Sommaire | N° 3 du 26 février 2002 |
Avis relatif aux installations de lavage
pour automobiles destinées aux consommateurs
NOR : ECOC0200007V
La commission de la sécurité des consommateurs,
Vu le code de la consommation, notamment ses articles L. 224-1, L. 224-4, R. 224-4 et R. 224-7 à R. 224-12 ;
Vu la requête no 2000-189,
Considérant que :
LES SAISINES
Saisine judiciaire : courant 2000, la commission a été saisie par un substitut du procureur de la République dun tribunal de grande instance dun accident mortel dont a été victime une personne alors quelle faisait laver son véhicule automobile dans une station-service. Cette saisine judiciaire a donné lieu à un avis spécifique de la CSC, qui a été adressé à lauteur de la saisine et ne pourra être rendu public quaprès quune décision de non-lieu aura été prise ou quun jugement sur le fond aura été publié, ainsi que le prévoit larticle L. 224-3 du code de la consommation.
La CSC ne peut donc faire état des détails de cet accident, mais peut toutefois indiquer que les caractéristiques techniques du portique ainsi que les particularités de son implantation ont conduit à une aggravation des risques liées à ce type dinstallation en libre-service. Des portiques de même type étant toujours en service, la CSC utilisera dans le présent avis les données techniques et réglementaires recueillies lors de son enquête sur cet accident mortel.
Requête no 2000-189
Le 5 novembre 2000, un consommateur de la région parisienne, ayant engagé son véhicule dans un portique de lavage automatique dune station-service dAubervilliers, a vu celui-ci se bloquer dans un premier temps puis seffondrer sur le véhicule. Ce dernier est réduit à létat dépave mais il ny a pas eu daccident corporel.
LES CARACTÉRISTIQUES TECHNIQUES GÉNÉRALES
Les appareils de lavage visés par le présent avis sont ceux destinés au lavage des véhicules automobiles des particuliers, fonctionnant en libre-service, cest-à-dire en la seule présence de la (ou des) personnes(s) venant faire laver son (leur) véhicule. En règle générale, aucune surveillance particulière nest exercée par le personnel de la station qui, souvent, na dailleurs pas de vue directe sur lappareil.
La machine est composée dun cadre constituant un portique qui se déplace sur des rails fixés au sol. Sur ce portique sont fixées des brosses rotatives (trois au minimum, deux verticales et une horizontale, plus éventuellement deux brosses de roues) ainsi que les dispositifs de projection des liquides de lavage, de séchage...
Des capteurs permettent de détecter les contours de la voiture afin de guider le travail des brosses.
Les extrémités des rails de translation sont normalement munies de butées afin de provoquer larrêt de la course.
Un pupitre de commande situé à lextérieur de lappareil de lavage permet à lutilisateur de choisir le cycle de lavage. Il est souvent associé à un lecteur de badges magnétiques.
Deux modalités de mise en marche peuvent être envisagées :
1. Mode carte
Introduction dune carte magnétique (ou dun jeton) dans un lecteur pour sélectionner le programme de lavage. Seul ce mode est normalement accessible au consommateur qui achète sa carte magnétique (ou son jeton) auprès du caissier de la station-service. Notons quil existe des cartes dabonnement valables pour plusieurs lavages et normalement utilisables dans toutes les stations de lenseigne. Lutilisateur peut donc changer à son gré de lieu de lavage et ne connaît donc pas forcément les particularités des différents appareils ou de leur implantation.
2. Mode manuel
Sélection du programme de lavage par lintermédiaire du clavier à touches sensitives. Ce mode de fonctionnement est normalement réservé aux professionnels. Les touches de fonction du clavier étant dans ce cas actives, lutilisateur peut intervenir en cours de cycle (cas des véhicules spéciaux, exemple : taxis, ambulances,...).
LES AUDITIONS
La commission a entendu :
lexpert judiciaire chargé du pré-rapport de laccident mortel ;
la société gérante, la société propriétaire et le responsable de la station où sest produit cet accident ;
la direction du travail, de lemploi et de la formation professionnelle ;
la société California Kleindienst Autowaschttechnik ;
la société propriétaire de la station TotalFinaElf où sest produit le deuxième accident.
Par ailleurs, lauteur de la saisine no 2000-189 a souhaité être entendu lors de la séance plénière afin de préciser les faits dont il a été victime.
Il ressort de ces auditions les points suivants :
1. Dun point de vue général
Les sites de lavage de véhicules sont au nombre denviron 4 000 en France, réalisant 4 millions de lavages par mois. Lexploitation des stations-service est souvent confiée à des sociétés spécialisées en gestion. Il en existe trois de ce type, agissant en tant que prestataire de service auprès des compagnies pétrolières et prenant en charge des stations-service (lors de carences de gérant par exemple). Pour une durée limitée, la société devient mandataire, gérante des stations-service, dont les propriétaires sont les compagnies pétrolières TotalFinaElf, Agip, Esso, Shell, BP. Le personnel de ces stations-service et celui de la société de gestion. Les carburants seuls restent aux mains des pétroliers, alors que les locaux, le matériel, les boutiques, les portiques de lavage sont sous la responsabilité de la société. En 1999, à titre dexemple, une de ces sociétés gérait 155 affaires de ce type. Les constructeurs de portiques de lavage sont Kleindienst (société allemande mais implantée en France et assurant elle-même la maintenance préventive), faisant désormais partie du groupe Washtec, Christ, Ceccato et Istobal.
Lorsquune station est ainsi prise en charge (ce qui, compte tenu du contexte, se fait assez souvent dans la précipitation), il y a :
une réalisation dun inventaire ;
une prise de la gestion (économie commerciale) ;
un état des lieux en ce qui concerne les parties techniques (le matériel est « réputé en létat », sauf avis de lancien gérant ; il ny a pas de vérification technique du matériel).
En règle générale, le service de maintenance incombe normalement aux pétroliers propriétaires : en cas de besoin, une intervention est demandée par Minitel, les délais sont fixés, la réparation effectuée et une clôture dintervention a lieu, toujours par Minitel.
Les sites de lavage sont par nature des lieux à risque compte tenu des matériels et des produits utilisés, ce qui implique la nécessité de dispositifs de protection et des comportements adaptés.
Il existe, en principe, près de lemplacement de la carte de mise en fonctionnement, un bouton rouge darrêt durgence ; après utilisation de celui-ci, un réarmement est obligatoire (avec une clé ou un bouton à larrière du poste de commande client). En outre, il existe une armoire électrique dans laquelle est située la commande de recul (motorisée) du portique ; cette armoire nest accessible quau personnel de la station et il nexiste pas de déblocage mécanique.
Il existe aussi un sabot de positionnement du véhicule, plus efficace quune signalisation par feu (rouge ou vert), qui permet de savoir si le véhicule est correctement placé.
Si lélectronique a permis daméliorer les mouvements du système entraînant de moindres dégâts à la carrosserie et aux accessoires, en revanche, elle na pas amélioré la sécurité des personnes qui tient à la fois à des causes humaines et techniques.
En effet, en ce qui concerne le personnel, la plupart des stations nont manifestement pas le nombre demployés suffisant ; de plus, ce personnel est faiblement rémunéré et souvent sous-qualifié. Il ne reçoit pas de formation particulière, notamment lorsquil sagit dune société de gestion qui, par définition, gère la station pour une période limitée.
Par ailleurs, les contrôles techniques aujourdhui effectués apparaissent largement insuffisants.
En dépit des risques potentiels, les inspecteurs du travail ne contrôlent pas les portiques de lavage (alors quils contrôlent, par exemple, les ponts élévateurs). Interrogée par la CSC, la direction du travail, de lemploi et de la formation professionnelle a déclaré quelle ne connaît pas de réglementation spécifique aux portiques de lavage alors que les portiques de levage utilisés dans lindustrie (sidérurgie notamment) et qui présentent des risques similaires sont réglementés en tant que tels. Toutefois, en labsence de règles spécifiques, il existe au moins larticle R. 233-6 du code du travail qui prévoit un passage minimal de 80 cm autour dune machine à éléments mobiles.
Les contrôleurs de lAPAVE ne vérifient de leur côté que linstallation électrique.
Enfin, il ny a pas non plus de vérification lors de la mise en service de linstallation, sauf par les commissions de sécurité avant louverture dune station, mais ce contrôle concerne uniquement les risques dincendie et de panique.
Lemplacement du portique de lavage est déterminé sur le plan de masse de la station. Linstallation est réalisée par le constructeur du portique : cest lui qui se charge des travaux nécessaires (écoulement des eaux, décanteurs, prévention de la pollution...), un cahier des charges techniques déterminant linstallation « clé en main ».
En dépit des risques, selon les déclarations faites à la CSC, les professionnels nont pas eu connaissance dautre accident mortel que celui évoqué. Les problèmes rencontrés sont généralement des décrochements de brosses. Néanmoins, labsence de statistiques précises concernant les divers types daccidents susceptibles de se produire ne permet pas de conclure à linexistence daccidents graves.
2. Concernant laccident mortel survenu
avec le portique de lavage Kleindienst
Le portique à lorigine du premier accident a été fabriqué par la société allemande California Kleindienst Autowaschttechnik. La machine est de type CK 45 E2 Combi.
La société Kleindienst reçoit le matériel directement dAllemagne avec la certification CE. Elle répond aux appels doffres des compagnies pétrolières ou des grandes surfaces pour limplantation des portiques de lavage. Elle vend des produits sur catalogue. Le client final, gérant de la station, achète le matériel sous réserve de laccord de la commission des travaux de la compagnie pétrolière. Les compagnies Esso et Shell donnent simplement leur accord à une commande du gestionnaire de la station, alors que la société TotalFinaElf passe la commande directement. Linstallation est réalisée par la filiale de Kleindienst suivant les instructions de la compagnie.
A la suite de laccident mortel porté à la connaissance de la CSC, la société a procédé à un inventaire des installations sensibles : une trentaine ont été identifiées comme devant faire lobjet de mesures de sécurité particulières (dispositifs rigides de protection dits « barres de sécurité verticales », panneaux dinterdiction de se trouver sur laire de lavage, rénovation de la signalétique...). Il est intéressant de noter que ces « barres de sécurité verticales » étaient auparavant présentées en option dans le catalogue Kleindienst pour un surcoût minime, mais quaucun gestionnaire nen faisait la demande.
Linstallation du portique a été réalisée à lépoque où la société Shell était gérante. Les barres de sécurité nont pas été préconisées par la commission des travaux de Shell. Il y a eu ensuite une deuxième commission de travaux, celle de la société Elf. Depuis laccident mortel, Kleindienst impose les barres de sécurité qui ne sont donc plus optionnelles.
Parallèlement, un audit de tout le parc des compagnies pétrolières utilisant des portiques Kleindiensdt a été entrepris en vue dune mise en conformité. De même, cet audit a été demandé auprès des grandes surfaces et des exploitants particuliers.
Lors de la reprise dune station, la société Elf-Antar contrôle la sécurité des pompes à essence, les armoires électriques, mais pas les portiques, considérés comme non dangereux. Le coût dun portique est relativement élevé (50 000 Euro installé) avec une rentabilité variable.
3. Concernant la requête no 00-189
Lincident à lorigine de la requête na donné lieu à aucun accident corporel, mais à des dégâts matériels au véhicule et au portique de lavage.
En dépit des explications fournies par le conducteur du véhicule lors de son audition en séance plénière (cf. § 3.2), il est peu probable quaucune faute de sa part nait été commise lors du lavage de sa voiture. Cet aspect échappe cependant à la compétence de la CSC et nenlève rien à lintérêt de cette affaire sur le plan des dispositifs de sécurité. On peut en effet en retenir que les informations fournies à lutilisateur sur la procédure de mise en marche du portique de lavage et les dispositifs de sécurité nétaient pas suffisamment claires et en tout cas nont pas suffi à éviter laccident.
3.1. Déclarations de TotalFinaElf
M. N., ingénieur doctrines méthodes au service de développement, investissement, maintenance de TotalFinaElf, a été entendu par la commission, le 9 octobre 2001 et a fait les déclarations suivantes.
Total Fina a fusionné avec Elf et des équipes uniques issues des deux sociétés gèrent les 4 500 stations des trois marques, dont 800 sont équipées de portiques (moitié Elf, moitié Total Fina). Lensemble des équipements en place sur le réseau TotalFinaElf est représenté par quatre marques : Washtec, Ceccato, Istobal et Christ. Washtec représente plus de 80 %.
Concernant laccident, le fabricant, Kleindienst, a réalisé sa propre expertise et en a conclu que :
le véhicule nétait pas à lemplacement correct pour le démarrage du cycle ;
le propriétaire de ce véhicule a sans doute enclenché le cycle de lavage et voyant celui-ci débuter sest précipité sur son véhicule pour le mettre en place rapidement ;
arrivant sur la piste peut-être trop rapidement, le véhicule nétait pas bien axé sur celle-ci et a violemment heurté les brosses verticales qui se sont déformées vers larrière pour se coincer sous les brosses horizontales au niveau du pare-chocs avant ;
langle dimpact a eu pour effet de soulever un seul côté du portique, créant ainsi un bras de levier déséquilibrant lensemble qui sest alors écroulé sur le véhicule.
Cest le premier accident de ce type connu.
Parmi les solutions envisagées avec les sociétés Washtec et Ceccato, M. N. indique qua été retenue la solution consistant à détecter la présence du véhicule par système infrarouge (sécurité positive). Des tests sont en cours pour la validation de ce procédé.
Par ailleurs, M. N. avait eu connaissance de laccident mortel faisant lobjet de la saisine antérieure. Parmi les dispositions dores et déjà prises par TotalFinaElf :
les barres de sécurité ont été installées systématiquement sur tous les équipements neufs et les modifications des anciens portiques sont en cours. Ces barres interdisent un passage inférieur à 50 cm ;
des détecteurs de présence sur laire de lavage, à limitation de ce qui se fait en Allemagne, sont en cours détude ;
les messages de sécurité à destination de lutilisateur ont été redéfinis et uniformisés pour tout le parc. Ces messages sont déjà en place sur 90 % des stations à lheure actuelle. Les messages vocaux ont été revus et les futurs systèmes de paiement devront reprendre ces commandes vocales.
M. N. signale enfin que certaines stations sont gérées par des sociétés elles-mêmes propriétaires des équipements de lavage et de ce fait ne sont pas juridiquement tenues par les demandes de TotalFinaElf. Ces stations seront néanmoins informées des modifications souhaitables.
3.2. Déclarations faites par le requérant, M. D.,
lors de la séance plénière
M. D. a conduit son véhicule à la station-service Total située sur le périphérique près de la porte dAubervilliers, le dimanche 5 novembre 2000 en fin daprès-midi. Selon ses déclarations, il ny avait pas de précision indiquant sil convenait que le conducteur reste dans sa voiture ou non pendant le lavage. Cest ce qui explique, compte tenu de la température extérieure très froide, quil soit resté à lintérieur de son véhicule pendant lopération de nettoyage.
Après quil eût mis sa carte, lappareil de nettoyage sest mis en route et se serait bloqué alors que lavant du véhicule avait déjà été nettoyé. Daprès M. D., la roue avant gauche sengage entre deux rails jusquà une butée et cest le contact avec cette butée qui déclencherait la mise en route. En dépit du blocage des rouleaux, le portique aurait cependant continué à avancer, ce qui aurait provoqué leffondrement de toute la machine sur la voiture. M. D. a déclaré quil ignorait lexistence dun système darrêt durgence et il a précisé que son véhicule était à larrêt quand le portique sest mis en marche, bien quil ait laissé le contact.
Une seule personne était alors présente, lemployée de la station. Cependant, dans la mesure où elle ne doit pas quitter sa caisse, cette dernière na pas vu laccident et nest pas intervenue. Une fois prévenue, elle a téléphoné au gérant qui sest présenté à la station au moins 2 heures après. La caissière aurait par ailleurs indiqué à M. D. que des défaillances techniques antérieures sétaient déjà produites sur ce portique.
Un constat a été dressé par les pompiers et la police, mais aucune suite na été donnée à laffaire car il ny a pas eu daccident corporel.
A lheure actuelle, des discussions sont toujours en cours entre le fabricant du portique et la société de gestion ; la société Total ne répond plus depuis le début de lannée 2001.
Un règlement judiciaire devrait intervenir à court terme, laudience ayant été renvoyée à janvier 2002.
LA SYNTHÈSE ET LES CONCLUSIONS
Il faut tout dabord rappeler quune inspection de lAPAVE, effectuée à la demande de linspection du travail sur le portique où sest produit laccident mortel, conformément à larticle L. 233-5-2 du code du travail, a montré un nombre important de non-conformités (dont la gravité est plus ou moins importante) au code du travail, notamment son article R. 233-6 (annexe I du livre II). Or cette inspection a été effectuée sur le portique postérieurement à laccident, après modification par adjonction de barres dites « de sécurité » le long des montants verticaux extérieurs du portique, le reste étant inchangé. Cette expertise a donné lieu à un « compte rendu de vérifications ».
Les conclusions de lAPAVE peuvent servir de base de réflexion sur les risques engendrés par les portiques de lavage.
Comme cela a déjà été dit plus haut, ces non-conformités concernent des prescriptions de sécurité relatives aux travailleurs, cest-à-dire des personnes censées être formées au métier quelles exercent et aux risques quelles encourent. Ce nest évidemment pas le cas de lautomobiliste qui vient faire laver son véhicule et qui na aucune raison de connaître le fonctionnement et les dangers propres au matériel quil utilise en libre-service, cest-à-dire sans aucune intervention possible (ni prévue) dun professionnel.
Il convient de considérer que le consommateur est susceptible davoir un comportement moins rationnel quun professionnel responsable. Il faut donc dans un premier temps linformer sur le fonctionnement et les conditions dutilisation du matériel en précisant clairement et par un libellé simple les consignes de sécurité et les risques encourus en cas dinobservation.
Il est en effet « raisonnablement prévisible » quun consommateur puisse être préoccupé ou distrait par des enfants, un autre passager ou un animal par exemple. Il peut aussi, après lintroduction de la carte, sapercevoir que son véhicule est mal positionné, que son antenne nest pas sécurisée, que la vitre arrière nest pas complètement fermée... et chercher à intervenir alors que le cycle de nettoyage a déjà commencé.
Les raisons exactes du retour dune personne sur laire de lavage sont multiples, mais dans tous les cas cet état de fait devrait donner lieu à une réaction immédiate du portique de lavage (détection de présence, arrêt de la progression et des rouleaux).
Or, en létat actuel des portiques, rien, hormis larrêt durgence (mais qui risque de faire perdre la possibilité de poursuivre ultérieurement le lavage), ne permet dinterrompre le cycle si une personne se présente sur laire de déplacement du portique. Ce dispositif ne peut être mis en uvre que par un tiers. Or, beaucoup de stations fonctionnent 24 heures/24 et, en conséquence, cette tierce personne ne sera pas toujours sur le site. Même présente, la personne à la caisse peut dailleurs ne rien voir et ne pas avoir la liberté de se déplacer (exemple cité par le requérant de laccident dAubervilliers).
De plus, aucun dispositif manuel nest prévu pour faire effectuer une marche arrière au portique afin que les services de secours puissent intervenir efficacement pour désincarcérer ou dégager une victime.
Une solution efficace serait, ainsi que la préconisé lexpert judiciaire, dinstaller des détecteurs de présence sur la zone à risque (les capteurs infrarouges installés actuellement permettent uniquement de détecter les contours du véhicule). Toute tentative de pénétration stopperait instantanément la machine (en déplacement et en action doutils - brosses, jets liquides...). Ces capteurs devraient être installés en sécurité positive (cest-à-dire quune défaillance dun capteur doit entraîner larrêt de la machine jusquà suppression de cette défaillance).
De plus, lenveloppe du déplacement du portique le long des murs latéraux devrait être telle que : soit une personne ne puisse pas sintercaler entre le portique et le mur (distance inférieure ou égale à 10 cm), soit cette distance (sur toute la longueur de déplacement du portique) permette le déplacement aisé dune personne (dans cette hypothèse les parties mobiles - brosses en particulier - doivent être carénées). Larticle R. 233-6 du code du travail précise que cette distance doit alors être supérieure à 80 cm. Les normes européennes NF EN 294 (E 09-010) de septembre 1992 « Distances de sécurité pour empêcher latteinte des zones dangereuses par les membres supérieurs » et NF EN 349 (E 09-011) de septembre 1993 « Ecartements minimaux pour prévenir les risques décrasement de parties du corps humain » prévoient pour leur part une distance de sécurité de 50 cm. Cette dernière prescription semble suffisante pour assurer la protection des consommateurs. Pour sa part, le Conseil National des Professions de lAutomobile (CNPA) a déjà diffusé une circulaire « rappelant la nécessité pour les détaillants possédant une installation de lavage de mettre le matériel en conformité avec la réglementation au niveau des distances de dégagement autour du portique, et les informations se rapportant aux dangers propres à chaque installation (art. 233-6 du code du travail et L. 221-1 du code de la consommation) ».
Dans les accidents portés à la connaissance de la CSC, les erreurs de conception et dinstallation qui en ont été à lorigine peuvent être énumérées de la manière suivante :
larrêt de sécurité (électrique) en cas de résistance à lavancement du portique ne se déclenche, semble-t-il, que quand leffort est très important (supérieur à la résistance offerte par un corps humain) ;
le bouton darrêt durgence nest pas identifié de manière claire et précise (il est indiqué NOT/AUS alors quil conviendrait de faire figurer ARRÊT DURGENCE) (cf. loi relative à lutilisation de la langue française) ;
aucune indication de sécurité nattire lattention des utilisateurs sur les dangers propres à linstallation ;
labsence de surveillance (directe ou indirecte) et de dispositifs détectant toute intrusion postérieure au lancement du processus de lavage ne permet pas dintervenir à temps en cas de danger ;
labsence de dispositif de débrayage et de recul du portique rend de toute façon très difficile le dégagement rapide dune victime ;
dans le cas de laccident mortel, les espaces entre le châssis du portique et les murs (que ce soit à droite ou à gauche) nétaient pas suffisamment petits pour empêcher quelquun de sy engager, ni suffisamment grands pour lui permettre de circuler.
LES TEXTES RÉGLEMENTAIRES APPLICABLES
Outre larticle L. 221-1 du
code de la consommation qui stipule que : « Les produits
et les services doivent, dans des conditions normales dutilisation ou
dans dautres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel,
présenter la sécurité à laquelle on peut légitimement
sattendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes »,
les règles techniques de conception des machines, édictées
par le code du travail, sappliquent également.
Ce type dinstallation est aussi soumis aux règles
dutilisation fixées par ce même code pour ce qui est de la
protection des travailleurs, cest-à-dire du personnel de la station,
puisquil sagit dune machine en service dans un établissement
visé à larticle L. 231-1 du code du travail. Sur
ce plan-là, léquipement de la station où sest
produit laccident mortel savérait non conforme. De plus,
la direction du travail ninspecte pas régulièrement ce type
dinstallation.
Toutefois, sagissant de machines exclusivement
destinées à des consommateurs, il ne semble pas illogique denvisager
de se référer au code de la consommation. A cet égard,
il convient de remarquer que la société TotalFinaElf précise
« quil existe des sites équipés de ce type dinstallation
dans lesquelles aucun salarié nintervient (cas par exemple de stations-service
exploitées par des travailleurs indépendants) et pour lesquelles
le code du travail ne peut trouver à sappliquer. Ces sites sont
néanmoins concernés par les problèmes de sécurité
de ces équipements. De surcroît, ces installations ne sont quexceptionnellement
utilisées par des salariés de lexploitant de la station
et sont presque exclusivement destinées à lusage des clients ».
Mais il nappartient pas à la CSC de se
prononcer sur la base réglementaire idoine.
Après avoir entendu M. D., requérant,
en séance plénière,
Emet
lavis suivant :
Les installations de lavage en libre-service sont, par
destination, des appareils utilisés par les consommateurs. En conséquence,
outre les éventuelles prescriptions découlant du code du travail
(destinées à protéger les professionnels - utilisateurs
ou personnel de station-service), ces installations de lavage doivent satisfaire
aux exigences découlant du code de la consommation, notamment larticle L. 221-1
qui prévoit que : « Les produits et services doivent,
dans des conditions normales dutilisation ou dans des conditions raisonnablement
prévisibles par le professionnel, présenter la sécurité
à laquelle on peut légitimement sattendre et ne pas porter
atteinte à la santé des personnes ».
Les pouvoirs publics devraient donc réglementer
les conditions de construction, implantation, utilisation et entretien des appareils
de lavage de véhicules automobiles, utilisables par les consommateurs
en libre-service.
A ce titre, devraient être notamment prévus :
1. Ladaptation des installations des
portiques de lavage aux bâtiments dans lesquels ils sont incorporés.
De ce fait, afin de limiter les risques concernant les personnes, il faudrait
entre les parties mobiles du portique et les parties fixes éventuelles
(par exemple, un mur) soit un espace quasi nul ne permettant pas à un
enfant ou un adulte de sy engager, soit au contraire un espace suffisamment
large pour ne pas risquer de coincement.
2. Un ou des systèmes permettant le
blocage immédiat, et non réamorçable sans lintervention
dun responsable, de lensemble du portique dès lors quun
quelconque élément présente un dysfonctionnement.
3. Lobligation de munir lappareil
des dispositifs nécessaires pour détecter un mouvement et conduire
à larrêt de tout déplacement du dispositif, sachant
quun utilisateur (ou une autre personne, un animal ou un objet) est susceptible
de pénétrer malencontreusement dans la zone de déplacement
du portique et de ses accessoires.
4. Un système permanent et clairement
identifié de débrayage et de recul du portique (comme cela est
aujourdhui prévu pour les portes automatiques de garage).
5. Un dispositif détectant que le
véhicule est correctement positionné sur laire de lavage.
6. La surveillance des installations (zone
de déplacement du portique et pupitre de commande), directement ou par
tout moyen de retransmission, par la ou les personnes responsables de la station.
7. Des indications claires, précises
et en langue française sur le pupitre de commande, adaptées à
la configuration particulière du site et mettant en lumière les
risques propres aux spécificités de linstallation.
8. Des commandes vocales qui permettraient
de guider lutilisateur, à linstar de ce qui se pratique par
exemple pour la distribution des carburants en libre-service 24 h/24.
9. Un contrôle à linstallation
par un organisme indépendant (à linstar de ce que réalisent
les commissions de sécurité en matière dincendie
et de panique ou des organismes tels que les APAVE, CEP, VERITAS...).
De plus :
10. Les pouvoirs publics devraient enjoindre
aux propriétaires et gérants de matériel de lavage de véhicules
automobiles mis à la disposition des consommateurs de mettre dès
à présent, et dans lattente de la réglementation
souhaitée ci-dessus, ces matériels en conformité avec les
règles existantes en ce qui concerne les distances de dégagement
autour du portique : application de la règle des 80 cm par
exemple ou application des prescriptions préconisées par les normes
européennes NF EN 294 et NF EN 349, respectivement
de septembre 1992 et septembre 1993, qui prévoient une distance de 50 cm,
et information concernant les dangers propres à chaque installation.
11. Les réglementations qui seront
édictées devraient être intégralement appliquées
aux matériels existants.
Adopté au cours de la séance
du 21 novembre 2001 sur le rapport de Henri Viellard.
Assisté de MM. Bedouin et Maignaud, conseillers
techniques de la commission, conformément à larticle R. 224-4
du code de la consommation.
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© Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie - DGCCRF - 18 mars 2002 |