Sommaire | N° 10 du 24 juin |
Arrêt de la cour dappel de Paris (1re chambre, section H) en date du 30 avril 2002 relatif au recours formé par le ministre de léconomie (DGCCRF) contre la décision no 01-D-66 (*) du Conseil de la concurrence en date du 10 octobre 2001 relative à des pratiques mises en uvre par la société France Télécom à loccasion dune offre sur mesure conclue en 1998
NOR : ECOC0200165X
Demandeur au recours : M. le
ministre de léconomie (DGCCRF), ayant son siège bâtiment 5,
59, boulevard Vincent-Auriol, 75703 Paris Cedex 13, représenté
par Mme Bibet, munie dun pouvoir spécial.
Défenderesse au recours : la société
France Télécom, prise en la personne de ses représentants
légaux, ayant son siège 6, place dAlleray, 75505 Paris
Cedex 15, représentée par la SCP Gibou-Pignot-Grappotte-Benetreau,
avoués, 201, rue Lecourbe, 75015 Paris, assistée de
Me Clarenc Christophe, avocat au bureau de Paris, cabinet Latham
& Watkins, 154, rue de lUniversité, 75007 Paris, enfreint
les dispositions de larticle L. 420-2 du code de commerce et abusé
de sa position dominante, estimant quil nétait pas démontré
que loffre sur mesure (OSM), signée le 31 mars 1998 avec
la société Renault, aurait comporté des remises de couplage
entre les différentes prestations de téléphonie ou aurait
subordonné les conditions générales de cette offre à
lobtention de la totalité du trafic concerné ;
La cour :
Vu le recours en annulation et en réformation
formé par le ministre de léconomie, des finances et de lindustrie,
le 12 novembre 2001, à lencontre de cette décision ;
Vu le mémoire contenant lexposé
des moyens du requérant, déposé le 11 décembre 2001,
et le mémoire en réplique déposé le 22 février 2002
par lesquels le ministre de léconomie, des finances et de lindustrie
demande à la cour :
dannuler la décision
du Conseil de la concurrence et de statuer à nouveau ;
de qualifier au regard de larticle
L. 420-2 du code de commerce loffre sur mesure présentée
par France Télécom à la société Renault ;
de sanctionner cette pratique en
infligeant à France Télécom une sanction pécuniaire
dau moins 76 224,50 Euro ;
Vu les observations déposées le 8 février 2002
par la société France Télécom et celles déposées
le 13 février 2002 par le Conseil de la concurrence, qui tendent
au rejet du recours, la société France Télécom sollicitant
paiement dune somme de 10 000 F au titre de larticle 700
du nouveau code de procédure civile ;
Vu les conclusions orales du ministère public
tendant aux mêmes fins ;
Sur
ce :
Considérant que la loi du 26 juillet 1996
de réglementation des télécommunications a ouvert à
la concurrence, au plan national, à compter du 1er janvier 1998,
les services de communications téléphoniques fixes dont France
Télécom détenait jusqualors le monopole légal ;
que son cahier des charges, approuvé par décret no 96-1225
du 26 décembre 1996, prévoit les conditions lui permettant
de déroger à la procédure dhomologation de ses tarifs
infrastructures permettant de présenter, pour le trafic intradépartemental,
une offre pour lensembe des sites Renault, France Télécom
a mis en uvre une pratique consistant à coupler dans une même
offre des services fournis en situation de quasi-monopole (à savoir les
acheminements du trafic intradépartemental) à des services ouverts
à la concurrence, liant, selon lui, son offre globale à un engagement
de lui confier 80 % du trafic national ;
Quil reproche au conseil davoir limité
son contrôle aux seules énonciations du contrat conclu le 31 mars 1998
avec France Télécom ou à sa présentation formelle
et davoir omis de constater, au regard notamment des déclarations
faites par France Télécom par procès-verbal du 9 avril 1999,
des termes de ses propositions des 4 et 17 décembre 1999
et de son offre définitive du 5 février 1998, que lOSM,
présentée avec des grilles de réduction propres à
chaque type de trafic téléphonique (local, voisinage, interurbain)
a été comprise, tant par France Télécom que par
Renault, comme une offre globale comportant des engagements de consommation
globaux portant non pas sur chaque trafic séparément, mais au
moins, par certains aspects, sur la somme de trafic correspondant à des
marchés différents ;
Quil ajoute que si loffre sur mesure de
France Télécom na pas empêché Cegetel dobtenir
20 % du marché (quil lui paraît difficile de qualifier
à la suite du Conseil de partie substantielle) elle na pas permis
à celle-ci, nouvel entrant sur le marché de la téléphonie
longue distance nationale, dobtenir la totalité de ce quelle
avait proposé dans son offre du 18 février 1998, mais
a permis à France Télécom de capter 80 % du marché
des communications interurbaines de dépit de tarifs moins intéressants
que ceux de son principal concurrent ;
Que cette pratique caractérise selon lui un abus
de position dominante prohibée par larticle L. 420-2 du code
de commerce qui doit être sanctionné ;
Mais considérant que France Télécom
lui objecte pertinemment que si loffre globale quelle a formulée
visait lensemble du trafic téléphonique de Renault, en réponse
à la sollicitation de cette dernière, elle nen a pas moins
parfaitement distingué, dans les offres qui ont été faites,
les différents types de trafic concernés - local, de voisinage
et national - et pour chacun de ces trois types, les niveaux de réduction
tarifaire consentis et les engagements distincts de volumes minimum proposés ;
Que les pénalités prévues au contrat
du 31 mars 1998 en cas de non-respect des conditions du trafic local
et de voisinage, dune part, et du trafic interurbain, dautre part,
ont été fixées segment par segment, contrairement au contrat
de 1999, sanctionné par une autre décision, invoquée en
vain par le requérant : un abus de position dominante, et que celle-ci
navait pas enfreint les dispositions de larticle L. 420-2 du
code de commerce ;
Quil convient, en conséquence, de rejeter
le recours ;
Quil ny a lieu de faire droit à la
demande formée par la société France Télécom
au titre de larticle 700 du nouveau code de procédure civile,
Par
ces motifs :
Rejette le recours ;
Dit ny avoir lieu de faire application de larticle 700
du nouveau code de procédure civile ;
Dit que les dépens de la présente instance
resteront à la charge du Trésor public.
Le greffier Le président
(*) Décision no 01-D-66 du Conseil de la concurrence en date du 10 octobre 2001 (parution dans le BOCCRF no 1 du 21 janvier 2002).
© Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie - DGCCRF - 25 juin 2002 |