Sommaire | N° 10 du 24 juin |
Arrêt de la cour dappel de Paris (1re chambre, section H) en date du 9 avril 2002 relatif au recours formé par la SA France Télécom contre la décision no 02-MC-03 (*) du Conseil de la concurrence en date du 27 février 2002 relative à la saisine et à la demande de mesures conservatoires présentée par la société T-Online France
NOR : ECOC0200141X
Demanderesse au recours :
SA France Télécom, prise en la personne
de son président-directeur général, ayant son siège
6, place dAlleray, 75015 Paris, représentée par
la SCP Gibou-Pignot-Grapotte-Benetreau, avoué, 201, rue Lecourbe,
75015 Paris, assistée de Me C. Clarenc, avocat,
154, rue de lUniversité, 75007 Paris, toque T 09.
Défenderesse au recours :
SAS T-Online France, prise en la personne de ses
représentants légaux, ayant son siège 11, rue de Cambrai,
75019 Paris, représentée par Me Fisselier
de la SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, avoué, 23, rue du Louvre,
75001 Paris, assistée de Me O. Freget, avocat,
centre daffaires Edouard-VII, 6, rue de Caumartin, 75009 Paris,
toque R 0255.
En présence du ministre de léconomie,
des finances et du budget, représenté aux débats par Mme Bibet,
munie dun mandat régulier.
Composition de la cour lors des débats et du
délibéré :
M. Lacabarats, président ;
Mme Penichon, conseiller ;
Mme Delmas-Goyon, conseiller.
Greffier :
Lors des débats : Mme Jagodzinski ;
Lors du prononcé de larrêt :
Mme Padel.
Débats à laudience publique du 19 mars
2002.
Ministère public : M. Woirhaye, substitut
général.
Arrêt prononcé publiquement le 9 avril
2002, par M. Lacabarats, président, qui a signé la minute
avec Mme Padel, greffier.
Après avoir, à laudience publique
du 19 mars 2002, entendu les conseils des parties, les observations de
Mme le représentant du ministre chargé de léconomie
et celles du ministère public, la requérante ayant eu la parole
en dernier ;
Vu les mémoires, pièces et documents déposés
au greffe à lappui du recours ;
Le 28 novembre 2001, la société T-Online
France (ci-après T-Online), filiale de lopérateur allemand
Deutsche Telekom et fournisseur daccès Internet (FAI), qui exerce
son activité sous lenseigne Club Internet, a saisi le Conseil de
la concurrence de pratiques quelle estime anticoncurrentielles relatives
à la commercialisation, à travers le réseau de distribution
de la société France Télécom, des services daccès
à Internet haut débit par la technologie « Asymetric
Digital Subscriber Line » (ADSL) de la société
Wanadoo Interactive, filiale de France Télécom à 99 %
(ci-après Wanadoo).
La technologie ADSL permet la fourniture des services
daccès à Internet haut débit sur les lignes existantes
du réseau local téléphonique par lajout déquipements
spécifiques. Lutilisateur de cette prestation doit souscrire un
abonnement audit service auprès dun FAI ainsi quà
une offre dinterconnexion rapide de technologie ADSL auprès dun
opérateur de télécommunications. Cette offre lui est vendue
sous forme dun pack par les différents FAI existant sur le marché
auxquels France Télécom revend en gros son service Netissimo daccès
à des services Internet utilisant son ADSL, dans le cadre dun contrat
dénommé IP/ADSL.
La société T-Online reproche, pour lessentiel,
à France Télécom de lui offrir, dans le cadre de ce dernier
contrat, un service de vérification de léligibilité
de la ligne téléphonique à lADSL et de commande dadaptation
de cette ligne peu performant, qui se traduit par une procédure lourde
et formaliste, engendrant des délais de connexion longs, incompatibles
avec une distribution de masse, alors que Wanadoo bénéficierait
dun service immédiat et automatisé mis en place dans les
agences de France Télécom. Par ailleurs, France Télécom
aurait proposé aux FAI de commercialiser, dans la grande distribution,
leurs propres offres daccès à Internet associées
à son offre daccès ADSL, sous forme dun pack, en mettant
à leur disposition une plate-forme spécifique utilisant les services
de son réseau dagences commerciales, moyennant renonciation à
leur liberté commerciale en matière de fixation des prix de revente
de leurs offres et application de la politique de rémunération
des enseignes de la grande distribution décidée par elle.
Accessoirement à cette saisine au fond, la société
T-Online a sollicité le prononcé de mesures conservatoires qui
lui ont été accordées par décision no 02-MC-03
du 27 février 2002 du Conseil de la concurrence dans les termes
suivants :
« Article 1er. -
Il est enjoint à la société France Télécom
de mettre à la disposition de lensemble des fournisseurs daccès
Internet un serveur daccès Extranet permettant daccéder
aux mêmes informations sur léligibilité des lignes
téléphoniques à lADSL et sur les caractéristiques
techniques des modems compatibles avec léquipement de ces lignes
que celles dont dispose Wanadoo Interactive et de commander aux services spécialisés
de France Télécom lopération matérielle de
la connexion dans les mêmes conditions defficacité que celles
accordées à Wanadoo Interactive, selon les mêmes conditions
tarifaires, mais selon des conditions techniques autorisant le traitement de
masse en ligne.
Article 2. - Dans lattente de la mise en place
de ce système, il est enjoint à la société France
Télécom de suspendre la commercialisation des packs ADSL de la
société Wanadoo Interactive dans ses agences commerciales jusquà
ce que loutil Extranet soit rendu effectivement disponible pour lensemble
des fournisseurs daccès Internet qui en font la demande.
Cette suspension pourra être levée par
le Conseil, qui sera saisi à cet effet par la partie la plus diligente,
dès que deux contrats au moins auront été signés
entre France Télécom et des fournisseurs daccès à
Internet autres que Wanadoo pour lutilisation de ce système, et
à lissue dune période dessai dun mois.
Article 3. - Dans un délai de quatre mois au
plus tard à compter de la notification de la présente décision,
il sera rendu compte au Conseil par les parties des dispositions prises par
France Télécom pour se conformer à linjonction définie
à larticle 1er.
Article 4. - Il est enjoint à la société
France Télécom de suspendre toute offre multi-FAI destinée
à être commercialisée dans la grande distribution et associant
la fourniture de son offre de service ADSL Netissimo à une offre de fourniture
daccès à Internet qui présenterait les mêmes
caractéristiques que celles détaillées à lannexe 10
de la saisine. »
La société France Télécom
a formé un recours, par voie dassignation à laudience
du 19 mars 2002, aux fins dannulation et, subsidiairement, de réformation
de cette décision. Ce recours vise uniquement les trois premiers articles
de la décision du Conseil ;
La
cour :
Vu lassignation du 15 mars 2002 de la société
France Télécom tendant :
à titre principal :
dire et juger
que larticle 1er de la décision du Conseil
de la concurrence no 02-MC-03 du 27 février 2002
viole, en fait et en droit, les exigences de larticle L. 464-1 du
code de commerce ;
en conséquence,
annuler lensemble des mesures techniques figurant à larticle 1er
de la décision du Conseil ;
à titre subsidiaire :
dire et juger
que la mesure de suspension prononcée au premier paragraphe de larticle 2
de la décision du Conseil viole larticle L. 464-1 du code
de commerce ;
dire et juger
que les modalités de la levée de cette suspension prévues
au deuxième paragraphe de larticle 2 de la décision
du Conseil violent les articles L. 464-1 et L. 464-2 du code de commerce ;
en conséquence,
annuler larticle 2 de la décision du Conseil et, le cas échéant,
réformer larticle 1er de cette décision ;
Vu les conclusions du 19 mars 2002 de la société
T-Online tendant à :
rejeter le recours formé par
France Télécom à lencontre des articles 1er,
2 et 3 de la décision du Conseil du 27 février 2002 ;
condamner France Télécom
à lui payer la somme de 25 000 Euro au titre de larticle 700
du NCPC ;
Le Conseil de la concurrence na pas fait valoir
dobservations ;
Le ministre de léconomie et le ministère
public ont été entendues en leurs observations orales tendant
au rejet du recours ;
La requérante a eu la parole en dernier ;
Sur
ce :
Sur
la mise en cause de Wanadoo interactive :
Considérant que vainement France Télécom
invoque la nullité de la procédure au motif que sa filiale, Wanadoo
Interactive, qui serait gravement pénalisée par la mesure de suspension
prise par le Conseil, dans son article deuxième, nest pas partie
à la procédure ; quen effet, France Télécom
na pas sollicité devant le Conseil la mise en cause de sa filiale
laquelle ne sest manifestée ni devant lautorité de
marché ni devant la cour ; quen outre, léventuelle
répercussion de la mesure conservatoire sur le mode de commercialisation
des produits de Wanadoo nest pas de nature à affecter la validité
de la procédure dès lors que linjonction a été
adressée à la seule société France Télécom ;
Sur
lexistence de pratiques abusives :
Considérant que, pour contester lexistence
de pratiques abusives, la société France Télécom
fait valoir, dune part, que lavantage concurrentiel résultant
de la mise à disposition de sa filiale, Wanadoo Interactive, dun
service déligibilité et de commande daccès
ADSL plus performant, nest pas démontré ; quelle
prétend, dautre part, que lincompatibilité présumée
dudit service avec le traitement de masse des commandes daccès
ADSL ne saurait être retenue à sa charge, le fait que T-Online
ne dispose pas dun réseau dagences comparable au sien ne
pouvant lui être imputé ; quelle ajoute enfin que la
commercialisation du pack ADSL eXtense de Wanadoo dans les agences de France
Télécom ne constitue pas en soi une pratique abusive justifiant
la mesure de suspension prise ;
Mais considérant, dune part, que, selon
un communiqué du 21 décembre 2001 de la Commission européenne,
Wanadoo occuperait « près de 60 % du marché
français de laccès Internet à haut débit (y
compris laccès par câble) et plus de 90 % de laccès
ADSL de la clientèle résidentielle », étant
observé que ni les réseaux câblés, limités
géographiquement, ni les boucles locales radio, en cours de déploiement
et positionnées sur la clientèle professionnelle, ne peuvent se
substituer à la technique ADSL ; quil résulte, en outre,
de lavis no 2002-35 de lART du 9 janvier 2002
que France Télécom exploiterait et utiliserait le réseau
téléphonique local « en situation de monopole »,
en dépit de lexistence des procédés complémentaires
mais distincts que sont le dégroupage de la boucle locale et laccès
à un circuit virtuel permanent, lesquels restent circonscrits ;
quen conséquence, il ne peut être exclu, ainsi que le relève
le Conseil, que le groupe France Télécom détienne une position
dominante sur le réseau local de télécommunications et
pour la fourniture de laccès Internet haut débit ;
Considérant, dautre part, que saisi de
pratiques entrant dans le champ de larticle L. 420-2 du code de commerce,
le Conseil a, par de motifs pertinents que la cour adopte, suffisamment caractérisé
lexistence dune discrimination structurelle entre opérateurs,
résultant de la mise en place par France Télécom, à
partir de ses agences commerciales, dun système performant de vérification
de léligibilité des lignes et de passation des commandes,
pour la mise en service des connexions ADSL dans des délais compatibles
avec une distribution de masse, service dont ne bénéficie pas,
dans les mêmes conditions de fiabilité et de sécurité,
et en labsence dune implantation territoriale comparable, la société
T-Online ;
Quen effet, il ressort notamment des constats
dhuissier établis le 14 novembre 2001 et des propos tenus
par la direction de lentreprise, que Wanadoo bénéficie pour
la distribution de son pack ADSL eXtense du support des agences de France Télécom,
lesquelles orientent systématiquement la demande sur les produits Wanadoo
afin de « préempter le marché, en coupant lherbe
sous le pied de (ses) concurrents » (annexes 44 et 45 de
la saisine) ; que ces mêmes documents ainsi que lannexe 27
de la saisine relative au dossier dinformation ADSL sur le service Netissimo-Turbo IP,
composante réseau de la prestation Internet ADSL, et la pièce
no 10 de France Télécom montrent que Wanadoo bénéficie
dun service immédiat et simultané déligibilité
de la ligne à lADSL, par un accès fiable et rapide aux informations
dont dispose France Télécom sur le réseau local téléphonique
ainsi que dun service de passation des commandes performant, qui lui permet
de consulter sur un écran le processus complet du traitement de celle-ci,
grâce à la combinaison de ses serveurs avec les serveurs de commandes
de France Télécom ;
Quà linverse, ainsi que la
justement retenu le Conseil, il résulte des clauses 5-1 et 5-5 ainsi
que de lannexe 3 du contrat IP/ADSL que les FAI se voient proposer,
pour le même service, une procédure lourde et formaliste de vérification
déligibilité de la ligne et de passation des commandes ;
quil sensuit pour les FAI, outre des refus daccès injustifiés
dus à des informations erronées résultant du manque de
fiabilité du fichier, dont la mise à jour nest au mieux
quhebdomadaire (pièces 10, 11 et 12 de T-Online), des délais
de connexion dune dizaine de jours environ, incompatible avec une distribution
de masse de 15 à 20 000 raccordements par semaine et plus longs
que ceux dont bénéficie Wanadoo, qui obtient la connexion en quatre
jours grâce aux informations techniques détenues par les agences
de France Télécom sur le territoire géographique quelles
recouvrent (annexe 36 de la saisine, page 10) ;
Que sous ce regard, le constat dhuissier du 4 mars 2002
et larticle du Journal du Net du 8 janvier 2002 « Les
packs ADSL au banc dessai » produits par France Télécom
afin détablir la similarité des délais de connexion
entre les opérateurs sont insuffisamment probants dès lors que
le premier ne porte que sur trois demandes daccès isolées
et quil est mentionné dans le second que les informations nont
pas été vérifiées ; que, par ailleurs, lexistence
dune offre promotionnelle lancée par T-Online, qui lui apporterait
1 000 à 2 000 nouveaux clients par jour, ne saurait constituer
la preuve de ce que le service déligibilité et de commande
daccès ADSL permet une distribution de masse, dès lors que
le succès de cette offre repose essentiellement sur son caractère
promotionnel (offre du modem pendant un mois) et quil est peu probable
que T-Online puisse maintenir durablement sa présence sur le marché
en compensant par cette action le handicap né des conditions opérationnelles
mises en uvre par France Télécom dans ses agences :
quenfin, si France Télécom projette, à partir de
février 2002, de fournir aux FAI un service similaire à celui
quelle rend à Wanadoo, cest en utilisant un processus qui nest
compatible avec le traitement de masse requis quà la condition
de disposer dun réseau dagences comparable au sien, ce qui
nest pas le cas des FAI ainsi que la noté le Conseil ;
Quen conséquence, contrairement à
ce qui est soutenu par France Télécom, cest lensemble
du processus de commercialisation des packs ADSL au travers de son réseau
de distribution, qui est susceptible de se trouver affecté par la discrimination
résultant des conditions opérationnelles de mise en uvre
du contrat IP/ADSL.
Sur
la gravité et limmédiateté de latteinte :
Considérant que France Télécom
prétend que le Conseil ne justifie pas de ce que linsuffisance
dautomatisation du processus déligibilité et de commande
daccès quil relève et la commercialisation des packs
de Wanadoo dans les agences France Télécom sont à lorigine
dune atteinte grave et immédiate à la concurrence ;
Mais considérant, en premier lieu, que les pratiques
évoquées par le Conseil comme susceptibles de constituer un abus
de position dominante, ne sauraient être réduites par France Télécom
à « une insuffisance dautomatisation » du
processus déligibilité et de commande ; que cest
une discrimination structurelle résultant des conditions opérationnelles
de la commercialisation des packs ADSL qui a été retenue, à
bon droit, par le Conseil ; que ces pratiques portent une atteinte grave
à la concurrence en ce quelles renforcent les tendances monopolistiques
des secteurs concernés et permettent à France Télécom
de structurer le marché à sa guise, en donnant à sa filiale
un avantage décisif sur ses concurrents, lié à une meilleure
connaissance de son infrastructure de réseau par la commercialisation
du service ADSL dans ses agences ; quelle empêche ainsi les
FAI, et parmi eux T-Online, de simplanter durablement sur le marché
de la fourniture daccès à Internet haut débit et
décourage les opérateurs dinvestir sur le marché
connexe du dégroupage, ce qui nuit, à terme, aux consommateurs,
lesquels sont privés des effets bénéfiques dune saine
compétition.
Considérant en second lieu, que, selon diverses
sources citées par le Conseil dans sa décision, 70 à 75 %
des lignes téléphoniques pourront bénéficier de
la technologie ADSL dici à la fin de lannée 2003
et quun million dabonnés disposera daccès ADSL
à la fin de lannée 2002, contre 40 000 au 31 décembre 2001
et 60 000 à la fin de lannée 2000 ; que les
dirigeants du groupe France Télécom ont souligné, dès
octobre 1981, que le rythme dadoption de lADSL saccélérait,
la société comptabilisant 10 000 nouveaux abonnés
par semaine et la demande représentant de 45 à 55 % des nouveaux
accès à Internet suivant les mois ; que, compte tenu de la
diffusion rapide de cette technique et de lévolution corrélative
des parts de marché des différents opérateurs, la structuration
du marché connaît, à lheure actuelle, une phase décisive,
le groupe France Télécom ayant pris sur ses concurrents une avance
certaine en raison des économies déchelle quil réalise
grâce à un nombre dabonnés ADSL de sa filiale en forte
croissance ; quil napparaît, dès lors, pas certain
que des opérateurs tels que T-Online, qui compte 13 500 abonnés,
puissent survivre sur le marché ainsi structuré par lopérateur
historique ; quen conséquence, limmédiateté
de latteinte à la concurrence a été justement et
suffisamment caractérisée par le Conseil ;
Sur
les mesures conservatoires :
Considérant que la société France
Télécom fait encore observer que ces mesures conservatoires seraient
contraires aux articles L. 464-1 et L. 464-2 du code de commerce en
ce quelles tendraient à lui imposer daméliorer « le
sort de ses concurrents » et « les conditions defficacité
du marché » ; que cette exigence serait également
imprécise, lautorité de marché nayant pas précisé
le contenu technique de lamélioration demandée en sorte
que chaque FAI linterprète comme la fourniture dun service
adapté à ses propres besoins ; quen outre, la mesure
de suspension de la commercialisation des packs mentionnée à larticle 2
ne serait pas motivée ; que lensemble des mesures serait disproportionné
par rapport aux demandes de T-Online et aux conséquences résultant
de la mise en place de ce « service amélioré »
pour France Télécom et sa filiale, au regard du préjudice
subi par ces deux entreprises, « du délai dexécution
qui nest pas déterminable » et du fait que ce sont
les concurrents qui sont juge de lexécution de la mesure conservatoire ;
Considérant toutefois que le requérant
ne saurait alléguer que les mesures conservatoires, objet du présent
recours, ne remplissent pas les conditions légales quant à leur
nature ; quelles ont pour objet, en leurs articles 1er
et 2, comme les précédentes prises par cette même autorité
dans sa décision du 23 juin 1999, de suspendre la commercialisation
par France Télécom de ses offres de packs ADSL, afin de mettre
les FAI sur un pied dégalité, ce qui ne peut être
obtenu que par la mise en place dun outil automatisé, le serveur
daccès Extranet, de nature à faire respecter le principe
de non-discrimination lors de la fourniture du service de vérification
de léligibilité de la ligne et de passation des commandes
et donc dans lensemble du processus de commercialisation des packs ADSL ;
Que ces mesures apparaissent suffisamment motivées
par lanalyse de la discrimination structurelle effectuée par le
Conseil, notamment la suspension de la commercialisation des packs ADSL
dans les agences France Télécom, qui a pour but de remédier
à cette situation dinégalité ; quelles
sont également précises, France Télécom ne pouvant
feindre de les interpréter comme « un surplus dautomatisation
non défini » alors, dune part, que ces termes ne
figurent pas dans la décision du Conseil, qui a décidé
la mise en place d« un serveur daccès Extranet
permettant daccéder aux mêmes informations sur léligibilité
des lignes téléphoniques à lADSL et sur les caractéristiques
techniques des modems compatibles avec léquipement de ces lignes
que celles dont dispose Wanadoo Interactive et de commander aux services spécialisés
de France Télécom lopération matérielle de
la connexion dans les mêmes conditions defficacité que celles
accordées à Wanadoo Interactive, selon les mêmes conditions
tarifaires, mais selon des conditions techniques autorisant le traitement de
masse en ligne » et, dautre part, que le Conseil na
pas à se substituer à France Télécom pour définir
les éléments techniques de laccès au serveur ;
Considérant enfin que le Conseil tient de larticle L. 464-1
du code de commerce le pouvoir de prendre « les mesures qui lui
apparaissent nécessaires », sans être lié
par les demandes de lentreprise requérante, dès lors que
celles-ci demeurent « strictement limitées à ce
qui est nécessaire pour faire face à lurgence » ;
quà cet égard, lesdites mesures apparaissent proportionnées
à la gravité et à limmédiateté de latteinte
en ce quelles constituent lunique moyen de mettre fin à une
discrimination structurelle susceptible daffecter les opérateurs
et le marché et en ce quelles sont limitées, pour la mesure
prévue à larticle 1er au strict
rétablissement de légalité entre les FAI et,
sagissant de la mesure de suspension, à la commercialisation des
packs ADSL dans les agences de France Télécom ;
Quil ne saurait, par ailleurs, être soutenu
que le délai de mise en uvre est indéterminé et que
les concurrents sont juge de lexécution de la mesure, dès
lors que le Conseil a pris soin de limiter à quatre mois, à
compter de la notification de sa décision, la période dans laquelle
il lui sera rendu compte de la procédure, enfermant ainsi dans un délai
maximal lexécution de la mesure relative au serveur Extranet et
celle de la suspension prise « dans lattente de la mise
en place de ce système », ce qui est de nature à
dissuader les FAI dadopter une attitude dilatoire dans la signature
des contrats et à permettre, le cas échéant, à France
Télécom de saisir le Conseil avant lexpiration dudit délai ;
Que, par ailleurs, France Télécom ne justifie
daucun préjudice personnel ni pour elle-même ni pour sa filiale,
qui continue, sans dommage, à commercialiser les packs ADSL par
ses propres circuits de distribution ainsi quil ressort du communiqué
de presse du 19 mars 2002 et des constats dhuissier produits par T-Online
(pièces 4, 5, 17 et 18) ;
Considérant quil résulte de ce qui
précède que la décision déférée nest
entachée daucune nullité ; que le recours exercé
par la société France Télécom doit, en conséquence,
être rejeté ;
Considérant que léquité commande
de faire application des dispositions de larticle 700 du nouveau
code de procédure civile et de condamner la société France
Télécom à payer, outre les entiers dépens, la somme
de 10 000 Euro à la société T-Online,
Par
ces motifs :
Statuant dans la limite du recours formé par
la société France Télécom,
Rejette le recours formé par la société
France Télécom contre la décision du Conseil de la concurrence
no 02-MC-03 du 27 février 2002 ;
Condamne la société France Télécom
à payer à la société T-Online la somme de 10 000 Euro
au titre des dispositions de larticle 700 du nouveau code de procédure
civile ;
Rejette toutes autres demandes ;
Condamne la société France Télécom
aux entiers dépens.
Le greffier Le président
(*) Décision no 02-MC-03 du Conseil de la concurrence en date du 27 février 2002 (parution dans le BOCCRF no 6 du 29 mars 2002).
© Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie - DGCCRF - 25 juin 2002 |