NOR : ECOC0300367Y
Maître,
Par dossier déclaré
complet le 29 novembre 2002, le projet de prise de contrôle
de la société Gyproc Benelux SA/NV (ci-après
« Gyproc ») par la société BPB Plc
(ci-après « BPB ») a été
notifié.
I. - Les parties
et lopération
Gyproc
est une société de droit belge dont lactivité
consiste à fabriquer et commercialiser des systèmes
de plaques de plâtre (cloisons, revêtements muraux,
systèmes de plafonds) et des produits du plâtre, etc.
Gyproc dispose de quatre sites de production dont deux sont
établis en Belgique et deux en Allemagne, ainsi que
dune usine encore en projet en Pologne. Le chiffre daffaires
mondial de Gyproc sest élevé lors du dernier
exercice clos à 122 millions deuros, dont
[>15] millions ont été réalisés
en France.
La constitution de Gyproc est issue
dun partenariat établi en 1957 entre les groupes
Etex et BPB, avec pour but le développement dune
activité de matériaux de construction.
Le groupe Etex, contrôlé
par la société mère Etex SA/NV,
détient actuellement 52,94 % du capital de Gyproc.
Il est présent dans le secteur de la fabrication de
divers matériaux de construction dont des matériaux
en matière plastique, des matériaux de couverture,
des matériaux pour sols et des plaques en fibrociment,
des plaques pare-feu ou des plaques de plâtre (par lintermédiaire
de Gyproc).
Le groupe BPB, par lintermédiaire
de sa filiale néerlandaise BPB Gypsum BV, détient
46,10 % du capital de Gyproc. Le groupe BPB est présent
principalement dans la fabrication et la commercialisation
de systèmes de plaques de plâtre et plaques de
construction. BPB fabrique également du carton ainsi
que des matériaux disolation et des produits
de décoration. Son chiffre daffaires consolidé
lors du dernier exercice clos sest élevé
à 2,6 milliards deuros sur le plan mondial
dont [>15] millions ont été réalisés
en France.
Bien que BPB soit actionnaire minoritaire
de Gyproc, il nomme [...] des [...] membres du conseil
dadministration de cette dernière (cf. note 1)
, détient la marque Gyproc (une licence dutilisation
ayant été accordée pour [...]) et
apporte à Gyproc un soutien technique.
Conformément à la communication
de la Commission relative à la notion de concentration
au sens du règlement 4064/89, « il y
a contrôle en commun lorsque les actionnaires (les entreprises
fondatrices) doivent sentendre sur les grandes décisions
concernant lentreprise contrôlée (lentreprise
commune). Il y a contrôle en commun lorsque deux ou
plusieurs entreprises ou personnes ont la possibilité
dexercer une influence déterminante sur une autre
entreprise » (cf. note 2) .
La communication de la Commission
précise que « par influence déterminante,
on entend habituellement le pouvoir de bloquer les décisions
qui déterminent la stratégie commerciale dune
entreprise ». Or, même si BPB constitue
un actionnaire important de Gyproc, aucun des éléments
avancés ne permet de conclure que BPB dispose des moyens
de sopposer aux décisions prises par Etex.
Cependant, au cas présent,
il nest pas nécessaire de trancher la question
dun éventuel contrôle conjoint de BPB sur
Gyproc dans la mesure où, en tout état de cause,
les conclusions de lanalyse demeureront inchangées.
Lopération notifiée
consiste en la cession par le groupe Etex des 52,96 %
du capital de Gyproc à la société Commatone
Ldt, filiale du groupe BPB. A lissue de lopération,
BPB détiendra ainsi 99 % du capital de Gyproc.
Compte tenu des éléments ci-dessus exposés,
lopération consiste en lacquisition par
BPB du contrôle exclusif de Gyproc et constitue à
ce titre une opération de concentration au sens de
larticle L. 430-1 du code de commerce.
BPB envisage de revendre immédiatement
à Lafarge les activités de Gyproc en Autriche,
en Allemagne et en Pologne. Laccord de vente concernant
cette seconde opération a été signé
simultanément à laccord dachat dactions
entre BPB et Etex. Il concerne exclusivement les activités
en Europe centrale de Gyproc et ne porte en aucun cas sur
lactivité de Gyproc en Belgique, en France et
aux Pays-Bas.
Compte tenu des chiffres daffaires
de Gyproc et du groupe BPB, lopération notifiée
nest pas de dimension communautaire mais relève
du contrôle national des concentrations et est soumise
aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du
même code.
Cette opération fait également
lobjet de procédures au titre du contrôle
des concentrations auprès des autorités de concurrence
en Belgique, en Allemagne, en Autriche et en Pologne.
II. - Les marchés
concernés
(i) Les marchés
de produits concernés
Les parties sont toutes
deux principalement actives dans la fabrication de plaques
de plâtre et de systèmes de construction de cloisons
et plafonds. Selon elles, lopération concerne
le « secteur des matériaux de construction
pour murs et plus particulièrement le marché
des systèmes de construction secs pour murs non porteurs ».
Elles considèrent en effet que les différents
systèmes de construction secs pour murs non porteurs,
quils soient à base de plaques de plâtre,
de carreaux de plâtre, de plaques en fibrociment, de
silicate de calcium, de béton alvéolaire ou
de panneaux de contreplaqué, sont substituables entre
eux. Les systèmes de construction secs pour murs non
porteurs ont, selon les parties, pour caractéristique
commune de permettre de réaliser rapidement des cloisons
intérieures, dures, planes et isolantes. Leur pose
ne nécessite pas de couler le matériau et dattendre
quil sèche, comme dans le cas du béton.
Chaque système comprend un ensemble déléments
permettant la construction rapide dune cloison, à
savoir une ossature métallique (rails, montants) sur
laquelle sont vissés les éléments de
la cloison. Ces systèmes peuvent également servir
à la mise en place de plafonds.
Dans sa pratique décisionnelle
(cf. note 3) , la Commission considère quen matière
de murs, il convient de distinguer les murs porteurs des murs
non porteurs. En effet, les matériaux de construction
pour murs porteurs doivent satisfaire à certaines spécifications
en termes de résistance à la pression, de force
portante et de rigidité. En revanche, dautres
spécifications, parfois même contraires, sont
requises pour les matériaux de construction de murs
non porteurs. La Commission relève toutefois que si
plusieurs matériaux peuvent être employés
pour édifier des murs non porteurs, le choix du matériau
dépend dune manière non négligeable
des habitudes et des traditions nationales de construction.
Linterchangeabilité entre les différents
matériaux peut donc varier très fortement dun
État membre à lautre (cf. note 4) .
La question dune délimitation
plus fine du marché en fonction du matériau
utilisé peut donc être posée dès
lors que le plâtre demeure lun des matériaux
les plus répandus pour la construction de murs non
porteurs en France et que les parties à lopération
sont principalement présentes dans la fabrication de
systèmes de cloisons en plâtre. Toutefois, la
question peut être laissée ouverte dans la mesure
où, quelle que soit la définition retenue, les
conclusions de lanalyse demeureront inchangées.
(ii) La dimension géographique
du marché concerné
Dans la décision
Haniel/Fels précitée, qui concernait deux fabricants
allemands de murs non porteurs, les activités des parties
à lopération se chevauchaient en Allemagne,
en Belgique et dans certains cas en France. La Commission
a considéré que les marchés des murs
porteurs et non porteurs étaient de dimension nationale
et a centré son analyse sur le marché néerlandais
(cf. note 5) . Cette conclusion se fonde sur le fait que les
principaux producteurs néerlandais ont la possibilité
de livrer leurs produits sur lensemble du territoire
néerlandais et que les importations demeurent marginales
en raison de différences sensibles en matière
de normes de construction et de prix des produits.
Pour ce qui est de la France, les
éléments fournis par les parties montrent que
les principaux opérateurs sont effectivement présents
sur tout le territoire. En outre, la faiblesse des importations
de systèmes de construction de murs en général
(moins de 10 % du montant de ventes en France) tend à
démontrer la porosité très limitée
des frontières françaises. Cet élément
est confirmé par le faible montant que représentent
les ventes de Gyproc en France par rapport, dune part,
au montant total du marché (moins de [0-10] %)
et, dautre part, au montant de son propre chiffre daffaires
(environ [10-20] %). La dimension du marché serait
donc au plus nationale.
Les tests de marché ont par
ailleurs démontré quau-delà dune
distance de 500 km à partir du site de production
les coûts de transport rendaient toute opération
commerciale non rentable. De fait, les principaux concurrents
disposent de plusieurs sites de production répartis
sur lensemble du territoire, ce qui leur permet dapprovisionner
leur clientèle dans un rayon maximum de 500 km
autour de chacun de leurs sites. Dailleurs, les ventes
de Gyproc en France se situent essentiellement dans le croissant
nord-est de la France, comprenant la région parisienne,
et se sont effectuées exclusivement à partir
des usines Gyproc situées en Belgique. Il est dès
lors possible denvisager une dimension locale du marché
concerné qui se limiterait au croissant nord-est de
la France.
Toutefois, la question de la délimitation
géographique du marché pertinent peut être
laissée ouverte au cas despèce dans la
mesure où, quelle que soit la dimension retenue, les
conclusions de lanalyse demeureront inchangées.
III. - Lanalyse
concurrentielle
A titre liminaire, si
lon devait considérer que BPB détient
déjà le contrôle conjoint de Gyproc, lopération
naurait quun faible impact sur le plan concurrentiel
dans la mesure où la part de marché du nouvel
ensemble ne serait pas fondamentalement différente
de celle prévalant à lopération.
En revanche, si lon considère que lopération
emporte le transfert du contrôle exclusif dEtex
à BPB, elle implique laddition des parts de marchés
de BPB et de Gyproc.
En labsence de statistiques
officielles, les parties estiment que, sur le plan national,
le volume total des ventes de matériaux pour les systèmes
de construction secs pour murs non porteurs représentait,
en 2001, [340-360] millions de mètres carrés.
La part des ventes de BPB atteindrait dès lors environ
[30-40] % de ce montant, tandis que celle de Gyproc nen
représenterait que [0-10] %. Selon les parties,
les deux principaux concurrents sur ce marché, Lafarge
et Knauf, atteindraient quant à eux respectivement
[20-30] % et [10-20] % du volume des ventes, le
solde ([20-30] %) étant réalisé
par de nombreux autres opérateurs.
Si lon ne considère que
les systèmes de construction secs pour murs non porteurs
à base de plâtre, les résultats des tests
de marché ont montré que les ventes de cloisons
à base de plâtre représenteraient entre
60 % et 80 % du volume total des ventes.
Bien que les estimations diffèrent sensiblement entre
les différentes réponses, il apparaît
toutefois que BPB, Lafarge et Knauf réalisent lessentiel
des ventes, les autres concurrents étant beaucoup moins
nombreux. La part de marché de Gyproc ne dépasserait
pas, en tout état de cause, un maximum de [0-10] %
des ventes de systèmes de construction de murs non
porteurs à base de plâtre en France.
Si lon considère le croissant
nord-est de la France, il est encore plus difficile dapprécier
le montant total des ventes pour systèmes de construction
secs pour murs non porteurs en général ou à
base de plâtre. Selon les estimations des parties, le
montant des ventes de systèmes de construction secs
pour murs non porteurs en général atteindrait
environ [160-180] millions de mètres carrés
dans la région nord-est de la France et les parts de
marché des différents opérateurs ne seraient
pas sensiblement différentes par rapport à la
situation sur le plan national. Si lon considère
que Gyproc réalise lensemble de ses ventes en
France dans la région nord-est du pays, sa part représenterait
au maximum [0-10] % des ventes de systèmes de
construction secs pour murs non porteurs. Selon le même
mode de calcul et sur la base de chiffres issus des tests
de marché, on peut estimer que la part de Gyproc atteindrait,
au maximum, [0-10] % des ventes de systèmes de
construction secs à base de plâtre sur le croissant
nord-est de la France.
Il convient toutefois de noter que
Lafarge et Knauf sont présents dans la région
nord-est de la France tout autant que BPB. Lafarge et Knauf
disposent en effet chacun de plusieurs sites de production
implantés notamment en région parisienne et
dans lest de la France. En outre, Knauf dispose de deux
sites de production implantés à proximité
de la frontière française en Belgique et en
Allemagne. Dès lors, quand bien même lopération
entraînerait-elle un renforcement de la part de marché
de BPB sur cette partie du territoire, force est de constater
que le nouvel ensemble continuerait à faire face à
la pression concurrentielle de ses deux principaux concurrents
que constituent Lafarge et Knauf.
Par ailleurs, lopération
entraînant un certain renforcement de la structure oligopolistique
de loffre sur le marché français de la
fabrication et la vente de systèmes de construction
secs pour murs non porteurs à base de plâtre,
il convient de vérifier si elle nest pas susceptible
de porter atteinte à la concurrence, en créant
ou renforçant un risque collusif au sein de loligopole
constitué par BPB, Knauf et Lafarge. En effet, ce marché
se caractérise par une offre fortement concentrée,
des produits relativement homogènes et des barrières
à lentrée résidant dans les investissements
financiers importants à consentir pour y pénétrer.
De plus, ce marché se prête à la coordination
des comportements des entreprises, les sociétés
Lafarge, BPB, Knauf et Gyproc ayant été condamnées
le 27 novembre dernier par la Commission pour une entente
sur le marché des plaques en plâtre. Enfin, BPB,
Knauf et Lafarge sont simultanément présentes
sur plusieurs marchés européens de systèmes
de construction secs pour murs non porteurs à base
de plâtre (Royaume-Uni, France, Allemagne, Pologne,
Espagne). Or, dans lhypothèse dun équilibre
collusif, ces contacts multi-marchés (multi-market
contacts) ont pour effet daugmenter les possibilités
de rétorsion entre les membres de loligopole,
en cas de déviation de lun deux.
Toutefois, en lespèce,
BPB était déjà présent dans le
capital de Gyproc préalablement à lopération,
et compte tenu du faible renforcement de la structure oligopolistique
de loffre suite à la disparition de Gyproc, dont
le comportement jusquà présent nétait
pas de nature à perturber le fonctionnement de loligopole,
il apparaît que lopération nest pas
de nature à créer ou renforcer une position
dominante collective de BPB, Knauf et Lafarge sur le marché
des systèmes de construction secs pour murs non porteurs
à base de plâtre en France ou dans le croissant
nord-est de la France.
En conclusion, lopération
notifiée nest pas de nature à porter atteinte
à la concurrence sur les différents marchés
concernés. Je vous informe donc que jautorise
cette opération.
Je vous prie dagréer,
Maître, lexpression de mes sentiments les meilleurs.
Pour le ministre et
par délégation :
Le directeur général de la concurrence,
de la consommation
et de la répression des fraudes,
Jérôme Gallot |
Nota. - A
la demande des parties notifiantes, des informations relatives
au secret des affaires ont été occultées
et la part de marché exacte remplacée par une
fourchette plus générale.
Ces informations relèvent du
« secret des affaires », en application
de larticle 8 du décret no 2002-689
du 30 avril 2002 fixant les conditions dapplication
du livre IV du code de commerce relatif à la liberté
des prix et de la concurrence.
NOTE (S) :
(1) Etex nomme également [...]
des [...] membres du conseil dadministration de
Gyproc. Le [...] membre est désigné par
les [...] autres.
(2) Voir paragraphes 18 et suivants de
la communication de la Commission concernant la notion de
concentration au sens du règlement (CEE) no 4064/89
du Conseil relatif au contrôle des opérations
de concentration entre entreprises.
(3) Décision de la Commission M. 2495,
Haniel/Fels, du 21 février 2002.
(4) Voir décision précitée,
paragraphe 22.
(5) Limpact sur les marchés belge
et français étant faible et lanalyse concernant
le marché allemand renvoyée aux autorités
allemandes de la concurrence.
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