Sommaire | N° 10 du 24 juin |
Arrêt de la cour dappel de Paris (1re chambre, section H) en date du 9 avril 2002 relatif au recours formé par la SA Bloc Matériaux contre la décision no 01-D-36 (*) du Conseil de la concurrence en date du 28 juin 2001 relative à des pratiques relevées dans le secteur du béton prêt à lemploi et des produits en béton en Côte-dOr
NOR : ECOC0200138X
Demanderesses au recours :
SA Bloc Matériaux, prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège 63, route dAhuy, 21121 Fontaine-lès-Dijon, représentée par la SCP Taze-Bernard-Belfayol-Broquet, avoué, 1, rue de Stockholm, 75008 Paris, assistée de M. le bâtonnier Jean Du Parc, avocat, SCP Du Parc-Bonnard-Decaux-Seutet, 10, rond-point de la Nation, 21000 Dijon ;
SA Etablissements L. Maggioni, prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège La Lisière, 21560 Bressey-sur-Tille, représentée par la SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, avoué, 23, rue du Louvre, 75001 Paris, assistée de Me J.-P. de la Laurencie, Norton Rose, Washington Plaza, 42, rue Washington, 75008 Paris, toque J 039 ;
SA Dijon Béton, prise en la personne de son représentant légal M. Jean-Pierre Pion, ayant son siège route de Gray, 21850 Saint-Apollinaire, représentée par la SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, avoué, 23, rue du Louvre, 75001 Paris, assistée de Me V. Selinsky, avocat, 300, allée des Grives, 34170 Castelnau-le-Lez ;
SAS Pagot et Savoie, prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège 9, rue Gay-Lussac, 21300 Chenôve, représentée par la SCP Lagourgue, avoué, 19, boulevard de Sébastopol, 75001 Paris, assistée de Me J.-C. Grall, avocat, 80, avenue Marceau, 75008 Paris, toque P 40 ;
SAS Doras Matériaux, prise en la personne de son président, ayant son siège 6, rue Antoine-Becquerel, 21300 Chenôve, représentée par la SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, avoué, 23, rue du Louvre, 75001 Paris, assistée de Me L. Donnedieu de Vabres, avocat, 87, avenue Kléber, 75116 Paris.
En présence du ministre chargé de léconomie, représenté par Mme Bibet, munie dun mandat régulier.
Composition de la cour lors des débats et du délibéré :
Mme Marais, président ;
Mme Penichon, conseiller ;
Mme Delmas-Goyon, conseiller.
Greffier :
Lors des débats : Mme Klock ;
Lors du prononcé de larrêt : Mme Padel.
Ministère public : M. Woirhaye, substitut général.
Débats : à laudience publique du 15 janvier 2002.
Arrêt prononcé publiquement le 9 avril 2002, par Mme Marais, président, qui a signé la minute avec Mme Padel, greffier.
Après avoir, à laudience publique du 15 janvier 2002, entendu les conseils des parties, les observations de Mme le représentant du ministre chargé de léconomie et celles du ministère public, les requérantes ayant eu la parole en dernier ;
La société Dijon Béton, créée en 1965, est un important producteur de béton prêt à lemploi dans le département de la Côte-dOr.
Son capital est réparti entre trois catégories dactionnaires : des entrepreneurs qui, détenant ensemble 40 % du capital, constituent le groupe A, des négociants, à savoir à lépoque des faits, les sociétés Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux, qui détiennent 30 % du capital et constituent le groupe B, et des sabliers qui, avec 30 % du capital, constituent le groupe C.
Linstruction a montré, et il nest dailleurs pas contesté que les responsables des sociétés du groupe B, actionnaires de la société Dijon Béton, se réunissent régulièrement pour décider de la politique commerciale de lentreprise en présence du président du conseil dadminsitration de celle-ci.
Les trois négociants bénéficient, en outre, dune exclusivité de distribution du béton prêt à lemploi produit par la société Dijon Béton dans les zones où ils sont implantés. La société Dijon Béton approvisionne par ailleurs en direct, dune part, les entreprises dont le siège est situé en dehors du département de la Côte-dOr et le chantier emploie une quantité importante de béton prêt à lemploi, et, dautre part, les négociants situés dans les zones non couvertes par ses actionnaires négociants.
La société Maggioni, créée en 1955, et qui ne fabriquait que des agglomérés et des hourdis, produits en béton préfabriqués, a décidé en 1988 de construire une centrale de béton prêt à lemploi à côté de Dijon et de commercialiser ce produit.
Onze autres négociants de produits en béton sont installés dans le département, dont la société Rolland Matériaux, à lorigine de lenquête menée dans le secteur du béton prêt à lemploi et des produits en béton en Côte-dOr.
Sur ordonnance dautorisation rendue par le président du tribunal de grande instance de Dijon le 15 juin 1994, différentes opérations de visites et de saisies se sont déroulées dans les entreprises précitées.
Par lettre du 19 janvier 1996, le ministre délégué aux finances et au commerce extérieur a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques relevées dans ce secteur.
Par la décision no 01-D-36 du 28 juin 2001, le Conseil de la concurrence a retenu, dune part, à lencontre des sociétés Dijon Béton, Maggioni, Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux, la mise en uvre dune entente consistant à se répartir la clientèle du béton prêt à lemploi produit par lentreprise Maggioni, qui a eu pour objet et pour effet de limiter laccès aux marchés.
Il a en conséquence infligé aux entreprises les sanctions pécuniaires suivantes ;
1 900 000 F à la société Dijon Béton ;
1 000 000 F à la société Maggioni ;
5 700 000 F à la société Doras Matériaux ;
7 400 000 F à la société Pagot et Savoie ;
1 700 000 F à la société Bloc Matériaux,
et ordonné la publication de sa décision.
La cour :
Vu les recours en annulation, et subsidiairement en réformation, déposés par les sociétés Dijon Béton, Maggioni, Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux contre cette décision ;
Vu le mémoire du 4 septembre 2001 et le mémoire en réplique du 20 décembre 2001 déposés par la société Dijon Béton, par lesquels elle demande à la cour de :
A titre principal :
prononcer lannulation de la décision déférée en ce quelle sappuie sur des pièces et documents prescrits, méconnaît les règles de procédure et les droits de la défense et a condamné des pratiques dont il nest pas établi quelles résultent dune concertation anticoncurrentielle ;
ordonner le remboursement immédiat à la société Dijon Béton des sommes versées au titre de la sanction pécuniaire, assorti des intérêts au taux légal à compter du paiement, et la capitalisation des intérêts à compter dudit paiement ;
A titre subsidiaire :
prononcer la réformation de la décision en ce que la sanction pécuniaire qui a été infligée à la société Dijon Béton est disproportionnée au regard des exigences de larticle L. 464-2 du code de commerce et dans la mesure où elle sajoute aux amendes infligées à ses actionnaires pour les mêmes faits ;
réduire substantiellement le montant de ladite sanction ;
ordonner le remboursement à la société Dijon Béton des sommes éventuellement trop perçues versées au titre de la sanction pécuniaire, avec intérêts au taux légal à compter du paiement, et la capitalisation des intérêts à compter dudit paiement ;
Vu le mémoire du 30 août 2001 et le mémoire en réplique du 19 décembre 2001 déposés par la société Maggioni, par lesquels elle demande à la cour dannuler, ou à tout le moins réformer, la décision du Conseil en ce quelle lui a infligé une sanction pécuniaire de 1 000 000 F, de déclarer quil nest pas établi quelle ait enfreint les dispositions de larticle L. 420-1 du code de commerce, de la décharger de toute sanction pécuniaire et dordonner le remboursement de la totalité de la somme de 1 000 000 F versée au Trésor public, avec intérêts au taux légal à compter de la date de son paiement ;
Vu le mémoire du 31 août 2001 et le mémoire en réplique du 19 décembre 2001 déposés par la société Doras Matériaux, par lesquels elle demande à la cour de :
A titre principal, prononcer lannulation de la décision en ce que :
le Conseil sest prononcé sur la base dune saisine irrégulière, la lettre de saisine en date du 12 janvier 1996 émanant dune autorité qui nétait pas habilitée pour procéder à une telle formalité ;
la décision, pour affirmer lexistence de pratiques anticoncurrentielles, a utilisé des documents couverts par la prescription ;
la participation de la société Doras Matériaux, dune part, à la mise en place dune prétendue structure tarifaire commune concernant la vente du béton prêt à lemploi et, dautre part, à de prétendues pratiques de répartition de clientèle du béton prêt à lemploi produit par la société Maggioni nest pas démontrée ;
la sanction pécuniaire infligée à lencontre de la société Doras Matériaux na pas été motivée, contrairement aux exigences de larticle L. 464-2 du code de commerce ;
ordonner le remboursement immédiat à la société Doras Matériaux des sommes versées au titre de la sanction pécuniaire, assorti des intérêts au taux légal à compter du paiement, et la capitalisation desdits intérêts à compter du paiement.
A titre subsidiaire, prononcer la réformation de la décision en ce que la sanction pécuniaire infligée à la société Doras Matériaux est disproportionnée au regard des critères de larticle L. 464-2 du code de commerce ;
réduire de façon substantielle le montant de ladite sanction, ordonner le remboursement immédiat du trop-perçu des sommes versées au titre de la sanction pécuniaire, assorti des intérêts au taux légal à compter du paiement, et la capitalisation desdits intérêts à compter du paiement ;
condamner le ministre chargé de léconomie au paiement dune somme de 50 000 F au titre de larticle 700 du nouveau code de procédure civile ainsi quaux entiers dépens ;
Vu le mémoire du 29 août 2001 et le mémoire en réplique du 19 décembre 2001 déposés par la société Pagot et Savoie, par lesquels elle demande à la cour :
A titre principal :
dannuler la décision en ce que :
le Conseil a considéré que la société Pagot et Savoie sest concertée avec les sociétés Dijon Béton, Maggioni, Doras Matériaux et Bloc Matériaux, dune part, pour convenir dune structure tarifaire comune concernant la vente du béton prêt à lemploi et, dautre part, pour se répartir la clientèle en matière de béton prêt à lemploi ;
le Conseil lui a infligé une amende de 7 400 000 F et a ordonné la publication de sa décision dans la publication quotidienne régionale Le Progrès ;
dordonner le remboursement immédiat des sommes versées par la société Pagot et Savoie au titre de la sanction pécuniaire qui lui a été infligée, ainsi que le remboursement des frais engagés par elle pour procéder à la publication de la décision, avec intérêts au taux légal à compter de leur paiement ;
A titre subsidiaire :
de réformer la décision en ce quelle a infligé une sanction pécuniaire à la société Pagot et Savoie sans proportion avec, dune part, la gravité des pratiques poursuivies et du dommage causé à léconomie et, dautre part, le montant de son chiffre daffaires annuel concerné par les pratiques en cause ;
de réduire sensiblement le montant de lamende infligée à la société Pagot et Savoie ;
dordonner le remboursement immédiat du trop-perçu des sommes versées au titre de la sanction pécuniaire, assorti des intérêts au taux légal à compter de leur paiement,
en toutes hypothèses, de condamner le ministre chargé de léconomie au paiement de la somme de 100 000 F au titre de larticle 700 du nouveau code de procédure civile ;
Vu le mémoire du 29 août 2001 et le mémoire en réplique du 19 décembre 2001 déposés par la société Bloc Matériaux, par lesquels elle demande à la cour de :
dire que le Conseil na pas été valablement saisi, le 12 janvier 1996, par le ministre délégué aux finances et au commerce extérieur, et prononcer en conséquence lannulation de la décision ;
subsidiairement, dire quil nest pas établi que les sociétés Dijon Béton, Maggioni, Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux se soient concertées, dune part, pour convenir dune structure tarifaire commune concernant la vente de béton prêt à lemploi, dautre part, pour se répartir la clientèle en matière de béton prêt à lemploi ;
annuler les sanctions pécuniaires infligées et ordonner le remboursement à la société Bloc Matériaux de la somme de 1 700 000 F, avec intérêts au taux légal à compter du versement ;
ordonner la publication de la décision à intervenir dans le journal Le Progrès, aux frais de lEtat français ;
ordonner le remboursement à la société Bloc Matériaux des frais exposés pour concourir à la réalisation de la publication ordonnée par la décision entreprise ;
condamner le ministre de léconomie et des finances à payer à la société Bloc Matériaux la somme de 100 000 F sur le fondement de larticle 700 du nouveau code de procédure civile ;
Vu les observations écrites déposées le 14 novembre 2001 par le ministre chargé de léconomie, aux termes desquelles il conclut au rejet des recours, sauf à ce que la cour apprécie si la démonstration de ladhésion de la société Maggioni à la structure tarifaire mise en place par les sociétés Dijon Béton, Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux est suffisante et qualifiable au regard de larticle L. 420-1 du code de commerce, et si les éléments retenus par le Conseil quant à la participation de la société Maggioni aux pratiques de répartition de clientèle sont suffisamment probants ;
Vu les observations écrites déposées le 14 novembre 2001 par le Conseil de la concurrence, par lesquelles il réfute chacun des moyens avancés par les sociétés requérantes ;
Le ministère public ayant été entendu en ses observations orales tendant à la réformation de la décision en ce que la qualification par le Conseil des comportements de lentreprise Maggioni au titre des dispositions de larticle L. 420-1 du code de commerce nest pas caractérisée, et au rejet des recours des autres requérantes ;
Les sociétés requérantes ont été mises en mesure de prendre la parole en dernier pour répondre à lensemble des observations écrites et orales ;
Sur ce :
Sur la procédure
Sur lenquête préalable à lordonnance de visites et saisies :
Considérant que la société Dijon Béton soutient que le Conseil a méconnu les droits de la défense en refusant de vérifier la régularité des actes denquête ayant abouti à lordonnance dautorisation de visites et saisies, motif pris que sa contestation ne concernait que la véracité déléments sur lesquels le juge sest fondé, et non sur la licéité des documents qui lui ont été présentés ;
Mais considérant quen application de larticle L. 450-4 du code de commerce lordonnance ayant autorisé les opérations de visites et saisies nest susceptible que dun pourvoi en cassation, le Conseil nayant pas compétence pour apprécier la régularité de lautorisation judiciaire ; que la société Dijon Béton, qui avait ainsi la faculté de former un recours contre lordonnance ayant autorisé les visites et saisies, nallègue pas que les documents sur lesquels a été fondée lautorisation judiciaire, dont elle conteste la véracité, aient ultérieurement servi de fondement à des griefs formulés à son encontre ;
Considérant, en conséquence, que ce moyen est inopérant ;
Sur les procès-verbaux de visite et de saisie du 22 juin 1994 :
Considérant, tout dabord, que les sociétés Dijon Béton, Maggioni et Pagot & Savoie font valoir que le procès-verbal de visite et de saisie dressé dans les locaux de la société Dijon Béton serait nul en ce quil na pas été signé par M. Jzydlowski, directeur technique de cette société, qui a pourtant assisté seul à une partie des opérations, de 9 h 30 à 10 h 45 ; que la société Maggioni invoque le même moyen concernant le procès-verbal de visite et de saisie dressé dans ses locaux, non signé par Mme Maggioni, secrétaire, qui a assisté à une partie des opérations ;
Considérant quaux termes de larticle 32, alinéa 2, du décret no 86-1309 du 29 décembre 1986, les procès-verbaux dressés en application de larticle L. 450-4 du code de commerce sont signés par les enquêteurs, par loccupant des lieux ou son représentant, ainsi que par lofficier judiciaire chargé dassister aux opérations ;
Considérant, en lespèce, que le procès-verbal dressé dans les locaux de la société Dijon Béton énonce que les opérations quil relate se sont déroulées en la présente de M. Jacotot, directeur, à partir de 10 h 25, ou de son représentant, M. Jzydlowski, directeur technique, de 9 h 30 à 10 h 25 ;
Que celui dressé dans les locaux de la société Maggioni mentionne que les opérations se sont déroulées en la présence de M. Maggioni, directeur commercial, et de Mme Maggioni, secrétaire, et précise que la visite dune partie des locaux sest effectuée en la seule présence de Mme Maggioni ;
Quen apposant leur signature sur ces procès-verbaux en qualité doccupant des lieux, M. Jacotot et M. Maggioni ont, par là même, relevé respectivement M. Jzydlowski et Mme Maggioni de leur mandat de représentation ; quen conséquence, ces procès-verbaux satisfont aux prescriptions légales, lesquelles nexigent pas que les procès-verbaux soient signés par toutes les parties ayant assisté aux opérations ;
Quau surplus les requérantes ne font état daucun fait précis de nature à établir que labsence de signature des deux procès-verbaux en cause par M. Jzydlowski et Mme Maggioni leur ferait grief, étant observé, en outre, que la société Dijon Béton nindique pas en quoi le procès-verbal dressé en ses locaux ne rendrait pas compte fidèlement du déroulement des opérations ;
Considérant, ensuite, que la société Pagot & Savoie soutient que les procès-verbaux dressés dans les locaux des sociétés Dijon Béton et Doras Matériaux ne sont pas exhaustifs car ils ne permettraient pas de savoir ce que les enquêteurs ont fait entre 9 heures, heure de leur arrivée, et 9 h 30 ou 9 h 45, heure à laquelle ils ont notifié lordonnance dautorisation ;
Mais considérant que le procès-verbal ne mentionne aucune opération durant ce laps de temps et quil nest pas allégué par les sociétés concernées, lesquelles ne formulent pour leur part aucune contestation de ce chef, que des opérations de visite et de saisie auraient été effectuées ;
Considérant quil sensuit que les moyens soulevés à lencontre des procès-verbaux de visite et de saisie dressés le 22 juin 1994 dans les locaux des sociétés Dijon Béton, Maggioni et Doras Matériaux doivent être écartés ;
Sur le procès-verbal de déclaration de M. Jean-Pierre Pion du 13 décembre 1994 :
Considérant que le 13 décembre 1994 les enquêteurs ont recueilli de M. Jean-Pierre Pion, président-directeur général de la société Dijon Béton, des explications sur les documents saisis et des informations complémentaires ; que, selon le procès-verbal de déclaration, il a été convenu que le procès-verbal relatant lentretien serait présenté à Jean-Pierre Pion le 6 janvier 1995 ; quen raison de lannulation de ce rendez-vous les enquêteurs ont transmis un projet de procès-verbal par courrier à Jean-Pierre Pion, qui a fait part de ses obsrvations sur ce projet par lettre du 19 janvier 1995, à laquelle les enquêteurs ont répondu, le procès-verbal définitif ayant été signé le 7 février 1995 ;
Que figurent ainsi au dossier un projet de procès-verbal non signé, qui comporte les commentaires manuscrits de Jean-Pierre Pion, auquel est annexé un bordereau de remise de pièces, mais sans quune quelconque allusion à ce bordereau ne soit faite dans le projet de procès-verbal, et le procès-verbal définitif signé le 7 février 1995, mais auquel le bordereau de remise de pièces nest pas annexé, ainsi que la correspondance échangée au sujet de ce procès-verbal ; que, cependant, si le projet de procès-verbal annoté auquel est joint le bordereau de remise de pièces a été annexé à la notification des griefs, seul le procès-verbal définitif, donc sans ce bordereau, a été annexé au rapport ;
Considérant que les sociétés Dijon Béton et Pagot & Savoie soutiennent quen prenant en considération, pour sanctionner les entreprises poursuivies, le projet de procès-verbal et deux des pièces listées sur le bordereau sous les numéros 17 et 18, à savoir une note explicative sur la société Dijon Béton (pièce no 18) et un compte rendu de réunion du groupe B du 3 août 1972 (pièce no 17), le Conseil a violé les règles de procédure ; quelles soulignent quau surplus les deux pièces se trouvent dans le dossier en dehors de tout procès-verbal de remise de documents, et que dès lors rien ne permet de vérifier quelles ont été régulièrement obtenues par les enquêteurs ;
Mais considérant que les modalités de rédaction du procès-verbal, qui ont permis de prendre en considération les commentaires de M. Jean-Pierre Pion, ne font pas grief aux requérantes, et ce dautant que la décision du Conseil sest fondée sur les seules mentions du procès-verbal définitif de ses déclarations ;
Considérant, par ailleurs, quil résulte de la correspondance de M. Jean-Pierre Pion du 19 janvier 1995 que celui-ci a demandé que la pièce no 18 soit versée au dossier ; que la note de présentation de Dijon Béton en annexe 23 du rapport, pages 575 à 580, est bien identifiée « pièce no 18 », que le texte de cette note mentionne que lui est annexé le compte rendu de la réunion du groupe B du 3 août 1972, également en annexe 23 du rapport pages 579 et 580, en sorte que lorigine de ces pièces, communiquées par M. Jean-Pierre Pion, ne souffre aucune contestation, peu important que le bordereau de remise de pièces, versé au dossier, nait pas été annexé au rapport ;
Considérant, en conséquence, quil ny a pas lieu décarter des débats les pièces en cause ;
Sur les allégations de déloyauté de lenquête :
Considérant, en premier lieu, que la société Dijon Béton dénonce une manuvre déloyale consistant pour les enquêteurs à conseiller à la société Rolland Matériaux de lui demander ses tarifs par lettre recommandée avec accusé de réception, alors quune telle demande navait dautre but que de lui tendre un piège et de provoquer un refus fautif de sa part ;
Mais considérant que tout producteur est tenu de communiquer ses tarifs et conditions de vente à tout acheteur qui en fait la demande dans lexercice de son activité professionnelle, en application de larticle L. 441-6 du code de commerce, et quil ne saurait y avoir ainsi manuvre déloyale par laquelle la société Dijon Béton aurait été amenée à sauto-incriminer ; quau surplus, la réponse de la société Dijon Béton na pas été utilisée pour étayer les griefs retenus à son encontre ;
Considérant, en second lieu, que les sociétés Dijon Béton et Pagot et Savoie invoquent, au titre de la déloyauté de lenquête, la présence au dossier du projet de procès-verbal de déclaration précité de M. Jean-Pierre Pion du 13 décembre 1994 ;
Mais considérant que dans le contexte ci-dessus précisé, la présence de ce projet dans le dossier ne saurait être qualifiée de déloyale, alors que les requérants ne démontrent pas quelle leur aurait fait grief, et que seules les énonciations du procès-verbal définitif ont été retenues par le Conseil ;
Que laffirmation de la société Dijon Béton selon laquelle la signature de M. Jean-Pierre Pion sur le procès-verbal définitif lui aurait été « extorquée » nest étayée par aucun élément ;
Considérant en troisième lieu, que la société Pagot et Savoie critique le procès-verbal de déclaration de M. Georges Pernot, directeur de la société Tubaggo, du 22 novembre 1994, en ce que M. Pernot fait référence au début de cette déclaration à une enquête menée en 1992, dont lobjet était beaucoup plus large, ce qui impliquerait une confusion dans son esprit sur lobjet de lenquête menée en 1994, sans que les enquêteurs ne le détrompent ;
Mais considérant que lobjet de lenquête tel quil figure sur le procès-verbal du 22 novembre 1994 est clair et précis et quau demeurant, la déclaration de M. Georges Pernot ne concerne pas le marché du béton prêt à lemploi, mais celui des agglomérés, au sujet duquel le Conseil na retenu aucun grief ;
Considérant quil sensuit quil ny a pas lieu décarter des débats les pièces dont le rejet est sollicité.
Sur la saisine du Conseil :
Considérant que, dans leur mémoire en réplique, les sociétés Maggioni, Doras Matériaux et Bloc Matériaux demandent lannulation de la décision déférée en raison de lirrecevabilité de la saisine du Conseil par le ministre délégué aux finances et au commerce extérieur ;
Mais considérant quil résulte de larticle 2.3o du décret no 87-849 du 19 octobre 1987 que lorsque la déclaration de recours contre la décision du Conseil ne contient pas lexposé des moyens invoqués, le requérant doit déposer cet exposé au greffe dans les deux mois qui suivent la notification de la décision frappée de recours ;
Que tel nest pas le cas en lespèce, puisque ce moyen de nullité de la décision na pas été formulé par les sociétés requérantes dans leur mémoire initialement déposé au greffe dans le délai susvisé ;
Considérant que ce moyen sera donc rejeté.
Sur lutilisation de documents couverts par la prescription :
Considérant que les sociétés Dijon Béton, Maggioni, Pagot et Savoie et Doras Matériaux soutiennent que le Conseil ne sest pas contenté déclairer les pratiques incriminées à laide de documents prescrits, mais a utilisé des documents couverts par la prescription pour présumer lexistence des pratiques reprochées et comme indices de pratiques anticoncurrentielles, fondant des sanctions sur lesdits documents ; quil en serait ainsi en particulier de la note de M. Philippe Logerot, dont la date détablissement se situe probablement en 1998, des deux contrats de commercialisation du 14 octobre 1988 et du projet de compte rendu de réunion du groupe B du 28 juin 1988 ;
Considérant quil nest pas discuté que les faits antérieurs au 20 décembre 1990 sont prescrits ;
Considérant que si, en application des dispositions de larticle L. 462-7 du code de commerce, des faits antérieurs ne peuvent être sanctionnés, il est permis déclairer des faits non prescrits au moyen de faits antérieurs couverts par la prescription, à la condition que ces éléments dinformation ne soient ni qualifiés ni poursuivis ; que par ailleurs, une entente peut être sanctionnée même si elle trouve son origine pendant la période prescrite, dès lors quelle sest poursuivie pendant la période non prescrite ;
Considérant que lutilisation des documents en cause sera appréciée ci-après, à la lumière des principes précédemment rappelés, à loccasion de lexamen de la qualification des pratiques anticoncurrentielles retenues ;
Sur le fond
Sur lexistence dune structure tarifaire commune sur le prix de vente du béton prêt à lemploi :
Considérant, tout dabord, que la société Dijon Béton fait valoir que le Conseil aurait laissé sans réponse la question de savoir si une structure qui associe des entreprises exerçant des activités complémentaires (fournisseurs, revendeurs utilisateurs) appelle des critiques du point de vue du droit de la concurrence ; que si le Conseil nétait pas tenu de répondre à cette question, il convient cependant dobserver quen page 29 de sa décision, il a précisé que la mise en place de cette structure commune ne constituait pas, en soi, une pratique anticoncurrentielle et que lentente par laquelle la société Dijon Béton et ses actionnaires négociants ont décidé de confier à ces négociants, sur leur zone dactivité, lexclusivité de la commercialisation du béton prêt à lemploi produit par Dijon Béton, nétait pas contraire aux dispositions de larticle L. 420-1 du code de commerce ;
Considérant, ensuite, que la société Dijon Béton soutient quen retenant à son encontre un grief dentente tarifaire avec la société Maggioni qui ne lui a pas été notifié, le Conseil a violé le principe du contradictoire ; quen effet, elle na pu sexpliquer sur lentente horizontale pour laquelle elle a été sanctionnée, de nature et de gravité différentes de lentente verticale dont elle était par ailleurs accusée ;
Or, considérant que le rapport retient, en premier lieu, un grief dentente entre les sociétés Dijon Béton, Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux sur une structure tarifaire commune, comportant des montants de marge minimum et laffectation à une clientèle commune de montants de marges identiques ; que ce grief porte sur les prix de vente du béton prêt à lemploi fabriqué par lentreprise Dijon Béton ;
Quil retient, en second lieu, un grief dentente entre les sociétés Maggioni, Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux, concernant la mise en place dune structure tarifaire commune sur le prix de vente du béton prêt à lemploi ; que lexamen des griefs montre que ce grief porte exclusivement sur le prix de vente du béton prêt à lemploi produit par lentreprise Maggioni et quaucun grief na été notifié à la société Dijon Béton de ce chef ;
Que, dans sa décision, le Conseil, après avoir retenu, au titre du premier grief, lexistence dune entente entre la société Dijon Béton et les négociants sur les marges applicables aux ventes du béton prêt à lemploi produit par lentreprise Dijon Béton et, au titre du second grief, ladhésion de lentreprise Maggioni à la structure tarifaire résultant de la première entente, a déduit de ces éléments lexistence dune structure tarifaire commune entre les entreprises Dijon Béton, Maggioni, Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux sur le prix de vente du béton prêt à lemploi ;
Considérant, cependant, que nayant pas reçu notification du second grief retenu par le rapport, la société Dijon Béton na pas été mise à même de faire valoir ses observations de ce chef ni, par voie de conséquence, sur le grief unique pour lequel elle a été sanctionnée par le Conseil ;
Considérant quil convient ainsi dannuler partiellement la décison du Conseil en ce quelle a sanctionné la société Dijon Béton pour sa participation à une entente portant sur une structure tarifaire commune concernant la vente du béton prêt à lemploi produit par la société Maggioni ;
Que, toutefois, la cour, saisie dun recours de pleine juridiction, aux termes de larticle L. 464-8 du code de commerce, est en mesure de statuer sur les deux griefs ci-dessus rappelés, quil convient, au vu de ce qui précède, dapprécier de façon distincte ;
Sur la structure tarifaire commune mise en place par les sociétés Dijon Béton, Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux concernant la vente du béton prêt à lemploi produit par la société Dijon Béton :
Considérant que cest à bon droit que le Conseil a retenu, à lencontre de ces entreprises, lexistence dune structure tarifaire commune résultant des indices suivants :
les comptes rendus des réunions du groupe B « Négoce » des 28 juin 1988, 25 janvier 1991, 30 janvier 1992, 15 décembre 1992 et 2 février 1994 qui font apparaître que les marges des négociants pour chaque catégorie de clients étaient révisées chaque année en fonction dune formule existante ;
lexamen de facturations des négociants en 1994 qui montre que, dans de très fortes propositions, les marges pratiquées sont identiques ou très légèrement supérieures à celles fixées pour cette période, le total sétablissant à 100 % pour Doras Matériaux, 92 % pour Pagot et Savoie et 72 % pour Bloc Matériaux ;
la proposition de classement des clients du négoce dans les catégories A, B et C jointe aux comptes rendus des 28 juin 1988, 30 janvier 1992 et 15 décembre 1992, étant précisé que le montant des marges correspondant à chaque catégorie de clients est explicitement rappelé dans le document du 15 décembre 1992 et que le compte-rendu du 28 juin 1988 explique quainsi les clients peuvent se voir proposer les mêmes prix, quils soient livrés par Dijon Béton en direct ou par les négociants, tout en ayant la possibilité dêtre facturés par la société de leur choix ;
un rapprochement entre les noms de plusieurs clients figurant dans la liste de classement jointe au compte-rendu du 15 décembre 1992 et la facturation qui leur a été consentie, montrant que les marges qui leur ont été appliquées sont identiques à celles prévues dans la proposition de classement ;
Considérant, en effet, que sil est exact que le procès-verbal du 28 juin 1988 est couvert par la prescription, le Conseil a justement observé quil nétait utilisé que pour éclairer le mécanisme de lentente qui, ainsi quil ressort des autres documents, sest poursuivi entre 1991 et 1994, période non prescrite ;
Quen outre, si les marges effectivement pratiquées par les négociants nont pas été systématiquement contrôlées, il ressort cependant du dossier de lenquête que les factures examinées ont été sélectionnées de manière aléatoire et peuvent ainsi être utilisées pour effectuer des comparaisons ;
Que cest en vain que les sociétés requérantes contestent que ces comparaisons illustrent une application effective des marges préconisées, dès lors quelles ne contestent pas les chiffres rapportés en page 10 de la décision ;
Quenfin les éléments ci-dessus montrent que les marges ainsi fixées nétaient pas des marges maximales, ou des marges indicatives conseillées que les négociants étaient libres de moduler à la baisse, ainsi que le prétendent les sociétés requérantes ;
Sur la mise en place par les entreprises Maggioni, Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux, dune structure tarifaire commune concernant la vente du béton prêt à lemploi produit par lentreprise Maggioni :
Considérant que, selon le Conseil, lexistence entre ces entreprises dune structure tarifaire identique à celle résultant de lentente entre lentreprise Dijon Béton et les trois négociants se déduit des éléments suivants :
une mention manuscrite de la société Doras Matériaux sur le compte rendu de la réunion du groupe B du 1er juillet 1993 ainsi rédigée : « le problème des marges Maggioni évoqué à la réunion ne figure pas sur le compte rendu - MB sur grosses affaires - Ravetto, Grosse, Bourg, Travaux - MB < 4 % alors que les règles veulent que les MB soient de 10 % » ;
deux lettres du président de Doras Matériaux des 8 juillet et 10 août 1993, par lesquelles celui-ci rappellerait à lentreprise Maggioni leurs accords concernant lapplication dune marge de 10 % en ces termes :
« Il apparaît que contrairement aux accords que nous avions pris de facturer ces entreprises en gardant une marge de 8 % (au lieu de 10 % habituellement), les prix de vente que vous nous appliquez nous laissent une marge de 3 ou 4 % en moyenne. »
« Ravetto : nous avons constaté que la marge sur cette entreprise est de 17 F par m3. Cette marge denviron 4 % est bien inférieure à la marge de 10 % normalement consentie au négoce. Ce niveau de marge pour cette entreprise est ancien et les négociants ont été contraints de sy plier.
Bourgogne Travaux : à la différence de Ravetto, cette entreprise est présente depuis peu sur le marché dijonnais, il ny a donc aucune raison de pratiquer le niveau de marge de 4 %. Lors de la négociation pour le chantier de lHôpital, Nous avions consenti de ramener notre niveau de marge de 10 à 8 % » ;
une note manuscrite de Doras Matériaux du 9 septembre 1993 : « Marge Maggioni/Négoces - 10 % - cette marge nest plus respectée - refaire le tarif sur base DB (Dijon Béton) » ;
un rapprochement effectué entre des entreprises du BTP qui figurent sur la liste de classement jointe au compte rendu du groupe B du 15 décembre 1992 et les mêmes entreprises qui, en 1994, ont passé aux trois négociants des commandes de béton prêt à lemploi en provenance de lentreprise Maggioni, qui montre que celles-ci se voient appliquer des montants de marge identiques à ceux définis en commun lors des réunions du groupe B, quatre exemples de marges étant cités dans la décision : 4,9 %, 5 %, 5,6 % et 14,4 % ;
Considérant, cependant, que ces documents, en provenance de la société Doras Matériaux, lesquels témoignent essentiellement du comportement de cette seule entreprise et font apparaître que la marge évoquée de 10 % habituellement pratiquée na pas été appliquée, sont insuffisants à démontrer lexistence dune entente entre la société Maggioni et les trois négociants sur une structure tarifaire commune ;
Quen outre, le niveau de marge sur lequel aurait porté lentente napparaît pas clairement, dès lors que les documents sur lesquels le Conseil sappuie mentionnent une marge de 10 % puis, dans les exemples cités, des taux de marge réellement appliqués de 4,9 % à 14,4 %, dont il est indiqué en bas de la page 31 de la décision quils correspondraient aux marges définies (en valeur absolue) lors des réunions du groupe B, sans quaucune démonstration nen soit apportée ;
Quau surplus, les quatre exemples cités dans la décision de marges effectivement pratiquées, qui seraient identiques à celles résultant des ventes du béton produit par lentreprise Dijon Béton, ne sont pas de nature à conforter lexistence de la pratique reprochée, alors que la facturation des négociants examinée par les enquêteurs montre que les marges appliquées sur le béton en provenance de lentreprise Maggioni ont été différentes et ne peuvent illustrer une structure de marge commune, ainsi que relevé en page 41 du rapport ;
Quenfin, lensemble des éléments du dossier tend à montrer que lentreprise Maggioni était perçue comme un concurrent, sur les produits duquel les marges des négociants étaient trop basses ;
Considérant quil sensuit que le grief dentente entre les sociétés Maggioni, Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux, portant sur une structure tarifaire commune du béton prêt à lemploi fabriqué par lentreprise Maggioni, doit être écarté ;
Sur la mise en place, par les sociétés Dijon Béton, Maggioni, Doras Matériaux, Pagot & Savoie et Bloc Matériaux, dune entente consistant à se répartir la clientèle du béton prêt à lemploi produit par lentreprise Maggioni :
Considérant que la note du 9 septembre 1993 saisie au siège de la société Doras Matériaux - laquelle comporte les mentions manuscrites : « accord de base 17 % du marché Dijon affecté à Maggioni lors de sa création » et « contrôle mensuel de m3 avec DB + Maggioni + négoces » - confirmée par la note de M. Philippe Logerot (Doras Matériaux) datant de 1988 indiquant : « sentendre et sur les agglos et sur le béton avec Maggioni... on lui laisse 20 000 m3 de béton... », est insuffisante à établir, contrairement à ce qua retenu le Conseil, que lors de linstallation de la centrale de béton de lentreprise Maggioni, en 1988, une entente de répartition de marché, qui était encore en vigueur au moment de lenquête, sétait constituée en vue daffecter à lentreprise Maggioni un pourcentage du marché de 17 %, avec un contrôle de ses ventes :
Quen effet, dune part, il ne ressort pas des documents précités que lentreprise Maggioni ait participé à une entente visant à limiter sa part de marché à 17 %, laquelle naurait au demeurant pas été respectée, ce dautant quelle était perçue par les autres entreprises comme un concurrent sur le marché dont la progression était préoccupante, ainsi quil ressort des éléments du dossier ;
Que ces pièces ne sont pas non plus de nature à établir un contrôle effectif des ventes de lentreprise Maggioni, alors au surplus que les relevés commercialisés par elle, figurant en annexe 70 au rapport, ont été adressés à la société Dijon Béton par les négociants, qui pouvaient disposer facilement de ces données du marché, sans intervention de lentreprise Maggioni ;
Que, dautre part, si les notes précitées traduisent une volonté commune de la société Dijon Béton et des négociants de limiter la part de marché de lentreprise Maggioni et de parvenir à un accord lassociant à une telle limitation, aucun des éléments du dossier ne révèle que ces entreprises auraient exercé sur elle des pressions à cet effet, ni quelles auraient tenté de limiter son développement par des actions effectives sur le marché ;
Que dès lors, et contrairement à ce quont soutenu le ministre et le ministère public, la seule tentative daccord anticoncurrentiel non suivie deffet et la seule intention de limiter la part de marché de leur concurrent non suivie de manuvres en ce sens ne sauraient caractériser une entente, au sens de larticle L. 420-1 du code de commerce ;
Considérant, en conséquence, quil ne peut être retenu ni à lencontre de lentreprise Maggioni, ni à lencontre des entreprises Dijon Béton, Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux un accord anticoncurrentiel de répartition de clientèle du béton prêt à lemploi produit par lentreprise Maggioni ;
Sur les sanctions
Considérant quil
convient tout dabord de mettre hors de cause la société
Maggioni, à lencontre de laquelle linstruction na permis
détablir aucune pratique anticoncurrentielle ;
Considérant, ensuite, que ne subsiste à
lencontre des sociétés Dijon Béton, Doras Matériaux,
Pagot et Savoie et Bloc Matériaux quun seul grief concernant
la mise en place dune structure commune de marge applicable aux prix de
vente du béton prêt à lemploi produit par la société
Dijon Béton ;
Considérant que cette pratique a eu pour objet
et pour effet de dissuader les entreprises de déterminer leurs prix de
façon autonome et de supprimer toute concurrence par les prix entre elles
sur ce produit ;
Que toutefois, sagissant du dommage causé
à léconomie, la pratique en cause a été circonscrite
à un secteur géographique limité et, sur ce marché,
les prix se sont révélés « plutôt compétitifs »
et les marges ont été « plutôt modestes »
par rapport aux autres marchés géographiques, ainsi que la
constaté le Conseil ;
Quen outre il convient de prendre en considération
que, malgré limportance de la société Dijon Béton
et des trois négociants sur le marché local, une concurrence a
néanmoins existé sur ce marché, ainsi quil ressort
des énonciations de la décision sur les caractéristiques
de celui-ci ;
Considérant, par ailleurs, que lobservation
des sociétés Pagot et Savoie et Doras Matériaux
selon laquelle la sanction pécuniaire qui leur a été infligée
est sans proportion avec le montant de leur chiffre daffaires annuel concerné
par les pratiques en cause est sans portée, dès lors que le montant
de la sanction sapprécie en fonction du chiffre daffaires
global de lentreprise et non celui du secteur concerné par les
pratiques ;
Considérant, également, que la société
Dijon Béton nest pas fondée à faire valoir quen
sanctionnant la société et ses actionnaires le Conseil a sanctionné
deux fois les mêmes faits, dès lors que la participation des sociétés
Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux au
capital de la société Dijon Béton à hauteur, ensemble,
de 30 %, ne saurait en soi exclure lindépendance de Dijon
Béton par rapport à ses actionnaires ; que chacune des entreprises
est sanctionnée en tant quentité juridique et économique
autonome ayant participé à une pratique anticoncurrentielle ;
Considérant quau vu des éléments
qui précèdent il convient de réduire les sanctions pécuniaires
infligées par le Conseil, dans les termes du dispositif ci-après,
et de rejeter la demande de publication, laquelle napparaît pas
justifiée ;
Considérant que léquité ne
commande pas de faire application en la cause des dispositions de larticle 700
du nouveau code de procédure civile,
Par
ces motifs :
Annule la décision no 01-D-36
du Conseil de la concurrence en ce quelle a infligé une sanction
à la société Dijon Béton pour avoir mis en uvre,
avec les sociétés Maggioni, Doras Matériaux, Pagot et Savoie
et Bloc Matériaux, une structure tarifaire commune sur le prix du béton
prêt à lemploi ;
La réforme pour le surplus ;
Et, statuant à nouveau :
Met hors de cause la société Maggioni ;
Inflige les sanctions pécuniaires suivantes :
65 000 Euro à la société
Dijon Béton ;
200 000 Euro à la société
Doras Matériaux ;
250 000 Euro à la société
Pagot et Savoie ;
60 000 Euro à la société
Bloc Matériaux,
Dit que le Trésor public restituera aux sociétés
requérantes le trop-perçu au titre des sanctions infligées
par le Conseil, avec intérêt au taux légal à compter
de la notification du présent arrêt et, au profit des sociétés
Dijon Béton et Doras Matériaux, capitalisation de ceux-ci, dans
les conditions de larticle 1154 du code civil ;
Rejette toutes autres demandes ;
Met les dépens à la charge des sociétés
Dijon Béton, Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc
Matériaux.
Le greffier Le président
(*) Décision no 01-D-36 du Conseil de la concurrence en date du 28 juin 2001 (parution dans le BOCCRF no 10 du 24 juillet 2002).
© Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie - DGCCRF - 25 juin 2002 |