Sommaire | N° 10 du 24 juin |
Lettre du ministre de léconomie, des finances et de lindustrie en date du 3 mai 2002 au conseil de la société CGEA Connex relative à une concentration dans le secteur du transport routier de voyageurs
NOR : ECOC0200173Y
Maîtres,
Par dépôt dun dossier, dont il a été accusé réception le 13 mars 2002, vous avez notifié lacquisition par CGEA Connex, filiale du groupe Vivendi, de la Compagnie des transports Verney (ci-après GTV), dans le secteur du transport routier de voyageurs (cf. note 1) .
Le groupe CGEA Connex, filiale à 100 % de Vivendi Environnement (elle-même détenue à 72,3 % par Vivendi Universal), a réalisé un chiffre daffaires en 2000 de 3,13 milliards Euro (dont 980 millions en France). CGEA Connex, dont le cur de métier est lexploitation de services de transport de voyageurs pour le compte dautorités publiques, gère des réseaux routiers et ferroviaires en France et à létranger. Par une opération de concentration autorisée par le ministre de léconomie, des finances et de lindustrie par lettre en date du 7 juin 2000, CGEA Connex a repris environ 40 % des activités de Via GTI, principalement des filiales présentes dans le transport interurbain. Connex exploite le plus souvent en direct les activités situées en Ile-de-France et intervient par lintermédiaire de quatre filiales principales dans le reste de la France : la CGFTE (Compagnie générale française de transports et dentreprises, transport urbain de voyageurs), la CFTI (Compagnie française de transport interurbain, exerçant parfois en zone urbaine, pour les villes moyennes), la CFTA (secteur ferroviaire, assure pour le compte de la SNCF et dautres entreprises le transport de voyageurs et de fret), et enfin Sud Cars (active principalement sur les liaisons interurbaines, en région parisienne et PACA).
Le groupe Vivendi Universal est organisé au tour de deux grands pôles dactivités : le pôle communication, dune part, et le pôle environnement, dautre part (63,4 % du chiffre daffaires consolidé). Le pôle environnement comprend les secteurs de leau (Vivendi Water), des services énergétiques (Dalkia), de la propreté (CGEA Onyx) et enfin des transports collectifs (CGEA Connex). Le groupe Vivendi Universal, qui emploie plus de 250 000 salariés, a réalisé un chiffre daffaires au 31 décembre 2000 de 41,58 milliards deuros (dont 24,285 milliards en France), et de 57,36 milliards deuros en 2001.
Le groupe Verney a réalisé un chiffre daffaires en 2001 de 206 millions deuros, dont 200 millions pour les activités reprises (y compris lactivité de distribution de pièces détachées, que Connex entend céder), et 152 millions deuros pour lactivité transport public. Le groupe Verney est structuré autour de 39 filiales et emploie 3 300 personnes (dont 75 % de conducteurs). Lactivité du groupe Verney couvre lensemble des métiers du transport collectif par autobus et autocar (lignes régulières, services scolaires, transports et affrètements urbains, affrètements SNCF, transport de personnel et transport occasionnel).
Les groupes Connex et GTV sont engagés dans un pacte dactionnaires relatif à la gestion de la société Kunegel, dont elles détiennent à parité le capital, conclu le 30 mars 1999.
Dans la mesure où elle emporte transfert de propriété sur une partie des actifs de GTV, lopération constitue une concentration au sens de larticle L. 430-2 du code de commerce.
Compte tenu du chiffre daffaires réalisé par la branche cédée de GTV en 2001 dans lUnion européenne, lopération nest pas de dimension communautaire.
Eu égard au chiffre daffaires réalisé par GTV en 2001 en France, lopération nest pas contrôlable au regard des seuils exprimés en chiffres daffaires mentionnés à larticle 430-2 du code de commerce. Il est donc nécessaire de définir les marchés pertinents.
1. Définition des marchés concernés par lopération
Dans le cadre de lopération de concentration susmentionnée concernant CGEA, Via GTI et la SNCF, le ministre de léconomie, des finances et de lindustrie a considéré quil convenait de distinguer les trois marchés suivants : le marché des transports routiers urbains de voyageurs ; les marchés des transports routiers interurbains de voyageurs ; le marché des transports routiers de voyageurs en Ile-de-France, hors monopole de la RATP.
Linstruction de la présente affaire na pas apporté déléments nouveaux, survenus depuis la décision du 7 juin 2000, susceptibles de remettre en cause ces définitions.
Dans la décision précitée, le ministre navait pas exclu la possibilité de distinguer deux marchés au sein des transports routiers urbains de voyageurs : les transports scolaires et les lignes régulières. Cependant, dans la présente affaire, les conclusions de lanalyse demeureront inchangées que lon retienne un marché du transport interurbain ou que lon délimite de manière plus fine les marchés.
En ce qui concerne la délimitation géographique de ce marché, le ministre avait, dans sa décision précitée, plutôt privilégié une approche locale et navait pas exclu que les marchés concernés soient « de dimension départementale, ou, à tout le moins régionale, structurés autour des implantations locales des opérateurs ».
Linstruction de la présente opération a conforté lanalyse développée lors de la précédente opération. On peut ainsi relever que la concurrence sexerce principalement au niveau local. Ainsi, même les entreprises ayant une dimension nationale ont une approche locale du marché et interviennent en règle générale, à limage de CGEA Connex, par lintermédiaire de filiales de dimension régionale. Les appels doffres sont lancés au niveau départemental, et si lon a pu constater par le passé, que certains transporteurs avaient pu répondre à certains appels doffres, non remportés, à partir de leur siège social, la plupart des projets sont portés par des filiales implantées dans le département ou dans des départements peu éloignés. Les acteurs du marché ont dailleurs souligné quil était difficile, pour un opérateur non implanté dans le département ou les départements limitrophes, dobtenir un marché. Cette exigence de proximité constitue dailleurs un facteur de qualité du service aux yeux de lautorité organisatrice, et de gestion optimale par le prestataire de service (organisation des plannings, entretien et réparation des véhicules, réactivité en cas de problème dexploitation, remplacement de conducteur, intervention durgence, connaissance du terrain, coûts moins élevés...). Lanalyse de la structure des marchés locaux montre enfin de très fortes disparités de parts de marché entre les régions voire, au sein même de ces régions, entre les différents départements.
Linstruction de la présente affaire a donc confirmé la pertinence dune approche locale de ces marchés, sans quil ne soit nécessaire de délimiter plus précisément la dimension géographique des marchés, les conclusions de lanalyse demeurant inchangées que lon retienne une dimension départementale ou régionale des marchés.
En ce qui concerne le transport urbain, on retiendra, conformément à la décision du 7 juin 2000, une dimension nationale.
Eu égard aux parts de marchés cumulées dont disposera CGEA Connex avec lacquisition de GTV Verney sur plusieurs marchés interurbains de voyageurs, lopération est contrôlable.
2. Analyse concurrentielle
A lissue de lopération, grâce à lapport des infrastructures de Verney (présence dans 40 départements et 14 régions, avec 3 300 salariés et 2 300 véhicules), CGEA bénéficie dun sensible renforcement dans le secteur du transport public de voyageurs.
Sur le marché national des transports urbains de voyageurs hors Ile-de-France, lopération, si elle permet à CGEA Connex de conforter sa position en nombre de véhicules derrière Kéolis (39,7 %) et Transdev (26,4 %), ne vient pas renforcer substantiellement la position de CGEA, dont la part de marché passe de 20,8 % à 25 % en nombre de réseaux, et de 17,9 % à 18,6 % en nombre de véhicules. Si elle réduit le nombre dopérateurs présents sur ce marché, lopération nest cependant pas de nature à conférer une position dominante à CGEA. GTV nintervenait en effet sur ce marché que de façon marginale, et ne gérait que quelques réseaux dans des villes de taille moyenne (cf. note 2) .
En outre, bien que les barrières à lentrée sur ce marché soient relativement élevées, une expertise et des références étant nécessaires pour remporter des appels doffres portant sur la gestion de systèmes complexes de transports, il nest pas exclu que les opérateurs français subissent, dans les années à venir, la concurrence dopérateurs européens. Bien que ce mouvement demeure encore marginal, on peut relever que des opérateurs britanniques ont répondu à certains appels doffres dimportance moyenne et quun opérateur espagnol a remporté le marché de Perpignan.
En conséquence, lopération nest pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché des transports urbains hors Ile-de-France.
Sur les marchés de transport interurbain de voyageurs, on relève que, à côté des grands groupes nationaux (Transdev, Kéolis et CGEA Connex, possédant de 5 à 10 000 véhicules), il existe un nombre important dopérateurs régionaux petites et moyennes entreprises (moins de 500 véhicules). Même si les opérateurs nationaux bénéficient de certains avantages vis-à-vis des concurrents de plus petite taille (cf. note 3) , il ressort de linstruction que les petites et moyennes entreprises peuvent venir concurrencer efficacement ces grands réseaux, en raison notamment de la politique dallotissement mise en uvre par les autorités organisatrices.
Si lon appréhende le marché des transports interurbains de voyageurs hors Ile-de-France à léchelle nationale, CGEA verra, à lissue de lopération, sa part de marché passer de 14,4 % à 21,4 %.
Au plan local, faute dinformations disponibles plus précises, on évaluera les parts de marché sur les lignes régulières et le transport scolaire à travers le nombre de véhicules exploités (cf. note 4) . Ainsi, appréciées dun point de vue local, lopération a principalement pour résultat de fournir à CGEA Connex un réseau géographiquement complémentaire de celui quelle exploite à ce jour. Lopération emporte une modification de la situation concurrentielle dans six départements.
Lopération conduit à une addition de parts de marché dans trois départements. Ainsi, la part de marché de CGEA Connex passe de 7,3 % à 30,2 % dans le Rhône, de 42,6 % à 46,3 % en Seine-Maritime, de 34,7 % à 36,1 % dans le Loir-et-Cher.
Dans trois autres départements, les parties nétaient pas présentes directement mais par lintermédiaire dune filiale commune contrôlée conjointement, la société Kunegel. Lopération ne conduit donc pas à des additions de parts de marché, mais vient cependant renforcer Connex dans ces départements, Kunegel passant dun contrôle conjoint à un contrôle exclusif de Connex. Dans le Bas-Rhin, Kunegel détient une part de marché de 5,2 %, dans le Haut-Rhin de 23 % et de 98,2 % dans le territoire de Belfort (1). Dans ces trois départements, lopération ne fait donc pas disparaître un concurrent, mais modifie uniquement la nature du contrôle exercé depuis 1999. Il ressort toutefois de linstruction que CGEA assurait déjà lexploitation de la société concernée.
Dans ces six départements, lopération nest pas susceptible de créer ou renforcer une position dominante au profit de la nouvelle entité. Le fait que CGEA bénéficie dune forte part de marché par lintermédiaire de sa filiale Kunegel nest pas non plus de nature à modifier sensiblement létat de la concurrence par rapport à la situation qui prévalait jusqualors (2). Sur le plan régional, CGEA disposera dune part de marché légèrement supérieure à 40 % à lissue de lopération dans la région de Franche-Comté. On relève notamment que Kéolis, qui détient une part de marché de près de 30 % dans la région, est un concurrent actif susceptible de répondre à des appels doffres et de remettre en cause les fortes positions de Kunegel, notamment dans le territoire de Belfort.
Appréciée à léchelon régional, lopération conduit à une addition de parts de marchés dans quatre régions et na des effets que dans deux autres régions, du fait du passage de Kunegel dun contrôle conjoint à un contrôle exclusif.
CGEA ne dépasse 40 % dans aucune des quatre régions dans lesquelles on relève des additions de parts de marché à la suite de lopération.
Les quatre régions concernées sont les suivantes : la région Poitou-Charentes (28,3 % à 37,1 %, sans chevauchement au niveau départemental) ; la région Rhône-Alpes (5 % à 8,9 %, avec un chevauchement uniquement dans le département du Rhône) ; la région Haute-Normandie (35,2 % à 37,7 %, avec un chevauchement dans un seul département, la Seine-Maritime) ; la région Centre (24,7 % à 35,6 %, avec un chevauchement uniquement dans le Loir-et-Cher).
Appréciée à léchelon régional, lopération nest pas susceptible de créer ou de renforcer une position dominante au profit de CGEA.
En conséquence, quelle que soit la dimension géographique des marchés, lopération nest pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur les marchés du transport interurbain de voyageurs.
Sur le marché du transport public de voyageurs en Ile-de-France, hors monopole de la RATP, lopération naura quun impact limité sur la concurrence dans la mesure où GTV était très peu présente dans cette région (44 lignes, contre près de 1 600 lignes pour CGEA), et, en conséquence, ne sera pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur ce marché.
En conséquence, lopération nest susceptible de créer ou renforcer une position dominante au profit de CGEA sur aucun des marchés concernés. En conséquence, je vous informe quil nest pas dans mon intention de saisir le Conseil de la concurrence de cette opération.
Pour le ministre et par délégation : Le directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, Jérôme Gallot |
(1) Le parc total de véhicules est
assez restreint dans le territoire de Belfort (55 véhicules contre
plus de 200 dans le Doubs).
(2) Le conseil du Bas-Rhin, dans sa réponse
au questionnaire envoyé, souligne que lors de la dernière mise
en concurrence en 2001, après avoir constaté que la société
Kunegel était le seul postulant à sa succession, a décidé
de procéder à un meilleur allotissement de son appel doffres
afin de permettre aux plus petites entreprises de soumissionner. La petite taille
des lots a permis douvrir la concurrence aux entreprises locales et Kunegel
SA a perdu les deux tiers des lots.
NOTE (S) :
(1) La notification ne concerne ni les activités « agence de voyage » (réalisée par la société TVD) ni les activités pièces détachées du groupe GTV, que CGEA nentend pas conserver.
(2) Verney gère le réseau des villes suivantes : Annonay, Chinon, Flers, Fougères, Riom, Sablé-sur-Sarthe, Saint-Lô et Saumur.
(3) On citera notamment une palette de prestations plus larges (centrales de réservation, informations instantanées des déplacements des véhicules grâce au GPS, structures détude ou danalyse plus performantes), des prix plus bas et une capacité financière supérieure (centrales dachat permettant un meilleur achat ou renouvellement des véhicules, possibilité doffrir des prix ponctuellement plus bas pour gagner des marchés).
(4) En se basant sur létat des parcs figurant dans lannuaire 2000 de la FNTV (Fédération nationale du transport de voyageurs).
© Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie - DGCCRF - 25 juin 2002 |