NOR : ECOC0300099X
Demandeurs au recours :
SA LAmy, dont le siège social est situé
216, rue de la République, 39400 Morez, venant aux droits de
la société LAmy France SA, agissant par lintermédiaire
de son président-directeur général, représentée
par Me Fisselier, de la SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, avoué
près la cour dappel de Paris, 23, rue du Louvre, 75001 Paris,
assistée de Me Baverez, avocat, 9, rue des Pyramides,
75001 Paris, toque R 279 ;
Grande Pharmacie lyonnaise SNC, dont le siège social
est 22, rue de la République, à Lyon (69002), prise en la personne
de son gérant M. Auxenfants, représentée par Me Fisselier,
de la SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, avoué près la cour dappel
de Paris, 23, rue du Louvre, 75001 Paris, assistée de Me Covillard,
avocat au barreau de Lyon, 40, rue de Bonnel, 69484 Lyon Cedex 03 ;
SA GrandOptical France (« Grand Optical »),
dont le siège social est situé 18, parc Ariane, 3-5, rue
Alfred-Kastler, 78283 Guyancourt Cedex, prise en la personne de son président
du directoire, M. M. Conejero, représentée par Me Benetreau,
de la SCP Gibou-Pignot, Grapotte-Benetreau, avoué près la cour dappel
de Paris, 201, rue Lecourbe, 75015 Paris, assistée de Me Calvet,
avocat, 130, rue du Faubourg-Saint-Honoré, 75008 Paris, toque
T 12 ;
SARL Debourg Optique, dont le siège social est
à Lyon (69003), 308, cours Lafayette, prise en la personne de son
gérant en exercice, représentée par Me C. Broquet,
de la SCP Taie-Bernard & Belfayol Broquet, avoué près la cour dappel
de Paris, 1, rue de Stockholm, 75008 Paris ;
SARL Real Optique, dont le siège social est 35, rue
Paul-Verlaine, 69100 Villeurbanne ;
Société Optique Provensal, dont le siège
social est situé 137, avenue Maréchal-de-Saxe, 69003 Lyon,
prise en la personne de son gérant ;
Société Optique moderne Claude Moch, dont
le siège est 150, cours Lafayette, 69003 Lyon, agissant poursuites
et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette
qualité audit siège ;
SARL Société Cynthia Optique Galimard, dont
le siège est 24, cours Franklin-Roosevelt, 69006 Lyon, agissant
poursuites et diligences de son gérant en exercice domicilié en
cette qualité audit siège ;
Société Krys Grenier-Opticiens Krys, dont
le siège est 15, cours Lafayette, 69006 Lyon, agissant poursuites
et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette
qualité audit siège ;
SA Société Optique du grand large, dont
le siège est 11, rue Louis-Saulnier, 69330 Meyzieu, agissant
poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés
en cette qualité audit siège ;
SARL Optique Lunetterie Bourdeau, dont le siège
social est situé 55, rue de la Charité, 69002 Lyon, où
elle est représentée par son gérant en exercice ;
SA Nagabbo, dont le siège social est situé
13, rue Emile-Zola, 69002 Lyon, représentée par ses dirigeants
légaux en exercice, et notamment son président du conseil dadministration ;
Société Optiques Guigues, anciennement Optique
Chavril SA, dont le siège est situé 10, place Saint-Luc, 69110 Sainte-Foy-lès-Lyon,
où elle est représentée par ses dirigeants légaux
en exercice, et notamment son président du conseil dadministration ;
SA Europtic, dont le siège social est situé
104, rue du Président-Edouard-Herriot, 69002 Lyon, où
elle est représentée par ses dirigeants légaux en exercice,
et notamment son président du conseil dadministration ;
SA Optique Chavet, dont le siège social est situé
8, rue Victor-Hugo, 69250 Neuville-sur-Saône, où elle est
représentée par ses dirigeants légaux en exercice, et président
du conseil dadministration ;
SA Optique Poignant, dont le siège est situé
45, avenue de la République, 69160 Tassin-la-Demi-Lune, où
elle est représentée par ses dirigeants légaux en exercice,
et notamment son président du conseil dadministration ;
EURL Optique Ducret, dont le siège social est situé
83, avenue des Frères-Lumière, 69008 Lyon, où elle
est représentée par ses dirigeants légaux en exercice, et
notamment son gérant ;
Société Optique Gimet, dont le siège
social est situé 18 bis, Grande-Rue-de-Vaise, 69009 Lyon,
où elle est représentée par ses dirigeants légaux
en exercice, et notamment son président du conseil dadministration ;
SA Troussey Optique, dont le siège social est situé
30, Grande-Rue, 07300 Tournon, où elle est représentée
par son président en exercice ;
SA Razy Optique, dont le siège est situé
1, rue Joseph-Chapelle, 69008 Lyon, où elle est représentée
par ses dirigeants légaux en exercice, et notamment son président
du conseil dadministration ;
SARL Optique 73, dont le siège social est
73, boulevard des Etats-Unis, 69008 Lyon, où elle est représentée
par son gérant en exercice ;
SA Optique Torillhon, dont le siège est situé
69, avenue Roger-Salengro, 69110 Pierre-Bénite, où elle
est représentée par ses dirigeant légaux en exercice, et
notamment son président du conseil dadministration ;
SA Optique Saint-Priest, dont le siège social est
situé 35, boulevard Edouard-Herriot, 69800 Saint-Priest, où
elle est représentée par ses dirigeants légaux en exercice,
et notamment son président du conseil dadministration ;
SA Debauge, dont le siège est situé 161, boulevard
de la Croix-Rousse, 69004 Lyon, où elle est représentée
par ses dirigeants légaux en exercice, et notamment son président
du conseil dadministration ;
SARL Lefebvre, dont le siège social est situé
63, avenue Jean-Jaurès, 69007 Lyon, où elle est représentée
par ses dirigeants légaux en exercice, et notamment son gérant en
exercice ;
SARL Haras P. Sanders, dont le siège est situé
6, Grande-Rue, 69110 Sainte-Foy-lès-Lyon, où elle est
représentée par ses dirigeants légaux en exercice, et notamment
son gérant en exercice ;
EURL Visions et Regards, dont le siège est situé
88-90, avenue Jean-Jaurès, 69150 Decines, où elle est
représentée par ses dirigeants légaux en exercice, et notamment
par son gérant en exercice ;
SA Les Opticiens économes (LOE), dont le siège
est situé 2, avenue Le Verrier, ZI Les Bruères, 78190 Trappes,
où elle est représentée par ses dirigeants légaux
en exercice, et notamment son président du directoire,
représentées par Me Duboscq, de la SCP Duboscq-Pellerin,
avoué près la cour dappel de Paris, 18, rue Séguier,
75006 Paris, assistées de Me Monod, avocat au barreau
de Lyon, 203, rue Dugesclin, 69003 Lyon ;
Demandeur incident au recours :
Le ministre chargé de léconomie (DGCCRF),
59, boulevard Vincent-Auriol, bâtiment 5, 75703 Paris Cedex 13,
représenté aux débats par Mme Bibet, munie dun
mandat régulier.
Composition de la cour, lors des débats et du délibéré :
Mme Marais, président ;
M. Carre-Pierrat, président ;
M. Savatier, conseiller.
Greffier :
Lors des débats : Mme Jagodzinski ;
Lors du prononcé de larrêt : Mme Padel.
Ministère public : M. Woirhaye, substitut
général, ayant mis ses observations écrites à la disposition
des parties en début daudience pour être consultées.
Débats à laudience publique du 3 décembre 2002.
Arrêt prononcé publiquement le 18 mars 2003,
par M. Carre-Pierrat, président, qui a signé la minute avec
Mme Padel, greffier, Mme Marais, président, empêchée. *
* * Après
avoir, à laudience publique du 3 décembre 2002,
entendu les conseils des parties, les observations de Mme le représentant
du ministre chargé de léconomie et examiné celles du
ministère public, les requérantes ayant eu la possibilité
de répliquer en dernier ;
Vu les mémoires, pièces et documents déposés
au greffe à lappui du recours ;
Par lettre enregistrée le 27 novembre 1997
sous le numéro F 991, le ministre de léconomie, des finances
et de lindustrie a saisi le Conseil de la concurrence sur le fondement des
dispositions de larticle L. 462-5 du code de commerce dun dossier
relatif à des pratiques concertées dans le secteur de la distribution
de lunettes doptique sur le marché de lagglomération
lyonnaise ;
A la suite de lenquête diligentée sur
les pratiques dénoncées, divers griefs ont été retenus
dans le rapport notifié aux parties :
Grief no 1 : pratiques concertées
ayant pour but dorganiser entre les distributeurs une pression collective
sur des fournisseurs, en vue de limiter à un distributeur concurrent laccès
au marché concerné, à lencontre des sociétés
Bourdeau, Nagabbo, Optique Chavril et Europtic ;
Grief no 2 : pratiques concertées
denvoi dun courrier à un ou plusieurs fournisseurs dans le
cadre dune campagne collective de pression sur ceux-ci, en vue de les amener
à ne plus approvisionner un concurrent et à contraindre ce dernier
à modifier sa politique commerciale, à lencontre des sociétés :
Cristal Optique, Nagabbo, Bourdeau, Optique Chavril, Guigues
Optique, Europtic, Optique Ginet, Idéal Optique, CG Optique, Francheville
Optique, Christian Grenier, J. Peter, Optique moderne Claude Moch, Optique
Gimet, Optique Galimard, DTS Optique, Optique du Serpent, Optique Poignant, Troussey
Optique, Optique Chavet, Optique Torrilhon, Optique Ducret, Razy Optique, Optique 73,
La Grande Pharmacie lyonnaise, Optique Provensal, Thivend, Brotteaux Optique,
Debauge, Saint-Priest Optique, Optique 54, Optique du Grand Large, Mathieu
Opticien, Visions et Regards, GrandOptical, Optique Médicale D. Girod ;
Grief no 3 : pratiques concertées
de pressions sur un ou plusieurs fournisseurs, dans le cadre de la même
campagne, sous forme de contacts téléphoniques avec eux ou de messages
transmis par lintermédiaire des représentants, à lencontre
des sociétés Contact Optique, O. Lefebvre, Debourg Optique,
P. Sanders ;
Grief no 4 : pratiques concertées
de rétorsions commerciales à lencontre des fournisseurs, dans
le cadre de la même campagne, en vue de les amener à ne plus approvisionner
un concurrent, à lencontre des sociétés suivantes :
Nagabbo (annulation de commande ; retour de marchandises ;
retour de PLV ; produits des fournisseurs ne sont plus présentés
en vitrine ; nouvelles commandes limitées) ;
Bourdeau (annulation dune commande, produits ne
sont plus mis en avant) ;
Optique Chavril (suspension de commandes) ;
Europtic (annulation dune commande en cours, pas
de nouvelle commande) ;
Optique Gimet aux droits de laquelle vient la société
« Les Opticiens économes » (commandes annulées) ;
Idéal Optique (produits ne sont plus présentés
en vitrine) ;
Debourg Optique (pas de nouvelle commande) ;
P. Sanders (cessation des relations commerciales avec
les fournisseurs concernés) ;
Poignant (annulation de commandes) ;
O. Lefebvre (pas de nouvelle commande à un fournisseur) ;
Optique Chavet (annulation dune commande, retour
de marchandises ; pas de nouvelles commandes) ;
Optique Ducret (annulation de commandes) ;
Grande Pharmacie lyonnaise (annulation dune commande) ;
Brotteaux Optique (cessation des relations commerciales
avec différents fournisseurs) ;
Optique du Grand Large (réduction des commandes
de 50 %) ;
Mathieu Opticien (pas de nouvelle commande) ;
Visions et Regards (Ralentissement des commandes) ;
Grief no 5 : pratiques adoptées
par les fournisseurs de façon concertée avec des opticiens distributeurs
contre le magasin Optical Center de Lyon, ou contre tous les magasins de
la même enseigne, visant à écarter ce(s) magasin(s) de laccès
à leurs produits ou à lui (leur) imposer un changement de politique
commerciale, à lencontre des sociétés suivantes :
Société LAmy France (rupture unilatérale
des contrats de distributeur passés avec le magasin Optical Center ;
retrait des marchandises et de la PLV du magasin) ;
Société ODLM (retrait de ses produits du
magasin) ;
Société Airess Distribution (retrait des
produits de la vitrine ; demande de ne plus faire apparaître ses marques
sur les publicités dOptical Center) ;
Société Sporoptic Pouilloux (courrier contenant
des menaces précises à légard du magasin qui pratique
le discount) ;
Grief no 6 : pratiques concertées
consistant à insérer dans les contrats de distribution sélective
des clauses prohibées par larticle L. 420-1 du code de commerce
et par larticle 81 du Traité de Rome ;
Pour les fournisseurs, à lencontre des sociétés
suivantes :
LAmy (contrats Lacoste, Nina Ricci) ;
ODLM (contrat Façonnable) ;
Gala Prestige de Paris (contrat Fred-Force 10) ;
Sporoptic Pouilloux (contrat Vuarnet) ;
Berthet-Bondet (contrat Lagerfeld) ;
Bausch et Lomb (contrat Ray Ban) ;
Pour les distributeurs ayant souscrit de tels contrats,
à lencontre des sociétés suivantes :
La Grande Pharmacie lyonnaise (Lacoste, Nina Ricci, Ray-Ban) ;
Optique Provansal (Lacoste, Nina Ricci, Vuarnet, Ray Ban) ;
Mathieu Opticien (Lacoste, Nina Ricci) ;
Optique Gimet, aux droits de laquelle vient la société
« Les Opticiens économes » (Lacoste, Façonnable,
Fred-Force 10, Ray Ban) ;
Optique Régence (Ray Ban) ;
Optique Poignant (Lagerfeld, Ray Ban) ;
Olivier Lefebvre (Ray Ban) ;
Debauge (Ray Ban) ;
Cristal Optique (Ray Ban) ;
Contact Optique (Ray Ban) ;
J. Peter (Ray Ban) ;
Nagabbo (Fred Force 10) ;
Cerf Optique (Ray Ban) ;
Brotteaux Optique (Ray Ban) ;
Eyes Cube (Vuarnet).
Par décision no 02-D-36 du 14 juin 2002,
le Conseil de la concurrence a retenu que les sociétés Bourdeau
Optique, Nagabbo, Optique Guigues, Europtic, Optique Ginet, dont les droits et
obligations ont été transmis à la société « Les
Opticiens économes », Idéal Optique, Optique Poignant,
Optique Chavet, Optique Ducret, La Grande Pharmacie lyonnaise, Optique du Grand
Large, lEURL Visions et Regards, les sociétés O. Lefebvre,
Debourg Optique, Haras, Cristal Optique, dont les droits et obligations ont été
transmis à la société Réal Optique, lEURL Francheville
Optique, les sociétés Christian Grenier, Anciens Etablissements
J. Peter, Optique moderne Claude Moch, Optique Gimet, Cynthia, DTS Optique,
Optique du Serpent, Troussey Optique, Optique Torrilhon, Razy Optique, Optique 73,
Optique Provensal, Thivend, dont les droits et obligations ont été
transmis à la société Vermeersch, Debauge, Optique Saint-Priest,
Optique médicale D. Girod, Contact Optique, Grand Optical, LAmy
France, dont les droits et obligations ont été transmis à
la société LAmy SA, Gala Prestige de Paris, dont les droits
et obligations ont été transmis à la société
Logo, Sporoptic Pouilloux, Berthet-Bondet, Bausch et Lomb ont enfreint les dispositions
de larticle L. 420-1 du code de commerce, et leur a :
Infligé les sanctions pécuniaires suivantes :
79 800 Euro à la société
Bourdeau Optique, 29 370 Euro à la société Nagabbo,
7 800 Euro à la société Optique Guigues, 12 260 Euro
à la SA Europtic, 62 480 Euro à la SA Les Opticiens économes
(LOE), 15 740 Euro à la SA Idéal Optique, 15 700 Euro
à la SA Optique Poignant, 21 330 Euro à la SA Optique
Chavet, 9 800 Euro à lEURL Optique Ducret, 138 567 Euro
à la société La Grande Pharmacie lyonnaise, 16 385 Euro
à la société Optique du Grand Large, 3 157 Euro
à lEURL Visions et Regards, 8 000 Euro à la SARL
O. Lefebvre, 6 550 Euro à la SARL Debourg Optique, 5 340 Euro
à la SARL Haras (P. Sanders), 4 110 Euro à la SARL
Réal Optique, 955 Euro à lEURL Francheville Optique,
3 670 Euro à la société Christian Grenier, 1 795 Euro
à la SARL Anciens Etablissements J. Peter, 4 910 Euro à
la SA Optique moderne Claude Moch, 6 480 Euro à la société
Optique Gimet, 3 475 Euro à la SARL Cynthia (« Optique
Galimard »), 4 895 Euro à la SARL DTS Optique,
1 815 Euro à la SARL Optique du Serpent, 6 335 Euro
à la SA Troussey Optique, 58 700 Euro à la SA Optique
Torrilhon, 13 230 Euro à la SA Razy Optique, 2 250 Euro
à la SARL Optique 73, 3 950 Euro à la SARL Optique Provansal,
4 160 Euro à la SA Vermeersch, 10 390 Euro à
la SA Debauge, 6 540 Euro à la SA Optique Saint-Priest, 8 075 Euro
à la SA Optique Médicale D. Girod, 3 880 Euro à
la SA Contact Optique, 665 000 Euro à la SA Grand Optical, 800 000 Euro
à la société LAmy SA.
Enjoint :
A la société Logo, venant aux droits et
obligations de la société Gala Prestige de Paris, de modifier, dans
les nouveaux contrats quelle propose à ses distributeurs, le point
12 du « protocole daccord de distribution sélective
pour les produits de la marque Fred-Force 10 », de telle sorte
quil soit clair que le distributeur agréé Fred-Force 10
dispose de la faculté de sapprovisionner auprès dautres
distributeurs agréés ainsi que cela figure dans la nouvelle version
du point 9 et de proposer à la signature de tous les distributeurs
ayant conclu le contrat dans sa version antérieure un avenant incorporant
audit contrat la nouvelle rédaction des points 9 et 12 ;
A la société Sporoptic Pouilloux de modifier,
dans les nouveaux contrats de revendeur agréé quelle propose
aux distributeurs, les articles 3.1.1 et 3.1.3 de telle sorte quil
soit clair que le revendeur agréé conserve toute liberté
de céder ou dacheter des produits de marque Vuarnet à un autre
revendeur agréé ;
A la société Berthet-Bondet de modifier
le contrat de distribution agréé « Lunettes Lagerfeld »
en y inscrivant une clause autorisant expressément les livraisons entre
revendeurs agréés ; il lui est également enjoint de
proposer à la signature de tous les distributeurs ayant conclu le contrat
dans sa version antérieure un avenant incorporant audit contrat la nouvelle
clause ;
Ordonné que la partie II de sa décision
sera publiée en caractères lisibles par un lecteur ordinaire, à
linitiative des sociétés Bourdeau, Naggabo, Guigues Optique,
Europtic, à frais communs et en proportion des sanctions pécuniaires
qui leur sont infligées, dans le quotidien Le Progrès, édition
du Rhône, dans un délai de deux mois à compter de la notification
de la présente décision ; les mêmes entreprises procéderont
à la publication du II de la présente décision dans les mêmes
conditions dans la revue Informoptique ;
La cour :
Vu les recours en annulation, et subsidiairement en réformation,
de :
Debourg Optique, par déclaration déposée
le 15 juillet 2002 ;
Optique Lunetterie Bourdeau, Nagabbo, Optique Guigues,
Europtic, Optique Chavet, Optique Poignant, Optique Ducret, Optique Gimet, Troussey
Optique, Razy Optique, Optique 73, Optique Torilhon, Optique Saint-Priest,
Debauge SA, O. Lefebvre SARL, Haras P. Sanders, Visions et Regard, Les
Opticiens économes, Optique Provensal, par déclaration conjointe
déposée le 17 juillet 2002 ;
La Grande Pharmacie lyonnaise, par déclaration
déposée le 18 juillet 2002 ;
GrandOptical France, par déclaration déposée
le 18 juillet 2002 ;
LAmy, par déclaration déposée
le 18 juillet 2002 ;
Real Optique, par déclaration déposée
le 25 juillet 2002 ;
Optique Moderne Claude Moch, Cynthia Optique Galimard,
Krys Grenier, Optique du Grand Large, par déclaration conjointe déposée
le 2 août 2002,
dont la jonction a été ordonnée par ordonnance en date du
13 août 2002 ;
Vu le recours incident déposé le 12 août 2002
par le ministre chargé de léconomie ;
Vu le mémoire déposé le 8 novembre 2002
par la société Debourg Optique qui, poursuivant lannulation
de la décision du Conseil de la concurrence, tend :
A titre principal, à voir constater que :
elle na pas participé à
une réunion en vue dun boycott ;
elle na pas envoyé un courrier
en vue dun boycott ;
elle na pas interrompu ses commandes
auprès de ses fournisseurs livrant également Optical Center ;
elle a continué normalement son activité ;
les actes qui lui sont imputés nont
aucun effet sensible sur le marché ;
elle na pas commis dactes de boycott
au sens de larticle L. 420-1 du code de commerce ;
A titre subsidiaire, constatant que la sanction qui lui
a été infligée par le Conseil de la concurrence nest
pas fondée sur des faits qui lui soient imputables et quelle est
calculée sur la seule base de lexercice comptable de 2000 alors que
les faits litigieux ont eu lieu au second semestre 1996, de dire et juger que
ladite sanction nest pas individualisée et que son calcul nest
pas pertinent ;
En tout état de cause, constatant quil ny
a pas eu de dommages à léconomie, de dire et juger quil
ne peut y avoir de sanction et, à tout le moins, de réformer la
décision du Conseil en ce quelle a prononcé une sanction disproportionnée
à son encontre et de condamner le ministre de léconomie à
lui payer la somme de 6 550 Euro au titre de larticle 700
du nouveau code de procédure civile, ainsi quaux entiers dépens ;
Vu lexposé des moyens déposé
le 13 août 2002 et le mémoire en réplique en date
du 15 novembre 2002, aux termes desquels la société GrandOptical
demande, à titre principal, dannuler la décision du Conseil
et, à titre très subsidiaire, de la réformer en ce quelle
la condamnée à payer, à titre de sanction pécuniaire,
une somme de 665 000 Euro ;
Vu le mémoire récapitulatif déposé
le 13 novembre 2002 par lequel la société LAmy demande
à la cour :
A titre principal :
dannuler la décision du Conseil
de la concurrence no 02-D-36 du 14 juin 2002 ;
dordonner la publication de larrêt
annulant cette décision, en caractères lisibles par un lecteur ordinaire,
à linitiative et aux frais du ministère de léconomie,
des finances et de lindustrie, dans le quotidien Le Progrès, édition
de Lyon, ainsi que dans la revue Informoptique, dans un délai
dun mois à compter de la notification de larrêt ;
A titre subsidiaire :
de réformer cette décision en
ce quelle a retenu quelle avait enfreint les dispositions de larticle
L. 420-1 du code de commerce et lui a infligé une sanction pécuniaire
dun montant de 800 000 Euro ;
de condamner le ministre de léconomie,
des finances et de lindustrie à lui payer la somme de 15 000 Euro
au titre de larticle 700 du nouveau code de procédure civile
ainsi quaux entiers dépens ;
Vu le mémoire en réplique et récapitulatif,
en date du 18 novembre 2002 par lequel la société La Grande
Pharmacie lyonnaise demande :
A titre principal, de :
constatant que les actes qui lui sont imputés
nayant eu aucun effet sensible, dire et juger, en conséquence, quelle
na pas commis dactes anticoncurrentiels au sens de larticle
L. 420-1 du code de commerce et dannuler la décision du Conseil
rendue le 14 juin 2002 en son encontre ;
A titre subsidiaire :
constatant que la sanction qui lui a été
infligée nétant pas individualisée, ni proportionnée
à la gravité des faits reprochés, à limportance
du dommage causé à léconomie ni à sa situation,
dannuler la décision du Conseil ou, à tout le moins, de la
réformer ;
Vu le mémoire déposé le 8 août 2002
à la requête des sociétés Bourdeau Optique, Nagabbo,
Optique Guigues, Europtic, Optique Gimet, dont les droits et obligations ont été
transmis à la société Les Opticiens économes, Optique
Poignant, Optique Chavet, Optique Ducret, Optique du Grand Large, Visions et Regards,
O. Lefebvre, Grenier, Optique moderne, Cynthia, Troussey Optique, Optique
Torrilhon, Razy Optique, Optique 73, Optique Provensal, Debauge, Optique Saint
Priest, Les Opticiens économes, tendant à lannulation et à
la réformation de la décision du Conseil ;
Vu les observations du ministre chargé de léconomie
en date du 27 septembre 2002 par lesquelles il conclut à la confirmation
de la décision du Conseil de la concurrence no 02-D-36
du 14 juin 2002 et sagissant du montant de la sanction infligée
à la société LAmy de vérifier sa proportionnalité
à sa capacité contributive actuelle ;
Vu les observations en date du 4 octobre 2002
du Conseil de la concurrence ;
Vu les observations du ministère public tendant
au rejet des recours en annulation et à la réformation en ce qui
concerne lappréciation des faits imputés à la société
Debourg Optique, dont limplication dans lattente ne paraîtrait
pas suffisamment caractérisée, et en ce qui concerne les montants
des sanctions pécuniaires en fonction des situations respectives des requérantes ;
Vu le désistement de la société Real
Optique ;
Sur
ce :
Référence faite expressément à
la décision critiquée sur lexposé des faits et de la
procédure initiale, il suffit de rappeler les éléments suivants :
* Fin septembre 1996, sest ouvert, 4, rue
de la Bourse, à Lyon (1er), un magasin doptique
à lenseigne « Optical Center » qui a
lancé, à la même époque, une campagne publicitaire
en direction des consommateurs offrant, selon les termes dune « carte
dachat familial » les réductions de prix suivantes :
40 % sur les montures optiques ;
40 % sur les verres optiques ;
20 % sur les lunettes de soleil (sauf Ray Ban) ;
20 % sur les lentilles de contact et les produits
dentretien pour lentilles de contact,
étant précisé que cette carte mentionnait également
que « pour un produit identique, si vous trouvez moins cher, Optical
Center sengage à rembourser la différence » ;
* Cette campagne publicitaire a suscité
de vives réactions de la part des opticiens de lagglomération
lyonnaise qui, pour certains dentre eux, ont organisé une première
réunion, le 8 octobre 1996, ayant pour objet, tel quil
ressort des éléments du dossier et en particulier des déclarations
de Mme Evelyne Brethes, M. Claude Rosen, M. Christian Chevallier
et M. Yves Brossard, dorganiser de façon concertée une
pression sur les fournisseurs présents dans le magasin Optical Center
afin de les inciter à renoncer à livrer ce point de vente ;
* Des opticiens lyonnais ont également
mis à profit le Salon international de la lunetterie, de loptique
oculaire et du matériel pour opticiens qui se tenait à Paris du 25
au 28 octobre 1996, pour rencontrer leurs fournisseurs et faire pression
sur eux à propos de louverture du magasin « Optical
Center » (dépositions de MM. Pierre Bourdeau, Gilles
Bourdeau et Guigues) ;
* Deux nouvelles réunions se sont tenues,
les 5 novembre 1996 et 7 janvier 1997, entre des opticiens
de lagglomération lyonnaise qui ont, par ailleurs, envoyé
divers courriers à treize fournisseurs, dont les produits avaient été
identifiés dans le magasin Optical Center, pour faire pression sur
eux ;
* Outre lenvoi de ces courriers, des
opticiens ont mis leur menace à exécution et pris des mesures concrètes
à lencontre de leurs fournisseurs en procédant à des
annulations de commandes, des retours de marchandises, des retraits de produits
de la vitrine ou du magasin, des cessations de relations commerciales avec certaines
entreprises et en recherchant de nouveaux fournisseurs ;
* Ces opérations ont eu pour conséquence
damener des fournisseurs à rompre leurs relations commerciales avec
ce magasin Optical Center ;
Considérant que les sociétés requérantes,
à titre principal, contestent les griefs articulés à leur
encontre et qui, selon elles, ont été, à tort, retenus comme
étant établis par le Conseil dans sa décision du 14 juin 2002
et, à titre subsidiaire, le montant des sanctions pécuniaires prononcées
à leur encontre ;
* Sur
les pratiques des sociétés Bourdeau, Nagabbo, Optiques Guigues,
anciennement Optique Chavril-Europtic :
Considérant que le Conseil de la concurrence
a estimé que les quatre sociétés, en prenant linitiative
dorganiser la réunion du 8 octobre 1996, ayant pour objet
de mettre en place une entente en vue de mettre en uvre des mesures de représailles
à exercer à lencontre de treize fournisseurs du magasin Optical
Center, nouvellement installé, sils continuaient à le
livrer, ont été à lorigine dune action concertée
ayant pour objet dempêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de
la concurrence du marché des lunettes de marque de lagglomération
lyonnaise ;
Considérant que les sociétés requérantes
font valoir, au soutien de leurs recours, que cette réunion était
destinée à mettre en évidence lirrégularité
de la politique commerciale de Optical Center et dinterpeller les
fournisseurs sur cette situation ; quelles précisent, en effet,
que les agissements de Optical Center étaient de nature à
fausser la concurrence sur le marché considéré, celui de
la distribution de produits doptique dans lagglomération lyonnaise,
qui nest pas sérieusement contesté, puisque cette enseigne
a tenté de détourner à son profit une clientèle induite
en erreur par des messages publicitaires volontairement erronés ;
quelles précisent, par ailleurs, que les annulations de commandes
qui ont suivi nont été ni systématiques ni générales ;
Mais considérant quil ressort tant de lenquête
que de linstruction que la réunion du 8 octobre 1996, en
regroupant une quarantaine dopticiens de la région lyonnaise, à
la suite de louverture fin septembre dun point de vente Optical
Center, participe effectivement dune action concertée ayant un
objet anticoncurrentiel puisquil y était décidé de
faire pression sur les fournisseurs livrant le magasin Optical Center afin
de les amener à cesser de lapprovisionner ;
Que la circonstance alléguée, à la
supposer établie, selon laquelle Optical Center se serait livrée
à une publicité mensongère lors de son ouverture, nest
pas de nature à exclure lexistence dune pratique prohibée
par larticle L. 420-1 du code de commerce, que, en effet, il appartenait
aux sociétés qui sestimaient lésées par la pratique
dénoncée, dutiliser toutes voies de droit ouverte pour la
faire cesser et sanctionner ;
Que, en outre, le fait que les retours de commande et
les annulations effectués par les sociétés requérantes
naient pas été systématiques et généralisés
à lensemble des fournisseurs, nôte pas à leur
comportement son objet anticoncurrentiel puisque ces mesures concrètes
sinscrivaient dans le prolongement de courriers adressés à
des fournisseurs et quelles ont été mises en uvre, ainsi
que lenquête le démontre, par dix-sept opticiens ;
Quil sensuit, que les moyens développés
par les requérantes ne sont pas fondés et que cest par une
juste appréciation des éléments du dossier et à bon
droit que le Conseil de la concurrence a sanctionné, au visa de larticle
L. 420-1 du code de commerce, les sociétés Bourdeau, Nagabbo,
Optiques Guigues, venant aux droits de Optique Chavril-Europtic, pour avoir pris
linitiative dorganiser la réunion de 20 octobre 1996,
puis pour avoir exercer des pressions concertées sur plusieurs fournisseurs ;
* Sur
les pratiques des sociétés Optique Chavet, Optique Poignant, Optique
Ducret, Les Opticiens économes, Visions et Regards, Optique du Grand Large,
Optique Gimet, Troussey Optique, Razy Optique, Optique 73, Optique Torillon, Optique
Saint-Priest, Optique Debauge, Optique Porvansal, Cyntia Optique Galimard, Optique
moderne Claude Moch, Krys Grenier et La Grande Pharmacie lyonnaise :
Considérant que le Conseil de la concurrence
a sanctionné ces sociétés pour avoir adhéré
à une pratique consistant à faire pression sur des fournisseurs
dans le cadre de la campagne collective décidée lors de la réunion
du 8 octobre 1996 destiné à les amener à ne plus
approvisionner un concurrent et à le contraindre à modifier sa politique
commerciale ;
Considérant que, pour contester cette décision,
les sociétés requérantes soutiennent que les courriers adressés
à plusieurs fournisseurs répondaient à leurs droits légitimes
de demander, dans le cadre de leurs relations contractuelles ou commerciales,
des explications dès lors quelles avaient constaté des manquements
au regard des règles commerciales fixées par les fournisseurs ;
que, par ailleurs, elles précisent que les annulations de commande ont
porté sur des volumes limités et que, en définitive, elles
se sont traduites par des différés de commande sur une période
réduite ;
Mais considérant quil résulte des
courriers recueillis au cours de lenquête que les sociétés
requérantes ne se sont pas limitées à demander à leurs
fournisseurs des explications sur lapplication des contrats de distribution ;
quen effet, les courriers, dans la majorité des cas, reprenaient
lune des deux formulations types proposées lors de la réunion
du 8 octobre 1996 et remise à chaque participant sur support
papier et ainsi libellées : « 1o) Au
vu des nouvelles options que vous semblez prendre sur Lyon, jai le regret
de vous informer que je suis dans lobligation de suspendre la promotion
de vos marques X. et Y., et ce, dans le seul et unique but de préserver
limage et la réputation de mon magasin. 2o) Nous
sommes très surpris des choix commerciaux que vous semblez faire sur Lyon
actuellement. Vous comprendrez aisément quafin de préserver
limage et la réputation de notre magasin, nous nous devons de prendre
du recul par rapport aux produits concernés » ;
Quil sensuit que lenvoi de ces courriers
contenant des formules types caractérise une adhésion à laction
concertée, décidée lors de la réunion du 8 octobre 1996,
tendant à limiter le libre exercice de la concurrence sur lagglomération
lyonnaise et, les annulations de commandes qui ont suivi, sont, comme précédemment
retenu, le prolongement de cette stratégie de pressions à légard
des fournisseurs ;
* Sur
les pratiques des sociétés Optique Lefebvre, Optique Sanders, Debourg
Optique et GrandOptical :
Considérant que les sociétés
Optique Lefebvre et Optique Sanders soutiennent que la matérialité
des faits nest pas, à leur égard, établie puisquil
na été trouvé aucune preuve formelle de lenvoi
de courriers à des fournisseurs et que les contacts téléphoniques
notamment avec la société Luxottica, quelles admettent, ont
été isolés et nont généré aucune
réaction particulière autre que la pétition de principe de
cette dernière ;
Que la société Debourg Optique conteste
également lexistence de faits positifs, en ajoutant, que la seule
manifestation verbale de son mécontentement ne pouvait pas avoir eu un
effet sensible sur le marché dans la mesure où elle ne dispose pas
dun pouvoir de marché ;
Que la société GrandOptical fait valoir
que le Conseil de la concurrence en retenant quil ne pouvait pas être
exclu que ses responsables aient été informés des réunions
et des décisions qui y ont été prises, a retenu une preuve
par la négative qui constitue un défaut de motivation de la décision,
une violation de larticle 6 de la CEDH de sorte que son comportement
na pas été qualifié au regard de larticle L. 420-1
du code de commerce ;
Mais considérant, en droit, que ladhésion
à une entente peut se déduire de la mise en uvre par une entreprise
du comportement anticoncurrentiel collectivement décidée par plusieurs
de ses concurrents ;
Quen lespèce, même si les sociétés
Optique Sanders et Debourg Optique nont pas participé à la
réunion du 8 octobre 1996, à lorigine de laction
concertée, leur comportement vis-à-vis des fournisseurs en ce quil
a appliqué la décision de faire pression et de les menacer de représailles
apporte suffisamment déléments pour quun faisceau dindices
graves, précis et concordants démontre leur participation à
laction concertée ;
Quil est ainsi établi par lenquête
que M. Sanders a participé à la réunion du mois de novembre,
puis a informé les représentants de ses fournisseurs Luxottica,
Julien et New Charm quil cessait ses relations commerciales (procès-verbal
du 27 novembre 1996) ;
Que, sagissant de la société Debourg
Optique, il résulte également de lenquête que si M.
Debourg était physiquement absent des deux réunions, il a été
informé des actions décidées et a manifesté sa solidarité
avec les autres opticiens ayant participé à ces réunions,
quil ne saurait, en effet, se prévaloir du caractère oral
de ses interventions auprès de ses fournisseurs pour atténuer la
portée de son comportement dès lors quil a reconnu, par procès-verbal
du 26 novembre 1996 : « Je ne leur ai pas non plus
fait parvenir de lettres en direct, car jai fait part de mon mécontentement
par le biais de leurs représentants. Cette action me paraît plus
efficace que lenvoi de lettres » ; quainsi, par
son comportement, appliquant les consignes décidées de manière
collective par un ensemble dopticien, la société requérante
a adhéré à une action anticoncurrentielle de sorte quau
regard de larticle L. 420-1 de code de commerce, tout acteur économique,
indépendamment de sa position sur le marché pertinent. qui participe
à une action ayant un objet anticoncurrentiel peut être poursuivi
et sanctionné ;
Que, en ce qui concerne la société Optique
Lefebvre, la cour relève que M. Lefebvre, qui a reconnu avoir participé
à la réunion du 8 octobre 1996, a, à défaut
denvoi de courriers à ses fournisseurs, mis en uvre le comportement
collectivement décidé en téléphonant à au moins
lun de ses fournisseurs, la société Luxottica, qui en réponse
lui a adressé le courrier standard envoyé aux opticiens qui lui
avaient écrit, démontrant ainsi que dans lesprit du fournisseur
le comportement de la société Optique Lefebvre sinscrivait
dans la pratique collective incriminée mise en uvre par les opticiens
de la région lyonnaise ;
Que, enfin, sagissant de la société
GrandOptical, la constatation faite par la Cour dun parallélisme
de comportement et dautres éléments tels que, notamment, lenvoi
de courriers à six fournisseurs, même sils ne reprennent pas
à lidentique les formules arrêtées lors des réunions,
constituent un faisceau dindices graves, précis et concordants dès
lors que lexistence dune entente peut être établie par
des éléments, autres que la constatation du seul parallélisme
de comportement, qui sajoutent à celui-ci ; quil ressort,
en effet, de lenquête que le comportement commercial de Grandoptical
était identique à celui des opticiens ayant participé aux
réunions et décidé de faire pression sur les fournisseurs,
puisque quelle a permis de recueillir les courriers types que la société
requérante a adressé à six fournisseurs de produits figurant
sur la liste arrêtée lors de la réunion du 8 octobre 1996
et quen outre les réponses de trois fournisseurs (Luxottica, Jullien
et Gome) sont identiques à celles quils ont adressées aux
autres opticiens, de sorte que, dans lanalyse faite par ces fournisseurs
du contexte des actions engagées, le comportement de la société
GrandOptical sexpliquait par son adhésion à lattente
dénoncée ;
Quainsi cest à juste titre que la décision
attaquée, nonobstant sa maladresse de rédaction à lencontre
de la société GrandOptical, qui a pu faire croire à cette
dernière que le Conseil avait retenu à son encontre une preuve négative,
a estimé que les faits incriminés tombaient sous le coup de larticle 420-1
du code de commerce ;
* Sur
les pratiques de la société LAmy :
Considérant que la société LAmy
soutient que la rupture des contrats de détaillant, agréé
Lacoste et Nina Ricci, conclus avec le magasin Optical Center serait la
seule conséquence de la violation par ce dernier de ses obligations contractuelles ;
quelle fait, en outre, valoir que, en tant que titulaire de contrats de
licence, elle était dans lobligation de prendre les mesures nécessaires
au respect des marques et ainsi de sanctionner Optical Center ; quelle
soutient encore quelle aurait eu un intérêt légitime,
distinct de celui des opticiens de lagglomération lyonnaise, à
agir et prétend, enfin, que, à supposer les pratiques établies.
il ny aurait pas eu datteinte au jeu de la concurrence ;
Mais considérant que le dossier révèle
que les premières mesures de rétorsion à lencontre
dOptical Center sont intervenues immédiatement après
la réunion des opticiens lyonnais du 8 octobre 1996 ; que,
si la société LAmy avait un intérêt légitime,
distinct de celui de ces opticiens, à agir à lencontre dOptical
Center, il nen demeure pas moins quelle a informé chaque
opticien lyonnais de son action en leur adressant la copie de sa lettre adressée
le 14 octobre en réponse à celle de Optical Center
du 9 octobre 1996, de sorte que la requérante ne saurait valablement
soutenir que la rupture de contrats de licence ne serait que le résultat
de la violation dune obligation résultant de laccord bilatéral
les liant à la société Optical Center ;
Considérant, par ailleurs, que la requérante
nest pas fondée à soutenir que les déclarations de
M. Tarte, auxquelles se réfère la décision du Conseil
de la concurrence, seraient dépourvues de valeur dans la mesure où
ses attributions auraient été limitées au sein du groupe,
dès lors quil résulte de lexamen des correspondances
échangées entre les parties que la lettre dOptical Center
et la réponse de LAmy adressée aux opticiens lyonnais étaient
accompagnées dune lettre de transmission signée des trois
directeurs des ventes Nina Ricci, Chevignon et Lacoste (cf. p. 44 du
rapport denquête) ;
Quil sensuit que le Conseil de la concurrence
a donc justement retenu que la société LAmy sétait
associée à laction concertée et décidée
par les opticiens concurrents dOptical Center et la, à
bon droit, au regard de larticle L. 420-1 du code de commerce, sanctionnée
pour avoir eu une pratique, qui, en ayant un objet anticoncurrentiel, a engendré
un effet anticoncurrentiel avéré - la rupture des contrats
de licence - et des effets restés potentiels - faire cesser la
concurrence par les prix lancée par Optical Center puisque les autres
fournisseurs nont pas cédé ; quainsi latteinte
à la concurrence sur le marché pertinent, tel que défini
par la décision contestée et non sérieusement critiqué
par la requérante, a donc été suffisamment caractérisée
par le Conseil de la concurrence,
Que le Conseil a ainsi conclu à juste titre quils
constituent des pratiques prohibées par larticle L. 420-1 du
code de commerce ;
* Sur
les sanctions :
Considérant quaux termes de larticle
L. 464-2 du code de commerce, les sanctions pécuniaires sont proportionnées
à la gravité des faits reprochés, à limportance
du dommage causé à léconomie et à la situation
de lentreprise sanctionnée ; quelles sont déterminées
individuellement pour chaque entreprise et de façon motivée pour
chaque sanction ;
Considérant que, pour demander la réduction
des sanctions pécuniaires, les entreprise Debourg Optique, Bourdeau, Nagabbo,
Optique Guigues venant aux droits de la société Optique Chavril,
Europtic, Optique Chavet, Optique Poignant, Optique Ducret, Les Opticiens économes,
Visions et Regards, Optique du grand large, Optique Gimet, Troussey Optique, Razy
Optique SA, Optique 73, Optique Torillhon, Optique Saint-Priest, Optique Debauge,
Optique Provensal, Cyntia Optique Galimard, Optique moderne Claude Moch, Krys
Grenier et Optique Sanders, dans leur mémoire commun, excipent du caractère
disproportionné de leur montant en raison de labsence de tout effet
sur le marché, du déroulement des pratiques contestées sur
une brève durée ;
Que la société La Grande Pharmacie lyonnaise
estime que le Conseil de la concurrence na pas démontré en
quoi son intervention aurait causé un dommage à la société
Optical Center, que, sagissant de sa situation, elle reproche au
Conseil de la concurrence de ne pas avoir tenu compte de ce que son activité
lunetterie, seule en cause, ne représentait quune part infime de
son chiffre daffaires pour lexercice 1996 et que, depuis 1997, elle
a cessé toute activité dans ce domaine ;
Que la société Debourg Optique, soutenant
que la référence à son chiffre daffaires 2000 nétant
pas pertinente pour des faits ayant eu lieu en 1996, demande à la cour
de se fonder sur les éléments financiers relatifs à son exercice
1996 ;
Que la société GrandOptical estime également
quil ny aurait pas eu de dommage causé à léconomie
et que sa sanction pécuniaire serait disproportionnée puisquelle
représente en valeur absolue 115 % du montant total infligée
par le Conseil à lensemble des autres opticiens ;
Que la société LAmy fait aussi valoir
que les faits qui lui sont reprochés ne revêtent pas la gravité
retenue par le Conseil dans la mesure où tous les contrats de distribution
nont pas été rompus et que, en tout état de cause,
ces ruptures auraient été temporaires ; que, par ailleurs,
elle soutient que la publication de cette décision du Conseil lui causerait
un préjudice dans la mesure où elle mettrait en cause sa respectabilité
et demande à la cour dordonner la publication de son arrêt
dès lors que ce dernier annulerait la décision du Conseil de la
concurrence à linitiative et aux frais du Ministre chargé
de léconomie ; quelle fait encore valoir que le montant
de la sanction serait disproportionné eu égard à sa capacité
contributive ;
Mais considérant que, au regard de larticle
L. 420-1 du code de commerce. sont prohibées les actions concertées
qui ont pour objet de limiter, dempêcher ou de restreindre le jeu
de la concurrence ; que, en lespèce, la concertation organisée
par un nombre important dopticiens exerçant sur lagglomération
lyonnaise pour tenter de mettre fin à une pratique commerciale de prix
bas lancée par un nouveau concurrent constitue une pratique anticoncurrentielle
par son objet, peu important le fait que la société Optical Center
soit toujours implantée à Lyon dès lors que les pratiques
constatées, si elles nont pas empêché limplantation
de cette entreprise, ont pu avoir pour effet de limiter son expansion ; que
lobjet anticoncurrentiel de pratiques accomplies dans le cadre dune
entente tendant à lélimination dune entreprise du marché
étant caractérisé indépendamment des conséquences
immédiates de ces pratiques ;
Que, en application des dispositions de larticle
L. 464-2 du code de commerce, le Conseil de la concurrence a donc justement
apprécié lexistence de pratiques ayant causé un dommage
à léconomie pour entrer en voie de sanction en retenant la
gravité des pratiques relevées dès lors quelles avaient
pris la forme dun boycott de fournisseurs et quelles visaient, par
des moyens autres que le mérite, à empêcher la concurrence
sur les prix quun nouvel entrant sur le marché souhaitait exercer ;
que, plus spécifiquement pour la société LAmy, fournisseur
de la société Optical Center, la décision de rompre
des contrats de licence présentait une gravité particulière
au regard des limites quelle pose pour laccès au marché
dans la mesure où une telle pratique était de nature à priver
Optical Center de la vente de marques prestigieuses ;
Que, sagissant du dommage causé à
léconomie, le Conseil de la concurrence a justement retenu quil
était limité puisque le mouvement des opticiens lyonnais navait
réussi à rallier quun seul fournisseur sur les sept visés
et que lenseigne Optical Center a pu poursuivre son activité
sur lagglomération lyonnaise en ouvrant un nouveau point de vente ;
Considérant quil résulte des éléments
du dossier propres à chacune des requérantes, tant en ce qui concerne
leur participation dans les pratiques anticoncurrentielles dénoncées
que leur situation financière, que si la décision du conseil est
justifiée dans son principe et quil a exactement rappelé que
doit être pris en compte le chiffre daffaires global, toutes activités
confondues dune entreprise, réalisé au cours du dernier exercice
clos et que, pour écarter les prétentions de la société
GrandOptical, la comparaison en valeur absolue du montant de sa sanction par rapport
aux autres sanctions nest pas pertinente, la détermination des sanctions
se devant dêtre individualisée, toutefois le Conseil nen
a pas tiré les conséquences exactes quant au montant des sanctions
pécuniaires prononcées, quil y a lieu, en conséquence
de réformer la décision contestée du chef du montant des
sanctions pécuniaires ;
* Sur
les autres demandes :
Considérant que le Conseil a, par des motifs
pertinents, justifié sa décision dordonner la publication
de sa décision selon les modalités quil a retenues, étant
précisé que toute publication devra faire mention de la présente
décision et substituer le montant des sanctions pécuniaires prononcées
par la cour à celles fixées par le Conseil de la concurrence ;
Considérant que, en lespèce, léquité
ne commande pas de faire application des dispositions de larticle 700
du nouveau code de procédure civile et que la solution du litige commande
que chacune des parties requérantes conserve la charge des dépens
quelle a exposés ;
Par
ces motifs :
Donne acte à la société Real Optique
de son désistement ;
Rejette les recours en annulation et le recours incident
du ministre chargé de léconomie ;
Réforme la décision no 02-D-36
du 14 juin 2002 en date du 14 juin 2002 du Conseil de la concurrence
du chef du montant des sanctions pécuniaires prononcées contre les
sociétés requérantes,
Statuant à nouveau de ce chef,
Prononce à lencontre de :
la société Bourdeau Optique,
une sanction pécuniaire de 5 500 Euro ;
la société Nagabbo, une sanction
pécuniaire de 2 900 Euro ;
la société Optiques Guigues,
anciennement Optique Chavril, une sanction pécuniaire de 750 Euro ;
la société Europtic, une sanction
pécuniaire de 1 000 Euro ;
la société Les Opticiens Economes,
une sanction pécuniaire de 4 000 Euro ;
la société Optique Poignant,
une sanction pécuniaire de 1 500 Euro ;
la société Optique Chavet, une
sanction pécuniaire de 2 000 Euro ;
la société Optique Ducret, une
sanction pécuniaire de 950 Euro ;
la société La Grande Pharmacie
lyonnaise, une sanction pécuniaire de 6 000 euros ;
la société Optique du Grand
Large, une sanction pécuniaire de 1 600 Euro ;
la société Visions et Regards,
une sanction pécuniaire de 300 Euro ;
la société O. Lefebvre, une
sanction pécuniaire de 800 Euro ;
la société Debourg Optique,
une sanction pécuniaire de 700 Euro ;
la société Haras (P. Sanders),
une sanction pécuniaire de 500 Euro ;
la société Christian Grenier,
une sanction pécuniaire de 400 Euro ;
la société Optique moderne Claude
Moch, une sanction pécuniaire de 500 Euro ;
la société Cynthia, Optique
Galimard, une sanction pécuniaire de 400 Euro ;
la société Troussey Optique,
une sanction pécuniaire de 600 Euro ;
la société Optique Torillhon,
une sanction pécuniaire de 5 500 Euro ;
la société Razy Optique, une
sanction pécuniaire de 1 100 Euro ;
la société Optique 73, une sanction
pécuniaire de 250 Euro ;
la société Optique Provensal,
une sanction pécuniaire de 390 Euro ;
la société Optique Saint-Priest,
une sanction pécuniaire de 650 Euro ;
la société Debauge, une sanction
pécuniaire de 1 000 Euro ;
la société GrandOptical France,
une sanction pécuniaire de 7 500 Euro ;
la société LAmy, une sanction
pécuniaire de 12 000 Euro.
Rejette toute autre demande,
Dit que la mesure de publicité ordonnée
par le Conseil de la concurrence devra faire mention du présent arrêt
et substituer le montant des sanctions pécuniaires prononcées par
la cour à celles retenues par le Conseil de la concurrence,
Dit que chacune des requérantes conservera la charge
des dépens exposés au titre de la présente instance : Le
greffier Le
président (*) Décision
no 02-D-36 du Conseil de la concurrence en date du 14 juin 2002,
publiée dans le BOCCRF no 14 du 30 septembre 2002. |