Sommaire | N° 17 du 25 novembre 2002 |
Avis de la commission de la sécurité des consommateurs
relatif au danger de certains jouets fonctionnels
NOR : ECOC0200354V
La commission de la sécurité des consommateurs,
Vu le code de la consommation, notamment ses articles L. 224-1, L. 224-4, R. 224-4 et R. 224-7 à R. 224-12 ;
Vu les requêtes no 02-006 A et no 02-031,
LES REQUÊTES
La CSC a été informée de deux accidents liés à lutilisation par de jeunes enfants dun mini-cutter contenu dans un coffret darticles de papeterie pour enfants.
Il sagit dun coffret « déveil artistique » portant le marquage « CE » attestant quil sagit dun jouet et contenant 86 pièces. Outre le mini-cutter, lenfant a à sa disposition du matériel de papeterie : 24 feutres, 12 crayons de couleurs, 12 crayons cire, 12 pastels, 12 pastilles de peinture, 1 palette, 1 pinceau, 1 crayon à papier, 1 gomme, 1 taille-crayon, 1 agrafeuse, 4 punaises, 1 règle, 1 tube de colle, 1 paire de ciseaux à pointes arrondies.
Si ce nest sa taille réduite, le mini-cutter est similaire à un vrai cutter destiné aux adultes. La lame mesure 1,5 cm et ne comporte pas de cran de sûreté.
Le coffret, fabriqué en Chine, est commercialisé en France, notamment dans les circuits de la grande distribution, sous différentes marques ou appellations :
les produits diffusés par les enseignes Leclerc ont pour nom « Coffret de lartiste » et sont vendus sous marque Topkid. La tranche dâge conseillée dutilisation mentionnée en gros caractères sur le coffret est de « cinq ans et plus » par décision du responsable qualité de la société importatrice des produits, la société SIPLEC ;
les coffrets vendus par les magasins Hyper U ont pour nom « Salut lartiste », la tranche dâge dutilisation conseillée étant supérieure à trois ans.
Le premier accident a été porté à la connaissance de la CSC le 8 février 2002 par les parents de Déborah T., une petite fille de huit ans à qui le coffret avait été offert lors des fêtes de Noël. Dans le courrier adressé à la commission (requête no 02-006 A), M. et Mme T. ont décrit les circonstances de laccident qui sest déroulé dans des conditions raisonnablement prévisibles dutilisation du produit : « Le 15 janvier 2002, vers 18 heures, Déborah seule dans sa chambre a voulu découper un bout de carton et sest donc servie du cutter. Seulement le carton a ripé et la main droite qui tenait le cutter a lacéré la main gauche sur 3 doigts : lauriculaire, lannulaire, le majeur. Bien sûr, Déborah a abondamment saigné et nous nous sommes précipités aux urgences de lhôpital de Nantes. Là, après 2 heures dattente, le chirurgien lui a recousu les trois entailles (une sur chaque doigt) avec 3 + 3 + 2 points de suture. » Le produit avait été acheté en novembre 2001 au Centre Leclerc Atout Sud de Rezé (Loire-Atlantique).
Un second accident a été signalé à la commission le 18 février 2002 par lInstitut national de la consommation à qui Mme Sylvie G. avait adressé, le 28 décembre 2001, le témoignage de laccident dont avait été victime son fils, Vincent, âgé de cinq ans et demi. La blessure sest produite à la main gauche. La mère de lenfant précise : « linfirmière ma dit que le tendon nétait pas loin de la coupure, la profondeur étant de 5 mm ». Le coffret avait été acheté en décembre 2001 dans le magasin Hyper U de Gujan-Mestras (Gironde) (cf. note 1) . Mme G. a cherché à demander des explications à limportateur de ce produit mentionné sur la notice dutilisation, la société « Mondia Entreprise Limited » implantée à Marseille. Le courrier lui a été retourné avec la mention NPAI. Un courrier de demande dinformation a été adressé par la commission le 17 avril 2002 au responsable qualité du magasin Hyper U de Gujan-Mestras.
Il est important de souligner que la présence et lutilisation du cutter sont interdites dans les écoles maternelles et élémentaires par une note de service du ministère de léducation nationale en date du 15 juillet 1991. Parmi les causes justifiant cette interdiction, ladministration argue que « ... sil ne peut être envisagé, compte tenu des dangers quils présentent, de laisser de tels objets en permanence à la disposition des enfants, il apparaît également que toutes les causes daccident ne seraient pas éliminées dans le cas dune utilisation ponctuelle, même accompagnée dune surveillance momentanément renforcée. »
Pour éviter que dautres accidents se reproduisent, la commission a diffusé un communiqué de presse dès le 13 mai 2002. Elle a notamment demandé aux distributeurs des mallettes de retirer les mini-cutter des stocks existants. Une mise en garde a également été formulée à destination des parents en possession des coffrets.
Durant la même période, une autre saisine a été adressée à la Commission. Une mère de famille sest étonnée de la présence, dans un coffret de jeux pour enfant contenant le modèle réduit du fusil de chasse « Montecarlo » commercialisé par la société Jouéclub, dun véritable tournevis, le tout étant utilisable dès lâge de trois ans selon la notice. (cf. note 2) La commission a donc saisi la société Jouéclub qui sest révélée nêtre quun distributeur parmi dautres de ce type de coffret.
Enfin, deux fabricants de coffrets de jeux contenant des objets fonctionnels à bords coupants et/ou comportant des pointes acérées, les sociétés Heller et IDS France, ont été contactés.
ACCIDENTOLOGIE
Les recherches de la commission se sont révélées sur ce point infructueuses. De fait, il nexiste pas en France de base de données sur les accidents de jouets (cf. note 3) et, partant, sur les imitations de produits destinés aux adultes.
Avec le concours du docteur Pierre Espinoza, membre de la commission, le rapporteur a sollicité en juin 2002 un certain nombre de services dorthopédie infantile (cf. note 4) susceptibles de réunir des informations concernant les accidents traumatologiques de jeunes enfants occasionnés par la manipulation de jouets tels que les cutters. Ces structures hospitalières nont pu fournir de réponse à la CSC à la date de rédaction du présent rapport.
Il semble exister une même situation de pénurie dinformations à létranger car les correspondants européens (ANEC notamment) et américains (CPSC) de la CSC nont pu fournir de réponse aux demandes de statistiques. Les seules informations fournies proviennent de Grande-Bretagne (ministère du commerce et de lindustrie) qui a recensé six accidents de ce type en 1999.
INFORMATIONS RECUEILLIES PAR LA COMMISSION LORS
DES AUDITIONS OU APRÈS DEMANDES DE RENSEIGNEMENTS
1. Audition du responsable « Qualité »
de la société SIPLEC, M. L.
La société SIPLEC a été créée par le groupe Leclerc il y a 25 ans dans le cadre de la politique de libéralisation des prix des carburants. Cette société, qui a le statut juridique de coopérative, est « loutil dimportation » de la société Leclerc. Les carburants représentent 85 % de son chiffre daffaires et les 15 % restants concernent les produits non alimentaires, dont les jouets. Néanmoins, tous les jouets commercialisés par les centres Leclerc ne sont pas des produits importés par la SIPLEC. Cette société dispose dune représentation à Hong Kong, la société SIPLEC International.
Le produit en cause, une mallette de papeterie, est fabriqué en Chine et les magasins Leclerc nen ont pas lexclusivité (cf. note 5) . Environ 32 400 exemplaires ont été vendus depuis son lancement au prix public de 7,61 Euro. Un exemplaire du coffret accompagné de sa notice a été transmis à la CSC (cf. note 6) .
Bien que la mallette ne contienne que du matériel de papeterie, elle a été qualifiée de jouet par la société SIPLEC, ce qui permet doffrir de meilleures garanties de sécurité au consommateur compte tenu des exigences de la norme correspondante. Cette définition nest cependant pas évidente et il est donc possible que des mallettes commercialisées par dautres distributeurs ne portent pas le marquage CE attestant de la conformité du produit aux exigences de sécurité définies par la réglementation sur les jouets.
Par courrier en date du 19 février 2002, M. L. a transmis à la CSC copie de rapports dessais de conformité du produit à la norme NF EN 71, parties 1, 2 et 3, relative à la sécurité des jouets établis courant 2001 par le laboratoire ACTS, organisme notifié dans le cadre de la directive « jouets » no 88/378/CEE.
Selon M. L., la présence dun produit tel que le cutter est conforme aux spécifications de la norme :
en effet, le paragraphe 4.7 de la norme EN 71-1 autorise la présence de bords coupants fonctionnels dans les jouets destinés aux enfants de plus de 36 mois dès lors que leur présence est accompagnée dune mention davertissement. Au cas particulier, cette clause a été respectée puisque la notice comporte la mention suivante : « Présence de pointes fonctionnelles et/ou de bords coupants » ;
en outre, une restriction dutilisation à partir de cinq ans a été ajoutée, renforçant de deux ans lâge prévu par la norme.
M. L. souligne en outre que le cutter nest pas le seul élément potentiellement coupant dans la mallette. On y trouve également une paire de ciseaux dont les extrémités sont certes arrondies mais dont les bords sont coupants, ainsi quun taille-crayon avec lequel un enfant peut se blesser sil y introduit son doigt.
De manière générale, il existe bien dautres jouets avec lesquels un enfant risque de se couper. Ainsi, certains coffrets contiennent de vrais scalpels et non des imitations. Dans certains pays dEurope du Nord comme lAllemagne et le Royaume-Uni où les jeux éducatifs sont très répandus, la présence de ciseaux ou de cutter nest pas perçue comme une source de dangers pour lenfant. Ces pays considèrent en effet que les accidents potentiels relèvent de la responsabilité de lutilisateur ou dune absence de surveillance parentale. La norme européenne, qui ninterdit pas ce type de produit, est le reflet de linfluence de ces pays pourtant très exigeants sur la prévention. Il serait donc très difficile pour la France de demander une modification de la norme européenne interdisant par exemple les jouets éducatifs à bords fonctionnels coupants.
M. L. regrette vivement laccident qui sest produit mais, estimant avoir respecté lobligation générale de sécurité en soumettant ces produits à des tests, il nenvisage pas den suspendre la commercialisation.
2. Audition de la responsable du service technique de la Fédération
française des industries Jouet-Puériculture (FJP), Mme A.
Mme A. a indiqué que le coffret de jeux nentrait pas de manière évidente dans le champ dapplication de la norme sur la sécurité des jouets. Mais, dès lors que le professionnel a considéré que le produit devait répondre aux exigences de cette dernière, les spécifications prévues dans la norme pour un jouet fonctionnel tel que le cutter ont été respectées tout comme pour dautres produits contenus dans le coffret et potentiellement dangereux pour lenfant, tels quagrafeuse, punaises, taille-crayon. Cest donc à bon droit que le laboratoire ACTS a pu considérer que le produit était conforme à la norme.
Il nen va pas de même par rapport aux exigences de sécurité prévues dans le décret du 12 septembre 1989 modifié relatif à la sécurité des jouets, et notamment le paragraphe II, point b, de lannexe 1 précité, qui prohibe les risques de blessures provoquées par les arêtes accessibles des jouets lors dun contact. A linstar de la paire de ciseaux qui comporte des bouts arrondis, le mini-cutter aurait pu être « sécurisé » en supprimant la pointe acérée dont on pourrait estimer quelle nest pas nécessaire à la fonction du jouet et en intégrant une sécurité permettant de bloquer la lame en position fermée à laide dun cran obligeant lenfant à effectuer une manuvre spécifique le préservant de coupures.
Mme A. souligne que la présence dun mini-cutter dans des coffrets non qualifiés de jouets par les professionnels ferait vraisemblablement considérer ces coffrets comme non conformes aux exigences essentielles de sécurité car ils seraient alors soumis à un examen de type basé sur une analyse de risques.
3. Informations fournies par la société Jouéclub
Par courrier en date du 28 juin 2002 le secrétaire général de la société Jouéclub a précisé que cette société est une coopérative de commerçants, mandataire au paiement pour ses adhérents, et qui nachète pas directement de jouets. Elle négocie des contrats de référencement auprès de fournisseurs de jouets. Le coffret de chasse dont la CSC a eu connaissance est distribué dans certains de ses magasins. Il est commercialisé en France par la société MCD MASCOR, agent français de la société italienne Edison qui le fabrique.
La société Jouéclub a transmis à la commission copie du certificat de conformité du coffret à la norme NF EN 71-1 relative à la sécurité des Jouets établi par un laboratoire Italien : « Instituto Italiano Sicurezza del Giocattoli ».
Comme son homologue français, le laboratoire ACTS, le laboratoire italien na signalé aucune non-conformité liée à la présence du tournevis, ni trouvé anormal que cet outil puisse être mis entre les mains dun enfant de trois ans.
4. Informations fournies par la société Heller
Fabricant de maquettes en plastique à assembler depuis plus de 30 ans, la société Heller a procédé à lacquisition de la société Joustra et fabrique des coffrets éducatifs sous cette marque. Le rapporteur a identifié dans le dernier catalogue Joustra des coffrets tels que :
« Le Menuisier », comprenant notamment des modèles réduits de scie circulaire, perceuse, ponceuse, scie sauteuse ;
« Tissnperls », comprenant notamment des aiguilles ;
« Le Pyrograveur », comprenant notamment un modèle réduit dappareil de pyrogravure à pointe chauffante instantanée ;
« Le Microscope », comprenant notamment un mini-cutter.
La société Heller a tenu à préciser que les tests effectués par les laboratoires seffectuaient sur les jouets dans leur configuration définitive.
La commission estime que la société Heller a fait une bonne interprétation des exigences de sécurité du décret no 89-662 du 12 septembre 1989 relatif à la prévention des risques résultant de lusage des articles de puériculture qui seront décrites plus loin.
En effet, les produits « à risque » ont été sécurisés : laiguille « magique » permettant denfiler les perles ne pique pas et ne rouille pas, selon un système breveté. La pointe de lappareil de pyrogravure est à refroidissement rapide. La lame du cutter est en plastique.
En outre, compte tenu des risques potentiels de blessure présentés par des jouets fonctionnels même sécurisés pour les enfants en très bas âge, aucune utilisation des coffrets ci-dessus mentionnés nest conseillée en dessous de huit ans. Ses seuils ont été fixés à la suite de tests effectués avec des enfants et « avec le bon sens des adultes ».
5. Informations fournies par la société IDS France
La société IDS a la particularité de commercialiser en France un coffret doutillage destiné aux enfants, « Le Ptit Menuisier », distribué notamment dans les magasins Carrefour et ToysRus. Le coffret contient 42 modèles réduits doutils en bois et en acier non sécurisés, dont une scie égoïne et surtout un ciseau à bois. Le coffret a fait lobjet dun examen de conformité positif à la norme européenne sur les jouets par le laboratoire ACTS qui a également réalisé les essais de conformité des coffrets contenant les mini-cutters.
Il est indiqué, sous forme de pictogramme et dans la notice davertissement figurant à lintérieur du coffret, que le produit ne convient pas aux enfants de moins de 36 mois et quil contient de petits éléments pouvant être absorbés par de jeunes enfants. En outre, lattention des adultes est attirée sur la présence de bords coupants et dobjets pointus.
Les responsables de la société IDS ont souligné que, allant au-delà des exigences minimales que prescrit la norme sur la sécurité des jouets, ils ont pris linitiative depuis plusieurs années de conseiller lutilisation du produit à partir de lâge de huit ans.
LA RÉGLEMENTATION APPLICABLE
Comme tout produit, les jouets sont soumis à lobligation générale de sécurité posée par larticle L. 221-1 du code de la consommation selon lequel : « Les produits et les services doivent, dans des conditions normales dutilisation ou dans dautres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, présenter la sécurité à laquelle on peut légitimement sattendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes. »
En outre, sapplique à eux, dune part, le décret du 12 septembre 1989 modifié et, dautre part, la norme NF EN-71-1.
1. Le décret du 12 septembre 1989 modifié relatif à la sécurité des jouets :
Ce texte précise les règles de sécurité exigées dune façon générale des jouets et dune façon particulière des jouets dits « fonctionnels ».
A. - Les exigences de sécurité générales
Les jouets sont soumis au décret no 89-662 du 12 septembre 1989 modifié relatif à la prévention des risques résultant de lusage des jouets. Ce texte transcrit en droit français la directive européenne 88/378/CEE du 3 mai 1988 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relative à la sécurité des jouets.
Le décret définit les jouets comme tous objets « conçus ou manifestement destinés à être utilisés pour leurs jeux par des enfants de moins de quatorze ans ».
Larticle 2 du décret prévoit que ne peuvent être fabriqués, importés, détenus en vues de la vente, mis en vente ou distribués à titre gratuit que les jouets « qui respectent les exigences essentielles de sécurité définies à lannexe II du présent décret (...). »
Parmi celles-ci figurent les prescriptions suivantes devant être observées par les professionnels au cas despèce :
I. - Principes généraux
« 1. Les utilisateurs de jouets ainsi que les tiers doivent être protégés contre les risques pour la santé et les risques de blessure lorsque les jouets sont utilisés conformément à leur destination ou quil en est fait un usage prévisible, compte tenu du comportement habituel des enfants.
Il sagit des risques :
a) Qui sont liés à la conception, à la construction et à la composition du jouet ;
b) Qui sont inhérents à lutilisation du jouet et que lon ne peut totalement éliminer en modifiant la construction et la composition du jouet sans en altérer la fonction ou le priver de ses propriétés essentielles. »
2. a) Le degré de risque encouru lors de lutilisation dun jouet doit être en relation avec la capacité des utilisateurs et, le cas échéant, de leurs surveillants dy faire face. Cela est particulièrement vrai pour les jouets qui, en vertu de leurs fonctions, dimensions et caractéristiques, sont destinés aux enfants de moins de trente-six mois.
b) Pour respecter ce principe, il faudra spécifier, le cas échéant, un âge minimum pour les utilisateurs des jouets et/ou la nécessité de sassurer quils sont utilisés uniquement sous la surveillance dun adulte.
3. Les étiquettes apposées sur les jouets et/ou leurs emballages ainsi que le mode demploi qui les accompagne doivent attirer lattention des utilisateurs ou de leurs surveillants, de façon efficace et complète, sur les risques liés à leur utilisation et sur la manière de les éviter. »
II. - Risques particuliers
« (...) b) Les arêtes, saillies, cordes, câbles et fixations accessibles des jouets doivent être conçus et réalisés de manière à réduire dans la mesure du possible les risques de blessure lors dun contact.
c) Les jouets doivent être conçus et fabriqués de façon que soient réduits au minimum les risques de blessures susceptibles dêtre infligées du fait du mouvement de leurs pièces.
(...) »
« f) Les jouets comprenant des éléments chauffants doivent être construits de manière à garantir que la température maximale de toutes les surfaces accessibles ne cause pas de brûlure lors dun contact.
(...)
Propriétés électriques :
(...)
c) Les jouets électriques doivent être conçus et réalisés de manière à garantir que les températures maximales atteintes par toutes les surfaces directement accessibles ne causent pas de brûlure lors dun contact. »
B. - Les exigences propres aux jouets fonctionnels
Ces jouets sont définis à lannexe III-3 du décret comme ceux qui ont « les mêmes rôles que les appareils ou installations qui sont destinés aux adultes et dont ils constituent un modèle réduit » :
ces jouets ou leur emballage doivent porter linscription « Attention ! A utiliser sous la surveillance dun adulte. » ;
ils doivent en outre être accompagnés « dune notice demploi mentionnant les instructions de fonctionnement ainsi que les précautions à suivre par lutilisateur, avec lindication quen cas domission de ces précautions celui-ci sexposerait aux risques propres, à préciser, de lappareil ou produit dont le jouet constitue un modèle réduit ou une imitation. Il est également indiqué que le jouet doit être maintenu hors de la portée de très jeunes enfants. »
Compte tenu des prescriptions réglementaires précitées, on peut à bon droit estimer que des jouets tranchants ou acérés tels que cutters, scalpels, scies et autres répliques doutils de bricolage, qui constituent des imitations ou des modèles réduits fidèles de produits destinés aux adultes sont susceptibles de blesser sérieusement un enfant ; dès lors, ils ne peuvent en aucun cas satisfaire aux exigences de sécurité du décret.
2. La norme NF EN 71-1 relative à la sécurité des jouets :
a) Le dispositif général :
Les jouets conformes à la norme NF EN 71 relative à la sécurité des jouets sont présumés conformes aux exigences essentielles de sécurité définies par les textes réglementaires (cf. note 7) .
La partie no 1 de la norme EN 71 concerne plus particulièrement les jouets fonctionnels. Elle a été adoptée en 1988 et révisée en 1998. Elle traite des exigences de sécurité liées aux propriétés mécaniques et physiques des jouets.
La partie no 2 de la norme, de 1994, définit les catégories de matériaux inflammables interdits dans la fabrication des jouets (cf. note 8) .
La partie no 3 de la norme, de 1995, spécifie les exigences et les méthodes dessai pour la migration à partir du matériau-jouet déléments chimiques limitativement énumérés (antimoine, arsenic, baryum, cadmium, chrome, plomb, mercure, sélénium).
Les parties no 4, de 1990, et no 5, de 1993, traitent respectivement des coffrets dexpériences chimiques et des jeux chimiques autres que les coffrets dexpériences chimiques (coffrets de moulage en plastiques, céramiques et émaux, etc.).
La partie no 6, de 1994, traite du symbole graphique destiné à informer les adultes quun jouet ne convient pas aux enfants de moins de trois ans. Il peut se substituer au texte davertissement « Ne convient pas aux enfants de moins de trois ans ». Lindication du risque spécifique doit apparaître sur le jouet lui-même, son emballage et la notice dutilisation.
b) La norme NF EN 71-1 et les jouets fonctionnels : insuffisances et recommandations :
La norme et la définition des jouets fonctionnels
A linstar du décret, la norme définit au paragraphe 3.17 un jouet fonctionnel comme « un jouet qui fonctionne et est utilisé de la même façon quun produit, un accessoire ou une installation destiné(e) à des adultes et qui souvent en est un modèle réduit, comme par exemple une cuisinière qui produit de la chaleur. »
En son paragraphe 4.7, la norme pose le principe selon lequel les jouets fonctionnels ne doivent pas présenter de risques sérieux de blessures tout en lassortissant dexceptions qui ne sont pas prévues expressément par le décret au titre des prescriptions sur les jouets fonctionnels. Ainsi, contrairement aux autres jouets, les jouets fonctionnels peuvent présenter des bords coupants et de pointes acérées.
Ces dérogations sont a priori légitimes : quel serait lintérêt pour lenfant dutiliser un jouet fonctionnel qui ne présenterait quune lointaine ressemblance avec loriginal ? A titre dexemple, si des ciseaux, un scalpel ou un cutter ne doivent en aucun cas présenter de lames ou de pointes en métal, en revanche, les ciseaux peuvent avoir des bords tranchants pour assurer une fonction de découpe et le scalpel peut disposer dune pointe.
Le problème est que certains professionnels et laboratoires écartent lesprit du texte pour sen tenir à la lettre. En dépit de cet écart, leur attitude est difficile à contester dès lors quaux points 4.7 et 4.8 de la norme il est admis que des bords coupants ou des pointes acérées puissent être présents sur de tels jouets « lorsquils sont nécessaires à leur fonction, sans autre précision ou limitation de conception ou de construction du jouet (cf. note 9) ».
Compte tenu des risques potentiels ainsi occasionnés, la commission estime nécessaire une révision de la norme sur ce point : celle-ci devrait indiquer que les bords tranchants ou les pointes acérées des jouets fonctionnels doivent être sécurisés en citant nommément, à titre dexemple, des cutters ou des scalpels qui ne se distinguent pas des produits destinés à des adultes. Seule une telle modification serait de nature à éviter une mauvaise interprétation des textes.
Avertissements et précautions demploi
La norme précise en outre que les risques potentiels liés à la présence de bords coupants ou de pointes acérées « sécurisés », tels que décrits précédemment, doivent être signalés sur lemballage et, le cas échéant, sur la notice (paragraphe 7.7).
Conformément au paragraphe 7.6, les jouets fonctionnels et leur emballage doivent porter lavertissement suivant : « Attention ! A utiliser sous la surveillance rapprochée dun adulte. » Ils doivent, en outre, être accompagnés dune notice demploi indiquant quils doivent être tenus hors de la portée des très jeunes enfants (cf. note 10) . Selon le paragraphe C 36 de la norme, lexpression « très jeunes enfants » correspond aux enfants âgés de moins de 36 mois.
La commission estime que cet âge minimum est manifestement inadapté pour certains jouets fonctionnels « sécurisés » (cf. note 11) .
Or, la norme ne prévoit pas la possibilité pour les fabricants de jouets fonctionnels de conseiller des tranches dâges supérieures compte tenu des caractéristiques du jouet. Pourtant, pour dautres jouets tels que les ballons de baudruche en latex, les normalisateurs ont estimé que, non gonflés ou abîmés, ceux-ci pouvaient présenter un risque détouffement et de suffocation pour les enfants de moins de huit ans (cf. point 7.3 de la norme).
Deux mentions dâge peuvent ainsi parfaitement cohabiter sur un produit, lune « normative » (à partir de 36 mois), lautre conforme à lutilisation raisonnée du produit (cinq ans ou huit ans), ce qui ne facilite pas la compréhension du consommateur.
Pour conclure sur ce terrain, le rapporteur estime que la rédaction de la norme NF EN 71-1 est porteuse dune contradiction :
dune part, elle ouvre une véritable « boîte de pandore » de jouets fonctionnels ;
dautre part, elle ne fixe pas assez de limites à la dangerosité de ces produits. Les obligations de marquage, dès lors quelles ne prennent en compte que la « barrière » des plus ou des moins de 36 mois, font fi de la diversité des produits et des comportements très divers des enfants. Lalerte sur les risques de blessure figurant sur les notices et les emballages est plus conçue comme un quitus préventif par rapport aux risques encourus que comme un outil pédagogique de prévention. Or, cette dernière serait dautant plus souhaitable quen France, comme le soulignent de nombreux observateurs, la culture de prévention est peu répandue. Ce nest pas sans raison que le représentant de la société SIPLEC a souligné le fossé existant entre lEurope du Nord et celle du Sud en ce domaine.
Lorsquon examine certaines autres parties de la norme européenne, lapproche est différente. Ainsi, la norme EN 71-5 sur la sécurité des jeux chimiques autres que les coffrets dexpérience chimique définit des âges minimums dutilisation en fonction des catégories de jouets : léventail va de 3 à 12 ans. En second lieu, elle ne se contente pas den appeler à la simple surveillance de ladulte lors des manipulations de produit à risque de lenfant. Elle recommande une surveillance active et participative. On peut citer un extrait du point 11.3 de la norme :
« (...) d) Du fait que les capacités des enfants sont variables, même au sein dun groupe dâge, il convient que les adultes qui surveillent les enfants évaluent quelles sont les expériences qui savèrent appropriées et sans risque pour les enfants. Il convient que les instructions permettent aux adultes qui surveillent les enfants dévaluer chacune des expériences afin de pouvoir déterminer son adéquation à un enfant particulier ;
e) Il est recommandé à ladulte qui surveille lenfant (ou les enfants) de discuter avec lui (ou eux) des avertissements, des indications relatives à la sécurité et des risques éventuels avant de se consacrer à lactivité. (...). »
En dautres termes, il aurait été utile que dans la notice figurant dans le coffret de papeterie ou dans le coffret doutils de bricolage lattention des parents soit appelée sur la nécessité dune sélection des articles à utiliser en fonction des capacités du ou des enfants ainsi que de laccompagnement pédagogique nécessairement lié à lusage de tel ou tel article.
La commission estime en conséquence souhaitable que des compléments soient apportés à la norme NF EN 71-1 sur tous ces points.
Emet lavis suivant :
Considérant les blessures graves infligées à des enfants de plus de cinq ans par un jouet cutter « fonctionnel » contenu dans un coffret darticle de papeterie pour enfants ;
Considérant linterdiction des cutters dans les écoles maternelles et élémentaires édictées par le ministère de léducation nationale depuis 1991 ;
Considérant les risques potentiels présentés par des produits similaires présents dans des coffrets de jeux de toute nature : de bricolage, darme, dexpérience scientifique ;
Considérant que si les jouets présumés fonctionnels ont pour but de familiariser de jeunes enfants avec des appareils destinés aux adultes, leur conception et leur construction doivent être adaptées à la capacité des enfants à les utiliser sans risque et doivent favoriser un contrôle actif et positif de ladulte ;
Considérant que les prescriptions du décret du 12 septembre 1989 modifié relatif à la sécurité des jouets excluent que des produits à bords tranchants ou pointes acérées non sécurisés tels que les mini-cutters en cause puissent être considérés comme des jouets ;
Considérant que la norme européenne NF EN 71-1 relative aux propriétés mécaniques et physiques des jouets à laquelle renvoie le décret prévoit des dérogations à linterdiction de la présence de bords coupants et de pointes acérées dans un jouet ;
Considérant que ces dérogations ne prévoient aucune limitation de sécurité dès lors que la présence de ces bords et pointes apparaissent nécessaires à la fonction du jouet et que les adultes en sont avertis par des mentions figurant sur les notices et emballages ;
Considérant que lâge minimum requis dutilisation de jouets fonctionnels par la norme (trois ans) est manifestement trop précoce pour lutilisation de certains produits tranchants ou piquants et quil convient déviter la présence sur la notice dutilisation et lemballage du produits de mentions dâges différents pour lutilisation du jouet ;
Considérant que les mentions davertissement devant figurer sur la notice et sur lemballage, telles que prévues dans la norme précitée, se contentent de signaler les risques ou la nécessité dune surveillance des adultes sans visée pédagogique et préventive,
La commission demande aux pouvoirs publics :
1. Conformément aux prescriptions du décret sur la sécurité des jouets, de faire en sorte que ne soient plus commercialisés sur le marché français des produits se présentant comme des jouets fonctionnels et disposant de bords tranchants et de pointes acérées non sécurisés tels que ceux identifiés par la commission : cutters, scalpels, mini-outils de bricolage.
2. De proposer une modification de la norme européenne sur la sécurité des jouets sur les points suivants :
au paragraphes 4.7 et 4.8, il conviendrait de ne pas conditionner la présence de bords coupants ou de pointes acérées à la seule fonctionnalité du jouet sans évoquer la nécessité de les sécuriser. Des produits tels que mini-cutter ou scalpels pourraient être cités en exemple ;
de ne pas considérer que lâge de trois ans est le seul « palier » dutilisation de certains jouets fonctionnels qui, manifestement, sadressent à des enfants dun âge supérieur ;
que les obligations de marquage des risques présentés par les produits sur les notices dutilisation soient complétées par des recommandations appelant à une participation active de ladulte en sinspirant des recommandations aux parents figurant au paragraphe 11.3 de lEN 71-5 sur les jeux chimiques.
3. Dans lattente de lexamen de ces propositions, de rappeler dans un avis aux professionnels les prescriptions du décret sur la sécurité des jouets en la matière.
La commission rappelle par ailleurs aux parents que la réglementation ne les exonère pas de la surveillance de leurs enfants et de la nécessaire vérification que les jouets qui sont mis à leur disposition, soit par cadeau, soit par prêt, sont conformes à leur développement psychomoteur et quils ne présentent pas de danger évitable. Un apprentissage « accompagné » par ladulte est nécessaire.
Enfin, la commission souligne la nécessité de disposer des données accidentologiques liées à lusage des jouets, permettant ainsi dadapter la prévention et les textes.
Adopté au cours de la séance du 4 septembre 2002, sur le rapport de Georges Garcia-Bardidia, assisté dOdile Finkelstein et de Patrick Mesnard, conseillers techniques de la commission, conformément à larticle R. 224-4 du code de la consommation.
NOTE (S) :
(1) Lidentification du lieu dachat a été transmise à la CSC par la requérante le 29 mars 2002.
(2) Les imitations fidèles darmes à feu réelles ne sont pas considérées comme des jouets.
(3) La CSC a demandé la constitution dune telle base de données à lInstitut de veille sanitaire (InVS) dans un récent avis du 6 mars 2002 sur la sécurité des colles utilisées pour lassemblage des jouets. Le rapporteur ne peut que rappeler la nécessité dun tel recensement.
(4) CHU de Tours, Marseille, Lille, Nantes et Paris.
(5) Dans un courrier en date du 23 mai 2002, la société Hyper U a indiqué que ce produit « faisait partie des achats faits en commun avec la SIPLEC ». Il est donc logique que le certificat de conformité du produit à la norme européenne EN 71-1 sur la sécurité des jouets transmis à la commission par Hyper U soit le même que celui transmis par la SIPLEC.
(6) Il a constaté que la lame du cutter et les punaises étaient rouillées.
(7) Il existe deux modes de preuve des exigences de sécurité. Le produit doit soit avoir été fabriqué conformément aux normes le concernant dont les références sont publiées au Journal officiel de la République française, soit être conforme à un modèle qui bénéficie dune attestation de conformité délivrée à la suite dun examen « CE de type » réalisé par un laboratoire agréé.
(8) Les différents objets figurant dans le coffret darticles de papeterie contenant le mini-cutter (crayons, feutres, métal et peinture rouge des punaises, papier imprimé, plastique du corps des feutres, encres, mines de crayon, plastique et peinture noire de la règle, plastique du cutter, colle, etc.) sont concernés par les parties nos 2 et 3 de la norme.
(9) Bien que la norme ne cite que deux produits à bords tranchants possibles « lames et lamelles » de microscope, figurant entre parenthèses dans le texte, les laboratoires qui testent les produits considèrent que la liste des produits visés nest pas limitative. Une clarification rédactionnelle simposerait.
(10) De manière générale, les jouets, quils soient fonctionnels ou non, non destinés aux enfants de moins de 36 mois et qui, en outre, présentent des dangers pour eux doivent, conformément au paragraphe 7.2, porter lavertissement suivant « Ne convient pas aux enfants de moins de 36 mois » ou le pictogramme prévu par la norme EN 71-6 ainsi quune brève indication concise des raisons spécifiques motivant cette restriction.
(11) On peut prendre lexemple dun scalpel en plastique à pointe acérée.
© Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie - DGCCRF - 26 novembre 2002 |