Sommaire N° 5 du 27 mars

Arrêt de la cour d’appel de Paris (1re chambre, section H) en date du 22 janvier 2002 relatif au recours formé par la Coopérative d’exploitation et de répartition pharmaceutique SA (CERP), les sociétés OCP Répartition SAS, Alliance santé SAS, CERP Bretagne Nord et la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique contre la décision no 01-D-07 (*) du Conseil de la concurrence en date du 11 avril 2001 relative à des pratiques mises en œuvre sur le marché de la répartition pharmaceutique

NOR :  ECOC0200038X

    Demanderesses au recours :
    1o  Coopérative d’exploitation et de répartition pharmaceutique SA (CERP), prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 39, rue des Augustins, BP 2039 X, 76040 Rouen Cedex, représentée par la SCP Gibou-Pignot-Grappotte-Benetreau, avoué, 201, rue Lecourbe, 75015 Paris, assistée de Me P. Bazin, de la SCP Emo-Hebert et Associés, avocat au barreau de Rouen, 41, rue Raymond-Aron, 76130 Mont-Saint-Aignan ;
    2o  OCP Répartition SAS, prise en la personne de son président M. Jacques Ambonville, ayant son siège 2, rue Galien, 93400 Saint-Ouen, représentée par la SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, avoué, 23, rue du Louvre, 75001 Paris, assistée de Me J.-P. de La Laurencie, avocat au barreau de Paris, cabinet Norton Rose, Washington Plaza, 42, rue de Washington, 75408 Paris Cedex 08, toque J 039 ;
    3o  Alliance santé SAS, prise en la personne de son président, ayant son siège immeuble Objectif, 1-2, rue Louis-Armand, 92600 Asnières, représentée par la SCP Teytaud, avoué, 4-6, quai de la Mégisserie, et 1, rue Edouard-Colonne, 75001 Paris, assistée de Me C. Bonan, avocat au barreau de Paris, cabinet Darrois, Villey, Maillot, Brochier, 69, avenue Victor-Hugo, 75116 Paris, toque R 170 ;
    4o  CERP Bretagne Nord, prise en la personne de son président du conseil d’administration, M. Jean-Pierre Gallais, ayant son siège ZI, rue Chaptal, BP 117, 22000 Saint-Brieux, représentée dans la procédure par la SCP Duboscq-Pellerin, avoué, 18, rue Séguier, 75006 Paris ;
    5o  Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique, prise en la personne de son président, ayant son siège 47, rue de Liège, 75009 Paris, représentée par la SGP Gaultier-Kistner-Gaultier, avoués associés, 148, boulevard Haussmann, 75008 Paris, assistée de Me J.-L. Fourgoux, avocat au barreau de Paris, toque P 69.
    En présence du ministre de l’économie, des finances et du budget, représenté aux débats par Mme C. Montalcino, munie d’un mandat régulier.
    Composition de la cour lors des débats et du délibéré :
    M. Coulon, premier président ;
    Mme Penichon, conseiller ;
    M. Remenieras, conseiller.
    Greffier :
      lors des débats et du prononcé de l’arrêt : Mme Klock, greffier.
    Ministère public : M. Woirhaye, substitut général.
    Arrêt : prononcé publiquement le 22 janvier 2002 par M. Coulon, premier président, qui a signé la minute avec Mme Klock, greffier.
    Après avoir, à l’audience publique du 13 novembre 2001, entendu les conseils des parties, les observations de Mme le représentant du ministre chargé de l’économie et celles du ministère public ;
    Vu les mémoires, pièces et documents déposés au greffe à l’appui du recours ;
    Le ministre de l’économie a, à la suite d’une enquête des services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, saisi le 31 décembre 1999 le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par les sociétés OCP Répartition, Alliance Santé et CERP Rouen dans le secteur de la répartition pharmaceutique ;
    Par décision no 2001-D-07 du 11 avril 2001, le Conseil a dit que ces sociétés avaient enfreint les dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce et leur a infligé des sanctions pécuniaires s’élevant, respectivement, à 50 000 000 F, 30 000 000 F et 18 000 000 F.
                    Les faits :
    Les sociétés OCP Répartition, Alliance Santé et CERP Rouen exercent une activité de grossiste-répartiteur de médicaments et détiennent dans ce secteur 83 % du marché. Le reste de ce marché est partagé entre quatre autres entreprises, CERP Bretagne Nord, Dapharm, ORP et Phoenix Pharma ;
    Les grossistes-répartiteurs sont soumis à une série d’obligations consistant, notamment, à déclarer auprès des services du ministre de la santé le « territoire » sur lequel chacun de ses établissements exerce ses activités ;
    Sur ce « territoire », ces établissements sont astreints à diverses obligations de service public, dont la fourniture de médicaments à tout pharmacien dans les 24 heures suivant la réception de la commande et, également, sous certaines conditions, la livraison d’une officine n’appartenant pas à sa clientèle habituelle ou installée à l’extérieur de sa zone d’activité déclarée ;
    En outre, la marge des grossistes-répartiteurs est fixée par un arrêté du ministre de la santé ;
    Enfin, les dispositions de l’article L. 138-9 du code de la sécurité sociale limitent à 2,50 % et 10,74 % le taux des remises, ristournes et avantages commerciaux et financiers assimilés de toute nature consentis par les fournisseurs des officines en spécialités pharmaceutiques remboursables et en spécialités génériques ;
    Ce contexte administratif et réglementaire rappelé, les griefs notifiés à l’encontre des entreprises en cause concernaient :
      un accord portant sur le gel des parts de marchés et les conditions commerciales dans la région Nord et Seine-Maritime ;
      des pratiques concertées visant à s’opposer au développement de leurs concurrents, ORP et Phoenix Pharma, limitées, en ce qui concerne Alliance Santé, à la seule région parisienne ;
      enfin, un accord national concernant le gel des parts de marché.
    Des griefs ont également été dénoncés à l’encontre de l’entreprise CERP Bretagne Nord et de la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (CSRP) en ce qui concerne respectivement l’accord sur le gel des parts de marché ainsi que les pratiques concernant le développement de Phoenix Pharma dans la région parisienne ;
    Le Conseil a toutefois décidé que CERP Bretagne Nord et la Chambre syndicale n’avaient pas enfreint les dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce et qu’il n’était pas établi qu’Alliance Santé avait participé à la stratégie visant à s’opposer au développement d’ORP.
    Les sociétés OCP, Alliance Santé et CERP Rouen ont formé un recours en annulation et, subsidiairement, en réformation à l’encontre de la décision du Conseil.
                    La Cour :
    Vu le mémoire déposé le 19 juin 2001 par lequel la société CERP Rouen demande à la cour :
      de dire et juger :
          qu’il n’est pas démontré qu’elle a méconnu les dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce et la décharger de toute condamnation tant pécuniaire que visant à la publication de la décision ;
          que les vices de procédure invoqués dans les motifs de ses écritures frappent de nullité la décision du Conseil et que les pratiques incriminées n’ont eu ni objet ni effet anticoncurrentiel ;
      à titre infiniment subsidiaire, de ramener à de plus justes proportions le montant de l’amende infligée, eu égard aux circonstances particulières du dossier, et en l’absence de tout dommage causé au consommateur final de médicament ou au budget de la sécurité sociale ;
    Vu le mémoire déposé le 18 juin 2001 dans lequel la société OCP demande de dire et juger :
    A titre principal, sur la procédure :
      que des vices de procédure entachent de nullité la décision du Conseil.
    A titre subsidiaire, sur le fond :
      que les pratiques reprochées n’ont eu ni objet ni effet anticoncurrentiel et qu’à supposer même qu’elles aient pu avoir théoriquement un tel objet ou effet, elles peuvent bénéficier de l’exemption de l’article L. 420-4, alinéa 2, du code de commerce ;
    A titre infiniment subsidiaire :
      que le montant de la sanction pécuniaire qui lui a été infligée n’est pas proportionné aux faits reprochés ;
      l’annuler et ordonner le remboursement en tout ou en partie, de la somme de 50 millions de francs versée en Trésor public au titre des sanctions pécuniaires prononcées par le Conseil de la concurrence, avec intérêts au taux légal à compter de la date de leur paiement ;
    Vu le mémoire déposé le 18 juin 2001 par la société Alliance Santé aux termes duquel cette requérante demande à la Cour :
      de dire et juger :
    A titre principal sur la procédure :
      que la décision du Conseil de la concurrence est entachée de nullité, le rapport final n’ayant pas été notifié au ministre chargé de la santé, en violation de l’article L. 463-2 du code de commerce ;
    A titre subsidiaire, sur le fond :
      qu’elle n’a participé à aucune concertation dans la région Nord et en Seine-Maritime ;
      qu’en tout état de cause, les pratiques reprochées n’ont eu ni objet, ni effet anticoncurrentiel ;
      qu’à supposer même qu’elles aient pu avoir théoriquement un tel objet ou effet, elles peuvent bénéficier de l’exemption prévue par l’article L. 420-4, alinéa 2, du code de commerce ;
    A titre infiniment subsidiaire :
      que le montant de la sanction pécuniaire infligée à la société Alliance Santé n’est pas proportionné aux faits reprochés et annule en conséquence cette sanction ;
    Vu le mémoire déposé le 12 juillet 2001 selon lequel la société CERP Bretagne Nord se borne à demander qu’il lui soit donné acte de ce que la décision déférée est aujourd’hui définitive à son égard et également de ce qu’elle exprime toutes réserves quant à des observations éventuelles de nature à préserver ses droits ;
    Vu le mémoire déposé à cette même date par la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (CSRP) dans lequel cette chambre demande à la cour :
      de constater que sa mise hors de cause est définitive ;
      de la recevoir en son intervention ;
      d’annuler la décision critiquée en ce qui concerne les pratiques imputées aux requérants principaux ;
      subsidiairement, de la réformer en ce qu’elle a considéré que les pratiques examinées et imputées à ces requérants constituaient une infraction à l’article L. 420-1 sans pouvoir bénéficier des dispositions de l’article L. 420-4-I ;
      de condamner, enfin, le ministre de l’économie à lui payer la somme de 30 000 F au titre de l’article 700 du NCPC ainsi qu’aux entiers dépens.
    Vu le mémoire en réplique de la société Alliance Santé déposé le 10 octobre 2001 ;
    Vu le second mémoire déposé par la société CERP Rouen le 11 octobre 2001 ;
    Vu les écritures déposées le 28 août 2001 par lesquelles le ministre chargé de l’économie demande à la cour de confirmer la décision du Conseil ;
    Vu le mémoire en réponse aux observations du ministre déposé le 11 octobre 2001 par la société OCP Répartition ;
    Vu les observations du Conseil de la concurrence déposées le 29 août 2001 ;
    Vu les observations écrites, mises à la disposition des parties, du ministère public ;
    Vu le procès-verbal d’audition de témoin par la cour ;
                    Sur ce :
            Sur les moyens de procédure :

I.  -  Sur les opérations de visite et de saisie

    A.  -  En ce qui concerne les locaux de l’agence CERP du Havre :
    Considérant que la société CERP maintient sa demande d’annulation de la procédure au motif que les ordonnances autorisant les opérations de visite et de saisie réalisées dans cette agence le 13 avril 1999 n’avaient pas été préalablement notifiées à l’occupant des lieux ou à son représentant avant le début de ces opérations ;
    Mais considérant que le procès-verbal de visite et de saisie du 13 avril 1999 dressé en application de l’article 48 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 mentionne que les inspecteurs de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, après autorisation obtenue par ordonnances des 30 mars et 9 avril 1999, se sont présentés le 13 avril 1999 à 9 h 30 dans les locaux de cette entreprise au Havre où ils ont été reçus par une salariée occupant les fonctions de chef d’équipe, à qui ils ont justifié de leur qualité et indiqué l’objet de leur enquête.
    Que ce procès-verbal précise, ensuite, qu’ils ont notifié par procès-verbal distinct de notification du même jour, lequel porte l’heure de 10 h 10, les ordonnances précitées à cette employée, désignée par téléphone en qualité de représentant de l’occupant des lieux par le directeur de l’agence, puis qu’ils ont ensuite procédé à la visite des locaux ainsi qu’à la saisie de documents ;
    Que la simple et indiscutable chronologie des opérations telles que relatées dans le procès-verbal de visite et sa confrontation au procès-verbal de notification attestent que, conformément au principe de loyauté, les opérations de visite et de saisie n’ont été entreprises qu’après notification des décisions d’autorisation ;
    Qu’il s’ensuit que le moyen ne peut qu’être rejeté ;
    B.  -  En ce qui concerne les établissements de Saint-Ouen, Créteil, Le Havre et Lille de la société OCP :
    Considérant que cette requérante excipe de l’irrégularité des opérations de visite et de saisie qui se sont déroulées le 13 avril 1999, en prétendant que, dans tous les cas, les enquêteurs et les officiers de police judiciaire ont procédé à ces opérations en l’absence d’un mandataire social ou de son représentant et, qu’à Saint-Ouen, Créteil et au Havre, ils n’ont pas fait clairement connaître l’objet de leurs enquêtes avant de les commencer ;

1.  Sur l’absence de l’occupant des lieux

    Considérant que l’article L. 450-4 du code de commerce qui dispose simplement que la visite est « effectuée en présence de l’occupant des lieux ou de son représentant » n’impose nullement la présence d’une personne ayant le pouvoir de diriger, gérer ou le pouvoir d’engager à titre habituel l’entreprise ;
    Qu’en l’espèce, la présence de l’occupant des lieux ou de son représentant est, comme l’a exactement relevé le Conseil, amplement attestée par les procès-verbaux de visite et de saisie dans les quatre établissements concernés ;
    Qu’il s’ensuit que ce moyen ne peut être accueilli.

2.  Sur l’objet de l’enquête

    Considérant que les procès-verbaux de visite et de saisie concernant les trois établissements d’OCP, de Saint-Ouen, Créteil et du Havre relatent que les enquêteurs ont, dès leur arrivée sur place, indiqué l’objet de leur enquête à un employé de l’entreprise ;
    Qu’ils ont, ensuite, régulièrement notifié à l’occupant des lieux ou à son représentant, selon le cas, les ordonnances comportant l’autorisation requise par le code de commerce, lesquelles énoncent précisément l’objet de l’enquête en cours ; que de telles énonciations permettent, dès lors, de s’assurer que les investigations critiquées ont bien été conduites conformément au principe de loyauté qui doit présider à la recherche des preuves ;
    Considérant, s’agissant plus particulièrement de l’établissement de Saint-Ouen, que la requérante se prévaut des observations de M. Gonfrier, directeur régional d’OCP Répartition, qui a indiqué, après la lecture du procès-verbal de visite et de saisie, avoir eu des difficultés à comprendre l’objet exact de l’enquête, les investigations ayant eu lieu avant d’avoir pu lire intégralement l’ordonnance d’autorisation ;
    Mais considérant que le procès-verbal relate que les enquêteurs ont, lors de leur arrivée sur les lieux, été reçus par M. Gonfrier lui-même, à qui ils ont indiqué l’objet de l’enquête, et qu’ils lui ont ensuite notifié la décision d’autorisation ;
    Qu’il a désigné un employé pour le représenter puis, qu’ensuite, une partie de la visite des locaux a été opérée en sa présence ;
    Qu’il ne peut dès lors être utilement soutenu, à partir des réserves exprimées, que l’intéressé aurait remis des documents aux fonctionnaires de la DGCCRF en méconnaissant la nature des poursuites engagées et qu’il aurait, en l’espèce, été porté atteinte au principe de loyauté ;
    Que le moyen invoqué, inopérant, ne peut qu’être rejeté.

II. - Sur la notification du rapport au ministre intéressé

    Considérant que les sociétés requérantes invoquent la nullité de la procédure en raison du défaut de notification de ce rapport au ministre de la santé, qui aurait en l’espèce la qualité de « ministre intéressé » au sens de l’article L. 463-2 du code de commerce ;
    Qu’elles se prévalent, à cet égard, d’une lettre du 2 décembre 1996 de ce ministre adressée à la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (CSRP) et arguent également qu’il est chargé d’appliquer une réglementation dont dépend la solution du litige et, enfin, que son avis serait indispensable pour justifier le progrès économique auquel les pratiques incriminées pouvaient conduire ;
    Mais considérant que le ministre du travail et des affaires sociales, qui était interrogé par la CSRP sur la question, étrangère aux pratiques incriminées en l’espèce, du prix et des marges des médicaments en cas de ventes directes des laboratoires auprès des pharmaciens, s’est, en réalité, borné, de façon incidente, après un rappel de l’application des dispositions de l’article L. 138-9 du code de la santé sociale sur le plafonnement des remises aux laboratoires et aux grossistes-répartiteurs, à informer son correspondant qu’il avait « l’intention de rappeler ces réglementations aux professions concernées » ;
    Qu’il n’apparaît pas, dans ces conditions, que ce ministre est intervenu à un quelconque moment pour apprécier, favoriser ou condamner les ententes examinées par le Conseil ;
    Qu’en outre, il ressort du dossier et, en particulier, de l’examen de la notification des griefs, que sont incriminées des pratiques concertées tendant à s’opposer au développement de concurrents et concernant le gel de parts de marché et des conditions commerciales qui n’ont pas à être appréciées au regard de textes ayant une incidence directe ou indirectes sur leur liceité et dont la mise en œuvre relèverait de missions propres au ministre de la santé ;
    Qu’au demeurant, le Conseil de la concurrence, faisant application des dispositions de l’article L. 463-1, alinéa 2 du code de commerce, a procédé à l’audition d’un représentant de la direction de la sécurité sociale afin, notamment, d’apporter au Conseil toute précision utile en l’espèce sur le contexte réglementaire s’imposant aux grossistes-répartiteurs ;
    Qu’il s’ensuit que le ministre chargé de la santé ne pouvant être qualifié de ministre intéressé au sens de l’article L. 463-2 du code de commerce, c’est à bon droit que le rapport ne lui a pas été notifié et que le moyen doit également être rejeté ;

III. - Sur l’instruction du dossier

    Considérant que CERP et ORP critiquent le déroulement de l’enquête qui aurait été conduite de manière déséquilibrée, voire même à charge, en raison, en particulier, du refus d’audition du ministre de la santé et de la sécurité sociale ainsi que du refus d’investigations supplémentaires ;
    Mais considérant que le rapporteur qui, aux termes de l’article L. 450-6 du code de commerce, définit les orientations de l’enquête et est tenu informé de son déroulement, est seul compétent pour apprécier l’utilité d’une enquête supplémentaire ; que le rapporteur, qui n’est pas lié par les qualifications proposées dans sa saisine instruit le dossier à charge et à décharge ; qu’à ce titre, il apprécie librement les enquêtes qui lui apparaissent utiles, sans être tenu par les propositions éventuellement formulées par les mis en cause ;
    Qu’en l’espèce, il ressort du dossier que, comme l’imposent les dispositions de l’article L. 163-1 du code de commerce, l’instruction a été pleinement contradictoire ;
    Qu’au demeurant, il n’a nullement été allégué que la décision déférée se soit référé à un titre quelconque à des éléments qui n’ont pas fait l’objet d’un débat contradictoire ;
    Qu’en conséquence, il n’apparaît pas que la décision critiquée a été rendue en méconnaissance du principe de l’égalité des armes et que, dès lors, le moyen sera écarté ;
            Sur les pratiques :
I.  -  En ce qui concerne l’accord et la concertation relatifs au gels de parts de marché et aux conditions commerciales dans la région Nord et la Seine-Maritime
    A. - Dans la région Nord :
    Considérant que les sociétés requérantes, à qui il est fait grief d’un accord de non-concurrence dit de « Peronne » rétorquent, sans en contester l’existence matérielle, qu’il avait en réalité pour objet d’identifier et de sanctionner, en l’absence de voie de droit, les remises illicites au regard des dispositions déjà citées du code de la sécurité sociale ;
    Mais considérant que, selon la notification de griefs, l’accord de non-concurrence dit de « Peronne » conclu entre OCP, CERP Rouen et IFP Santé, outre la fixation de conditions commerciales concernant les remises sur la parapharmacie, limitées à 12 %, ainsi que le non-octroi d’avantages financiers tels que les reports d’échéance, tolérait un glissement de parts de marché de 0,10 %, avec, au-delà, intervention d’une restitution ou d’une demande de restitution de chiffre d’affaires ;
    Qu’aux termes de cet accord, lorsque les limites de fourchettes d’évolution maximum de parts de marché sont dépassées les grossistes-répartiteurs se « restituent » des clients, généralement à l’occasion d’une succession, afin de revenir dans les limites initialement fixées ;
    Qu’un document daté du 18 avril 1995 signé par M. Godon, directeur de la région Nord de CERP Rouen, fait état d’une « réunion concurrence » tenue le 7 avril précédent et à l’occasion de laquelle les parts de marchés auraient été figées à + ou - 0,20 % à fin décembre 1994 ;
    Qu’une référence encore plus explicite à cet accord est attestée par le compte-rendu d’une réunion qui s’est tenu le 8 novembre 1996 entre des représentants des sociétés OCP, CERP Rouen, IFP-Santé et de la chambre syndicale de la répartition pharmaceutique, où M. Desprez (CERP Rouen) mentionne :
    « Rappel est fait de l’accord de Peronne qui fonctionne depuis cinq ans, en tolérant un glissement de 0,10 % de parts de marché avant de réagir ; »
    Qu’enfin, deux documents de M. Billiaud, ancien directeur régional des ventes pour la région Nord-Normandie, ainsi qu’un rapport d’activité de juin 1998 de CERP Rouen illustrent ce mécanisme de compensation et restitution, tel qu’il résulte de l’accord de Peronne (gains et pertes, restitutions, récupération de clients, récupération de chiffre d’affaires) ;
    Considérant, dans ces conditions, que les sociétés requérantes ne peuvent utilement soutenir, qu’alors que les termes mêmes de l’accord qui viennent d’être rappelés évoquent sans la moindre ambiguïté comme objet une répartition du marché, qu’il avait en réalité pour but d’obtenir le respect par les autres grossistes-répartiteurs des dispositions sur le plafonnement des remises, ristournes et avantages consentis aux officines ;
    Qu’en effet, comme l’a observé à juste titre le Conseil, un tel objet n’imposait, ni la surveillance des parts de marché de chaque entreprise ni leur rééquilibrage concerté et qu’il n’explique pas non plus l’existence d’une limitation des remises sur la parapharmacie, qui ne figure pas parmi les spécialités visées par l’article L. 138-9 du code de la sécurité sociale ;
    Qu’en outre, les grossistes-répartiteurs qui disposaient déjà de la possibilité d’exercer une action en concurrence déloyale contre ceux de leurs concurrents qui ne respecteraient pas le plafonnement des remises, pouvaient, depuis 1994, en signalant les manquements aux autorités compétentes, faire déclencher des poursuites pénales ;
    Considérant que le Conseil a pu ainsi exactement conclure que ces éléments constituaient un faisceau d’indices graves précis et concordants permettant d’établir que les entreprises en cause s’étaient concertées pour se partager, dans la région Nord, le marché de la répartition des produits pharmaceutiques et stabiliser leurs parts respectives de marché ;
    Que cet accord et cette concertation ont eu un objet et un effet anticoncurrentiels et relèvent des dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce ;
    B. - En ce qui concerne la Seine-Maritime :
    Considérant que les griefs de concertation faits aux trois entreprises reposent, en ce qui concerne cette région, sur les déclarations de cinq pharmaciens ayant fait état, à la suite de la détérioration des conditions commerciales dont ils bénéficiaient, de l’impossibilité de changer de fournisseur ;
    Considérant qu’OCP et Alliance Santé résistent à de tels griefs en invoquant la situation particulière des pharmacies concernées qui connaissaient pour la plupart de graves difficultés financières et qui ne pouvaient dès lors pas obtenir des conditions commerciales auxquelles leur situation ne donnait manifestement pas droit ;
    Considérant qu’à cet égard il est acquis que deux des pharmacies concernées (Branowki et Gayon) faisaient alors l’objet, à la suite d’une déclaration de cessation de paiements, d’une procédure de redressement judiciaire ; que la situation financière de deux autres (Leclercq, Goulay) était obérée comme l’attestent, en particulier, les nantissements dont les fonds de commerce faisaient l’objet ; qu’enfin une autre, selon les affirmations non contredites par le dossier de la société Alliance Santé, qui ne représentait pas un potentiel important, « souffrait d’une santé financière fragile » ;
    Considérant que compte tenu de la situation atypique de ces cinq officines, l’impossibilité où se sont trouvés les pharmaciens concernés de changer de fournisseur ne permet pas de caractériser une concertation d’OCP et CERP Rouen en vue d’un gel de parts de marché en Seine-Maritime et dès lors de conclure qu’elles ont, dans cette région également, enfreint les dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce ;

2.  En ce qui concerne la stratégie commerciale à l’égard d’ORP

    Considérant que pour s’opposer au grief d’action concertée avec CERP Rouen en vue d’évincer ORP du marché dans le Nord et en Normandie, OCP oppose le caractère suspect de la plainte à l’origine des poursuites du groupement de pharmaciens « CMTI-PHARM », compte tenu des liens unissant cette entité à ORP, et fait valoir, en outre, que sa réaction défensive et unilatérale de surenchère commerciale face aux attaques d’ORP, qui ne respectait pas la réglementation déjà évoquée, ne peut recevoir la qualification d’entente ;
    Mais considérant, s’agissant de la région Nord, que M. Bernard, président de ce groupement, a relaté de façon particulièrement précise et circonstanciée aux enquêteurs de la DGCCRF la réaction concertée d’OCP et CERP à la suite du choix de ses adhérents d’ORP comme grossiste-répartiteur principal ou secondaire ;
    Qu’en effet, ceux-ci se sont alors heurtés à un refus de livraison ou, lorsqu’ils l’ont choisi comme grossiste secondaire, n’ont plus bénéficié que d’une seule livraison ; qu’une deuxième étape a ensuite consisté à faire de la surenchère commerciale, au moyen, notamment, de remises commerciales, mise à disposition de véhicules, travaux dans les officines, cadeaux divers ;
    Que les déclarations de M. Bernard, qui n’a exercé des fonctions de direction au sein d’une société qui a procédé à l’absorption d’ORP que plus de deux ans après la date des pratiques critiquées, sont amplement corroborées par d’autres éléments et, en particulier, par une série de documents émanant d’OCP, visés par le Conseil :
      une note provenant d’OCP intitulée « CERP ne joue pas le jeu », dont les mentions concordent, selon les explications données par un responsable de CERP, M. Godon, avec le comportement des grossistes-répartiteurs tel que mis en cause par M. Bernard ;
      à une note du 28 septembre 1998 de M. Billiaud, également d’OCP, qui fait état de la mise en place de conditions discriminatoires à l’encontre des pharmaciens ayant choisi ORP comme fournisseur principal, où sont mentionnés, notamment, les « accords répartiteurs traditionnels » ainsi qu’au titre des « leviers d’action pour contrer ORP » « la cohésion avec les concurrents » ;
    Considérant, s’agissant ensuite de la région Normandie, que les déclarations de plusieurs pharmaciens installés en Seine-Maritime, qui, confrontés à la détérioration de leurs conditions commerciales et à l’impossibilité de changer de fournisseurs, avaient sollicité ORP comme grossiste-répartiteur, relatent, dans cette région, une réaction d’OCP, CERP Rouen comparable à celle qui vient d’être décrite dans la région Nord ;
    Que des documents saisis au siège d’OCP Le Havre confirment l’existence des avantages commerciaux octroyés aux pharmaciens ;
    Que la note susévoquée du 28 septembre 1998 de M. Billiaud à propos de la région Nord comporte une étude concernant les réactions face à l’installation d’ORP avec, notamment, une réduction du service et une augmentation substantielle des remises ;
    Qu’enfin, des documents saisis au siège de CERP Rouen évoquant explicitement l’existence de l’accord « anti-ORP », avec, en particulier, un refus de livraison ;
    Considérant enfin, qu’aucun des documents ou déclarations qui ont été cités, ni, plus généralement, aucun élément du dossier ne permet, comme le font les requérants, d’imputer à ORP un grief de remise illicite au regard des dispositions réglementaires ;
    Qu’au demeurant, il n’existe aucune cohérence entre cette objection et la stratégie qui aurait été suivie de simple surenchère commerciale ;
    Considérant que le Conseil a pu ainsi exactement conclure que l’accord et la concertation entre OCP et CERP Rouen qui ont été analysés, avaient bien pour objet de faire échec à l’implantation d’ORP dans la région Nord et en Seine-Maritime et constituaient, dès lors, une pratique prohibée par les dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce ;
    Que s’ils n’avaient pas empêché cette implantation, ils ont pu avoir pour effet de limiter son expansion, l’objet anticoncurrentiel de pratiques accomplies dans le cadre d’une entente tendant à l’élimination d’une entreprise du marché étant caractérisé indépendamment des conséquences immédiates de ces pratiques pour les entreprises ;

III.  En ce qui concerne les « pressions »
exercées sur Schulze Pharma

    Considérant qu’OCP résiste à un tel grief en prétendant également qu’elle s’est simplement bornée à réagir unilatéralement à la « guerre commerciale » lancée par cette entreprise qui consistait en un démarchage reposant sur des remises illicites, et précise, comme Alliance Santé, que les deux réunions incriminées de novembre 1996 avaient, en réalité, pour seul objet de contraindre Schulze Pharma au respect de la réglementation sur les remises ;
    Considérant qu’il est constant qu’au mois d’octore 1996, Phœnix Pharma, qui a emprunté ensuite la dénomination de Schulze Pharma, est devenu fournisseur de 71 pharmacies de la région parisienne précédemment livrées par OCP ; que plusieurs pharmaciens ont précisé que c’était la qualité de service rendue par ce grossiste-répartiteur qui les avaient conduit à abandonner OCP ;

    Que, comme l’observe le Conseil, cette entreprise a alors, dans un premier temps, tenté de récupérer la part de chiffre d’affaires perdu auprès des clients de Phœnix Pharma en leur proposant des remises d’un taux supérieur au taux réglementaire ; qu’elle a, dans un second temps, entrepris de démarcher également des clients de CRP Rouen et d’Alliance Santé ;
    Qu’à la suite d’une perte substantielle de résultats et d’une dégradation de la trésorerie de ces entreprises, une première réunion associant leurs représentants et ceux de la chambre syndicale de la répartition pharmaceutique s’est tenue le 8 novembre 1996, à l’occasion de laquelle il a été décidé, notamment, qu’une trêve allait être proposée à Schulze Pharma, qualifie « d’agresseur » et qu’il lui serait demandé de restituer les chiffres d’affaires « deviés » ;
    Qu’une seconde réunion est ensuite intervenue le 16 novembre suivant, au cours de laquelle la stratégie concertée des trois entreprises requérantes à l’encontre de Schulze Pharma, a, comme l’atteste un compte rendu établi par un représentant de CERP Rouen, été encore plus explicitement réaffirmée (« Nous continuerons à attaquer les clients Schulze en nous interdisant d’attaquer nos clients mutuels. ») avec, par ailleurs, une précision sur les parts de marché respectives qui leur étaient attribuées au plan national ;
    Que, contrairement à ce que soutiennent les entreprises mises en cause, il n’a à aucun moment été question de contraindre Schulze Pharma au respect des dispositions réglementaires sur le plafonnement des remises et, qu’à tout le moins, leur violation par cette entreprise ne ressort pas du dossier ;
    Qu’enfin, le Conseil a justement relevé que la baisse des parts de marché enregistrée par Schulze Pharma à partir de décembre 1996 s’explique, pour l’essentiel, par la « trêve conclue par les opérateurs du secteur » ;
    Considérant que, sur la base de ces éléments, le Conseil de la concurrence a pu ainsi exactement conclure qu’une telle concertation entreprise par les requérantes en vue de faire pression sur Schulze Pharma afin qu’elle restitue les parts de marché pris à OCP, limitant ainsi son accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par celle-ci, a eu un objet et un effet anticoncurrentiels et qu’elle constitue dès lors une pratique prohibée visée par les dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce ;

4.  Sur l’accord national concernant le gel de parts de marché

    Considérant qu’OCP et Alliance Santé rétorquent que les accords passés tendaient au retour à la légalité, s’agissant des remises, et que l’évolution des parts de marché révèle qu’une véritable concurrence a bien été maintenue ;
    Mais considérant que les comptes rendus de la réunion du 12 novembre 1996 attestent l’existence d’un engagement des trois grossistes-répartiteurs en vue de stabiliser en septembre 1997 leurs parts de marché respectives au plan national ;
    Que l’analyse de notes et leur rapprochement avec un compte rendu de réunion a permis au Conseil de constater que cet accord national de gel de parts de marché fonctionnait suivant le même principe que l’accord dit de Peronne, avec une restitution de clientèle lorsque la variation de parts de marché excède 0,10 % ;
    Que d’autres documents, visés et analysés par le Conseil, renvoient à cet accord ou l’explicitent s’agissant de plusieurs régions ou départements ;
    Considérant, dès lors, que les sociétés requérantes ne peuvent utilement invoquer l’objectif d’un retour à la légalité ; qu’au demeurant, ces termes, s’ils sont effectivement évoqués dans une note du 14 novembre 1996 d’un responsable de CERP Rouen le sont de manière incidente, avec, par ailleurs, un rappel du gel des parts de marché ;
    Qu’enfin, c’est à juste titre que le Conseil a écarté les moyens d’OCP sur le maintien d’une certaine concurrence dans le secteur en cause, un accord visant à stabiliser des parts de marché au plan national ayant en lui-même pour objet ou pouvant avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché ;
    Qu’il s’ensuit qu’une pratique prohibée par les dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce est caractérisée, et que le moyen ne peut qu’être rejeté ;

5.  Sur l’application des dispositions de l’article L. 420-4
du code de commerce

    Considérant que les requérantes revendiquent le bénéfice de l’exemption prévue par ce texte en soutenant que les pratiques poursuivies, à les supposer anticoncurrentielles, découlaient du défaut de sanction des dispositions de l’article L. 138-9 du code de la sécurité sociale sur le plafonnement des remises et, en invoquant, en outre, l’existence d’un progrès économique s’inscrivant dans les dispositions du code de la sécurité sociale ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 420-4 du code de commerce ne sont pas soumises aux dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce les pratiques :
    1.  Qui résultent de l’application d’un texte législatif ou d’un texte réglementaire pris pour son application ;
    2.  Dont les auteurs peuvent justifier qu’elles ont pour effet d’assurer un progrès économique et qu’elles réservent aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, sans donner aux entreprises intéressées la possibilité d’éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause.
    Mais considérant qu’en l’espèce il a été démontré que les pratiques incriminées n’avaient pas pour objet d’imposer le respect des dispositions de l’article L. 138-9 du code de la sécurité sociale et qu’elles tendaient, au contraire, selon le cas, à organiser un partage du marché ou à s’opposer à l’entrée d’un nouvel opérateur ;
    Que les entreprises mises en cause ne justifient pas plus l’existence d’un progrès économique ;
    Considérant que c’est ainsi à juste titre que le Conseil a écarté le moyen fondé sur l’exemption de l’article L. 420-4 du code de commerce ;
                    Sur les sanctions :
    Considérant qu’aux termes de l’article 464-2 du code de commerce, les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l’importance du dommage causé à l’économie et à la situation de l’entreprise sanctionnée ; qu’elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise et de façon motivée pour chaque sanction ;
    Considérant que pour demander la réduction des sanctions, les entreprises requérantes excipent du caractère disproportionné de leur montant en raison de la spécificité de la réglementation affectant la répartition pharmaceutique et de l’absence de dommage à l’économie ;
    Qu’OCP conteste en outre, pour sa part, avoir été l’instigatrice des « pressions » exercées sur Schulze Pharma ainsi que de l’accord national sur le gel des parts de marché ;
    Qu’Alliance Santé, de son côté, met plus particulièrement en exergue la singularité de sa situation, étant issue d’une fusion entre IFP et d’autres sociétés intervenue postérieurement aux pratiques incriminées ;
    Considérant, s’agissant de la gravité générale des pratiques, que le conseil a justement rappelé que celles qui étaient dénoncées en l’espèce ont été mises en œuvre pendant plusieurs années sur l’ensemble du territoire national par des entreprises bénéficiant d’une exclusivité légale ; qu’à cet égard, et contrairement à ce que soutiennent les requérantes, les grossistes-répartiteurs bénéficient, nonobstant l’existence de la réglementation particulière de l’activité de la répartition pharmaceutique, d’une marge effective de liberté permettant le libre jeu de la concurrence non seulement par les services, mais également par les prix, les pouvoirs publics ne fixant dans ce domaine qu’un maximum ;
    Que les pratiques dénoncées ont eu pour objet et pour effet de décourager l’entrée de nouveaux opérateurs sur les marchés concernés et de faire obstacle au transfert au consommateur final des gains de productivité ;
    Considérant que comme l’a exactement énoncé le Conseil, le dommage à l’économie doit, en l’espèce, s’apprécier en tenant compte du fait que le secteur concerné comprend, pour l’essentiel, des spécialités pharmaceutiques délivrées sur ordonnance médicale et assimilables à des biens de première nécessité ; que l’entente entre les grossistes, si elle n’a pas d’effet direct sur les prix payés par les consommateurs, a pour conséquence de contribuer à la rigidité de la distribution et de rendre plus difficile l’aménagement des prix des médicaments ; que, s’agissant des prix de parapharmacie, les pratiques ont pour effet de faire obstacle à une compétition par les prix au stade du gros et, par conséquent, au stade du détail, alors que ce secteur n’est nullement encadré par une réglementation particulière ;
    Considérant, s’agissant ensuite des éléments individuellement retenus pour la fixation du montant de la sanction, qu’il doit être relevé :
      que la société OCP qui a été la principale instigatrice des pressions exercées sur Phœnix Pharma dans la région parisienne et de l’accord national concernant le gel des parts de marché a été exactement sanctionnée par une sanction pécuniaire de 50 000 000 de francs, étant observé que son chiffre d’affaires réalisé en France lors du dernier exercice clos (1999) s’élève à 33 041 300 031 francs ;
      que la société Alliance Santé a également été justement sanctionnée par le Conseil d’une amende de 30 000 000 de francs, compte tenu d’un chiffre d’affaires en France, pour le même exercice, de 27 121 517 184 francs ;
      qu’enfin, le Conseil a infligé à juste titre à la société CERP Rouen, dont le chiffre d’affaires réalisé, dans les mêmes conditions, en 1999, s’élève à 11 868 106 017 francs, une sanction pécuniaire de 18 000 000 de francs ;
    Considérant que le Conseil a par ailleurs estimé avec justesse devoir ordonner la publication de la décision afin de porter à la connaissance des pharmaciens le caractère illicite des pratiques visées ci-dessus et les sanctions prononcées à l’encontre des entreprises qui s’y prêtent ;
    Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les moyens ne sont pas fondés et que les recours, tant en annulation qu’en réformation, doivent être rejetés et, enfin, que l’équité ne commande pas l’application de l’article 700 du NCPC.
                    Par ces motifs :
    Rejette les recours ;
    Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du NCPC ;
    Laisse les dépens à la charge des sociétés requérantes.
    

Le greffier

Le premier président    

 

    (*)  Décisions no 01-D-07 du Conseil de la concurrence en date du 11 avril 2001 (parution dans le BOCCRF no 10 du 24 juillet 2001).

© Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie - DGCCRF - 10 avril 2002