Lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie en date du 3 janvier 2003 au conseil de la société BPB, relative à une concentration dans le secteur de la fabrication et de la commercialisation de matériaux de construction

NOR :  ECOC0300367Y

          Maître,
    Par dossier déclaré complet le 29 novembre 2002, le projet de prise de contrôle de la société Gyproc Benelux SA/NV (ci-après « Gyproc ») par la société BPB Plc (ci-après « BPB ») a été notifié.

I.  -  Les parties et l’opération

    Gyproc est une société de droit belge dont l’activité consiste à fabriquer et commercialiser des systèmes de plaques de plâtre (cloisons, revêtements muraux, systèmes de plafonds) et des produits du plâtre, etc. Gyproc dispose de quatre sites de production dont deux sont établis en Belgique et deux en Allemagne, ainsi que d’une usine encore en projet en Pologne. Le chiffre d’affaires mondial de Gyproc s’est élevé lors du dernier exercice clos à 122 millions d’euros, dont [>15] millions ont été réalisés en France.
    La constitution de Gyproc est issue d’un partenariat établi en 1957 entre les groupes Etex et BPB, avec pour but le développement d’une activité de matériaux de construction.
    Le groupe Etex, contrôlé par la société mère Etex SA/NV, détient actuellement 52,94 % du capital de Gyproc. Il est présent dans le secteur de la fabrication de divers matériaux de construction dont des matériaux en matière plastique, des matériaux de couverture, des matériaux pour sols et des plaques en fibrociment, des plaques pare-feu ou des plaques de plâtre (par l’intermédiaire de Gyproc).
    Le groupe BPB, par l’intermédiaire de sa filiale néerlandaise BPB Gypsum BV, détient 46,10 % du capital de Gyproc. Le groupe BPB est présent principalement dans la fabrication et la commercialisation de systèmes de plaques de plâtre et plaques de construction. BPB fabrique également du carton ainsi que des matériaux d’isolation et des produits de décoration. Son chiffre d’affaires consolidé lors du dernier exercice clos s’est élevé à 2,6 milliards d’euros sur le plan mondial dont [>15] millions ont été réalisés en France.
    Bien que BPB soit actionnaire minoritaire de Gyproc, il nomme [...] des [...] membres du conseil d’administration de cette dernière (cf. note 1) , détient la marque Gyproc (une licence d’utilisation ayant été accordée pour [...]) et apporte à Gyproc un soutien technique.
    Conformément à la communication de la Commission relative à la notion de concentration au sens du règlement 4064/89, « il y a contrôle en commun lorsque les actionnaires (les entreprises fondatrices) doivent s’entendre sur les grandes décisions concernant l’entreprise contrôlée (l’entreprise commune). Il y a contrôle en commun lorsque deux ou plusieurs entreprises ou personnes ont la possibilité d’exercer une influence déterminante sur une autre entreprise » (cf. note 2) .
    La communication de la Commission précise que « par influence déterminante, on entend habituellement le pouvoir de bloquer les décisions qui déterminent la stratégie commerciale d’une entreprise ». Or, même si BPB constitue un actionnaire important de Gyproc, aucun des éléments avancés ne permet de conclure que BPB dispose des moyens de s’opposer aux décisions prises par Etex.
    Cependant, au cas présent, il n’est pas nécessaire de trancher la question d’un éventuel contrôle conjoint de BPB sur Gyproc dans la mesure où, en tout état de cause, les conclusions de l’analyse demeureront inchangées.
    L’opération notifiée consiste en la cession par le groupe Etex des 52,96 % du capital de Gyproc à la société Commatone Ldt, filiale du groupe BPB. A l’issue de l’opération, BPB détiendra ainsi 99 % du capital de Gyproc. Compte tenu des éléments ci-dessus exposés, l’opération consiste en l’acquisition par BPB du contrôle exclusif de Gyproc et constitue à ce titre une opération de concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.
    BPB envisage de revendre immédiatement à Lafarge les activités de Gyproc en Autriche, en Allemagne et en Pologne. L’accord de vente concernant cette seconde opération a été signé simultanément à l’accord d’achat d’actions entre BPB et Etex. Il concerne exclusivement les activités en Europe centrale de Gyproc et ne porte en aucun cas sur l’activité de Gyproc en Belgique, en France et aux Pays-Bas.
    Compte tenu des chiffres d’affaires de Gyproc et du groupe BPB, l’opération notifiée n’est pas de dimension communautaire mais relève du contrôle national des concentrations et est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du même code.
    Cette opération fait également l’objet de procédures au titre du contrôle des concentrations auprès des autorités de concurrence en Belgique, en Allemagne, en Autriche et en Pologne.

II.  -  Les marchés concernés
    (i)  Les marchés de produits concernés

    Les parties sont toutes deux principalement actives dans la fabrication de plaques de plâtre et de systèmes de construction de cloisons et plafonds. Selon elles, l’opération concerne le « secteur des matériaux de construction pour murs et plus particulièrement le marché des systèmes de construction secs pour murs non porteurs ». Elles considèrent en effet que les différents systèmes de construction secs pour murs non porteurs, qu’ils soient à base de plaques de plâtre, de carreaux de plâtre, de plaques en fibrociment, de silicate de calcium, de béton alvéolaire ou de panneaux de contreplaqué, sont substituables entre eux. Les systèmes de construction secs pour murs non porteurs ont, selon les parties, pour caractéristique commune de permettre de réaliser rapidement des cloisons intérieures, dures, planes et isolantes. Leur pose ne nécessite pas de couler le matériau et d’attendre qu’il sèche, comme dans le cas du béton. Chaque système comprend un ensemble d’éléments permettant la construction rapide d’une cloison, à savoir une ossature métallique (rails, montants) sur laquelle sont vissés les éléments de la cloison. Ces systèmes peuvent également servir à la mise en place de plafonds.
    Dans sa pratique décisionnelle (cf. note 3) , la Commission considère qu’en matière de murs, il convient de distinguer les murs porteurs des murs non porteurs. En effet, les matériaux de construction pour murs porteurs doivent satisfaire à certaines spécifications en termes de résistance à la pression, de force portante et de rigidité. En revanche, d’autres spécifications, parfois même contraires, sont requises pour les matériaux de construction de murs non porteurs. La Commission relève toutefois que si plusieurs matériaux peuvent être employés pour édifier des murs non porteurs, le choix du matériau dépend d’une manière non négligeable des habitudes et des traditions nationales de construction. L’interchangeabilité entre les différents matériaux peut donc varier très fortement d’un État membre à l’autre (cf. note 4) .
    La question d’une délimitation plus fine du marché en fonction du matériau utilisé peut donc être posée dès lors que le plâtre demeure l’un des matériaux les plus répandus pour la construction de murs non porteurs en France et que les parties à l’opération sont principalement présentes dans la fabrication de systèmes de cloisons en plâtre. Toutefois, la question peut être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la définition retenue, les conclusions de l’analyse demeureront inchangées.

(ii)  La dimension géographique du marché concerné

    Dans la décision Haniel/Fels précitée, qui concernait deux fabricants allemands de murs non porteurs, les activités des parties à l’opération se chevauchaient en Allemagne, en Belgique et dans certains cas en France. La Commission a considéré que les marchés des murs porteurs et non porteurs étaient de dimension nationale et a centré son analyse sur le marché néerlandais (cf. note 5) . Cette conclusion se fonde sur le fait que les principaux producteurs néerlandais ont la possibilité de livrer leurs produits sur l’ensemble du territoire néerlandais et que les importations demeurent marginales en raison de différences sensibles en matière de normes de construction et de prix des produits.
    Pour ce qui est de la France, les éléments fournis par les parties montrent que les principaux opérateurs sont effectivement présents sur tout le territoire. En outre, la faiblesse des importations de systèmes de construction de murs en général (moins de 10 % du montant de ventes en France) tend à démontrer la porosité très limitée des frontières françaises. Cet élément est confirmé par le faible montant que représentent les ventes de Gyproc en France par rapport, d’une part, au montant total du marché (moins de [0-10] %) et, d’autre part, au montant de son propre chiffre d’affaires (environ [10-20] %). La dimension du marché serait donc au plus nationale.
    Les tests de marché ont par ailleurs démontré qu’au-delà d’une distance de 500 km à partir du site de production les coûts de transport rendaient toute opération commerciale non rentable. De fait, les principaux concurrents disposent de plusieurs sites de production répartis sur l’ensemble du territoire, ce qui leur permet d’approvisionner leur clientèle dans un rayon maximum de 500 km autour de chacun de leurs sites. D’ailleurs, les ventes de Gyproc en France se situent essentiellement dans le croissant nord-est de la France, comprenant la région parisienne, et se sont effectuées exclusivement à partir des usines Gyproc situées en Belgique. Il est dès lors possible d’envisager une dimension locale du marché concerné qui se limiterait au croissant nord-est de la France.
    Toutefois, la question de la délimitation géographique du marché pertinent peut être laissée ouverte au cas d’espèce dans la mesure où, quelle que soit la dimension retenue, les conclusions de l’analyse demeureront inchangées.

III.  -  L’analyse concurrentielle

    A titre liminaire, si l’on devait considérer que BPB détient déjà le contrôle conjoint de Gyproc, l’opération n’aurait qu’un faible impact sur le plan concurrentiel dans la mesure où la part de marché du nouvel ensemble ne serait pas fondamentalement différente de celle prévalant à l’opération. En revanche, si l’on considère que l’opération emporte le transfert du contrôle exclusif d’Etex à BPB, elle implique l’addition des parts de marchés de BPB et de Gyproc.
    En l’absence de statistiques officielles, les parties estiment que, sur le plan national, le volume total des ventes de matériaux pour les systèmes de construction secs pour murs non porteurs représentait, en 2001, [340-360] millions de mètres carrés. La part des ventes de BPB atteindrait dès lors environ [30-40] % de ce montant, tandis que celle de Gyproc n’en représenterait que [0-10] %. Selon les parties, les deux principaux concurrents sur ce marché, Lafarge et Knauf, atteindraient quant à eux respectivement [20-30] % et [10-20] % du volume des ventes, le solde ([20-30] %) étant réalisé par de nombreux autres opérateurs.
    Si l’on ne considère que les systèmes de construction secs pour murs non porteurs à base de plâtre, les résultats des tests de marché ont montré que les ventes de cloisons à base de plâtre représenteraient entre 60  % et 80  % du volume total des ventes. Bien que les estimations diffèrent sensiblement entre les différentes réponses, il apparaît toutefois que BPB, Lafarge et Knauf réalisent l’essentiel des ventes, les autres concurrents étant beaucoup moins nombreux. La part de marché de Gyproc ne dépasserait pas, en tout état de cause, un maximum de [0-10] % des ventes de systèmes de construction de murs non porteurs à base de plâtre en France.
    Si l’on considère le croissant nord-est de la France, il est encore plus difficile d’apprécier le montant total des ventes pour systèmes de construction secs pour murs non porteurs en général ou à base de plâtre. Selon les estimations des parties, le montant des ventes de systèmes de construction secs pour murs non porteurs en général atteindrait environ [160-180] millions de mètres carrés dans la région nord-est de la France et les parts de marché des différents opérateurs ne seraient pas sensiblement différentes par rapport à la situation sur le plan national. Si l’on considère que Gyproc réalise l’ensemble de ses ventes en France dans la région nord-est du pays, sa part représenterait au maximum [0-10] % des ventes de systèmes de construction secs pour murs non porteurs. Selon le même mode de calcul et sur la base de chiffres issus des tests de marché, on peut estimer que la part de Gyproc atteindrait, au maximum, [0-10] % des ventes de systèmes de construction secs à base de plâtre sur le croissant nord-est de la France.
    Il convient toutefois de noter que Lafarge et Knauf sont présents dans la région nord-est de la France tout autant que BPB. Lafarge et Knauf disposent en effet chacun de plusieurs sites de production implantés notamment en région parisienne et dans l’est de la France. En outre, Knauf dispose de deux sites de production implantés à proximité de la frontière française en Belgique et en Allemagne. Dès lors, quand bien même l’opération entraînerait-elle un renforcement de la part de marché de BPB sur cette partie du territoire, force est de constater que le nouvel ensemble continuerait à faire face à la pression concurrentielle de ses deux principaux concurrents que constituent Lafarge et Knauf.
    Par ailleurs, l’opération entraînant un certain renforcement de la structure oligopolistique de l’offre sur le marché français de la fabrication et la vente de systèmes de construction secs pour murs non porteurs à base de plâtre, il convient de vérifier si elle n’est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence, en créant ou renforçant un risque collusif au sein de l’oligopole constitué par BPB, Knauf et Lafarge. En effet, ce marché se caractérise par une offre fortement concentrée, des produits relativement homogènes et des barrières à l’entrée résidant dans les investissements financiers importants à consentir pour y pénétrer. De plus, ce marché se prête à la coordination des comportements des entreprises, les sociétés Lafarge, BPB, Knauf et Gyproc ayant été condamnées le 27 novembre dernier par la Commission pour une entente sur le marché des plaques en plâtre. Enfin, BPB, Knauf et Lafarge sont simultanément présentes sur plusieurs marchés européens de systèmes de construction secs pour murs non porteurs à base de plâtre (Royaume-Uni, France, Allemagne, Pologne, Espagne). Or, dans l’hypothèse d’un équilibre collusif, ces contacts multi-marchés (multi-market contacts) ont pour effet d’augmenter les possibilités de rétorsion entre les membres de l’oligopole, en cas de déviation de l’un d’eux.
    Toutefois, en l’espèce, BPB était déjà présent dans le capital de Gyproc préalablement à l’opération, et compte tenu du faible renforcement de la structure oligopolistique de l’offre suite à la disparition de Gyproc, dont le comportement jusqu’à présent n’était pas de nature à perturber le fonctionnement de l’oligopole, il apparaît que l’opération n’est pas de nature à créer ou renforcer une position dominante collective de BPB, Knauf et Lafarge sur le marché des systèmes de construction secs pour murs non porteurs à base de plâtre en France ou dans le croissant nord-est de la France.
    En conclusion, l’opération notifiée n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les différents marchés concernés. Je vous informe donc que j’autorise cette opération.
    Je vous prie d’agréer, Maître, l’expression de mes sentiments les meilleurs.

Pour le ministre et par délégation :
Le directeur général de la concurrence,
de la consommation
et de la répression des fraudes,
Jérôme  Gallot

    Nota.  -  A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale.
    Ces informations relèvent du « secret des affaires », en application de l’article 8 du décret no 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d’application du livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.
    

NOTE (S) :

(1) Etex nomme également [...] des [...] membres du conseil d’administration de Gyproc. Le [...] membre est désigné par les [...] autres.

(2) Voir paragraphes 18 et suivants de la communication de la Commission concernant la notion de concentration au sens du règlement (CEE) no 4064/89 du Conseil relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises.

(3) Décision de la Commission M. 2495, Haniel/Fels, du 21 février 2002.

(4) Voir décision précitée, paragraphe 22.

(5) L’impact sur les marchés belge et français étant faible et l’analyse concernant le marché allemand renvoyée aux autorités allemandes de la concurrence.

© Copyright Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Emploi - DGCCRF - 09/12/2003