
38 sociétés de droit français, dont
les trois principales sont la Société des pétroles
Shell, Shell Chimie et Butagaz, actives dans les secteurs
du pétrole, de la chimie et du gaz.
Le groupe Royal Dutch/Shell a réalisé,
en 2002, un chiffre daffaires denviron 170 milliards
deuros. Si le chiffre daffaires français
du groupe na pu être déterminé,
il est entendu que la seule filiale du groupe directement
partie à lopération a réalisé
en France, en 2002, un chiffre daffaires de 7 milliards
deuros.
TotalFinaElf France (ci-après
« TFE ») regroupe les activités
du groupe TotalFinaElf en matière de raffinage et de
distribution de produits pétroliers à lexclusion
de la pétrochimie. Sur les sept stations autoroutières
objets de la cession projetée, six sont actuellement
exploitées directement par TFE, sagissant de
la vente de carburants, et indirectement par le biais de sa
filiale Sodigest, sagissant de lexploitation des
commerces accessoires desdites stations-services (snack, surface
de distribution alimentaire ou autres...). Seule lune
des stations-services concernées par lopération
est exploitée par un tiers dans le cadre dun
contrat de location-gérance. Au regard du contrat de
location-gérance type qui lie TFE à lexploitant
de cette dernière station-service (cf. note 1) , il
apparaît que seule la vente de carburants est effectuée
pour le compte direct du pétrolier, lexploitant
étant son mandataire. Les rapports entre le pétrolier
et lexploitant de la station-service pour ce qui est
des autres produits (lubrifiants, accessoires...) sont des
rapports de fournisseur à client ; lexploitant
est libre de fixer les conditions de vente de ces marchandises,
notamment leur prix. Le contrôle du pétrolier
sur le locataire-gérant porte uniquement sur lactivité
de vente de carburants. Pour la station considérée,
il convient donc de ne sattacher quau seul chiffre
daffaires généré par la vente des
carburants.
En 2002, lexploitation des six
stations-services autoroutières concernées et
la vente de carburants réalisée dans la septième
ont généré un chiffre daffaires
denviron 28 millions deuros.
En vertu de laccord précité,
et au regard des seuils en chiffre daffaires fixés
par larticle L. 430-2 du code de commerce, lopération
constitue une opération de concentration, elle nest
pas de dimension communautaire et relève des dispositions
des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce
relatives à la concentration économique.
II. - Définition
des marchés
A. - Les marchés de produits
Les parties à
lopération estiment que le marché de produit
concerné est le seul marché de la vente au détail
de carburants par stations-services sur autoroutes. Pour ce,
elles se fondent sur la pratique décisionnelle communautaire
(cf. note 2) et nationale (cf. note 3) .
Dune part, la Commission européenne
et le ministre ont en effet admis quil ny avait
pas lieu de distinguer en autant de marchés les différents
carburants à usage des automobilistes. Les ventes de
carburants comprennent les ventes aux automobilistes dessence
ARS (cf. note 4) , dessence sans plomb, de gazole et
de GPL. Si, du côté de la demande, les différents
types de carburants ne sont pas substituables en raison des
caractéristiques techniques des véhicules utilisés,
lensemble des carburants est disponible dans un seul
et même point de vente. Dautre part, les autorités
de concurrence européenne et française ont à
plusieurs reprises démontré une absence de substituabilité
entre les stations-services autoroutières et les stations-services
hors réseau autoroutier. Dans les décisions
précitées, la Commission européenne a
considéré que la clientèle sur autoroute
est captive. Elle a de plus mis en exergue que les prix des
carburants sur autoroutes sont structurellement plus élevés
et évoluent de manière différente par
rapport à ceux pratiqués hors autoroutes.
Lanalyse concurrentielle portera
donc sur les conséquences de lopération
projetée sur le marché de la vente de carburants
par stations-services autoroutières.
Sagissant des activités
annexes à la vente de carburants (vente de lubrifiants,
daccessoires, boutique, snack...), il peut être
entendu quelles nont quun caractère
accessoire à la vente de carburants. Selon une étude
commandée par Shell (cf. note 5) , il apparaît
que près de deux tiers des arrêts en station-service
autoroutière est motivé par une prise de carburants ;
un arrêt sur deux ne se soldant dailleurs que
par lachat de carburants, à lexclusion
de tout autre produits. Mais il convient tout de même
de souligner que, selon létude précitée,
35 % des arrêts ne se soldent que par un passage
en boutique.
En tout état de cause, le critère
le plus pertinent permettant dapprécier la position
des opérateurs sur les activités annexes à
la vente de carburants est leur position sur le marché
de la vente de carburants par stations-services autoroutières.
Dès lors, il napparaît pas nécessaire
de définir précisément les marchés
sur lesquels la partie notifiante est présente au travers
de ces activités annexes.
B. - Le marché
géographique
Quant à la dimension
géographique des marchés de la vente au détail
de carburants par stations-services sur autoroutes, la Commission,
dans sa décision TotalFina/Elf (cf. note 6) , propose
deux délimitations : nationale, dune part,
et par zones dinterconnexion infranationales, dautre
part, sans toutefois trancher entre les deux. Sur la base
dune étude des prix pratiqués sur lensemble
du réseau, la Commission a en effet mis en lumière
que les prix pratiqués sur les zones dautoroutes
urbaines se rapprochaient des prix affichés hors réseau
autoroutier. En supposant que les zones urbaines constituent
réellement une frontière entre les autoroutes,
la Commission considère que le jeu des interconnexions
entre autoroutes amènerait alors à définir
trois marchés pertinents distincts possibles sur chacun
desquels existe une chaîne de substituabilité.
Ces ensembles seraient les suivants :
1. Normandie/nord/est de
la France : autoroutes A 13, A 16, A 26,
A 28, A 1, A 2, A 4, A 5, A 19,
A 6, A 39, A 36, A 35, A 40, A 41
et A 43 ;
2. Ouest/sud de la France :
autoroutes A 8, A 11, A 81, A 10, A 85,
A 83, A 71, A 72, A 75, A 9, A 7,
A 46, A 48, A 49, A 50, A 52, A 61,
A 62 et A 20 ;
3. Sud-ouest de la France :
autoroutes A 63 et A 64.
Si la question dune délimitation
précise du marché géographique de la
vente au détail de carburants par stations-services
du réseau autoroutier peut être laissée
ouverte au cas despèce dans la mesure où,
quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions
de lanalyse demeureront inchangées, lanalyse
concurrentielle portera néanmoins, compte tenu des
éléments précédemment développés,
sur les zones, ci-dessus définies, concernées
par lopération.
III. - Analyse
concurrentielle
Avant lopération,
Shell exploite soixante-huit stations autoroutières.
Les stations-services du réseau autoroutier objets
de la présente opération sont au nombre de sept.
Sil devait être considéré un marché
national de la vente de carburants au détail par stations-services
du réseau autoroutier, lopération envisagée
aurait pour conséquence, sur la base dune estimation
du volume global de carburants distribués par stations-services
autoroutières en 2002 (cf. note 7) , damener
la part de marché de lacquéreur de [10-20]
à [10-20] %. Selon ces mêmes estimations,
TFE, malgré la cession de sept de ses stations-services
autoroutières dans le cadre de la présente opération,
demeurerait le leader du marché, distribuant [40-50] %
du volume total de carburants vendus sur autoroute. Les principaux
concurrents de ces opérateurs sont Esso et BP, avec
respectivement [10-20] % et [0-10] % de la distribution
totale de carburants sur autoroute en France.
Les stations autoroutières
cédées sont :
Longeville-Autoroute A 4 (Metz).
Mont de Nizy-Autoroute A 26 (Reims).
Mont-Blanc-Autoroute A 9 (Béziers).
Marmagne-Autoroute A 71 (Bourges).
Val Neuvy-Autoroute A 10 (Saint-Arnoult).
Corbières sud-Autoroute A 61
(Carcassonne).
Cestas Gazinet-Autoroute A 63
(Bordeaux-Cestas).
Si lon devait considérer
les conséquences de la présente opération
sur chacune des trois zones délimitées par la
Commission dans la décision TotalFina/Elf précitée,
force serait de constater que chacune de ces zones est concernée
par la cession envisagée.
Les deux premières stations
sont situées dans la zone Normandie/nord/est de la
France (ci-après « zone 1 »),
les quatre suivantes dans la zone Ouest/Sud de la France (ci-après
« zone 2 ») et la dernière
dans la zone Sud-Ouest de la France (ci-après « zone 3 »).
La carte de France de la localisation
géographique des stations-services autoroutières,
au nombre de 405 en France, communiquée par la partie
notifiante, montre que la densité de stations-services
autoroutières est la plus importante en « zone
2 », zone sur laquelle Shell acquiert quatre des
sept stations-services. On observe en outre que le principal
opérateur du marché, TFE, est significativement
présent sur chacune des trois zones.
Aussi, au regard de ces éléments,
lacquisition par Shell de ces sept stations-services
autoroutières ne saurait-elle lui conférer une
quelconque position dominante sur le marché de la vente
de carburants par stations-services sur autoroutes.
A fortiori, la même analyse
prévaut quant aux activités annexes à
la vente de carburants par les stations-services autoroutières.
Pour finir, il convient de souligner
que le contrat dacquisition ne porte que sur des stations-services.
Aucune cession dactifs dans la chaîne logistique
nest envisagée, quil sagisse des
dépôts dimportation, des oléoducs
ou des dépôts de maillage. Shell ne voit donc
pas sa position évoluer sur les marchés amont,
position au demeurant assez marginale.
En conclusion, il apparaît que
lopération notifiée nest pas de
nature à porter atteinte à la concurrence. Je
vous informe donc que jautorise cette concentration.
Veuillez agréer, Monsieur,
lexpression de ma considération distinguée.
Pour le ministre et par délégation :
Le directeur général de la concurrence,
de la consommation
et de la répression des fraudes,
Benoît Parlos
|
Nota. - A
la demande des parties notifiantes, des informations relatives
au secret des affaires ont été occultées
et la part de marché exacte remplacée par une
fourchette plus générale.
Ces informations relèvent du
« secret daffaires », en application
de larticle 8 du décret no 2002-689
du 30 avril 2002 fixant les conditions dapplication
du livre IV du code de commerce relatif à la liberté
des prix et de la concurrence.
NOTE (S) :
(1) Contrat qui ne sera dailleurs pas
remis en cause par lacquéreur.
(2) Notamment dans sa décision du 26 mars 1999
relative au cas no COMP/M.1464 Total/Petrofina
et dans sa décision du 9 février 2000 relative
au cas no COMP/M.1628 TotalFinaElf.
(3) Lettre dautorisation du ministre
en date du 20 novembre 2002 Agip/Sorala en instance
de publication ; lettre dautorisation du ministre
en date du 29 janvier 2003 Agip/stations Shell en instance
de publication.
(4) Essence plombée jusquen janvier
2000, remplacée par lARS depuis qui est une essence
sans plomb enrichie en potassium.
(5) Etude NFO 1654, interviews en sept vagues
sur autoroute de mai 2000 à mai 2002.
(6) Affaire COMP/M. 1628 TotalFina/Elf, publiée
au Journal officiel des Communautés européennes
no L 143 du 29 mai 2001, p. 0001-0073.
(7) 3 200 000 mètre
cubes.
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