Sommaire N° 3 du 26 février 2002

Avis relatif aux installations de lavage
pour automobiles destinées aux consommateurs
NOR :  ECOC0200007V

    La commission de la sécurité des consommateurs,
    Vu le code de la consommation, notamment ses articles L. 224-1, L. 224-4, R. 224-4 et R. 224-7 à R. 224-12 ;
    Vu la requête no 2000-189,
                    Considérant que :

LES SAISINES

    Saisine judiciaire : courant 2000, la commission a été saisie par un substitut du procureur de la République d’un tribunal de grande instance d’un accident mortel dont a été victime une personne alors qu’elle faisait laver son véhicule automobile dans une station-service. Cette saisine judiciaire a donné lieu à un avis spécifique de la CSC, qui a été adressé à l’auteur de la saisine et ne pourra être rendu public qu’après qu’une décision de non-lieu aura été prise ou qu’un jugement sur le fond aura été publié, ainsi que le prévoit l’article L. 224-3 du code de la consommation.
    La CSC ne peut donc faire état des détails de cet accident, mais peut toutefois indiquer que les caractéristiques techniques du portique ainsi que les particularités de son implantation ont conduit à une aggravation des risques liées à ce type d’installation en libre-service. Des portiques de même type étant toujours en service, la CSC utilisera dans le présent avis les données techniques et réglementaires recueillies lors de son enquête sur cet accident mortel.

Requête no 2000-189

    Le 5 novembre 2000, un consommateur de la région parisienne, ayant engagé son véhicule dans un portique de lavage automatique d’une station-service d’Aubervilliers, a vu celui-ci se bloquer dans un premier temps puis s’effondrer sur le véhicule. Ce dernier est réduit à l’état d’épave mais il n’y a pas eu d’accident corporel.

LES CARACTÉRISTIQUES TECHNIQUES GÉNÉRALES

    Les appareils de lavage visés par le présent avis sont ceux destinés au lavage des véhicules automobiles des particuliers, fonctionnant en libre-service, c’est-à-dire en la seule présence de la (ou des) personnes(s) venant faire laver son (leur) véhicule. En règle générale, aucune surveillance particulière n’est exercée par le personnel de la station qui, souvent, n’a d’ailleurs pas de vue directe sur l’appareil.
    La machine est composée d’un cadre constituant un portique qui se déplace sur des rails fixés au sol. Sur ce portique sont fixées des brosses rotatives (trois au minimum, deux verticales et une horizontale, plus éventuellement deux brosses de roues) ainsi que les dispositifs de projection des liquides de lavage, de séchage...
    Des capteurs permettent de détecter les contours de la voiture afin de guider le travail des brosses.
    Les extrémités des rails de translation sont normalement munies de butées afin de provoquer l’arrêt de la course.
    Un pupitre de commande situé à l’extérieur de l’appareil de lavage permet à l’utilisateur de choisir le cycle de lavage. Il est souvent associé à un lecteur de badges magnétiques.
    Deux modalités de mise en marche peuvent être envisagées :

1.  Mode carte

    Introduction d’une carte magnétique (ou d’un jeton) dans un lecteur pour sélectionner le programme de lavage. Seul ce mode est normalement accessible au consommateur qui achète sa carte magnétique (ou son jeton) auprès du caissier de la station-service. Notons qu’il existe des cartes d’abonnement valables pour plusieurs lavages et normalement utilisables dans toutes les stations de l’enseigne. L’utilisateur peut donc changer à son gré de lieu de lavage et ne connaît donc pas forcément les particularités des différents appareils ou de leur implantation.

2.  Mode manuel

    Sélection du programme de lavage par l’intermédiaire du clavier à touches sensitives. Ce mode de fonctionnement est normalement réservé aux professionnels. Les touches de fonction du clavier étant dans ce cas actives, l’utilisateur peut intervenir en cours de cycle (cas des véhicules spéciaux, exemple : taxis, ambulances,...).

LES AUDITIONS

    La commission a entendu :
      l’expert judiciaire chargé du pré-rapport de l’accident mortel ;
      la société gérante, la société propriétaire et le responsable de la station où s’est produit cet accident ;
      la direction du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle ;
      la société California Kleindienst Autowaschttechnik ;
      la société propriétaire de la station TotalFinaElf où s’est produit le deuxième accident.
    Par ailleurs, l’auteur de la saisine no 2000-189 a souhaité être entendu lors de la séance plénière afin de préciser les faits dont il a été victime.
    Il ressort de ces auditions les points suivants :

1.  D’un point de vue général

    Les sites de lavage de véhicules sont au nombre d’environ 4 000 en France, réalisant 4 millions de lavages par mois. L’exploitation des stations-service est souvent confiée à des sociétés spécialisées en gestion. Il en existe trois de ce type, agissant en tant que prestataire de service auprès des compagnies pétrolières et prenant en charge des stations-service (lors de carences de gérant par exemple). Pour une durée limitée, la société devient mandataire, gérante des stations-service, dont les propriétaires sont les compagnies pétrolières TotalFinaElf, Agip, Esso, Shell, BP. Le personnel de ces stations-service et celui de la société de gestion. Les carburants seuls restent aux mains des pétroliers, alors que les locaux, le matériel, les boutiques, les portiques de lavage sont sous la responsabilité de la société. En 1999, à titre d’exemple, une de ces sociétés gérait 155 affaires de ce type. Les constructeurs de portiques de lavage sont Kleindienst (société allemande mais implantée en France et assurant elle-même la maintenance préventive), faisant désormais partie du groupe Washtec, Christ, Ceccato et Istobal.
    Lorsqu’une station est ainsi prise en charge (ce qui, compte tenu du contexte, se fait assez souvent dans la précipitation), il y a :
      une réalisation d’un inventaire ;
      une prise de la gestion (économie commerciale) ;
      un état des lieux en ce qui concerne les parties techniques (le matériel est « réputé en l’état », sauf avis de l’ancien gérant ; il n’y a pas de vérification technique du matériel).
    En règle générale, le service de maintenance incombe normalement aux pétroliers propriétaires : en cas de besoin, une intervention est demandée par Minitel, les délais sont fixés, la réparation effectuée et une clôture d’intervention a lieu, toujours par Minitel.
    Les sites de lavage sont par nature des lieux à risque compte tenu des matériels et des produits utilisés, ce qui implique la nécessité de dispositifs de protection et des comportements adaptés.
    Il existe, en principe, près de l’emplacement de la carte de mise en fonctionnement, un bouton rouge d’arrêt d’urgence ; après utilisation de celui-ci, un réarmement est obligatoire (avec une clé ou un bouton à l’arrière du poste de commande client). En outre, il existe une armoire électrique dans laquelle est située la commande de recul (motorisée) du portique ; cette armoire n’est accessible qu’au personnel de la station et il n’existe pas de déblocage mécanique.
    Il existe aussi un sabot de positionnement du véhicule, plus efficace qu’une signalisation par feu (rouge ou vert), qui permet de savoir si le véhicule est correctement placé.
    Si l’électronique a permis d’améliorer les mouvements du système entraînant de moindres dégâts à la carrosserie et aux accessoires, en revanche, elle n’a pas amélioré la sécurité des personnes qui tient à la fois à des causes humaines et techniques.
    En effet, en ce qui concerne le personnel, la plupart des stations n’ont manifestement pas le nombre d’employés suffisant ; de plus, ce personnel est faiblement rémunéré et souvent sous-qualifié. Il ne reçoit pas de formation particulière, notamment lorsqu’il s’agit d’une société de gestion qui, par définition, gère la station pour une période limitée.
    Par ailleurs, les contrôles techniques aujourd’hui effectués apparaissent largement insuffisants.
    En dépit des risques potentiels, les inspecteurs du travail ne contrôlent pas les portiques de lavage (alors qu’ils contrôlent, par exemple, les ponts élévateurs). Interrogée par la CSC, la direction du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle a déclaré qu’elle ne connaît pas de réglementation spécifique aux portiques de lavage alors que les portiques de levage utilisés dans l’industrie (sidérurgie notamment) et qui présentent des risques similaires sont réglementés en tant que tels. Toutefois, en l’absence de règles spécifiques, il existe au moins l’article R. 233-6 du code du travail qui prévoit un passage minimal de 80 cm autour d’une machine à éléments mobiles.
    Les contrôleurs de l’APAVE ne vérifient de leur côté que l’installation électrique.
    Enfin, il n’y a pas non plus de vérification lors de la mise en service de l’installation, sauf par les commissions de sécurité avant l’ouverture d’une station, mais ce contrôle concerne uniquement les risques d’incendie et de panique.
    L’emplacement du portique de lavage est déterminé sur le plan de masse de la station. L’installation est réalisée par le constructeur du portique : c’est lui qui se charge des travaux nécessaires (écoulement des eaux, décanteurs, prévention de la pollution...), un cahier des charges techniques déterminant l’installation « clé en main ».
    En dépit des risques, selon les déclarations faites à la CSC, les professionnels n’ont pas eu connaissance d’autre accident mortel que celui évoqué. Les problèmes rencontrés sont généralement des décrochements de brosses. Néanmoins, l’absence de statistiques précises concernant les divers types d’accidents susceptibles de se produire ne permet pas de conclure à l’inexistence d’accidents graves.

2.  Concernant l’accident mortel survenu
avec le portique de lavage Kleindienst

    Le portique à l’origine du premier accident a été fabriqué par la société allemande California Kleindienst Autowaschttechnik. La machine est de type CK 45 E2 Combi.
    La société Kleindienst reçoit le matériel directement d’Allemagne avec la certification CE. Elle répond aux appels d’offres des compagnies pétrolières ou des grandes surfaces pour l’implantation des portiques de lavage. Elle vend des produits sur catalogue. Le client final, gérant de la station, achète le matériel sous réserve de l’accord de la commission des travaux de la compagnie pétrolière. Les compagnies Esso et Shell donnent simplement leur accord à une commande du gestionnaire de la station, alors que la société TotalFinaElf passe la commande directement. L’installation est réalisée par la filiale de Kleindienst suivant les instructions de la compagnie.
    A la suite de l’accident mortel porté à la connaissance de la CSC, la société a procédé à un inventaire des installations sensibles : une trentaine ont été identifiées comme devant faire l’objet de mesures de sécurité particulières (dispositifs rigides de protection dits « barres de sécurité verticales », panneaux d’interdiction de se trouver sur l’aire de lavage, rénovation de la signalétique...). Il est intéressant de noter que ces « barres de sécurité verticales » étaient auparavant présentées en option dans le catalogue Kleindienst pour un surcoût minime, mais qu’aucun gestionnaire n’en faisait la demande.
    L’installation du portique a été réalisée à l’époque où la société Shell était gérante. Les barres de sécurité n’ont pas été préconisées par la commission des travaux de Shell. Il y a eu ensuite une deuxième commission de travaux, celle de la société Elf. Depuis l’accident mortel, Kleindienst impose les barres de sécurité qui ne sont donc plus optionnelles.
    Parallèlement, un audit de tout le parc des compagnies pétrolières utilisant des portiques Kleindiensdt a été entrepris en vue d’une mise en conformité. De même, cet audit a été demandé auprès des grandes surfaces et des exploitants particuliers.
    Lors de la reprise d’une station, la société Elf-Antar contrôle la sécurité des pompes à essence, les armoires électriques, mais pas les portiques, considérés comme non dangereux. Le coût d’un portique est relativement élevé (50 000 Euro installé) avec une rentabilité variable.

3.  Concernant la requête no 00-189

    L’incident à l’origine de la requête n’a donné lieu à aucun accident corporel, mais à des dégâts matériels au véhicule et au portique de lavage.
    En dépit des explications fournies par le conducteur du véhicule lors de son audition en séance plénière (cf. § 3.2), il est peu probable qu’aucune faute de sa part n’ait été commise lors du lavage de sa voiture. Cet aspect échappe cependant à la compétence de la CSC et n’enlève rien à l’intérêt de cette affaire sur le plan des dispositifs de sécurité. On peut en effet en retenir que les informations fournies à l’utilisateur sur la procédure de mise en marche du portique de lavage et les dispositifs de sécurité n’étaient pas suffisamment claires et en tout cas n’ont pas suffi à éviter l’accident.

3.1.  Déclarations de TotalFinaElf

    M. N., ingénieur doctrines méthodes au service de développement, investissement, maintenance de TotalFinaElf, a été entendu par la commission, le 9 octobre 2001 et a fait les déclarations suivantes.
    Total Fina a fusionné avec Elf et des équipes uniques issues des deux sociétés gèrent les 4 500 stations des trois marques, dont 800 sont équipées de portiques (moitié Elf, moitié Total Fina). L’ensemble des équipements en place sur le réseau TotalFinaElf est représenté par quatre marques : Washtec, Ceccato, Istobal et Christ. Washtec représente plus de 80 %.

    Concernant l’accident, le fabricant, Kleindienst, a réalisé sa propre expertise et en a conclu que :
      le véhicule n’était pas à l’emplacement correct pour le démarrage du cycle ;
      le propriétaire de ce véhicule a sans doute enclenché le cycle de lavage et voyant celui-ci débuter s’est précipité sur son véhicule pour le mettre en place rapidement ;
      arrivant sur la piste peut-être trop rapidement, le véhicule n’était pas bien axé sur celle-ci et a violemment heurté les brosses verticales qui se sont déformées vers l’arrière pour se coincer sous les brosses horizontales au niveau du pare-chocs avant ;
      l’angle d’impact a eu pour effet de soulever un seul côté du portique, créant ainsi un bras de levier déséquilibrant l’ensemble qui s’est alors écroulé sur le véhicule.
    C’est le premier accident de ce type connu.
    Parmi les solutions envisagées avec les sociétés Washtec et Ceccato, M. N. indique qu’a été retenue la solution consistant à détecter la présence du véhicule par système infrarouge (sécurité positive). Des tests sont en cours pour la validation de ce procédé.
    Par ailleurs, M. N. avait eu connaissance de l’accident mortel faisant l’objet de la saisine antérieure. Parmi les dispositions d’ores et déjà prises par TotalFinaElf :
      les barres de sécurité ont été installées systématiquement sur tous les équipements neufs et les modifications des anciens portiques sont en cours. Ces barres interdisent un passage inférieur à 50 cm ;
      des détecteurs de présence sur l’aire de lavage, à l’imitation de ce qui se fait en Allemagne, sont en cours d’étude ;
      les messages de sécurité à destination de l’utilisateur ont été redéfinis et uniformisés pour tout le parc. Ces messages sont déjà en place sur 90 % des stations à l’heure actuelle. Les messages vocaux ont été revus et les futurs systèmes de paiement devront reprendre ces commandes vocales.
    M. N. signale enfin que certaines stations sont gérées par des sociétés elles-mêmes propriétaires des équipements de lavage et de ce fait ne sont pas juridiquement tenues par les demandes de TotalFinaElf. Ces stations seront néanmoins informées des modifications souhaitables.

3.2.  Déclarations faites par le requérant, M. D.,
lors de la séance plénière

    M. D. a conduit son véhicule à la station-service Total située sur le périphérique près de la porte d’Aubervilliers, le dimanche 5 novembre 2000 en fin d’après-midi. Selon ses déclarations, il n’y avait pas de précision indiquant s’il convenait que le conducteur reste dans sa voiture ou non pendant le lavage. C’est ce qui explique, compte tenu de la température extérieure très froide, qu’il soit resté à l’intérieur de son véhicule pendant l’opération de nettoyage.
    Après qu’il eût mis sa carte, l’appareil de nettoyage s’est mis en route et se serait bloqué alors que l’avant du véhicule avait déjà été nettoyé. D’après M. D., la roue avant gauche s’engage entre deux rails jusqu’à une butée et c’est le contact avec cette butée qui déclencherait la mise en route. En dépit du blocage des rouleaux, le portique aurait cependant continué à avancer, ce qui aurait provoqué l’effondrement de toute la machine sur la voiture. M. D. a déclaré qu’il ignorait l’existence d’un système d’arrêt d’urgence et il a précisé que son véhicule était à l’arrêt quand le portique s’est mis en marche, bien qu’il ait laissé le contact.
    Une seule personne était alors présente, l’employée de la station. Cependant, dans la mesure où elle ne doit pas quitter sa caisse, cette dernière n’a pas vu l’accident et n’est pas intervenue. Une fois prévenue, elle a téléphoné au gérant qui s’est présenté à la station au moins 2 heures après. La caissière aurait par ailleurs indiqué à M. D. que des défaillances techniques antérieures s’étaient déjà produites sur ce portique.
    Un constat a été dressé par les pompiers et la police, mais aucune suite n’a été donnée à l’affaire car il n’y a pas eu d’accident corporel.
    A l’heure actuelle, des discussions sont toujours en cours entre le fabricant du portique et la société de gestion ; la société Total ne répond plus depuis le début de l’année 2001.
    Un règlement judiciaire devrait intervenir à court terme, l’audience ayant été renvoyée à janvier 2002.

LA SYNTHÈSE ET LES CONCLUSIONS

    Il faut tout d’abord rappeler qu’une inspection de l’APAVE, effectuée à la demande de l’inspection du travail sur le portique où s’est produit l’accident mortel, conformément à l’article L. 233-5-2 du code du travail, a montré un nombre important de non-conformités (dont la gravité est plus ou moins importante) au code du travail, notamment son article R. 233-6 (annexe I du livre II). Or cette inspection a été effectuée sur le portique postérieurement à l’accident, après modification par adjonction de barres dites « de sécurité » le long des montants verticaux extérieurs du portique, le reste étant inchangé. Cette expertise a donné lieu à un « compte rendu de vérifications ».
    Les conclusions de l’APAVE peuvent servir de base de réflexion sur les risques engendrés par les portiques de lavage.
    Comme cela a déjà été dit plus haut, ces non-conformités concernent des prescriptions de sécurité relatives aux travailleurs, c’est-à-dire des personnes censées être formées au métier qu’elles exercent et aux risques qu’elles encourent. Ce n’est évidemment pas le cas de l’automobiliste qui vient faire laver son véhicule et qui n’a aucune raison de connaître le fonctionnement et les dangers propres au matériel qu’il utilise en libre-service, c’est-à-dire sans aucune intervention possible (ni prévue) d’un professionnel.
    Il convient de considérer que le consommateur est susceptible d’avoir un comportement moins rationnel qu’un professionnel responsable. Il faut donc dans un premier temps l’informer sur le fonctionnement et les conditions d’utilisation du matériel en précisant clairement et par un libellé simple les consignes de sécurité et les risques encourus en cas d’inobservation.
    Il est en effet « raisonnablement prévisible » qu’un consommateur puisse être préoccupé ou distrait par des enfants, un autre passager ou un animal par exemple. Il peut aussi, après l’introduction de la carte, s’apercevoir que son véhicule est mal positionné, que son antenne n’est pas sécurisée, que la vitre arrière n’est pas complètement fermée... et chercher à intervenir alors que le cycle de nettoyage a déjà commencé.
    Les raisons exactes du retour d’une personne sur l’aire de lavage sont multiples, mais dans tous les cas cet état de fait devrait donner lieu à une réaction immédiate du portique de lavage (détection de présence, arrêt de la progression et des rouleaux).
    Or, en l’état actuel des portiques, rien, hormis l’arrêt d’urgence (mais qui risque de faire perdre la possibilité de poursuivre ultérieurement le lavage), ne permet d’interrompre le cycle si une personne se présente sur l’aire de déplacement du portique. Ce dispositif ne peut être mis en œuvre que par un tiers. Or, beaucoup de stations fonctionnent 24 heures/24 et, en conséquence, cette tierce personne ne sera pas toujours sur le site. Même présente, la personne à la caisse peut d’ailleurs ne rien voir et ne pas avoir la liberté de se déplacer (exemple cité par le requérant de l’accident d’Aubervilliers).
    De plus, aucun dispositif manuel n’est prévu pour faire effectuer une marche arrière au portique afin que les services de secours puissent intervenir efficacement pour désincarcérer ou dégager une victime.
    Une solution efficace serait, ainsi que l’a préconisé l’expert judiciaire, d’installer des détecteurs de présence sur la zone à risque (les capteurs infrarouges installés actuellement permettent uniquement de détecter les contours du véhicule). Toute tentative de pénétration stopperait instantanément la machine (en déplacement et en action d’outils - brosses, jets liquides...). Ces capteurs devraient être installés en sécurité positive (c’est-à-dire qu’une défaillance d’un capteur doit entraîner l’arrêt de la machine jusqu’à suppression de cette défaillance).
    De plus, l’enveloppe du déplacement du portique le long des murs latéraux devrait être telle que : soit une personne ne puisse pas s’intercaler entre le portique et le mur (distance inférieure ou égale à 10 cm), soit cette distance (sur toute la longueur de déplacement du portique) permette le déplacement aisé d’une personne (dans cette hypothèse les parties mobiles - brosses en particulier - doivent être carénées). L’article R. 233-6 du code du travail précise que cette distance doit alors être supérieure à 80 cm. Les normes européennes NF EN 294 (E 09-010) de septembre 1992 « Distances de sécurité pour empêcher l’atteinte des zones dangereuses par les membres supérieurs » et NF EN 349 (E 09-011) de septembre 1993 « Ecartements minimaux pour prévenir les risques d’écrasement de parties du corps humain » prévoient pour leur part une distance de sécurité de 50 cm. Cette dernière prescription semble suffisante pour assurer la protection des consommateurs. Pour sa part, le Conseil National des Professions de l’Automobile (CNPA) a déjà diffusé une circulaire « rappelant la nécessité pour les détaillants possédant une installation de lavage de mettre le matériel en conformité avec la réglementation au niveau des distances de dégagement autour du portique, et les informations se rapportant aux dangers propres à chaque installation (art. 233-6 du code du travail et L. 221-1 du code de la consommation) ».
    Dans les accidents portés à la connaissance de la CSC, les erreurs de conception et d’installation qui en ont été à l’origine peuvent être énumérées de la manière suivante :
      l’arrêt de sécurité (électrique) en cas de résistance à l’avancement du portique ne se déclenche, semble-t-il, que quand l’effort est très important (supérieur à la résistance offerte par un corps humain) ;
      le bouton d’arrêt d’urgence n’est pas identifié de manière claire et précise (il est indiqué NOT/AUS alors qu’il conviendrait de faire figurer ARRÊT D’URGENCE) (cf. loi relative à l’utilisation de la langue française) ;
      aucune indication de sécurité n’attire l’attention des utilisateurs sur les dangers propres à l’installation ;
      l’absence de surveillance (directe ou indirecte) et de dispositifs détectant toute intrusion postérieure au lancement du processus de lavage ne permet pas d’intervenir à temps en cas de danger ;
      l’absence de dispositif de débrayage et de recul du portique rend de toute façon très difficile le dégagement rapide d’une victime ;
      dans le cas de l’accident mortel, les espaces entre le châssis du portique et les murs (que ce soit à droite ou à gauche) n’étaient pas suffisamment petits pour empêcher quelqu’un de s’y engager, ni suffisamment grands pour lui permettre de circuler.

LES TEXTES RÉGLEMENTAIRES APPLICABLES

    Outre l’article L. 221-1 du code de la consommation qui stipule que : « Les produits et les services doivent, dans des conditions normales d’utilisation ou dans d’autres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, présenter la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes », les règles techniques de conception des machines, édictées par le code du travail, s’appliquent également.
    Ce type d’installation est aussi soumis aux règles d’utilisation fixées par ce même code pour ce qui est de la protection des travailleurs, c’est-à-dire du personnel de la station, puisqu’il s’agit d’une machine en service dans un établissement visé à l’article L. 231-1 du code du travail. Sur ce plan-là, l’équipement de la station où s’est produit l’accident mortel s’avérait non conforme. De plus, la direction du travail n’inspecte pas régulièrement ce type d’installation.
    Toutefois, s’agissant de machines exclusivement destinées à des consommateurs, il ne semble pas illogique d’envisager de se référer au code de la consommation. A cet égard, il convient de remarquer que la société TotalFinaElf précise « qu’il existe des sites équipés de ce type d’installation dans lesquelles aucun salarié n’intervient (cas par exemple de stations-service exploitées par des travailleurs indépendants) et pour lesquelles le code du travail ne peut trouver à s’appliquer. Ces sites sont néanmoins concernés par les problèmes de sécurité de ces équipements. De surcroît, ces installations ne sont qu’exceptionnellement utilisées par des salariés de l’exploitant de la station et sont presque exclusivement destinées à l’usage des clients ».
    Mais il n’appartient pas à la CSC de se prononcer sur la base réglementaire idoine.
    Après avoir entendu M. D., requérant, en séance plénière,
                    Emet l’avis suivant :
    Les installations de lavage en libre-service sont, par destination, des appareils utilisés par les consommateurs. En conséquence, outre les éventuelles prescriptions découlant du code du travail (destinées à protéger les professionnels - utilisateurs ou personnel de station-service), ces installations de lavage doivent satisfaire aux exigences découlant du code de la consommation, notamment l’article L. 221-1 qui prévoit que : « Les produits et services doivent, dans des conditions normales d’utilisation ou dans des conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, présenter la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes ».
    Les pouvoirs publics devraient donc réglementer les conditions de construction, implantation, utilisation et entretien des appareils de lavage de véhicules automobiles, utilisables par les consommateurs en libre-service.
    A ce titre, devraient être notamment prévus :
    1.  L’adaptation des installations des portiques de lavage aux bâtiments dans lesquels ils sont incorporés. De ce fait, afin de limiter les risques concernant les personnes, il faudrait entre les parties mobiles du portique et les parties fixes éventuelles (par exemple, un mur) soit un espace quasi nul ne permettant pas à un enfant ou un adulte de s’y engager, soit au contraire un espace suffisamment large pour ne pas risquer de coincement.
    2.  Un ou des systèmes permettant le blocage immédiat, et non réamorçable sans l’intervention d’un responsable, de l’ensemble du portique dès lors qu’un quelconque élément présente un dysfonctionnement.
    3.  L’obligation de munir l’appareil des dispositifs nécessaires pour détecter un mouvement et conduire à l’arrêt de tout déplacement du dispositif, sachant qu’un utilisateur (ou une autre personne, un animal ou un objet) est susceptible de pénétrer malencontreusement dans la zone de déplacement du portique et de ses accessoires.
    4.  Un système permanent et clairement identifié de débrayage et de recul du portique (comme cela est aujourd’hui prévu pour les portes automatiques de garage).
    5.  Un dispositif détectant que le véhicule est correctement positionné sur l’aire de lavage.
    6.  La surveillance des installations (zone de déplacement du portique et pupitre de commande), directement ou par tout moyen de retransmission, par la ou les personnes responsables de la station.
    7.  Des indications claires, précises et en langue française sur le pupitre de commande, adaptées à la configuration particulière du site et mettant en lumière les risques propres aux spécificités de l’installation.
    8.  Des commandes vocales qui permettraient de guider l’utilisateur, à l’instar de ce qui se pratique par exemple pour la distribution des carburants en libre-service 24 h/24.
    9.  Un contrôle à l’installation par un organisme indépendant (à l’instar de ce que réalisent les commissions de sécurité en matière d’incendie et de panique ou des organismes tels que les APAVE, CEP, VERITAS...).
    De plus :
    10.  Les pouvoirs publics devraient enjoindre aux propriétaires et gérants de matériel de lavage de véhicules automobiles mis à la disposition des consommateurs de mettre dès à présent, et dans l’attente de la réglementation souhaitée ci-dessus, ces matériels en conformité avec les règles existantes en ce qui concerne les distances de dégagement autour du portique : application de la règle des 80 cm par exemple ou application des prescriptions préconisées par les normes européennes NF EN 294 et NF EN 349, respectivement de septembre 1992 et septembre 1993, qui prévoient une distance de 50 cm, et information concernant les dangers propres à chaque installation.
    11.  Les réglementations qui seront édictées devraient être intégralement appliquées aux matériels existants.

    Adopté au cours de la séance du 21 novembre 2001 sur le rapport de Henri Viellard.
    Assisté de MM. Bedouin et Maignaud, conseillers techniques de la commission, conformément à l’article R. 224-4 du code de la consommation.

© Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie - DGCCRF - 18 mars 2002