Lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie en date du 29 avril 2003 au conseil de la société France Antilles relative à une concentration dans le secteur de la presse gratuite

NOR :  ECOC0300400Y

            Maître,
    Par dépôt d’un dossier déclaré complet le 15 novembre 2002, vous avez notifié l’acquisition COMAREG, auprès de la société Vivendi Universal Publishing (ci-après « VUP »), par France Antilles dans le secteur de la presse gratuite. Par lettre en date du 20 décembre 2002, j’ai saisi pour avis le Conseil de la concurrence qui a rendu son avis le 20 mars 2003 (cf. note 1) .

1.  Description des parties et de l’opération

    France Antilles, détenue majoritairement par des membres de la famille Hersant, est une société anonyme à directoire et conseil de surveillance. Elle est principalement active dans le secteur de la presse quotidienne régionale (ci-après « PQR ») et plus marginalement dans le secteur de la presse gratuite, où elle a réalisé en 2001 un chiffre d’affaires de [...] millions d’euros pour un chiffre d’affaires total de 304,5 millions totalement réalisé dans l’Union européenne dont 300,7 en France. Elle a par ailleurs des activités marginales dans le secteur de l’imprimerie, essentiellement dans les DOM-TOM.
    Le groupe France Antilles a cherché à se développer dans un secteur connexe à son activité principale de presse d’information locale, celui de la presse gratuite, en acquérant, en 1992, Atout Magazine, un groupe de journaux gratuits localisé en Champagne. En 2001, il a également repris les titres de journaux gratuits qui avaient été créés par des titres de PQR appartenant au groupe de presse SOCPRESSE. France Antilles a ensuite pris une participation de contrôle dans la société SEJG, détentrice de la marque et des licences de franchise Paru Vendu. Cette société, créée par un ancien cadre du groupe COMAREG, a lancé un nouveau concept de presse gratuite en s’appuyant sur un réseau de franchisés. Le titre Paru Vendu s’est développé très rapidement puisque 5 éditions ont été créées en 2000, 17 en 2001 et 26 en 2002. Dans le secteur de la presse gratuite, France Antilles possède les titres Atout Magazine et Paru Vendu. Ainsi, France Antilles détient en métropole :
    16 journaux gratuits Atout Magazine, au travers de sa filiale Publi-Reims qui a conclu un contrat de master franchise avec la société éditrice des journaux gratuits Paru Vendu (ci-après « SEJG »), dans laquelle France Antilles dispose d’une participation contrôlante à hauteur de 37,22 % depuis le mois de mai 2002 ;
    48 journaux gratuits Paru Vendu, à travers ses filiales Info Régie (38 titres) et Info Conseils Normandie (10 titres), qui ont chacune conclu un contrat de master franchise avec SEJG ;
    Par ailleurs, SEJG détient directement 18 titres Paru Vendu ;
    En outre, France Antilles détient 12 titres de journaux gratuits par l’intermédiaire de sociétés franchisées de SEJG.
    Pour ce qui est des titres détenus par France Antilles par l’intermédiaire des franchisés de SEJG, conformément à la pratique décisionnelle du Conseil, de la Commission (cf. note 2) et du ministre (cf. note 3) et sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur le fait de savoir si France Antilles exerce une influence déterminante sur ces franchisés, ils seront pris en compte pour apprécier le pouvoir de marché de France Antilles. En effet, l’appréciation du pouvoir de marché d’un groupe doit être effectuée en tenant compte des parts de marché de ses filiales et de ses franchisés (cf. note 4) . L’arrêté du ministre dans l’affaire Carrefour/Promodès (cf. note 5) justifie cette position en précisant que « les magasins aux enseignes Carrefour et Stoc constituent un ensemble qui n’a pas à être dissocié selon le statut juridique de ces magasins (...) des clauses contractuelles imposent aux affilés le respect de la politique commerciale élaborée par Carrefour en matière de communication publicitaire, d’assortiments obligatoires et de prix de vente aux consommateurs ; ainsi le groupe se comporte comme une entité unique même si, d’un point de vue contractuel, les entreprises qui le composent ne constituent pas une structure intégrée ». De même, en l’espèce, l’existence de prix de ventes conseillés, l’obligation du franchisé d’appliquer les méthodes de vente du franchiseur et de participer aux campagnes promotionnelles visant à développer l’ensemble du réseau, montrent l’unité de la politique commerciale du groupe. De ce fait, le périmètre de France Antilles, pour les besoins de l’analyse concurrentielle, comportera les titres détenus par France Antilles et ses filiales, les titres détenus par la société SEJG (société contrôlée par Publi-Reims, filiale de France Antilles) et les titres détenus par les franchisés SEJG.
    Par ailleurs, il convient de s’interroger sur le contrôle exercé sur France Antilles et sur SOCPRESSE par le groupe Hersant afin de déterminer le périmètre de l’analyse concurrentielle dans le cadre de la présente opération. En effet, les membres de la famille Hersant, qui détiennent 100 % du capital de France Antilles, détiennent également 70 % du capital de SOCPRESSE. Même si la composition des directoires et conseils de surveillance des deux sociétés (cf. note 6) diffère, certains membres sont communs et il existe des liens historiques et commerciaux étroits entre les deux sociétés. En outre, tant France Antilles que SOCPRESSE sont présentes dans le secteur de la presse, France Antilles étant spécialisée dans la presse gratuite et la presse régionale et SOCPRESSE dans la presse nationale, la presse régionale et la presse magazine. En conclusion, et à l’instar du Conseil de la concurrence qui considère, dans son avis que « compte tenu de ces liens entre les sociétés France Antilles et SOCPRESSE, l’activité de la société SOCPRESSE et de ses filiales a été prise en compte dans l’analyse concurrentielle de la présente opération », le groupe SOCPRESSE sera inclus dans le périmètre retenu pour l’analyse concurrentielle de la présente opération (cf. note 7) .
    SOCPRESSE est une société anonyme française, dont le capital est détenu à 70 % par un paquet d’actionnaires de la famille Hersant sans indivision et à 30 % par le groupe industriel Marcel Dassault, répartition détaillée dans un pacte d’actionnaires conclu le 30 janvier 2002. Elle est principalement active en France dans les secteurs de la presse quotidienne nationale (ci-après « PQN », avec Le Figaro), de la PQR (avec notamment Le Progrès, Le Dauphiné libéré, La Voix du Nord, etc.), de la presse magazine (Le Figaro Magazine, Figaro Madame, Maison Madame Figaro) (cf. note 8) et de la presse spécialisée consacrée à l’immobilier. SOCPRESSE a réalisé en 2001 un chiffre d’affaires mondial de 1 154 millions d’euros, dont 1 134 millions d’euros en France.
    COMAREG est une société anonyme à conseil d’administration actuellement contrôlée à 99,99 % par Vivendi Universal Publishing (ci-après « VUP »), société holding dont l’unique actionnaire est Vivendi Universal. COMAREG est principalement active dans le secteur de la presse gratuite. Elle édite près de 160 journaux gratuits sous le titre Bonjour sur l’ensemble du territoire français (cf. note 9) . COMAREG détient par ailleurs une participation minoritaire de 15 % dans l’hebdomadaire gratuit d’information A Nous Paris, distribué dans le métro parisien. Elle est aussi active dans le secteur de l’impression, de l’internet et de la distribution d’imprimés sans adresse (ci-après « ISA »). Elle a réalisé en 2001 un chiffre d’affaires de 341 millions d’euros entièrement dans l’Union européenne dont 339 en France.
    L’opération envisagée consiste en l’acquisition par la société France Antilles, auprès de la société VUP, de 100 % du capital et droits de vote de la société COMAREG. Elle constitue une concentration au sens des dispositions de l’article L. 430-1 du code de commerce, dans la mesure où il s’agit d’une prise de contrôle exclusif de COMAREG par France Antilles. Les seuils exprimés en chiffres d’affaires mentionnés à l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis, et l’opération n’est pas de dimension communautaire. Elle entre donc dans le champ d’application des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce.

2.  Les marchés concernés par l’opération

    Il convient de différencier, dans le secteur de la presse gratuite, la presse gratuite à contenu rédactionnel de la presse gratuite d’annonces. En effet, tandis que la première est composée d’articles à contenu rédactionnel, la deuxième ne contient que des annonces publicitaires et des petites annonces. Ainsi, les lecteurs, le type de publicité et la présentation du journal sont substantiellement différents.
    Pour ce qui est de la presse gratuite d’annonces (ci-après dénommée « presse gratuite »), il convient de distinguer, tel que le fait le Conseil de la concurrence dans son avis, deux marchés : la publicité commerciale et les petites annonces.
    a)  Le marché de la publicité commerciale dans la presse gratuite :
    Il convient de distinguer le marché de la publicité commerciale dans la presse gratuite de la publicité commerciale dans d’autres formes de presse et par le biais de supports offerts par d’autres médias. Comme le souligne le Conseil de la concurrence dans son avis, la publicité commerciale dans la presse gratuite ne fait pas partie du même marché que la publicité commerciale dans la PQR (cf. note 10) car le prix des espaces, la distribution et l’objet de la communication sont différents. Concernant les autres types de supports tels les prospectus, annuaires, catalogues ou radio locale, les prix sont beaucoup plus élevés. Par ailleurs, l’internet ne constitue pas un substitut immédiat de la publicité commerciale dans la presse gratuite en raison de prix substantiellement plus bas et de l’envergure au moins nationale de ce type de support, comparé au caractère purement local de la presse gratuite. Le marché géographique, de par le contenu des journaux et leur diffusion, est local.
    b)  Le marché des petites annonces dans la presse gratuite :
    Les petites annonces publiées dans la presse gratuite sont principalement des annonces de proximité qui visent un lectorat situé dans une zone géographique définie, correspondant à la zone de distribution du titre concerné. Il convient de souligner le rôle « moteur » des petites annonces en matière de presse gratuite dans la mesure où, bien qu’elles ne représentent que 20 % du chiffre d’affaires, ce sont les petites annonces qui génèrent le lectorat, qui a son tour génère la publicité commerciale, principale source de revenus (80 % du chiffre d’affaires de la presse gratuite provient de la publicité commerciale).
    Les petites annonces peuvent être publiées sur différents supports : presse gratuite, PQR, presse quotidienne nationale (ci-après « PQN »), journaux spécialisés ou encore sites Internet. L’intérêt de chaque support varie la plupart du temps en fonction du type d’annonce. Les petites annonces dans la presse gratuite se distinguent de celles publiées dans les titres de diffusion nationale qui visent un public plus large que le lectorat local ou régional. Il convient ensuite de distinguer ce marché de celui des petites annonces dans la PQR étant donné que les tarifs pratiqués et que l’objet visé par les annonces publiées ne sont pas les mêmes. Le public visé dans la presse gratuite est plus jeune que celui de la PQR, l’objet des annonces diffère entre les deux supports, les tarifs des petites annonces dans la PQR sont plus élevés et la périodicité des publications n’est pas la même. S’agissant des petites annonces sur des sites Internet, étant donné que les prix sont très bas en comparaison avec la presse gratuite, le particulier va souvent utiliser les deux supports pour passer son offre ; de ce fait, ces supports ne sont pas exclusifs l’un de l’autre mais plutôt complémentaires.
    Par conséquent, comme pour la publicité commerciale, les caractéristiques de la presse gratuite, un prix moins élevé et un taux de pénétration exceptionnel sur une zone géographique précisément ciblée, en font un support non substituable aux autres pour l’insertion de petites annonces. Pour les mêmes raisons qui viennent d’être décrites concernant le marché de la publicité commerciale, le marché géographique est local.

    3.  Analyse concurrentielle

    L’opération notifiée conduit à des chevauchements d’activité entre les parties sur 40 marchés locaux, où France Antilles et COMAREG éditent chacun un titre de presse gratuite :
-  sur 10 marchés locaux, la nouvelle entité sera en position de monopole : Troyes, Grenoble, Voiron, Epernay, Châlons-en-Champagne, Chaumont, Saint-Dizier, Montceau-les-Mines, Sens et Auxerre ;
-  sur 4 marchés locaux, les titres de la nouvelle entité seront confrontés à la concurrence de titres appartenant à des indépendants non adossés à un groupe de presse : Dijon, Bourg-en-Bresse, Aurillac et Vesoul ;
-  sur 26 marchés locaux, les titres de la nouvelle entité seront en concurrence avec au moins un titre de SPIR Communication (ci-après « SPIR ») ou de S3G : Laon, Soissons, Charleville-Mézières, Besançon, Valence, Bourgoin, Dole, Reims, Beauvais, Compiègne, Creil, Lyon, Villefranche, Chalon-sur-Saône, Mâcon, Albertville, Chambéry, Annecy, Annemasse, Vienne-Annonay, Fontainebleau, Marseille-Nord, Pontarlier, Lons-le-Saunier, Albi et Châteauroux.
    Le secteur de la presse gratuite présente les caractéristiques suivantes.
    Comme le souligne le Conseil de la concurrence dans son avis susmentionné, du côté de l’offre, le secteur de la presse gratuite est très concentré et compte quatre opérateurs principaux, COMAREG (160 titres), SPIR (160 titres), France Antilles (100 titres), qui disposent d’une couverture nationale, et S3G (50 titres) présent essentiellement dans le sud-ouest de la France. Le secteur compte également quelques opérateurs indépendants, présents uniquement localement. Les trois principaux opérateurs, qui resteront actifs sur le marché postérieurement à l’opération, sont adossés à des groupes de presse : le groupe Hersant pour France Antilles, le groupe Ouest-France pour SPIR et le groupe Sud-Ouest pour S3G.
    Malgré le développement des titres Paru Vendu depuis 2000, qui constitue, selon le Conseil de la concurrence, le seul mouvement d’ampleur sur les marchés concernés, ceux-ci présentent de fortes barrières à l’entrée :
            (i)  Les investissements nécessaires pour entrer sur le marché sont relativement lourds financièrement et le délai de retour sur investissement est relativement long : en effet, il ressort de l’instruction du dossier que le coût de lancement d’un nouveau titre local de presse gratuite serait compris entre 100 000 Euro et 300 000 Euro pour 100 000 exemplaires (cf. note 11) et qu’un nouveau titre ne peut devenir rentable qu’à horizon minimum de trois ans. Même si les parties avancent que les franchisés de Paru Vendu n’ont eu à consentir qu’un investissement initial de moins de [...] Euro, il convient de souligner l’apport primordial du franchiseur pour le lancement de ces gratuits : le titre Paru Vendu, la maquette, les conseils techniques, le concept du produit et la distribution par La Poste.
            (ii)  Le maillage national, dont disposent France Antilles, SPIR et COMAREG, constitue un élément important dans ce secteur d’activité car il offre notamment la possibilité de subventions croisées entre titres déficitaires et titres bénéficiaires. De plus, le fait de disposer de titres gratuits nationaux déclinés localement (tels que Paru Vendu, Bonjour...) constitue un avantage substantiel dans la mesure où des économies d’échelle sont possibles (sur le concept marketing du titre, sur les achats de papier...).
            (iii)  Le rôle du leader est particulièrement important sur les marchés de ce secteur d’activité, en raison d’une certaine fidélisation de la demande à l’opérateur implanté historiquement sur une zone locale. En effet, certains annonceurs confient préférentiellement leurs annonces au titre historiquement implanté dans leur zone, en raison de sa renommée et de sa couverture. L’arrivée récente de Paru Vendu sur le marché ne dément pas cet « effet de réputation » dont bénéficient les titres historiquement implantés dans la mesure où sa montée en puissance s’est appuyée sur une stratégie de prix agressive, rendue possible par son adossement au groupe Hersant.
            (iv)  La distribution peut également constituer une barrière à l’entrée dans la mesure où elle constitue un segment crucial de la chaîne d’activité du secteur (cf. note 12) et où elle représente une part importante de l’ensemble des coûts supportés par l’industrie des journaux gratuits. Le fait de disposer d’un réseau de distribution intégré ou de bénéficier d’accords de distribution peut constituer un avantage concurrentiel. Le Conseil de la concurrence souligne, à propos du rapprochement entre Delta Diffusion (COMAREG) et Mediapost (La Poste) (cf. note 13) dans le secteur de la distribution d’ISA, que « la substitution de la nouvelle entité France Antilles-Comareg à COMAREG dans le rapprochement prévu avec La Poste est de nature à rendre l’accès aux marchés de la presse gratuite plus difficile pour les petits éditeurs qui n’ont pas développé leur propre réseau de distribution, en ce qu’elle renforce les liens verticaux entre le principal éditeur de gratuits et La Poste. En effet, on ne peut exclure que, compte tenu des liens existant entre Newco et France Antilles/Comareg, cette dernière obtienne des tarifs et des conditions de distribution privilégiés ».
    Enfin, le fait d’être adossé à un groupe de presse présent localement également dans la PQR constitue un avantage substantiel car cela offre la possibilité à l’opérateur de proposer des offres couplées, tant pour la publicité commerciale que pour les petites annonces, entre presse gratuite et PQR. Ainsi, la possibilité d’entrée pour un opérateur non adossé à un groupe de presse, et notamment de PQR, est d’autant plus limitée.
    L’ensemble de ces barrières pourrait expliquer la grande stabilité du nombre de titres de presse gratuite édités qui caractérisent le secteur de la presse gratuite sur les années récentes ; en outre, si l’on considère un historique des entrées/sorties d’opérateurs indépendants sur les marchés locaux de la presse gratuite, il apparaît que la plupart des entrants indépendants soit ont été rachetés assez rapidement par les opérateurs majeurs (COMAREG, SPIR, France Antilles, S3G), soit ont disparu du marché.
    L’ensemble de ces éléments souligne donc l’existence de barrières à l’entrée sur les marchés de la presse gratuite et démontrent que la montée en puissance récente de Paru Vendu n’a été rendue possible que par l’adossement de France Antilles au groupe Hersant, déterminant dans la mesure où il lui a d’une part permis une entrée massive au plan national (car simultanée sur plusieurs marchés locaux) basée sur une politique agressive de prix et d’autre part lui a fourni l’appui d’un groupe de presse, notamment de PQR, déjà implanté localement.
    Par ailleurs, la présente opération a pour effet de rendre l’entrée encore plus difficile sur ces marchés, tant pour des opérateurs indépendants que pour des opérateurs déjà présents dans le secteur de la presse gratuite. Ainsi, ces éléments permettent-ils de conclure, tout comme le Conseil, à l’absence de contestabilité des marchés sur lesquels la nouvelle entité sera en situation de dominance forte.
  Les 10 marchés locaux sur lesquels la nouvelle entité sera en monopole et les 4 marchés sur lesquels la nouvelle entité sera face à des indépendants, non adossés à un groupe de presse.
    Les deux titres de presse gratuite de France Antilles et de COMAREG seront en situation de monopole sur 10 marchés locaux, à savoir : Troyes, Grenoble, Voiron, Epernay, Châlons-en-Champagne, Chaumont, Saint-Dizier, Montceau-les-Mines, Sens et Auxerre.
    Les deux titres de presse gratuite de France Antilles et de COMAREG seront confrontés à la concurrence de titres appartenant à des indépendants non adossés à un groupe de presse sur 4 marchés locaux : Dijon, Bourg-en-Bresse, Aurillac et Vesoul.
    Le Conseil relève dans son avis que « la perspective de voir entrer de nouveaux concurrents dans le court terme ne paraît pas suffisante pour limiter le pouvoir de marché du nouvel ensemble dans les zones où il serait en situation de monopole ou de dominance forte ». Cette absence d’entrée potentielle découle de l’importance des barrières à l’entrée sur les marchés locaux, qui interdisent à la fois l’entrée de petits concurrents du fait de l’ampleur des coûts à supporter avant d’atteindre la rentabilité ainsi que de la nécessité de s’appuyer sur des réseaux de distribution filialisés ou le réseau de La Poste, mais également de concurrents importants comme SPIR ou S3G du fait de la « prime au leader » qui caractérise le fonctionnement de ce marché. La présence d’un titre de PQR indépendant du groupe Hersant, comme c’est le cas des marchés de Sens, d’Auxerre, d’Aurillac et de Vesoul, n’est pas non plus suffisante pour assurer une concurrence potentielle.
    Il s’en conclut que les 10 monopoles locaux sont des marchés non contestables et que, par conséquent, l’opération est de nature à porter atteinte à la concurrence sur ces marchés par ses effets prévisibles sur les prix. En outre, sur les 4 marchés locaux sur lesquels la nouvelle entité sera face à des indépendants, non adossés à un groupe de presse, ceux-ci ne seront pas à même d’exercer une pression concurrentielle durable et viable. Il s’en conclut que les 4 marchés locaux sur lesquels la nouvelle entité sera face à des indépendants, non adossés à un groupe de presse, l’opération est de nature à porter atteinte à la concurrence sur ces marchés par ses effets prévisibles sur les prix.
    Les parties ont déposé, le 14 avril 2003, des engagements structurels et comportementaux, annexés à la présente décision et qui en font partie intégrante, afin de remédier à l’atteinte à la concurrence résultant de la présente opération sur les 14 marchés locaux.
    Pour ce qui est des engagements comportementaux, France Antilles s’engage d’une part à ne pas proposer, pendant une durée de cinq ans à compter de la présente lettre, d’offres couplées liant les conditions tarifaires qu’elle propose sur les marchés de la presse gratuite et de la PQR, et d’autre part à renoncer pour l’avenir à bénéficier d’une quelconque clause d’exclusivité consentie par La Poste concernant la distribution de ses journaux gratuits. Ces engagements comportementaux ne permettent de réduire que partiellement les barrières à l’entrée élevées dans ce secteur et ne suffisent pas à eux seuls à résoudre les problèmes de concurrence soulevés par l’opération sur les 14 marchés locaux.
    France Antilles s’engage à céder les éléments composant le fonds de commerce (clientèle, emploi, actifs divers) d’un titre par zone concernée et de deux dans la zone de Bourg-en-Bresse, et à proposer à l’acquéreur d’un ou plusieurs titres une licence de la marque Bonjour pour une durée de sept ans sauf éventuel renouvellement.
    S’agissant des zones dans lesquelles le titre faisant l’objet d’une cession serait aujourd’hui exploité sous la marque Paru Vendu (Grenoble, Voiron, Troyes, Chaumont, Vesoul) ou la marque Atout Magazine (Saint-Dizier), France Antilles s’engage :
-  à proposer à l’acquéreur du ou des titres concernés une licence de marque d’une durée de sept ans sur la marque Bonjour ;
-  à ne plus utiliser la marque Bonjour dans ces zones à compter de la signature de l’acte de cession de l’édition concernée comportant, le cas échéant, une licence de la marque Bonjour ;
-  à proposer à l’acquéreur, pour une durée de trois mois à compter de la signature de l’accord de cession, une licence exclusive de la marque Paru Vendu ou Atout Magazine, à condition que celles-ci soient utilisées en association avec la marque Bonjour ;
-  à s’interdire d’utiliser, pendant la période de trois mois visée ci-dessus, les marques Paru Vendu ou Atout Magazine dans les zones concernées. A l’issue de cette période, France Antilles sera libre d’utiliser la marque Paru Vendu ou Atout Magazine dans les zones concernées.
    Compte tenu de l’existence d’un contentieux judiciaire sur les droits de propriété portant sur la marque Bonjour, France Antilles s’engage à justifier, préalablement à la signature d’un éventuel contrat de licence de marque Bonjour avec un candidat repreneur, de ce que le contentieux, ayant donné lieu au jugement rendu le 21 décembre 2001 par le tribunal de grande instance de Paris en défaveur de COMAREG, a trouvé une issue permettant juridiquement à France Antilles de proposer une licence de marque Bonjour. Si France Antilles n’était pas juridiquement autorisée à concéder à un tiers une licence de marque Bonjour, France Antilles consentirait alors :
    (i)  Pour les zones d’Epernay, Châlons et Saint-Dizier, une licence sur la marque Atout Magazine ;
    (ii)  Pour les sept autres zones, une licence sur la marque Paru Vendu.
    Dans ces deux cas de figure, France Antilles prendrait l’engagement corrélatif de ne plus utiliser les marques Atout Magazine et Paru Vendu respectivement dans les zones pendant la durée des éventuelles licences de marque.
    Par courrier en date du 18 avril 2003, France Antilles précise qu’elle « proposera aux seuls tiers repreneurs qui en feront la demande une licence portant sur la marque Bonjour (...), et que ledit candidat repreneur disposera de la possibilité d’adjoindre à la marque Bonjour la marque de son choix pour autant que les conditions prévues par la charte graphique relative à la licence de marque Bonjour sont respectées. Naturellement les présentes conditions s’appliqueraient mutatis mutandis au cas dans lequel COMAREG consentirait une licence sur la marque Atout Magazine ou Paru Vendu ».
    France Antilles s’engage à soumettre à l’agrément du ministre un acquéreur potentiel pour chacun des titres dont la cession est envisagée dans un délai de trois mois à compter de la présente lettre du ministre. Pour chaque titre concerné, France Antilles s’engage à signer un acte de cession juridiquement contraignant avec l’acquéreur agréé dans un délai de [...] à compter de la date de l’obtention de l’agrément du ministre. Dans l’hypothèse où aucun repreneur n’aurait pu être agréé par le ministre à l’expiration d’un délai de [...] à compter de la présente lettre du ministre, France Antilles s’engage à confier un mandat irrévocable de cession du titre concerné à une banque d’affaires, [...].
    Dans chacune des 14 zones concernées, ces engagements permettront de revenir à la situation antérieure à l’opération. Dans l’hypothèse où le repreneur serait indépendant de la nouvelle entité, économiquement viable et à même d’exercer une pression concurrentielle sur le titre de France Antilles, COMAREG, ces engagements sont de nature à lever les risques d’atteinte à la concurrence et les effets sur les prix, dans la mesure où, d’une part, les investissements pour entrer sur le marché étant particulièrement élevés et constituant une forte barrière, la cession du fonds de commerce et d’une marque permet au repreneur d’entrer sur le marché sans avoir à supporter une longue période de déficit avant d’atteindre la rentabilité du titre. D’autre part, le repreneur sera à même d’exercer une pression concurrentielle sur la nouvelle entité :
-  s’il s’appuie sur une filiale interne de réseau de distribution ou a accès à des tarifs compétitifs au service de distribution de La Poste puisque le réseau de distribution d’un opérateur constitue une caractéristique concurrentielle importante dans le secteur de la presse gratuite ;
-  s’il dispose d’une solidité financière lui permettant de résister à France Antilles, c’est-à-dire s’il dispose également d’une couverture nationale de presse gratuite ou s’il est adossé à un grand groupe de presse car il sera alors à même d’exercer une concurrence forte y compris en cas de politique tarifaire temporairement agressive de la nouvelle entité compte tenu de sa solidité financière, de sa couverture nationale et de son adossement à un grand groupe de presse nationale ou régionale, caractéristiques qui lui permettent d’avoir recours à des subventions croisées entre titres bénéficiaires et titres déficitaires.
    Ainsi, sous les conditions d’agréments précisées ci-dessus, les engagements structurels souscrits par les parties sont de nature à rétablir le cadre concurrentiel sur les 14* marchés.
    *  Erreur matérielle : lire 14 au lieu de 10 marchés.
    
  Les 26 marchés où la nouvelle entité restera en concurrence avec au moins un titre de SPIR ou de S3G.
    Sur 26 marchés locaux, les titres de la nouvelle entité seront en concurrence avec au moins un titre de SPIR ou de S3G : Laon, Soissons, Charleville-Mézières, Besançon, Valence, Bourgoin, Dole, Reims, Beauvais, Compiègne, Creil, Lyon, Villefranche, Chalon- sur-Saône, Mâcon, Albertville, Chambéry, Annecy, Annemasse, Vienne-Annonay, Fontainebleau, Marseille-Nord, Pontarlier, Lons-le-Saunier, Albi et Châteauroux.

-  Le cas d’équilibres collusifs à la suite de l’opération

    Il convient dans un premier temps d’analyser le risque que l’opération conduise, sur ces 26 marchés locaux, à des équilibres collusifs au sein des oligopoles constitués par la nouvelle entité, par SPIR ou S3G, et le cas échéant par des titres indépendants, qui se traduiraient par une augmentation des prix.
    Même si de nombreux indices peuvent aller dans ce sens (la presse d’annonces gratuite est un produit relativement homogène, le marché a atteint sa maturité, il y a peu d’innovation majeure sur ce produit, l’offre était stagnante avant l’arrivée de France Antilles, il existe de fortes barrières à l’entrée et les capacités de représailles sont possibles grâce aux contacts multimarchés et aux subventions croisées entre titres), l’instruction du dossier n’a pas permis d’établir avec certitude la transparence du marché, qui est l’une des trois conditions nécessaires (cf. note 14) pour la qualification d’un équilibre de collusion tacite dégagées par le tribunal de première instance des Communautés européennes dans son arrêt Airtours contre commission (cf. note 15) .
    En matière de transparence des marchés, les piges hebdomadaires pratiquées par les opérateurs, pour la publicité commerciale, ne constituent qu’un moyen artisanal, peu fiable et coûteux pour collecter une information complète sur les prix pratiqués par les concurrents au niveau local. En outre, le Conseil de la concurrence considère que le marché n’est pas transparent car « le marché de la publicité est caractérisé par une disparité entre les tarifs affichés et les tarifs véritablement pratiqués, ceux-ci étant négociés au cas par cas. La connaissance du comportement des autres éditeurs suppose donc de démarcher chacun des clients, ce qui peut, au surplus, s’avérer inutile car la demande n’est pas récurrente. Par ailleurs, les annonceurs risquent de ne pas dévoiler le véritable prix mais, au contraire, de le sous-évaluer. L’information reçue ne sera donc ni complète ni fiable, et sera obtenue à un coût élevé ». Enfin, le conseil considère que le comportement des clients annonceurs est peu lisible et que cette demande est volatile, éparpillée et non récurrente.
    Compte tenu de ces éléments, il peut être exclu que l’opération conduise à des équilibres post-fusion collusifs sur ces 26 marchés.

-  Le cas d’équilibres non collusifs à la suite de l’opération

    Dans un second temps, il convient d’examiner si les équilibres non collusifs qui prévaudraient sur ces marchés pourraient conduire à une hausse des prix. A court terme, il s’agit d’appréhender l’impact de l’opération sur la concurrence par le biais des effets unilatéraux en s’intéressant directement, sur chaque marché local, au pouvoir de marché de la nouvelle entité après l’opération et à sa capacité à augmenter unilatéralement ses prix.
    Ce type d’analyse est notamment pertinent sur des marchés sur lesquels les biens ou services sont significativement différenciés. Les effets unilatéraux sont maximisés lorsque les parties à une concentration offrent des biens ou des services constituant des substituts proches et que les autres opérateurs offrent des substituts moins proches.
    Concernant le degré de substitution entre les journaux de COMAREG et les journaux de France Antilles, on relève qu’une complémentarité existera bien entre les deux marques de la nouvelle entité au niveau local. En effet, la marque Bonjour bénéficie d’une ancienneté plus forte et d’une présence plus étendue sur le territoire français, par conséquent d’une notoriété plus importante que la marque Atout Magazine et surtout que de la marque Paru Vendu, qui ne s’est développée que récemment et demeure moins implantée que la marque Bonjour. En outre, les journaux sous la marque Paru Vendu se sont plutôt positionnés sur des grilles tarifaires pour la publicité inférieures à celles des journaux de COMAREG, répondant par conséquent à la fraction de la demande relativement plus sensible au prix.
    Concernant le degré de substitution entre les journaux de la nouvelle entité et les journaux de SPIR ou S3G, l’offre de la nouvelle entité se différenciera significativement de celle de ses concurrents par deux caractéristiques principales que le Conseil de la concurrence a dégagées dans son avis.
    En premier lieu, dans le point 58 de son avis, le Conseil de la concurrence relève que « France Antilles a signé avec le groupe La Poste une convention pluri-annuelle aux termes de laquelle La Poste puis Newco (cf. note 16) bénéficieront d’un contrat d’exclusivité d’une durée minimale de[...] pour les titres Paru Vendu, Les Nouvelles de l’immobilier et Atout Magazine ». En outre, le Conseil relève que « la substitution de la nouvelle entité France Antilles-COMAREG à COMAREG dans le rapprochement prévu avec La Poste est de nature à rendre l’accès aux marchés de la presse gratuite plus difficile pour les petits éditeurs qui n’ont pas développé leur propre réseau de distribution. [...]. Le représentant de La Poste a précisé que les écarts de prix pour la distribution des journaux gratuits pouvaient s’élever à 20 %. Les responsables de la société SEJG bénéficient d’un réduction de l’ordre de [...] % des tarifs habituellement pratiqués par La Poste. Les conditions tarifaires, telles que les délais entre la livraison des exemplaires par l’éditeur et leur distribution ou la possibilité d’être distribué en exclusivité “dans la poignée”, constituent d’autres avantages déterminants pour les éditeurs ». Ainsi, il est avéré que, du fait du rôle de La Poste dans le réseau de distribution de la nouvelle entité, l’offre de la nouvelle entité sera significativement différenciée de celle de ses concurrents, à travers à la fois le coût de la distribution et les avantages liés à ce réseau particulier de distribution.
    En second lieu, l’offre de la nouvelle entité se différenciera nettement de celle de ses concurrents dans les zones où la presse quotidienne est détenue par SOCPRESSE. En effet, la présence de PQR appartenant à la SOCPRESSE renforce les barrières à l’entrée sur les marchés concernés en raison des possibilités de couplage (PQR/presse gratuite) susceptibles d’être proposées aux annonceurs. Ainsi, sur 18 des 26 zones en duopoles avec S3G ou SPIR, à savoir Laon, Soissons, Charleville-Mézières, Besançon, Valence, Bourgoin, Dole, Reims, Lyon, Villefranche, Chalon-sur-Saône, Mâcon, Albertville, Chambéry, Annecy, Annemasse, Vienne-Annonay, Lons-le-Saunier, la possibilité de couplage constitue un facteur de différenciation fort entre l’offre de la nouvelle entité et celle de ses concurrents.
    Enfin, il convient de rappeler que, d’après l’avis du 29 mai 1986 de la Commission de la concurrence, le degré de substitution entre les journaux de la nouvelle entité et les autres supports que ceux de la presse gratuite, de type ISA et PQR locale, est particulièrement faible. Ces différents supports (et notamment la presse gratuite et la PQR) sont d’ailleurs plutôt complémentaires tant du point de vue de l’offre que de la demande, au moins en partie.
    Ainsi, il est établi que la nouvelle entité offrira, sur chacune des 26 zones, deux produits proches et complémentaires mais qui se distingueront très nettement de produits offerts par S3G et SPIR. Cette différenciation des deux offres de la nouvelle entité sera encore plus marquée sur les 18 marchés où le titre de PQR appartient au groupe Hersant.
    A ce stade, il convient donc de vérifier s’il peut être profitable pour la nouvelle entité, en tenant compte de la réaction des concurrents, d’augmenter unilatéralement ses prix. Cela est notamment le cas si la hausse de prix se traduit par un report de la demande depuis l’un des titres sur un autre.
    Il apparaît tout d’abord que, contrairement à ce que soutiennent les parties et comme le souligne l’avis du conseil, il ne peut être établi que le niveau des prix pratiqués sur un marché local est indépendant de la structure de ce marché. Au contraire, en comparant les prix moyens de la page publicitaire ou des petites annonces sur différents marchés locaux, il est possible de mettre en évidence une relation inverse entre le nombre d’opérateurs constituant l’oligopole et les prix pratiqués (cf. note 17) . Cette corrélation traduit bien qu’une part de marché plus élevée conduit à un prix moyen plus élevé, et que par conséquent une réduction de concurrence sur le marché se traduirait plutôt par une hausse de prix (en fait une hausse de la marge), dont il convient d’évaluer l’ampleur.
    Du point de vue de la demande, contrairement à ce que soutiennent les parties et comme le relève l’avis du Conseil, il n’est pas possible d’affirmer que l’élasticité-prix de la demande est exceptionnellement forte et que par conséquent les opérateurs de presse gratuite n’auraient aucune incitation à augmenter leurs prix. Les parties font valoir une élasticité-prix de la demande extrêmement élevée, soit une chute de 40 % de la demande pour 5 % d’augmentation de prix au profit d’autres types de supports de publicité. Toutefois cette évaluation n’est pas recevable car elle a été menée sur un échantillon biaisé de clients et, en outre, sur des intentions de comportements et non sur les comportements eux-mêmes. En revanche, il est parfaitement avéré que les écarts de prix de la publicité entre la presse gratuite et les supports autres (ISA, PQR, etc.) sont très marqués, ce qui rend très peu probable un repli significatif de la demande vers des supports alternatifs en cas de hausse de prix d’un titre de presse gratuite de la nouvelle entité. Seule une réduction de la demande, c’est-à-dire une détérioration de la situation concurrentielle, pourrait répondre à une telle hausse de prix.
    Toutefois, il convient de rappeler que pour qu’une augmentation unilatérale des prix soit substantielle sur un marché différencié, il est nécessaire qu’une fraction importante des parts de marché soit liée à des clients qui considèrent effectivement les deux offres de la nouvelle entité comme leurs premier et deuxième choix, et qu’il soit peu probable que les concurrents puissent, à court terme, repositionner leur offre pour accroître son degré de substituabilité avec celle des parties, c’est-à-dire que le « ratio de diversion » de la demande soit élevé.
    Si la nouvelle entité décidait de relever, sur un marché local, les prix de la page de publicité et/ou des petites annonces d’un de ses deux titres de presse gratuite, le report potentiel de la demande sur les autres opérateurs dépendrait de plusieurs facteurs, mais essentiellement de deux principaux : le rôle joué par le système de distribution de France Antilles et la présence de titres de PQR édités par SOCPRESSE, dans la mesure où ces titres de presse payante récupéreraient une partie même faible des annonceurs qui changeraient de supports et où la nouvelle entité pourrait offrir des possibilités de couplage sur les 18 marchés locaux de duopole où la presse régionale appartient à SOCPRESSE. En d’autres termes, le ratio de diversion mesurant la part de la demande pour le titre relevant ces prix qui se reporterait sur l’autre titre de la nouvelle entité sera d’autant plus grand que la presse locale sera propriété du groupe Hersant et que France Antilles pourra disposer de l’exclusivité du réseau de distribution de La Poste.
    On relève, à ce titre, que les parties ont soumis des engagements comportementaux au ministre. Concernant le premier point, les parties s’engagent à ne pas proposer, pendant une durée de cinq ans à compter de la lettre du ministre autorisant l’opération d’acquisition de COMAREG par France Antilles, d’offres couplées liant les conditions tarifaires qu’elle propose sur les marchés de la presse gratuite et sur les marchés de la presse quotidienne régionale. Concernant le deuxième point, « France Antilles s’engage à renoncer pour l’avenir à bénéficier d’une quelconque clause d’exclusivité consentie par La Poste concernant la distribution de ses journaux gratuits » et « à faire ses meilleurs efforts pour aligner le contrat signé entre COMAREG et La Poste avec les dispositions du contrat de distribution actuellement en vigueur entre France Antilles et La Poste, en vue d’une suppression de la clause d’exclusivité “à la poignée” consentie au profit de COMAREG ». Ces deux engagements permettent de considérer, à court terme, que France Antilles ne bénéficiera pas de cette clause d’exclusivité au profit de COMAREG et ne sera pas incitée à relever les prix pratiqués par France Antilles pour un de ces titres sur l’un des 26 marchés locaux en duopole, et plus particulièrement sur l’un des 18 marchés locaux où la presse régionale appartient à SOCPRESSE. En revanche, la nouvelle entité étant confrontée sur ces marchés à des opérateurs disposant de leur propre réseau de distribution, le ratio de diversion ne sera pas suffisamment élevé pour qu’un relèvement massif des prix pratiqués soit profitable à la nouvelle entité.
    En conclusion, compte tenu des engagements souscrits par les parties, l’opération notifiée n’est de nature à porter atteinte à la concurrence, notamment par création ou renforcement de position dominante, sur aucun des marchés locaux concernés par l’opération. Je vous informe donc que j’autorise cette opération.
    Je vous prie d’agréer, Maître, l’expression de mes sentiments les meilleurs.

Pour le ministre et par délégation :
Le directeur général de la concurrence,
de la consommation
et de la répression des fraudes,
Benoît  Parlos

    Nota.  -  A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées.
    Ces informations relèvent du « secret des affaires », en application de l’article 8 du décret no 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d’application du livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.
    
ENGAGEMENTS SOUSCRITS PAR LA SOCIÉTÉ FRANCE ANTILLES LE 14 AVRIL 2003 DANS LE CADRE DU RAPPROCHEMENT ENTRE FRANCE ANTILLES ET COMAREG

I.  -  Engagements structurels
1.  Périmètre des engagements

1.1.  France Antilles accepte de prendre des engagements structurels aussi bien dans les zones dites de monopole que dans celles où le nouveau groupe serait en concurrence avec des éditeurs de presse gratuite de taille modeste.
            Plus précisément, le périmètre des zones répondant à ces critères est le suivant : Troyes, Grenoble, Voiron, Epernay, Châlons-en-Champagne, Chaumont, Saint-Dizier, Montceau-les-Mines, Sens, Auxerre, Bourg-en-Bresse, Dijon, Aurillac et Vesoul.
1.2.  Pour l’ensemble de ces zones, France Antilles prendrait les engagements figurant dans le tableau joint en annexe I. En substance, France Antilles s’engagerait :
            -  à céder les éléments composant le fonds de commerce (clientèle, emploi, actifs divers) d’un titre par zone concernée et deux dans la zone de Bourg-en-Bresse, et
            -  à proposer à l’acquéreur d’un ou plusieurs titre(s) une licence de la marque Bonjour pour une durée de sept ans, sauf éventuel renouvellement.
1.3.  S’agissant des zones dans lesquelles le titre faisant l’objet d’une cession serait aujourd’hui exploité sous la marque Paru Vendu (Grenoble, Voiron, Troyes, Chaumont, Vesoul) ou la marque Atout Magazine (Saint-Dizier), France Antilles s’engage :
            (i)  A proposer à l’acquéreur du ou des titres concernés une licence de marque d’une durée de sept ans sur la marque Bonjour ;
            (ii)  A ne plus utiliser la marque Bonjour dans ces zones à compter de la signature de l’acte de cession de l’édition concernée comportant, le cas échéant, une licence de la marque Bonjour ;
            (iii)  A proposer à l’acquéreur, pour une durée de trois mois à compter de la signature de l’accord de cession, une licence exclusive de la marque Paru Vendu ou Atout Magazine, à condition que celles-ci soient utilisées en association avec la marque Bonjour ;
            (iv)  S’interdire d’utiliser, pendant la période de trois mois visée au point (iii) ci-dessus, les marques Paru Vendu ou Atout Magazine dans les zones concernées. A l’issue de cette période, France Antilles sera libre d’utiliser la marque Paru Vendu ou Atout Magazine dans les zones concernées.
1.4.  Il est ici précisé, à la demande de la DGCCRF, que COMAREG est juridiquement, à ce jour, propriétaire de la marque Bonjour, nonobstant l’existence d’un contentieux judiciaire sur les droits de propriété portant sur ladite marque.
            Ce différend a donné lieu à un jugement rendu en défaveur de COMAREG par le tribunal de grande instance de Paris en date du 21 décembre 2001, étant précisé que COMAREG en a interjeté appel, l’affaire étant donc toujours pendante devant la cour d’appel de Paris. C’est pourquoi France Antilles accepte de s’engager à justifier auprès de la DGCCRF, préalablement à la signature d’un éventuel contrat de licence de marque Bonjour avec un candidat repreneur, tel que cela est envisagé au paragraphe 1.3 ci-dessus, de ce que le contentieux ayant donné lieu au jugement du 21 décembre 2001 a trouvé une issue permettant juridiquement à France Antilles de proposer une licence de marque Bonjour.
1.5.  Si par extraordinaire France Antilles n’était pas juridiquement autorisée à concéder à un tiers une licence de marque Bonjour, France Antilles consentira alors :
            (i)  Pour les zones d’Epernay, Chalons et Saint-Dizier, une licence sur la marque Atout ;
            (ii)  Pour les onze autres zones visées dans le tableau en annexe I, France Antilles consentira une licence sur la marque Paru Vendu.
            Dans ces deux cas de figure, France Antilles prendrait l’engagement corrélatif de ne plus utiliser les marques Atout et Paru Vendu respectivement dans les zones ci-dessus (points [i] et [ii]) pendant la durée des éventuelles licences de marque.

2.  Calendrier de réalisation des engagements structurels

2.1.  France Antilles s’engage à soumettre à l’agrément du ministre un acquéreur potentiel pour chacun des titres dont la cession est envisagée dans un délai de [...] à compter de la lettre du ministre autorisant l’opération d’acquisition de COMAREG par France Antilles.
2.2.  Les acquéreurs potentiels des titres cédés seront soumis à l’agrément du ministre chargé de l’économie afin de lui permettre de vérifier (i) que le repreneur de chaque titre est indépendant, (ii) qu’il a les compétences et la motivation nécessaires pour gérer et développer de manière durable une activité de presse gratuite, et (iii) que cette nouvelle opération de cession n’est pas susceptible de créer d’autres atteintes à la concurrence.
2.3.  Pour chaque titre concerné, France Antilles s’engage à signer un acte de cession juridiquement contraignant avec l’acquéreur agréé dans un délai de [...] à compter de la date de l’obtention de l’agrément du ministre.

II.  -  Engagements comportementaux
1.  Engagement de ne pas procéder à des couplages

1.1.  France Antilles s’engage à ne pas proposer, pendant une durée de cinq ans à compter de la lettre du ministre autorisant l’opération d’acquisition de COMAREG par France Antilles, d’offres couplées liant les conditions tarifaires qu’elle propose sur les marchés de la presse gratuite (petites annonces et publicité commerciale), d’une part, et sur les marchés de la presse quotidienne régionale, d’autre part.
1.2.  France Antilles souhaite que cet engagement puisse éventuellement faire l’objet d’un réexamen avec vos services, en fonction de la situation concurrentielle des marchés concernés, à l’issue d’une période initiale de trois ans à compter de la lettre du ministre autorisant l’opération d’acquisition de COMAREG par France Antilles.

2.  Engagement de renoncer à toute exclusivité
de distribution de journaux gratuits

2.1.  Rappelant que le contrat pluriannuel de distribution qui lie actuellement France Antilles à La Poste ne comprend aucune clause d’exclusivité à son profit concernant la distribution de ses journaux gratuits, France Antilles s’engage à renoncer pour l’avenir à bénéficier d’une quelconque clause d’exclusivité consentie par La Poste concernant la distribution de ses journaux gratuits.
2.2.  Par ailleurs, France Antilles s’engage dans les [...] mois de la réception de la lettre du ministre autorisant l’opération d’acquisition de COMAREG par France Antilles à faire ses meilleurs efforts pour aligner le contrat signé entre COMAREG et La Poste avec les dispositions du contrat de distribution actuellement en vigueur entre France Antilles et La Poste, en vue d’une suppression de la clause d’exclusivité « à la poignée » consentie au profit de COMAREG. En tout état de cause, France Antilles s’engage à ne pas bénéficier de ladite exclusivité.

Directeur général unique,
Philippe  Hersant

    Nota. - A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées.
    Ces informations relèvent du « secret des affaires », en application de l’article 8 du décret no 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d’application du livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.        

A N N E X E    I
ENGAGEMENTS STRUCTURELS

ZONE TITRES PRÉSENTS
sur la zone
TITRES CONCERNÉS
par l’engagement
LICENCE DE LA MARQUE
Epernay 1 Atout.
1 Bonjour.
Cession du [...] Bonjour ou Atout 7 ans.
Châlons-en-Champagne 1 Atout.
1 Bonjour.
Cession du [...] Bonjour ou Atout 7 ans.
Saint-Dizier 1 Atout.
1 Bonjour.
Cession du [...] Bonjour ou Atout 7 ans.
Grenoble 1 Bonjour.
1 Paru Vendu.
Cession du [...] Bonjour ou Paru Vendu 7 ans.
Voiron 1 Bonjour.
1 Paru Vendu.
Cession du [...] Bonjour ou Paru Vendu 7 ans.
Montceau-les-Mines 1 Bonjour.
3 Paru Vendu.
Cession du [...] Bonjour ou Paru Vendu 7 ans.
Bourg-en-Bresse 2 Bonjour.
3 Paru Vendu.
Cession des deux [...] Bonjour ou Paru Vendu 7 ans.
Troyes 1 Paris Vendu.
1 Bonjour.
Cession du [...] Bonjour ou Paru Vendu 7 ans.
Auxerre 1 Paris Vendu.
1 Bonjour.
Cession du [...] Bonjour ou Paru Vendu 7 ans.
Sens 1 Paris Vendu.
1 Bonjour.
Cession du [...] Bonjour ou Paru Vendu 7 ans.
Chaumont 1 Paris Vendu.
1 Bonjour.
Cession du [...] Bonjour ou Paru Vendu 7 ans.
Dijon 2 Bonjour.
1 Paru Vendu (immo).
Cession du [...] Bonjour ou Paru Vendu 7 ans.
Vesoul 1 Bonjour.
1 Paris Vendu.
Cession du [...] Bonjour ou Paru Vendu 7 ans.
Aurillac 1 Bonjour.
1 Paris Vendu.
Cession du [...] Bonjour ou Paru Vendu 7 ans.


ENGAGEMENT SOUSCRIT PAR LE CONSEIL DE LA SOCIÉTÉ FRANCE ANTILLES LE 18 AVRIL 2003 DANS LE CADRE DU RAPPROCHEMENT ENTRE FRANCE ANTILLES ET COMAREG
    Je vous confirme que France Antilles proposera aux seuls tiers repreneurs qui en feront la demande une licence portant sur la marque Bonjour dans les conditions prévues dans notre télécopie du 14 avril dernier, et que ledit candidat repreneur disposera de la possibilité d’adjoindre à la marque Bonjour la marque de son choix pour autant que les conditions prévues par la charte graphique relative à la licence de marque Bonjour sont respectées.

Freshfields Bruckhaus Deringer,
Jacques-Philippe  Gunther

ENGAGEMENT SOUSCRIT PAR LE CONSEIL DE LA SOCIÉTÉ FRANCE ANTILLES LE 25 AVRIL 2003 DANS LE CADRE DU RAPPROCHEMENT ENTRE FRANCE ANTILLES ET COMAREG
    Nous vous confirmons que, dans l’hypothèse où, pour un titre faisant l’objet d’un engagement de cession tel que précisé à l’annexe I de la lettre de France Antilles en date du 14 avril 2003, aucun repreneur n’aurait pu être agréé par le ministre à l’expiration d’un délai de [...] à compter de la lettre autorisant l’opération, France Antilles s’engage à confier un mandat irrévocable de cession du titre concerné à une banque d’affaires, [...].

Freshfields Bruckhaus Deringer,
Jacques-Philippe  Gunther

    Nota.  -  A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées.
    Ces informations relèvent du « secret des affaires », en application de l’article 8 du décret no 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d’application du livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.
    
AVIS No 03-A-03 DU CONSEIL DE LA CONCURRENCE DU 20 MARS 2003 RELATIF À L’ACQUISITION DE LA SOCIÉTÉ COMAREG PAR LA SOCIÉTÉ FRANCE ANTILLES
    Le Conseil de la concurrence (section III B),
    Vu la lettre du 20 décembre 2002, enregistrée sous le numéro 02/105A, par laquelle le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie a saisi le Conseil de la concurrence, en application des dispositions de l’article L. 430-1 du code de commerce, d’une demande d’avis relative à l’acquisition, par la société France Antilles, de la société COMAREG ;
    Vu le livre IV du code de commerce, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-4, et le décret no 2002-689 du 30 avril 2002 pris pour son application ;
    Vu les observations présentées par la société France Antilles et le commissaire du Gouvernement ;
    Vu les autres pièces du dossier ;
    Les rapporteures, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement et les représentants de la société France Antilles entendus ;
    Les représentants de La Poste entendus conformément aux dispositions de l’article L. 463-7 du code de commerce et les représentants de la société SPIR Communication entendus en l’absence des parties, conformément aux dispositions de l’article L. 430-6 du code de commerce,
    Adopte l’avis fondé sur les constatations et les motifs ci-après exposés :

I.  -  LES ENTREPRISES PARTIES À L’OPÉRATION
A. - L’opération notifiée

    1.  L’opération envisagée consiste en l’acquisition par la société France Antilles auprès de la société Vivendi Universal Publishing, de 100 % du capital et des droits de vote de la société COMAREG.
    L’accord entre les parties a été signé le 16 octobre 2002.
    2.  En cédant le groupe COMAREG et sa filiale de distribution Delta Diffusion, Vivendi Universal achève de se désengager des activités de médias publicitaires et de vente d’espaces. L’objectif d’un tel désengagement amorcé dès 1998 était de financer des acquisitions jugées plus stratégiques et de contribuer à résorber l’endettement de Vivendi Universal.

B. - France Antilles

    3.  Le capital de la société France Antilles est détenu à 100 % par des membres de la famille Hersant. Le directeur général est M. Philippe Hersant. La société France Antilles et la société SOCPRESSE sont les deux pôles autour desquels s’organise aujourd’hui le groupe de presse créé initialement par Robert Hersant.
    4.  Outre leurs liens historiques, les sociétés France Antilles et SOCPRESSE sont contrôlées par des actionnaires communs. Les membres de la famille Hersant qui détiennent 100 % du capital de la société France Antilles sont ceux qui détiennent 70 % de la société SOCPRESSE. De plus, certains membres des directoires et des conseils de surveillance sont communs. Ainsi, le directeur général de France Antilles, Philippe Hersant, est président du conseil de surveillance de la société SOCPRESSE, Michèle Hersant, présidente du conseil de surveillance de France Antilles, est membre du conseil de surveillance de SOCPRESSE, et Michel Hersant est membre des conseils de surveillance des deux sociétés.
    5.  Compte tenu de ces liens entre les sociétés France Antilles et SOCPRESSE, l’activité de la société SOCPRESSE et de ses filiales a été prise en compte dans l’analyse concurrentielle de la présente concentration.
    6.  La société France Antilles et ses filiales sont spécialisées dans la presse payante régionale et dans la presse d’annonces gratuite. Elles ont réalisé en 2001 un chiffre d’affaires total consolidé de 304 millions Euro, dont 191 millions en métropole et 109 millions dans les DOM-TOM. Ces sociétés éditent 7 quotidiens régionaux dans les DOM-TOM. En métropole, elles éditent également 7 quotidiens régionaux, dont L’Union, Paris Normandie et L’Est Eclair, et 19 hebdomadaires et bi-hebdomadaires régionaux.
    7.  La société SOCPRESSE et ses filiales sont actives dans le secteur de la presse quotidienne nationale, avec Le Figaro, dans le secteur de la presse quotidienne régionale avec, notamment, Le Progrès, Le Dauphiné libéré, La Voix du Nord et dans le secteur de la presse magazine avec Madame Figaro. La société SOCPRESSE et ses filiales ont réalisé en 2001 un chiffre d’affaires mondial de 1,154 milliard Euro, dont 1,134 milliard Euro en France.
    8.  Le groupe France Antilles a cherché à se développer dans un secteur connexe à son activité principale de presse d’information locale, celui de la presse gratuite, en acquérant, en 1992, Atout Magazine, un groupe de journaux gratuits localisé en Champagne. En 2001, il a également repris les titres de journaux gratuits qui avaient été créés par des journaux de la presse quotidienne régionale rattachées à la SOCPRESSE (Le Progrès de Lyon et Le Dauphiné libéré). France Antilles a ensuite pris une participation de contrôle dans la société SEJG, détentrice de la marque et des licences de franchise Paru Vendu. Cette société, créée par un ancien cadre du groupe COMAREG, a lancé un nouveau concept de presse gratuite en s’appuyant sur un réseau de franchisés. Le titre Paru Vendu s’est développé très rapidement puisque 5 éditions ont été créées en 2000, 17 en 2001 et 26 en 2002.
    9.  A ce jour, la société France Antilles et ses filiales détiennent près d’une centaine de titres de journaux gratuits, dont 12 par l’intermédiaire de sociétés franchisées. Le chiffre d’affaires de la société France Antilles et ses filiales dans le secteur de la presse gratuite en métropole a progressé très rapidement et s’est élevé en 2001 à 47,5 millions Euro.
    10.  Les journaux gratuits de France Antilles sont actuellement distribués par La Poste ou Médiapost.

C.  -  COMAREG

    11.  La société COMAREG et ses filiales sont spécialisées principalement dans le secteur de la presse d’annonces gratuite. Le groupe COMAREG a réalisé en 2001 un chiffre d’affaires global de 341 millions Euro, dont 229 dans le secteur de la presse d’annonces gratuite.
    12.  Le groupe COMAREG édite près de 160 journaux gratuits, sous le titre Bonjour, diffusés sur l’ensemble du territoire français. Il dispose de titres dans la plupart des régions françaises, avec une très forte implantation dans le Nord, la région Rhône-Alpes et la région parisienne.
    13.  Les journaux gratuits de COMAREG étaient jusqu’à présent distribués par sa filiale Delta diffusion, spécialisée dans la distribution d’imprimés sans adresse.

II.  -  LES CARACTÉRISTIQUES PRINCIPALES
DU SECTEUR DE LA PRESSE D’ANNONCES GRATUITE
A. - Le produit

    14.  Les journaux d’annonces gratuits sont composés de petites annonces et d’annonces publicitaires. Ils ne comprennent aucun, ou très peu, de contenu éditorial. La diffusion de la plupart de ces journaux est hebdomadaire. Leur distribution s’effectue principalement par portage dans les boîtes aux lettres (68 %) ou par dépôt, en particulier à Paris ou dans les très grandes agglomérations.
    15.  La plupart des zones géographiques sont couvertes par au moins un titre de presse gratuite. En 2000, 392 titres de journaux d’annonces gratuits ont été recensés par la direction du développement des médias (DDM), 1,8 milliard d’exemplaires ont été distribués, générant un chiffre d’affaires global (publicité commerciale et petites annonces) de 633 millions Euro.
    16.  Les recettes sont tirées de l’insertion d’annonces publicitaires (80 % du chiffre d’affaires) et de petites annonces émanant des particuliers (20 % des recettes). Ce sont cependant les petites annonces qui servent de moteur à la diffusion des gratuits, un journal gratuit sans petites annonces n’ayant aucun intérêt pour ses lecteurs, et donc pour les annonceurs.

B. - Les marchés concernés par la presse
d’annonces gratuite

    17.  Les journaux d’annonces gratuits répondent à plusieurs besoins : ils permettent aux lecteurs de prendre connaissance des petites annonces et des annonces publicitaires, aux professionnels de faire de la publicité et aux particuliers ou aux professionnels de faire publier leurs petites annonces. Le marché des publicités commerciales et celui des petites annonces sont interdépendants et sont liés à l’audience ou au lectorat. En effet, il n’existerait pas de marché des publicités commerciales en l’absence de lectorat et il n’existerait pas de lectorat en l’absence de petites annonces.

Le lectorat de la presse d’annonces gratuite

    18.  Chaque titre de presse gratuite est distribué dans une zone géographique locale et il n’y a pas de substituabilité entre le journal gratuit d’une zone et ceux diffusés dans d’autres secteurs géographiques. Dans un avis du 29 mai 1986 relatif au secteur de la presse gratuite en région PACA, la Commission de la concurrence a estimé que « Compte tenu du rôle de communication sociale qu’elles assurent, les publications gratuites sont nécessairement diffusées dans une aire restreinte comprenant une communauté urbaine suffisamment homogène et dense qui correspond généralement à une aire de chalandise du secteur de la distribution ». En l’absence de données précises sur l’audience de chaque titre, on se réfère aux tirages.

Le marché de la publicité commerciale
dans les journaux gratuits

    19.  Dans plusieurs avis et décisions de la commission puis du Conseil de la concurrence (notamment l’avis du 29 mai 1986 précité, les avis 93-A-13 et 98-A-14, les décisions 89-D-05 et 96-D-44), il a été considéré qu’il existait un marché de la publicité dans la presse d’annonces gratuite, de dimension locale, et que la publicité dans la PQR n’était pas substituable.
    20.  Dans l’avis du 29 mai 1986 précité, la Commission de la concurrence a considéré que « La publication gratuite constitue de ce fait un moyen adapté techniquement aux besoins publicitaires de distributeurs ou d’entreprises de services locaux. La gratuité du produit lui assure l’audience d’un vaste public et, en particulier, de la fraction de celui-ci la plus difficile à toucher par l’intermédiaire des autres moyens de communication, en raison de son isolement culturel, économique ou social. Aussi les publications gratuites bénéficient-elles d’un taux de pénétration exceptionnellement élevé et supérieur à celui de tous les autres médias ». L’avis conclut : « le marché de la publicité par voie de journal gratuit dans une aire de chalandise donnée constitue un marché en soi ».
    21.  Dans la décision 89-A-05, le Conseil de la concurrence a également considéré que la presse gratuite et la presse quotidienne régionale (PQR) n’étaient pas des supports publicitaires substituables et n’étaient donc pas sur le même marché : « La presse gratuite, dont la diffusion est hebdomadaire ou bimensuelle, est distribuée par portage essentiellement en milieu urbain. Dépourvue de sélectivité, elle atteint, sur une zone donnée, toutes les couches de la population sédentaire et son taux de pénétration est plus important que celui de la presse quotidienne régionale. Le coût de l’espace publicitaire y est deux à trois fois moindre. Ces deux formes de presse, qui présentent des profils différents, susceptibles d’influer sur l’efficacité du message publicitaire, n’apparaissent donc pas substituables. »
    22.  Les caractéristiques du secteur et le comportement des entreprises n’ayant pas évolué de manière substantielle depuis 1986 et 1989, les analyses de la commission puis du Conseil de la concurrence paraissent toujours pertinentes.
    23.  Selon les données communiquées par l’Institut de recherche et études publicitaires (IREP), les recettes publicitaires de la presse gratuite, qui prennent en compte les journaux d’annonces gratuits ainsi que la presse municipale gratuite et les journaux d’information gratuits, se sont élevées à 886 millions Euro en 2001. Selon les données de la direction du développement des médias, les recettes publicitaires de la presse gratuite se sont élevées, en 2000, à 495 millions Euro. Il s’agit essentiellement d’annonceurs locaux des secteurs de la construction et travaux, de l’habitat, de l’immobilier, de l’automobile, du commerce de détail et des services et loisirs. Lorsque l’annonceur appartient à un groupe ou à un réseau national, les investissements publicitaires dans les journaux gratuits sont généralement décidés localement.

Le marché des petites annonces dans les journaux gratuits

    24.  Les petites annonces peuvent être publiées sur différents supports : presse gratuite, PQR, presse quotidienne nationale, journaux spécialisés ou encore sites Internet. L’intérêt de chaque support varie la plupart du temps en fonction du type d’annonce. Pour un appareil de petit électroménager, la presse gratuite sera adaptée alors que, pour la vente d’une résidence secondaire, la presse nationale ou thématique pourra être préférée. En ce qui concerne les offres d’emplois, les offres pour les emplois peu qualifiés sont fréquemment publiées dans la presse gratuite alors que les annonces pour la recherche de cadres le seront dans la presse nationale (Figaro emploi cadres par exemple).
    25.  Comme pour la publicité, les caractéristiques de la presse gratuite, un prix moins élevé et un taux de pénétration exceptionnel sur une zone géographique précisément ciblée en font un support non substituable aux autres pour l’insertion de petites annonces.
    26.  Le chiffre d’affaires généré par l’insertion de petites annonces dans la presse gratuite est évalué par la DDM à 138 millions Euro pour l’année 2000, et, par l’IREP, à 168 millions Euro pour l’année 2001.

C. - La structure de l’offre

    27.  Le secteur de la presse gratuite est très concentré. Quatre opérateurs principaux ont une couverture étendue à une grande partie du territoire national : COMAREG et SPIR Communication (160 titres chacun), France Antilles (100 titres) et S3G (50 titres). A l’exception de COMAREG, filiale de Vivendi Universal Publishing, les trois leaders de la presse gratuite sont adossés à des groupes de presse : le groupe Hersant (France Antilles), le groupe Ouest-France (SPIR Communication) et le groupe Sud-Ouest (S3G). Il subsiste peu de petits éditeurs indépendants, présents sur quelques marchés locaux (Lithographic, la Maubeugeoise Edition Cie,...).
    28.  Ensemble, les sociétés SOCPRESSE, France Antilles et leurs filiales réalisent un chiffre d’affaires de plus d’1,4 milliard Euro. L’implantation des deux sociétés dans le secteur de la presse quotidienne régionale est très nette dans les régions Nord, Picardie, Ardennes, Normandie, Bourgogne et Rhône-Alpes, et explique que les titres de gratuits de France Antilles soient concentrés dans ces régions.
    29.  Le chiffre d’affaires consolidé du groupe Ouest-France est estimé, en 2000, à 762 millions Euro. Le quotidien régional Ouest-France (42 éditions locales et 284 millions de chiffre d’affaires) est le premier quotidien français en termes de diffusion payée.
    30.  Le groupe Sud-Ouest regroupe 5 quotidiens régionaux, dont le journal Sud-Ouest, épine dorsale du groupe, La Charente libre (Angoulême), La République des Pyrénées et L’Eclair Pyrénées, à Pau. Outre le secteur de la presse d’annonces gratuite, le groupe s’est diversifié dans l’édition de livres, la radio et la télévision locale.

III. - BILAN CONCURRENTIEL
A.  -  L’effet de l’opération sur les parts de marché
et la structure de l’offre
Au niveau national

    31.  Après la concentration, l’ensemble France Antilles-COMAREG disposera de près de 260 titres de presse gratuite répartis sur l’ensemble du territoire national, devant SPIR (160 titres) et S3G (50). Le nouveau groupe disposera d’un maillage territorial inégalé.
    32.  En termes de diffusion, la nouvelle entité diffusera, après l’opération, plus de 50 % des exemplaires, soit environ 800 millions, devant SPIR (42 %, soit environ 650 millions) et S3G (8 %, soit environ 100 millions).
    33.  En ce qui concerne les parts de marché en chiffre d’affaires, l’IREP donnait, en 2001, les estimations suivantes :

CA GLOBAL PUBLICITÉ
+ petites annonces
2001
(million Euro)
2001
(%)
SPIR [...] [20-30] %
COMAREG [...] [20-30] %
S3G [...] [0-10] %
France Antilles [...] [0-10] %
Total IREP Presse gratuite 886,0 100 %
CA PUBLICITÉ COMMERCIALE 2001
(million Euro)
2001
(%)
COMAREG [...] [20-30]
France Antilles [...] [0-10]
Global IREP 718,0 100
CA PETITES ANNONCES 2001
(million Euro)
2001
(%)
COMAREG [...] [20-30]
France Antilles [...] [0-10]
Global IREP 168,0 100

    34.  Après la concentration, la nouvelle entité France Antilles-COMAREG deviendra leader avec [30-40] % des recettes globales ([30-40] % des recettes publicitaires et [20-30] % des recettes de petites annonces), devant SPIR ([20-30] % des recettes globales).

Au niveau local

    35.  L’opération envisagée aura directement pour effet, sur certains marchés locaux où sont présents à la fois un titre de France Antilles et un titre COMAREG, soit de créer des « monopoles » locaux au profit des deux titres France Antilles-COMAREG, là où il n’existe pas de titre de presse gratuite concurrent, soit de renforcer d’éventuelles positions dominantes lorsque d’autres titres sont distribués.
    36.  Pour les titres COMAREG, ont été pris en compte les titres détenus par COMAREG ainsi que le titre NRS Châteauroux édité par COMAREG NR, détenue à 50 % par COMAREG et 50 % par La Nouvelle République du Centre-Ouest.
    37.  Pour France Antilles, ont été pris en compte les titres détenus par France Antilles et ses filiales, les titres détenus par la société SEJG ainsi que les 12 titres détenus par les 8 franchisés SEJG « indépendants ». L’inclusion des franchisés dans le périmètre du marché contrôlé par le franchiseur est conforme à la pratique décisionnelle du Conseil, de la commission et du ministre (affaires M. 1221 Rewe/Meinl et M. 1684 Carrefour/Promodès, arrêté du ministre du 5 juillet 2000 dans l’affaire Carrefour/Promodès).
    Sur 10 marchés, les deux titres de presse gratuite de France Antilles et COMAREG seront en position de monopole.
    38.  Il s’agit des marchés suivants :
    Troyes.
    Grenoble.
    Voiron.
    Epernay.
    Châlons-en-Champagne.
    Chaumont.
    Saint-Dizier (édition de Saint-Dizier).
    Montceau-les-Mines (éditions de Montceau-les-Mines, de Charolles et d’Autun).
    Sens.
    Auxerre.
    Sur les 8 premiers de ces marchés, les titres de presse régionale sont édités soit par France Antilles, soit par SOCPRESSE.
    Sur 4 marchés locaux, les deux titres de France Antilles et de COMAREG seront en concurrence avec des titres appartenant à des indépendants, non adossés à un groupe de presse.
    39.  Il s’agit des marchés suivants :    

  TIRAGE COMAREG +
France Antilles
CONCURRENT TIRAGE
du concurrent
PART DE MARCHÉ
COMAREG-FA (tirage)
TITRES DE PQR
Dijon [...] Info Côte-d’Or [...] [70-80] % Le Bien public
(SOCPRESSE)
Bourg-en-Bresse (éditions Bourg, Oyonnax et Ambérieu)
[...]

L’Ainpact

[...]

[80-90] %

Le Progrès
(SOCPRESSE)
Aurillac [...] Le Ptit Voisin, Lou Païs,
Top Info
[...] [40-50] % La Montagne
(indépendant)
Vesoul [...] Presse de Vesoul/
Presse de Gray
[...] [50-60] % L’Est républicain
(indépendant)

        Enfin, sur 26 marchés, les deux titres de France Antilles et de COMAREG resteront en concurrence avec au moins un titre de SPIR Communication ou de S3G.
    40.  Il s’agit des marchés suivants :

  TIRAGE COMAREG +
France Antilles
TIRAGE SPIR TIRAGE
autre concurrent
PART MARCHÉ
COM+FA (tirage)
TITRES DE PQR
diffusé
Laon [...] [...] [...]
L’Aisne nouvelle
(SOCPRESSE)
[30-40] % L’Union
(France Antilles)
L’Aisne nouvelle
(SOCPRESSE)
Soissons [...] [...] [...]
L’Aisne nouvelle
(SOCPRESSE)
[30-40] % L’Union
(France Antilles)
Charleville-Mézières [...] [...]   [60-70] % L’Ardennais
(France Antilles)
Besançon [...] [...]   [60-70] % Le Progrès
(SOCPRESSE)
Valence [...] [...] [...]
Le PA
[50-60] % Le Dauphiné libéré
(SOCPRESSE)
Bourgoin [...] [...]   [60-70] % Le Progrès ou Dauphiné libéré
(2 SOCPRESSE)
Dole [...] [...]   [60-70] % Les Dépêches
(SOCPRESSE)
Reims [...] [...]   [60-70]% L’Union de Reims
(France Antilles)
Beauvais [...] [...]   [60-70]% Le Courrier picard
(indépendant)
Le Parisien (Amaury)
Compiègne [...] [...]   [60-70] % Le Courrier picard
(indépendant)
Le Parisien (Amaury)
Creil [...] [...]   [60-70] % Le Parisien (Amaury)
Lyon et périphérie [...] [...]   [60-70] % Le Progrès
(SOCPRESSE)
Villefranche [...] [...] [...]
Patriote beaujolais
(non identifié)
[60-70] % Le Progrès
(SOCPRESSE)
Chalon-sur-Saône [...] [...]   [50-60]% Le Journal
de Saône-et-Loire
(SOCPRESSE)
Mâcon [...] [...]   [60-70] % Le Journal
de Saône-et-Loire
(SOCPRESSE)
Albertville [...] [...]   [30-40] % Le Dauphiné libéré
(SOCPRESSE)
Chambéry [...] [...]   [50-60] % Le Dauphiné libéré
(SOCPRESSE)
Annecy [...] [...]   [60-70] % Le Dauphiné libéré
(SOCPRESSE)
Annemasse [...] [...]   [40-50] % Le Dauphiné libéré
(SOCPRESSE)
Vienne-Annonay [...] [...]   [60-70] % Le Dauphiné libéré
(SOCPRESSE)
Fontainebleau [...] [...]   [40-50] % Le Parisien (Amaury)
Marseille Nord [...] [...] [...] Le Choc [30-40] % La Provence (Hachette)
La Marseillaise
(indépendant)
Pontarlier [...] [...]   [50-60] % L’Est républicain
(indépendant)
Lons-le-Saulnier [...] [...]   [70-80] % Les Dépêches
(SOCPRESSE)
Albi [...]   [...] Publi Tarn
[...] Via81 (S3G)
[70-80] % La Dépêche du Midi
(indépendant)
Châteauroux [...]   [...] AS36 (S3G) [60-70] % La Nouvelle République
(indépendant)

B.  -  Les effets sur les prix
sur les marchés concernés

    41.  France Antilles soutient que, quel que soit l’effet de l’opération sur ses parts de marché et le nombre de ses concurrents, sa marge de manœuvre pour augmenter les prix sera réduite, ceux-ci étant essentiellement déterminés par le taux d’audience et l’élasticité-prix de la demande étant exceptionnellement forte.
    42.  Elle produit à l’appui de ces arguments des calculs de corrélation qui montreraient que le prix au mille de la page de publicité dans un titre de presse gratuite est une fonction croissante du taux d’audience de ce titre, mais est, en revanche, complètement décorrélé de la position concurrentielle à l’intérieur d’une zone géographique donnée.
    43.  Toutefois, les calculs de corrélation simple fournis par France Antilles, régressant le prix moyen facturé pour 1 000 pages sur le taux d’audience d’un titre (pourcentage de lecteurs réguliers), ne permettent pas, par définition, d’affirmer que le prix ne dépend que de cette variable et d’aucune autre. Seul un calcul de corrélation multiple, testant la pertinence d’une relation entre le prix et d’autres variables possibles, telles que la situation concurrentielle sur le marché concerné, ou le nombre absolu de lecteurs, aurait pu donner une telle indication.
    44.  Par ailleurs, France Antilles s’appuie sur les questionnaires recueillis auprès de 45 annonceurs, dans le cadre de l’instruction de la demande d’avis, qui permettraient de constater une très forte élasticité-prix de la demande d’espaces publicitaires, 57 % des annonceurs ayant répondu qu’ils changeraient de support, ou réduiraient la part de leur budget publicitaire, si le prix augmentait de plus de 5 %. Ces déclarations confirment, selon elle, que les autres supports de communication locale que sont les prospectus, les annuaires, les catalogues, la presse quotidienne régionale ou la radio locale constituent pour les annonceurs des alternatives susceptibles d’exercer une pression concurrentielle très forte sur le prix des espaces publicitaires dans la presse gratuite. Cette pression serait, de plus, facilitée par la grande volatilité de la clientèle, le taux de renouvellement annuel étant supérieur à 30 %. France Antilles soutient que les annonceurs sont insensibles à toute stratégie visant à les fidéliser, tels les contrats de longue durée ou les offres de couplage entre des espaces dans la presse gratuite et dans la presse quotidienne régionale.
    45.  Cependant, les 45 réponses reçues au questionnaire envoyé, dans le cadre de l’instruction, aux 500 clients les plus importants de COMAREG et France Antilles ne peuvent être utilisées pour estimer, de façon fiable, l’élasticité-prix de la demande d’espaces publicitaires dans les annuaires. La sélection de 500 annonceurs, parmi un total d’environ 29 000 clients recensés par COMAREG et France Antilles, en fonction de l’importance de leur chiffre d’affaires, introduit déjà un biais dans la représentativité dans l’échantillon consulté. Au niveau des réponses, cette distorsion est encore amplifiée par un biais de non-réponse, le fait de répondre ou de ne pas répondre ne pouvant être considéré comme assurant la représentativité des réponses reçues par rapport à l’ensemble de l’échantillon. Le faible nombre de réponses reçues doit, par ailleurs, amener à inclure une forte marge d’erreur dans la lecture des résultats. Plus généralement, ce type d’enquête ne permet de recueillir que les intentions affichées des demandeurs et ne peut se substituer à un calcul d’élasticité-prix fondé sur l’évolution observée des volumes et des prix. La valeur aberrante de l’élasticité-prix de la demande avancée par France Antilles, soit une chute de 40 % de la demande pour 5 % d’augmentation de prix, s’explique par l’ensemble de ces facteurs d’erreur et non par une définition erronée du marché comme le suggère France Antilles. Une telle élasticité ne s’expliquerait, en effet, que s’il existait des substituts très proches à la publicité dans la presse gratuite, analyse démentie par les écarts de prix et les différences de cibles constatés pour les autres supports.
    46.  En ce qui concerne les petites annonces, les autres supports disponibles ne constituent pas des alternatives susceptibles d’imposer une contrainte concurrentielle au nouvel ensemble dans la mesure où le prix de l’insertion de petites annonces dans la presse payante est plus élevé et où internet n’offre pas des taux de pénétration comparables.
    47.  En outre, la pression concurrentielle exercée par l’offre d’espaces publicitaires dans la presse quotidienne régionale devrait être particulièrement limitée pour les marchés sur lesquels ces titres de presse sont édités par France Antilles elle-même ou par SOCPRESS, dont les liens avec France Antilles ont été rappelés ci-dessus, dans la mesure où ces titres de presse payante récupèreraient une partie des annonceurs qui changeraient de support. Au contraire, la présence simultanée sur les marchés d’espaces publicitaires et de petites annonces dans la presse gratuite, la presse payante et internet pourrait permettre au nouvel ensemble d’offrir des tarifs promotionnels pour la publication sur plusieurs supports. De telles offres couplées ont été relevées sur les marchés des petites annonces.
    48.  France Antilles affirme qu’il s’agit de cas isolés et marginaux et qu’il n’existe pas d’offres couplées pour la publicité commerciale. Selon elle, ces offres n’ont aucun intérêt pour les annonceurs, compte tenu des caractéristiques propres à la presse gratuite, d’une part, et à la PQR, d’autre part. Elle fait valoir que, de façon principale, les annonceurs ne sont pas communs aux deux supports et que, pour ceux qui utilisent les deux, les campagnes de publicité diffèrent selon le support.
    49.  Cependant, les insertions publicitaires étant négociées au cas par cas, il n’a pas été possible de vérifier l’inexistence d’offres couplées entre la presse gratuite et la PQR. Le fait que les annonces publiées peuvent être différentes sur les deux supports n’exclut pas que les conditions tarifaires dont bénéficient les annonceurs sur l’un des supports soient liées à leur utilisation de l’autre. Or, la position du nouvel ensemble sur les marchés locaux de la presse gratuite et de la presse quotidienne régionale précisés ci-dessus pourrait conférer à ces offres, si elles se généralisaient, un effet d’éviction vis-à-vis des petits éditeurs indépendants d’un groupe de presse régionale. Il conviendrait donc de prendre acte des déclarations faites en séance par France Antilles concernant son intention de ne pas mettre en place un tel mode de commercialisation.

C.  -  Les effets sur la distribution de la presse gratuite

    50.  Les journaux gratuits peuvent être distribués dans les boîtes aux lettres ou dans des présentoirs, en dépôt. La distribution des journaux gratuits est un élément déterminant du développement de la presse gratuite, la qualité de la distribution garantissant l’audience, et donc le chiffre d’affaires en publicité commerciale comme en petites annonces.
    51.  Les principaux groupes spécialisés dans la presse gratuite, SPIR, COMAREG et S3G, ont intégré la fonction de distribution en créant des filiales spécialisées. Le groupe SPIR dispose de la société Adrexo, le groupe COMAREG de la société Delta Diffusion et le groupe S3G de la société Distri G. D’autres éditeurs de journaux gratuits, comme la société Lithographic ou, plus récemment, le groupe France Antilles, font distribuer leurs journaux d’annonces gratuits par le groupe La Poste.
    52.  Les sociétés de distribution ont diversifié leur activité en distribuant, en sus des journaux gratuits, d’autres imprimés sans adresse. Au stade de la distribution dans les boîtes aux lettres, « une poignée » contient généralement un titre de presse gratuite et divers prospectus. Les termes « imprimés sans adresse (ISA) » ou « publicité non adressés (PNA) » sont équivalents, ils regroupent les journaux d’annonces gratuits et les autres imprimés ou prospectus. Il est extrêmement difficile pour un distributeur d’ISA d’être présent au niveau national sans bénéficier, soit d’un réseau existant (La Poste), soit du volume procuré par la distribution de journaux gratuits. Le représentant du groupe La Poste a expliqué en séance que la distribution des journaux gratuits procurait aux distributeurs d’ISA un chiffre d’affaires récurrent qui leur permet d’amortir les frais fixes.
    53.  Sur le marché national des ISA, les principaux opérateurs étaient, jusqu’en 2001, La Poste (30-40 %), Delta Diffusion (20-30 %) et Adrexo (20-30 %), le reste du marché national se partageant entre une dizaine d’opérateurs locaux.
    54.  Le ministre de l’économie et des finances a autorisé par lettre du 14 août 2001, le rapprochement des activités de distribution d’imprimés sans adresse (ISA) de COMAREG et du groupe La Poste. Les activités de distribution d’ISA de Delta Diffusion doivent être dans un premier temps apportées à Médiapost. Dans un second temps, La Poste doit apporter à Médiapost le volume d’affaires de son activité ISA. A l’issue de l’opération, COMAREG détiendra une participation minoritaire d’au minimum 22 % du capital de la nouvelle entité (Newco), le solde étant détenu par Sofipost.
    55.  Au niveau horizontal, l’opération déjà autorisée emporte la réduction de trois à deux du nombre des distributeurs d’ISA sur le marché national, Newco et Adrexo restant les deux seuls distributeurs de journaux gratuits en zone urbaine. Parallèlement, l’opération doit s’accompagner d’une clarification du rôle de La Poste, cette dernière arrêtant toute distribution d’ISA en zone urbaine et s’engageant à ouvrir son réseau de distribution en zone rurale à tout opérateur d’ISA.
    56.  Selon le représentant du groupe La Poste, la nouvelle entité Newco devrait réaliser un chiffre d’affaires de l’ordre de [...] millions d’euros, dont [...] millions d’euros pour la presse d’annonces gratuite et [...] millions pour la distribution des autres imprimés. La distribution des journaux de COMAREG et de France Antilles représenterait près de [...] millions d’euros chaque année.
    57.  Un contrat d’exclusivité, d’une durée de [...] ans, au profit de la nouvelle entité pour la distribution des journaux d’annonces gratuits de COMAREG constitue un élément essentiel du rapprochement entre Médiapost et Delta Diffusion. Aux termes de ce contrat, COMAREG s’engage à faire distribuer par la nouvelle entité Newco ses journaux d’annonces gratuits, une clause de minima fixant une quantité minimale de journaux gratuits à distribuer au cours des [...] premières années. En outre, ce contrat précise que Newco s’engage [...].
    58.  France Antilles a signé avec le groupe La Poste une convention pluriannuelle aux termes de laquelle La Poste, puis Newco, bénéficieront d’un contrat d’exclusivité d’une durée minimale de [...] ans pour les titres Paru Vendu, Les Nouvelles de l’immobilier et Atout Magazine, avec l’engagement de faire distribuer par La Poste et par Newco au moins [...] millions de journaux gratuits par an. A la suite de l’acquisition de la société COMAREG par France Antilles, France Antilles devait, de plus, détenir une participation minoritaire proche de 20 % et un siège sur les huit au conseil d’administration de Newco.
    59.  La substitution de la nouvelle entité France Antilles-Comareg à COMAREG dans le rapprochement prévu avec La Poste est de nature à rendre l’accès aux marchés de la presse gratuite plus difficile pour les petits éditeurs qui n’ont pas développé leur propre réseau de distribution, en ce qu’elle renforce les liens verticaux entre le principal éditeur de gratuits et La Poste. En effet, on ne peut exclure que, compte tenu des liens existants entre Newco et France Antilles/Comareg, cette dernière obtienne des tarifs et des conditions de distribution privilégiés. En séance, le représentant de La Poste a précisé que les écarts de prix, pour la distribution des journaux gratuits, pouvaient s’élever à 20 %. A cet égard, les responsables de la société SEJG estiment qu’aux termes de la convention pluriannuelle France Antilles-La Poste, ils bénéficient d’une réduction de l’ordre de [...] % des tarifs habituellement pratiqués par La Poste. Les conditions non tarifaires, telles que les délais entre la livraison des exemplaires par l’éditeur et leur distribution ou la possibilité d’être distribué en exclusivité « dans la poignée », constituent d’autres avantages déterminants pour les éditeurs.
    60.  Cependant, en séance, le représentant du groupe La Poste a indiqué qu’une stratégie de développement de son activité serait assignée à la nouvelle société et que ceci impliquait qu’elle adopte un comportement de stricte neutralité à l’égard des éditeurs d’ISA et de gratuits, c’est-à-dire qu’elle leur consente les mêmes conditions dès lors que leurs demandes seraient équivalentes.
    61.  France Antilles a, pour sa part, déclaré ne pas être intéressé par la clause d’exclusivité négociée par COMAREG dans ses accords avec La Poste. Elle estime que cette clause est peu efficace dans la mesure où un autre journal gratuit peut, dans la même journée, être placé dans les boîtes aux lettres par un autre distributeur. Elle fait remarquer que le contrat de distribution qui la lie à La Poste, pour la distribution de Paru Vendu, ne comporte pas de clause d’exclusivité « à la poignée ». Dans ces conditions, France Antilles pourrait, dans le cadre de l’acquisition de COMAREG, renoncer à la clause d’exclusivité négociée par cette dernière.

D.  -  Les possibilités d’entrée sur les marchés concernés

    62.  La capacité du nouvel ensemble à fixer ses prix à un niveau de monopole sur les zones où seuls sont en présence les titres COMAREG et France Antilles, ou à évincer les titres concurrents sur les zones où l’opération lui confère une forte position, dépendra essentiellement de la facilité avec laquelle des éditeurs de presse gratuite, non présents actuellement sur les marchés locaux concernés, ou de nouveaux entrants, pourraient créer des titres sur ces zones, de façon durable et rentable.
    63.  Le secteur de la presse gratuite est peu capitalistique et il n’existe aucune spécificité réglementaire ou technologique qui rendrait l’accès au marché difficile à de nouveaux entrants. Aucun attachement particulier à un titre n’a été identifié, ni de la part des lecteurs, ni de la parts des clients (30 % des annonceurs publicitaires sont de nouveaux clients chaque année). La plupart des coûts sont des coûts variables, l’impression et la distribution pouvant être externalisés. Selon les éditeurs, le coût de lancement d’un nouveau titre est estimé entre 100 000 Euro et 300 000 Euro pour 100 000 exemplaires. Certes, il existe des économies d’échelle, notamment liées à l’organisation de la distribution, mais elles ne remettent pas en cause l’estimation de la relative facilité du lancement d’un titre.
    64.  Par ailleurs, les marchés locaux peuvent être saturés au-delà d’un certain nombre de titres. France Antilles estime à 2,4 titres en moyenne la capacité d’absorption du lectorat. Elle précise qu’il est néanmoins possible de voir exister de façon pérenne au moins trois journaux gratuits sur une même zone et a cité 7 agglomérations sur lesquelles sont diffusées plus de 3 éditions : Aurillac, Albi, Roanne, Valence, Villefranche-sur-Saône, Thiers et Figeac. Le responsable de Médiaposte, entendu en séance, a également estimé à trois titres la capacité d’absorption d’un marché local. Cette limite peut constituer un frein à l’implantation d’un nouveau titre sur certaines zones, mais elle n’est pas atteinte pour l’ensemble des zones.
    65.  On constate néanmoins sur les années récentes une stabilité du nombre de titres édités et une tendance à la concentration de l’offre. Les éditeurs indépendants d’un groupe de presse disparaissent progressivement du marché, leurs titres étant, soit rachetés par l’un des leaders de la profession, soit supprimés.    

  85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 2000
Total 385 405 379 371 372 377 373 380 387 388 387 386 387 387 390 392

    66.  Le développement rapide des titres Paris-Vendu depuis l’année 2000 constitue le seul mouvement d’ampleur sur les marchés concernés, avec 5 éditions créées en 2000, 17 en 2001 et 26 en 2002. Cependant, France Antilles n’a pu confirmer, en séance, que les titres ainsi créés avaient des perspectives de rentabilité dans des délais raisonnables. Seule l’édition de Limoges était citée, dans ses observations faisant suite au rapport, comme devant être rentable dans le courant de l’année 2003, soit moins de deux ans après son lancement. Par ailleurs, les exemples de création récente de titres sont peu nombreux. Le groupe « La dépêche du Midi » a créé cinq nouveaux titres au cours des trois dernières années (Publi Muret, Publi Laurageais, Publi Couserans, Publi Basse Ariège, Publi Tarn-Ouest). La société Lithographic a lancé deux nouvelles éditions locales de HIC en 2001 et 2002. Elle se plaint cependant de pratiques de démarchage systématique de sa clientèle dont le but serait de l’amener à céder son activité.
    67.  La perspective de voir entrer de nouveaux concurrents dans le court terme ne paraît donc pas suffisante pour limiter le pouvoir de marché du nouvel ensemble dans les zones où il serait en situation de monopole ou de dominance forte.

E.  -  Les risques de collusion tacite

    68.  Le commissaire du Gouvernement soutient que, sur les marchés locaux sur lesquels France Antilles-Comareg se trouverait face, soit à un titre de SPIR, soit à un titre de S3G, soit les deux, les conditions de marché seront peu propices à l’exercice d’une concurrence effective entre les éditeurs. Il souligne que la presse d’annonces gratuite est un produit homogène, que le marché a atteint sa maturité, qu’il y a peu d’innovation majeure, que les barrières à l’entrée sont élevées dans ce secteur, que les prix sur ce marché sont connus de tous et que le degré de transparence favorise la réalisation d’un monitoring « artisanal » suffisant pour qu’une éventuelle déviation soit détectée.
    69.  Cependant, sur les marchés locaux de la presse gratuite, les éléments relatifs à la transparence du marché, à la volatilité de la demande et à la stabilité des parts de marché, rendent peu probable qu’un équilibre de prix non coopératif puisse être atteint et maintenu.
    70.  En effet, le marché de la publicité est caractérisé par une disparité entre les tarifs affichés et les tarifs véritablement pratiqués, ceux-ci étant négociés au cas par cas. La connaissance du comportement des autres éditeurs suppose donc de démarcher chacun des clients, ce qui peut, au surplus, s’avérer inutile car la demande n’est pas récurrente. Par ailleurs, les annonceurs risquent de ne pas dévoiler le véritable prix mais, au contraire, de le sous-évaluer. L’information reçue ne sera donc ni complète ni fiable, et sera obtenue à un coût élevé.
    71.  De plus, le comportement des demandeurs n’est pas lisible. La demande est volatile, puisque environ 30 % des clients sont renouvelés chaque année. Par ailleurs, cette demande est constituée d’un nombre important d’annonceurs locaux cherchant à réaliser une démarche ponctuelle ; elle est éparpillée et non récurrente et il est donc difficile de connaître les raisons des modifications de son comportement ou de l’anticiper. De plus, elle est sensible à l’évolution des prix.
    72.  Enfin, la pénétration rapide de Paru Vendu (une centaine de titres en trois ans) montre que les parts de marché ne sont pas stables et témoigne, en revanche, d’un contexte concurrentiel récent plutôt agressif.

F.  -  Contribution au progrès économique

    73.  Selon France Antilles, la concentration a pour objectif une rationalisation des coûts à travers la réalisation d’économies d’échelle. Alors que France Antilles fait imprimer ses journaux gratuits par des sous-traitants, COMAREG imprime les siens dans ses quatre usines de Reims, Lille, Rennes et Avignon. Les centres d’impression de COMAREG disposant de capacités d’impression disponibles, la concentration permettra de rationaliser l’utilisation de ces imprimeries en faisant éditer la totalité de ses titres en interne. Les parties ont évalué les économies résultant de la rationalisation des capacités d’impression du groupe à 2 millions d’euros. L’opération engendrerait également des réductions de coûts pour ce qui concerne l’achat de papier, compte tenu du caractère dégressif des tarifs des producteurs de papier, les dépenses informatiques et administratives ainsi que la distribution des journaux gratuits. Au total, France Antilles a évalué les gains de productivité directement liées à l’opération : « Les gains de productivité attendus à l’issue d’une période de trois-quatre ans portent sur un peu plus de [...] % des charges actuelles cumulées de France Antilles et de COMAREG, pour la seule activité de presse gratuite. »
    74.  Ces affirmations sont cependant contredites par d’autres selon lesquelles la nouvelle entité aura des coûts de fonctionnement plus élevés et donc un seuil de rentabilité plus élevé (page 19 des observations de France Antilles). En tout état de cause, s’il n’est pas contestable que des gains d’efficacité existent dans ce secteur à partir d’une certaine taille, notamment en ce qui concerne l’accès à une distribution de qualité, les deux parties à l’opération avaient déjà atteint, avant celle-ci, une taille au-delà de laquelle les gains d’efficacité devraient être marginaux.
    Sur la base des constatations qui précèdent, le Conseil de la concurrence est d’avis :
    Que le projet de concentration soumis à l’examen du Conseil de la concurrence n’est pas de nature à apporter au progrès économique une contribution suffisante pour compenser les risques d’atteinte à la concurrence qu’il comporte du fait de l’acquisition par la nouvelle entité d’une position dominante sur les marchés locaux suivants :
-  les dix marchés locaux sur lesquels le nouveau groupe se trouve en situation monopolistique : Troyes, Grenoble, Voiron, Epernay, Châlons-en-Champagne, Chaumont, Saint-Dizier, Montceau-les-Mines, Sens et Auxerre ;
-  les trois marchés sur lesquels deux conditions cumulatives sont réunies : la présence du nouveau groupe à plus de 70 % dans la presse gratuite ainsi que l’appartenance de la presse quotidienne régionale au groupe Hersant : à savoir Bourg-en-Bresse, Dijon et Lons-le-Saunier ;
    Que, sur ces marchés, des mesures structurelles, mais également comportementales, peuvent être suggérées afin de rétablir un degré suffisant de concurrence : aux nécessaires cessions de titres pourraient en effet s’ajouter la confirmation formelle par France Antilles, de l’engagement pris par elle en séance de ne pas proposer d’offres liant les conditions tarifaires qu’elle propose sur les marchés de la presse gratuite, d’une part, et sur les marchés de la PQR, d’autre part ;
    Enfin, cet avis est donné en prenant acte des déclarations faites en séance par France Antilles concernant l’absence d’intérêt d’une clause d’exclusivité « à la poignée », du type de celle négociée par COMAREG avec La Poste, et son intention de renoncer à l’avenir à en bénéficier. Est également pris en considération l’engagement pris en séance par le représentant du groupe La Poste de développer une politique commerciale respectant une stricte neutralité à l’égard de tous les éditeurs, notamment en refusant de négocier de nouvelles clauses d’exclusivité.
    Délibéré, sur le rapport de Mmes Toulemont et Sevajols par Mme Hagelsteen, présidente, M. Jenny, vice-président, Mmes Aubert, Perrot, MM. Charrière-Bournazel, Lasserre, membres.

La rapporteure générale adjointe,
Nadine  Mouy
La présidente,
Marie-Dominique  Hagelsteen

    Nota.  -  A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale.
    Ces informations relèvent du « secret des affaires », en application de l’article 8 du décret no 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d’application du livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.    

NOTE (S) :

(1) Avis du Conseil de la concurrence no 03-A-03 du 20 mars 2003 relatif à l’acquisition de la société COMAREG par la société France Antilles.

(2) Affaire M.1221- Rewe/Meinl et M.1684- Carrefour/Promodès.

(3) Arrêté du ministre du 5 juillet 2000 dans l’affaire Carrefour/Promodès, BOCCRF du 18 octobre 2000 ; décision Mr. Bricolage / Tabur du 29 août 2002, BOCCRF du 31 décembre 2002.

(4) Ce principe est rappelé dans le projet de lignes directrices relatives à l’analyse des concentrations et aux procédures de contrôle : Annexe II. - Questions relatives aux contrats de franchise.

(5) Arrêté du ministre du 5 juillet 2000.

(6) France Antilles : Directoire : Philippe Hersant (président) ; Conseil de surveillance : Michèle Hersant (président), Martine Bonéat, Christine Hersant, Michel Hersant, Véronique Hersant, Nathalie Guthmann et Valérie Guyard.
3    SOCPRESSE : Directoire : Yves de Chaisemartin (président), Michel Sénamaud, Christian Grimaldi, Cyrille Duval et Denis Huertas ; Conseil de surveillance : Philippe Hersant (président), Isabelle Hersant, Laurent Guthmann, Michèle Hersant, Joëlle Huertas, Serge Dassault, Olivier Dassault, Jean-Pierre Bechter et Michel Hersant.

(7) De même, concernant l’acquisition du groupe Express-Expansion par SOCPRESSE, opération autorisée par lettre du ministre en date du 31 décembre 2003, la question de la prise en compte de France Antilles dans le périmètre de l’analyse concurrentielle n’a pas été tranchée car, quel que soit le périmètre retenu, les conclusions de l’analyse auraient été identiques.

(8) L’acquisition du groupe Express-Expansion par SOCPRESSE a été autorisée par lettre du ministre en date du 31 décembre 2003 (en instance de publication au BOCCRF).

(9) Concernant la marque Bonjour, il est important de souligner que celle-ci fait l’objet d’un contentieux entre Air France et COMAREG. Par jugement en date du 21 décembre 2001, le tribunal de grande instance de Paris a prononcé l’annulation des marques françaises et de la partie française des marques internationales Bonjour ainsi que la déchéance des droits de la société COMAREG sur certaines marques Bonjour et a interdit à la société COMAREG d’utiliser sur son site Internet la dénomination Bonjour pour présenter, promouvoir et/ou proposer toute activité liée à la location de véhicules, aux voyages, aux agences de tourisme, à la réservation d’hôtel et à la restauration. COMAREG ayant interjeté appel de ce jugement, l’affaire est toujours pendante devant la cour d’appel de Paris.

(10) Cf. également l’avis du 29 mai 1986 de la Commission de la concurrence relatif à la situation de la concurrence dans le secteur de la presse gratuite en région Provence - Alpes - Côte d’Azur, BOCCRF no 15 du 8 août 1986, p. 223, et la décision du Conseil de la concurrence du 24 janvier 1989 relative à des pratiques mises en œuvre par le journal Nice-Matin, BOCCRF no 2 du 9 février 1989, p. 25.

(11) Ces estimations sont confirmées par le Conseil de la concurrence dans son avis (point 63).

(12) Le Conseil de la concurrence relève dans son avis que « la distribution est un élément déterminant du développement de la presse gratuite, la qualité de la distribution garantissant l’audience et donc le chiffre d’affaires en publicité commerciale comme en petites annonces ».

(13) Cette opération a été autorisée par le ministre le 14 août 2001, sous réserve de l’exécution d’engagements souscrits par La Poste.

(14) Il s’agit de la transparence du marché (qui permet à chaque membre de l’oligopole de connaître la stratégie des autres et de s’assurer qu’aucun membre ne dévie de l’équilibre), de l’absence de possibilité de contestation de la stratégie de l’oligopole par les concurrents résiduels ou potentiels ainsi que par les clients et enfin de la menace de représailles efficaces (afin de dissuader les autres membres de s’écarter durablement de l’équilibre collusif).

(15) Arrêt du TPI du 06/06/2002 T-342/99- Airtours/Commission.

(16) Il s’agit de l’entité contrôlée par La Poste résultant du rapprochement entre Delta Diffusion (COMAREG) et Mediapost.

(17) Les rapporteures du conseil écrivent en page 19 de leur rapport : « Plus la part de marché est élevée, plus les prix moyens pratiqués sont élevés. » Ceci est vérifié par la comparaison des parts de marché et des prix à la page de la publicité pour les journaux de COMAREG. Notamment dans des zones de même tirage, le prix de la page varie directement en fonction de la structure concurrentielle ; par exemple, à Valence et à Reims, le journal Bonjour a le même tirage (130 000 exemplaires), mais dans le premier cas dispose de plus de 40 % des parts de marché face à un concurrent (SPIR), alors que dans le second cas il ne dispose que de 30 % des parts de marché face à deux concurrents (SPIR et France Antilles). Or, le prix moyen d’une page (pour 1 000 ex.) est nettement plus élevé à Valence ([...]) qu’à Reims ([...]).

© Copyright Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Emploi - DGCCRF - 09/12/2003