Sommaire | N° 2 du 31 janvier 2002 |
NOR : ECOC0100502X
Demanderesses au recours :
SA Caisse nationale du crédit agricole, prise en la personne de son président du conseil dadministration, ayant son siège 91-93, boulevard Pasteur, 75015 Paris, représentée par la SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, avoué, 23, rue du Louvre, 75001 Paris, assistée de Me C. Lazarus, avocat, 20, rue Quentin-Bauchart, 75008 Paris, toque J 025 ;
SA Société générale, prise en la personne de son président du conseil dadministration, ayant son siège 29, boulevard Haussmann, 75009 Paris, représentée par la SCP Hardouin, avoué, 90, rue dAmsterdam, 75009 Paris, assistée de Me R. Saint-Esteben, avocat, 130, rue du Faubourg-Saint-Honoré, 75008 Paris, toque T 12 ;
SA BNP Paribas (anciennement Banque nationale de Paris), prise en la personne de son président du conseil dadministration, ayant son siège 16, boulevard des Italiens, 75009 Paris, représentée par la SCP Dauriac-Guizard, avoué, 195, boulevard Saint-Germain, 75007 Paris, assistée de Me Coutrelis, avocat, 55, avenue Marceau, 75116 Paris, toque P 234 ;
SA Crédit lyonnais, prise en la personne de son président du conseil dadministration, ayant son siège 19, boulevard des Italiens, 75009 Paris, représentée par la SCP Hardouin, avoué, 90, rue dAmsterdam, 75009 Paris, assistée de Mes L. Vogel et X. Henry, avocats, 30, avenue dIéna, 75116 Paris, toque P 151 ;
La Confédération nationale du crédit mutuel, association, prise en la personne de son président du conseil dadministration, ayant son siège 88-90, rue Cardinet, 75017 Paris, représentée par la SCP M. Garnier, avoué, 21, rue du Mont-Thabor, 75001 Paris, assistée de Me J. Salzmann, avocat, 26, cours Albert-Ier, 75008 Paris, toque T 03 ;
La Fédération du crédit mutuel océan, association, prise en la personne de son président du conseil dadministration, ayant son siège 34, rue Léandre-Merlet, 85000 La Roche-sur-Yon, représentée par la SCP M. Garnier, avoué, 21, rue du Mont-Thabor, 75001 Paris, assistée de Me J. Salzmann, 26, cours Albert-Ier, 75008 Paris, toque T 03 ;
Caisse régionale du Crédit agricole de la Loire-Atlantique, société coopérative à capital et personnel variables, prise en la personne de son président du conseil dadministration, ayant son siège, route La Garde-de-Paris, 44949 Nantes, représentée par Me Olivier, avoué, 200, rue de Lourmel, 75015 Paris, assistée de Me Lehman, avocat, 72, avenue Victor-Hugo, 75116 Paris, toque P 286 ;
SA Caisse nationale des caisses dépargne et de prévoyance (CNCEP), prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège 5, rue Masseran, 75007 Paris, représentée par la SCP Duboscq-Pellerin, avoué, 18, rue Séguier, 75006 Paris, assistée de Me M.-G. Flecheux, avocat, 24, rue de Prony, 75017 Paris, toque P 209 ;
La Caisse dépargne des Alpes, société anonyme coopérative à directoire et conseil dorientation et de surveillance, prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège 10, rue Hébert, 38000 Grenoble, représentée par la SCP Duboscq-Pellerin, avoué, 18, rue Séguier, 75006 Paris, assistée de Me M. Bazex, avocat, 24, rue de Prony, 75017 Paris, toque P 209.
En présence du ministre de léconomie, des finances et du budget, représenté aux débats par M. Diricq, muni dun mandat régulier.
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
M. Coulon, premier président ;
Mme Penichon, conseiller ;
M. Le Dauphin, conseiller.
Greffier lors des débats et du prononcé de larrêt : Mme Jagodzinski.
Ministère public : M. Woirhaye, substitut général.
Arrêt prononcé publiquement le 27 novembre 2001, par M. Coulon, premier président, qui a signé la minute avec Mme Jagodzinski, greffier.
Après avoir, à laudience publique du 11 septembre 2001, entendu les conseils des demanderesses, les observations de M. le représentant du ministre chargé de léconomie et celles du ministère public, les requérantes ayant eu la parole en dernier ;
Vu les mémoires, pièces et documents déposés au greffe à lappui du recours ;
Les crédits immobiliers consentis aux ménages par les établissements de crédit sont constitués par des prêts destinés à financer la construction, lacquisition, laménagement, les grosses réparations et la restauration de logements. Ils sont généralement garantis par une inscription dhypothèque sur le bien auquel ils se rapportent. On distingue les prêts du secteur libre, les prêts dépargne-logement, qui sont accordés à un taux préférentiel sous condition de constitution dune épargne préalable, et les prêts aidés ou réglementés (prêts à laccession à la propriété, prêts conventionnés ordinaires et prêts en accession sociale).
Après avoir atteint jusquà 20 %, au début des années 1980, à une époque de forte inflation (13,4 % en 1981), les taux dintérêt des crédits immobiliers (ou crédits à lhabitat) ont fléchi brutalement (de 6 à 8 %) en quelques trimestres à partir de 1985, en raison de la chute de linflation, pour se stabiliser autour de 12 % jusquà la fin de lannée 1992. Les taux ont enregistré une nouvelle baisse importance en 1993-1994 pour se situer à un niveau compris entre 7,5 et 9 %, avant de remonter à lautomne 1994.
La durée des prêts consentis à la fin des années 1980 et au début des années 1990 était en général comprise entre dix et vingt ans. Ces prêts étaient en majorité des prêts à taux fixe.
En période de baisse des taux dintérêt, lorsque lécart entre les taux pratiqués pour les nouveaux prêts et les taux fixes pratiqués dans la période antérieure atteint environ deux points, et si la durée de lamortissement restant à courir est de lordre de cinq à sept ans, les emprunteurs ont avantage soit à obtenir un réaménagement ou un rééchelonnement de leur dette auprès de létablissement de crédit distributeur, soit à renégocier un nouveau prêt auprès dun autre établissement de crédit et à rembourser le prêt initial par anticipation, le plafonnement de lindemnité de remboursement anticipé, prévu par larticle L. 312-21 du code de la consommation, étant de nature à favoriser le recours à la renégociation.
Sagissant des établissements prêteurs, pour qui le coût de la ressource demeure inchangé, le remboursement anticipé est générateur dun manque à gagner.
Le 30 novembre 1993, le Conseil de la concurrence a décidé de se saisir doffice de la situation de la concurrence dans le secteur du crédit immobilier.
A la suite de cette saisine, le grief davoir mis en uvre des pratiques prohibées par larticle 7 de lordonnance du 1er décembre 1986, devenu larticle L. 420-1 du code de commerce, sur le marché du crédit immobilier aux particuliers en constituant un « pacte de non-agression », pacte tendant à restreindre les possibilités de renégociation des prêts immobiliers de leur clientèle, et qui a conduit les organismes en cause à adopter des politiques commerciales similaires, a été notifié, le 18 octobre 1996, à la société anonyme Banque nationale de Paris, devenue la BNP Paribas, à la société anonyme Société générale, à la société anonyme Crédit lyonnais, au groupement dintérêt économique Centre national des caisses dépargne et de prévoyant, aux droits de qui vient la société anonyme Caisse nationale des caisses dépargne et de prévoyance (ci-après la CNCEP), à la société anonyme Caisse dépargne des Alpes, à la Fédération nationale du crédit agricole, à la société anonyme Caisse nationale du crédit agricole de la Loire-Atlantique (ci-après la CRCAM de la Loire-Atlantique), à lassociation Confédération nationale du crédit mutuel et à lassociation Fédération du crédit mutuel océan.
Par décision no 2000-D-28 du 19 septembre 2000, relative à la situation de la concurrence dans le secteur du crédit immobilier, le Conseil de la concurrence a :
dit quil nétait pas établi que la Fédération nationale du Crédit agricole ait enfreint les dispositions du titre III de lordonnance du 1er décembre 1986 (article 1er) ;
dit quil était établi que la BNP Paribas, la Société générale, le Crédit lyonnais, la CNCEP, la Caisse dépargne des Alpes, la CNCA, la CRCAM de la Loire-Atlantique, la Confédération nationale du crédit mutuel et la Fédération du crédit mutuel océan avaient enfreint les dispositions dudit texte (article 2) ;
infligé les sanctions pécuniaires suivantes :
450 millions de francs à la CNCA ;
250 millions de francs à la BNP Paribas ;
250 millions de francs à la Société générale ;
100 millions de francs au Crédit lyonnais ;
70 millions de francs à la CNCEP ;
10 millions de francs à Confédération nationale du crédit mutuel ;
8 millions de francs à la Caisse dépargne des Alpes ;
6 millions de francs à la CRCAM de la Loire-Atlantique ;
500 000 francs à la Fédération du crédit mutuel océan (article 3) ;
dit que dans un délai de deux mois à compter de la notification de sa décision, les organismes visés à larticle 2 feront publier la seconde partie et le dispositif de celle-ci, à frais communs et à proportion des sanctions pécuniaires qui leur ont été infligées, dans le quotidien Libération et dans le quotidien économique Les Echos, ladite publication devant être précédée de la mention : « Décision du Conseil de la concurrence no 2000-D-28 du 19 septembre 2000 relative à la situation de la concurrence dans le secteur du crédit immobilier » (article 4).
Cette décision a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec demandes davis de réception en date du 19 septembre 2000.
La Cour :
Vu les recours régulièrement formés, les 18, 19 ou 20 octobre 2000, par :
la CNCA ;
la Société générale ;
la BNP Paribas ;
le Crédit lyonnais ;
la Confédération nationale du crédit mutuel ;
la Fédération du crédit mutuel océan ;
la CRCAM de la Loire-Atlantique ;
la CNCEP ;
la Caisse dépargne des Alpes ;
Vu le mémoire contenant lexposé des moyens de la BNP Paribas, déposé le 20 novembre 2000, dans le délai visé à larticle 2, 3o, du décret no 87-849 du 19 octobre 1987, par lequel cette partie demande à la cour :
A titre principal :
dannuler les articles 2, 3 et 4 de la décision du 19 septembre 2000 ;
dordonner la publication de larrêt à intervenir dans Les Echos et Libération, aux frais du Conseil de la concurrence ;
dordonner le remboursement des amendes perçues par le Trésor public, avec intérêts au taux légal à compter de la date de leur paiement.
A titre subsidiaire :
de réformer larticle 3 en réduisant lamende prononcée à lencontre de la BNP Paribas et dordonner le remboursement de la différence par le Trésor public, avec intérêts au taux légal à compter du paiement de lamende ;
de réformer larticle 4 en modifiant la mention précédant la publication de la décision de la manière suivante : « Décision du Conseil de la concurrence no 00-D-28 du 19 septembre 2000 relative à la situation de la concurrence dans le secteur des prêts destinés à rembourser anticipativement des prêts immobiliers antérieurement contractés, en 1993 et 1994 », et dordonner la publication de cette mention dans Libération et Les Echos, aux frais du Trésor public ;
Vu le mémoire contenant lexposé des moyens de la Société générale, déposé le 20 novembre 2000, dans le délai visé à larticle 2, 3o, du décret no 87-849 du 19 octobre 1987, par lequel cette partie demande à la cour :
à titre principal, de déclarer nulle la saisine du Conseil de la concurrence et lensemble de la procédure subséquente, dont la décision attaquée ;
subsidiairement, de dire non établie la participation de la Société générale à une « entente nationale » constituée dun « pacte de non-agression » qui aurait eu pour objet de permettre à la Société générale de résister aux demandes de renégociation de ses clients ou de renégocier à des conditions plus défavorables pour le client ;
encore plus subsidiairement, de juger non fondée et en tout cas disproportionnée la sanction pécuniaire infligée à la Société générale et, par voie de conséquence, dordonner la restitution, avec intérêts au taux légal à compter du jour de paiement, des sommes indûment payées à ce titre ;
dordonner au Conseil de la concurrence de faire publier à ses frais lintégralité du présent arrêt, dans les quotidiens Libération et Les Echos ;
Vu le mémoire contenant lexposé des moyens du Crédit lyonnais, déposé le 20 novembre 2000, dans le délai visé à larticle 2, 3o, du décret no 87-849 du 19 octobre 1987, par lequel cette partie demande à la cour :
de prononcer la nullité de la procédure pour les motifs suivants :
insuffisance de la contradiction ;
irrégularité de la saisine doffice du Conseil de la concurrence ;
irrégularité de la demande denquête ;
défaut de délai raisonnable de la procédure ;
nullité des griefs notifiés et du rapport et, par voie de conséquence, nullité des notifications de ces actes administratifs ;
absence de notification du rapport « aux ministres intéressés » ;
violation du secret des délibérés,
de prononcer la nullité de la décision du Conseil pour les motifs suivants :
interdiction faite aux banques et notamment au Crédit lyonnais de répondre par écrit aux observations du commissaire du Gouvernement ;
absence totale de débat sur les sanctions ;
violation du secret des délibérés,
décarter toute observation orale qui naurait pas fait lobjet dune communication préalable sous forme écrite aux défenderesses ainsi que toute observation de lautorité de première instance, un même organe ne pouvant être juge et partie,
subsidiairement :
de dire que lentente alléguée ne sest pas exercée au niveau national, le marché géographique à prendre en considération étant local ;
de dire que la participation du Crédit lyonnais à lentente reprochée nest pas démontrée ;
en tout état de cause, de dire que lentente alléguée na pas eu deffet sensible et na pas constitué un frein aux remboursements anticipés ou aux renégociations ;
en conséquence, de ninfliger aucune sanction au Crédit lyonnais,
très subsidiairement, de modérer la sanction en tenant compte de la faible part du Crédit lyonnais dans le secteur des prêts immobiliers ;
Vu le mémoire contenant lexposé des moyens de la CNCEP, déposé le 20 novembre 2000, dans le délai visé à larticle 2, 3o, du décret no 87-849 du 19 octobre 1987, par lequel cette partie demande à la cour :
à titre liminaire, décarter des débats lensemble des observations déposées par le Conseil de la concurrence dans la présente procédure,
à titre principal :
de dire que le Conseil de la concurrence nétait pas compétent pour se prononcer ;
de dire que les poursuites sont irrecevables en tant quelles sont dirigées contre la CNCEP ;
de dire que la décision est intervenue au terme dune procédure denquête et dinstruction irrégulière, tant au regard des dispositions de droit interne quau regard de celles de la Convention européenne de sauvegarde des droits de lhomme et des libertés fondamentales (ci-après la CEDH) ;
de dire que ladoption dune politique commerciale en réaction à une conjoncture économique défavorable visant à assurer la défense de ses propres intérêts commerciaux nest pas en elle-même un acte anticoncurrentiel ;
de dire en conséquence que les griefs retenus par la décision déférée à lencontre de la CNCEP ne sont fondés ni en fait ni en droit ;
de dire que cette décision ne respecte ni le principe de la personnalité des délits et des peines, ni lassiette de la sanction, ni lobligation de motivation individuelle des sanctions ;
en conséquence, dannuler ladite décision,
à titre subsidiaire, de réformer la décision déférée en ce quelle ne respecte pas les principes de proportionnalité et de non-discrimination de la sanction,
de condamner lEtat à lui payer la somme de 100 000 francs au titre de larticle 700 du nouveau code de procédure civile ;
Vu le mémoire contenant lexposé des moyens de la Caisse dépargne des Alpes, déposé le 20 novembre 2000, dans le délai visé à larticle 2, 3o, du décret no 87-849 du 19 octobre 1987, par lequel cette partie demande à la Cour :
à titre principal :
décarter des débats les observations orales et écrites qui pourraient être déposées devant la Cour par le Conseil de la concurrence ;
de dire que la décision est intervenue au terme dune procédure denquête et dinstruction irrégulière, tant au regard des dispositions de droit interne quau regard de celles de la CEDH ;
de dire que ladoption dune politique commerciale en réaction à une conjoncture économique défavorable visant à assurer la défense de ses propres intérêts commerciaux nest pas en elle-même un acte anticoncurrentiel ;
de dire en conséquence que les griefs retenus par la décision déférée à lencontre de la CNCEP ne sont fondés ni en fait ni en droit ;
de dire que cette décision ne respecte pas lobligation de motivation individuelle des sanctions ;
en conséquence, dannuler ladite décision ;
à titre subsidiaire, de réformer la décision déférée en ce quelle ne respecte pas les principes de proportionnalité et de non-discrimination de la sanction ;
de condamner lEtat à lui payer la somme de 100 000 F au titre de larticle 700 du nouveau code de procédure civile ;
Vu le mémoire contenant lexposé des moyens de la Confédération nationale du crédit mutuel, déposé le 20 novembre 2000, dans le délai visé à larticle 2, 3o, du décret no 87-849 du 19 octobre 1987, par lequel cette partie demande à la cour, à titre principal, dannuler la décision déférée et, subsidiairement, de la réformer ;
Vu le mémoire contenant lexposé des moyens de la Fédération du crédit mutuel océan, déposé le 20 novembre 2000, dans le délai visé à larticle 2, 3o, du décret no 87-849 du 19 octobre 1987, par lequel cette partie demande à la cour, à titre principal, dannuler la décision déférée et, subsidiairement, de la réformer ;
Vu le mémoire contenant lexposé des moyens de la CNCA, déposé le 20 novembre 2000, dans le délai visé à larticle 2, 3o, du décret no 87-849 du 19 octobre 1987, par lequel cette partie demande à la Cour :
à titre principal, dannuler la décision déférée ;
subsidiairement, de la réformer et de dire quil ny a pas lieu de prononcer quelque sanction que ce soit à son encontre ;
en conséquence, dordonner le remboursement à la CNCA de lamende quelle a payée et de condamner le ministre chargé de léconomie à lui payer le montant des frais de publication encourus en exécution de la décision ;
Vu le mémoire contenant lexposé des moyens de la CRCAM de la Loire-Atlantique, déposé le 24 novembre 2000, dans le délai visé à larticle 2, 3o, du décret no 87-849 du 19 octobre 1987, par lequel cette partie demande à la Cour :
à titre principal, dannuler la décision déférée et lensemble de la procédure depuis la saisine doffice, ou à tout le moins depuis la demande denquête ;
à titre subsidiaire, dannuler ladite décision en ce quelle a considéré à tort que la CRCAM de la Loire-Atlantique avait enfreint les dispositions de larticle 7 de lordonnance du 1er décembre 1986 ;
à titre infiniment subsidiaire, de la réformer et de réduire le montant de la sanction pécuniaire à un montant en relation avec le caractère ponctuel des faits reprochés à la CRCAM de la Loire-Atlantique ;
Vu les observations déposées le 19 janvier 2001 par le Conseil de la concurrence ;
Vu les observations déposées le 19 janvier 2001 par le ministre chargé de léconomie, tendant au rejet des recours ;
Vu les mémoires en réponse déposés le 23 février 2001 par :
la CNCA ;
la Confédération nationale du crédit mutuel ;
la Fédération du crédit mutuel océan ;
la BNP Paribas ;
la CNCEP ;
la Caisse dépargne des Alpes ;
la CRCAM de la Loire-Atlantique ;
la Société générale ;
le Crédit lyonnais ;
Ouï, à laudience du 11 septembre 2001, les conseils des requérants en leurs plaidoiries, le représentant du ministre en ses observations, le ministère public en ses conclusions tendant au rejet des recours, préalablement mises à la disposition des parties, les requérants ayant eu la parole en dernier ;
Sur ce :
Sur demande du ministre tendant au rejet de certaines pièces :
Considérant que le ministre chargé de léconomie demande à la Cour, aux termes de ses observations déposées conformément aux dispositions de larticle 9, alinéa 2, du décret no 87-849 du 19 décembre 1987, décarter des débats certaines pièces produites par la BNP Paribas, la CNCA, la Société générale et la Caisse dépargne des Alpes au motif que ces pièces nétaient pas mentionnées dans la liste jointe aux déclarations de recours des ces requérantes ;
Mais considérant que les pièces visées par les observations du ministre - dont certaines ont, au demeurant, un caractère public - ont été jointes aux exposés des moyens déposés par les requérantes ci-dessus mentionnées dans le délai visé à larticle 2, 3o, du décret précité ; quelles sont en conséquence recevables ;
Sur les observations du Conseil de la concurrence devant la Cour :
Considérant que, faisant valoir que lintervention du Conseil de la concurrence dans une procédure ayant pour objet de contester le bien-fondé de ses décisions est contraire aux dispositions de la CEDH, la CNCEP et la Caisse dépargne des Alpes demandent à la Cour décarter des débats lensemble des observations déposées par le Conseil de la concurrence dans la présente procédure ; que le Crédit lyonnais forme la même demande ;
Mais considérant quil résulte de larticle 9, alinéa 1er, du décret du 19 décembre 1987 que le Conseil de la concurrence nest pas partie à linstance devant la Cour et que sil a la faculté de présenter des observations écrites, portées par le greffe à la connaissance des parties, lexercice de cette faculté ne porte pas atteinte au droit des entreprises poursuivies à un procès équitable dès lors que les intéressés disposent eux-mêmes la faculté, dont ils ont usé en lespèce, de répliquer, par écrit et oralement, aux observations de cette autorité administrative ;
I. - Sur les moyens tendant à lannulation de la décision :
1. Sur la saisine du Conseil de la concurrence :
Considérant quaux termes de larticle 11, alinéa 1er, de lordonnance du 1er décembre 1986, devenu larticle L. 462-5 du code de commerce, le Conseil de la concurrence peut se saisir doffice ;
Considérant quune telle décision a été prise le 30 novembre 1993 ; quaprès avoir visé lordonnance précitée, le décret no 86-1309 du 29 décembre 1986 pris pour son application, ainsi que la loi no 84-46 du 24 janvier 1984 relative à lactivité et au contrôle des établissements de crédit, et notamment son article 89, et indiqué que le rapporteur, le rapporteur général et le commissaire du Gouvernement avaient été entendus, ladite décision énonce que le Conseil de la concurrence « se saisit doffice de la situation de la concurrence dans le secteur du crédit immobilier » ; quil est précisé : « Délibéré sur le rapport oral de M. Bernard Thouvenot, par M. Barbeau, président, MM. Jenny et Cortesse, vice-présidents » ; que cette décision est signée par le rapporteur général et le président du Conseil de la concurrence ;
Considérant que la Confédération nationale du crédit mutuel et la Fédération du crédit mutuel océan soutiennent que la commission permanente nest pas investie du pouvoir de prendre une décision de saisine doffice dès lors que ses attributions sont limitativement énumérées par la loi et le décret précité, auxquels il ne peut être dérogé par le règlement intérieur du Conseil ;
Mais considérant quaux termes de larticle L. 461-3 du code de commerce, le Conseil de la concurrence peut siéger soit en formation plénière, soit en sections, soit en commission permanente et que les dispositions conférant à la commission permanente certaines attributions nont ni pour objet ni pour effet de restreindre à ces attributions la compétence de cette dernière ; que cest donc sans excéder ses pouvoirs que la commission permanente a pris, au nom du Conseil, la décision susvisée ;
Considérant que la Confédération nationale du crédit mutuel et la Fédération du crédit mutuel océan font aussi valoir que, nétant pas motivée et nayant pas été notifiée aux parties mises en cause, la décision de saisine doffice, qui leur fait grief, ne respecte pas lexigence dimpartialité rappelée à larticle 6 de la CEDH ; que la Société générale soutient que labsence totale de motivation de lacte de saisine, de référence à des qualifications précises ou à des pièces et faits précis, entache de nullité tant cet acte que la procédure subséquente ; que la CNCEP et la Caisse dépargne des Alpes font observer que la procédure de saisine doffice a méconnu les exigences dimpartialité et de respect des droits de la défense en ne permettant pas aux personnes concernées de prendre connaissance de lexistence et du contenu de cette saisine ;
Mais considérant que la décision du 30 novembre 1993 a eu pour seul objet douvrir la procédure devant le Conseil de la concurrence afin que puissent être conduites les investigations pouvant servir de base à la notification ultérieure de griefs, sans quà ce stade aucun fait ne puisse être qualifié ni aucune pratique anticoncurrentielle imputée à quiconque ; quune telle décision, qui ne constitue pas une décision administrative individuelle entrant dans les prévisions de la loi no 79-587 du 11 juillet 1979, nest pas soumise à lobligation de motivation et de notification et que labsence de motivation ne caractérise, en lespèce, aucune atteinte à la règle dimpartialité inhérente au droit à un procès équitable ;
Considérant la Confédération nationale du crédit mutuel et la Fédération du crédit mutuel océan soutiennent encore que la présence du rapporteur au délibéré du 30 novembre 1993 est contraire aux dispositions de larticle 6, paragraphe 1, de la CEDH ; que telle est aussi lanalyse du Crédit lyonnais, qui relève que lacte de saisine est un acte qui fait grief, dès lors notamment que la saisine est le préalable à la mise en uvre des dispositions de larticle 48 de lordonnance du 1er décembre 1986, et que M. Thouvenot, présent en violation de la règle du secret du délibéré, a pu influencer la décision du Conseil de la concurrence, dautant plus que ce rapporteur a été ultérieurement désigné pour instruire laffaire ; que la Société générale fait valoir que lacte de saisine est nul du fait de la participation irrégulière - y compris au délibéré - dune personne, en loccurence M. Thouvenot, dénuée de toute qualité puisque sa nomination en tant que rapporteur est postérieure audit acte et que cette irrégularité entache également de nullité la désignation ultérieure du rapporteur, celui-ci ayant déjà exprimé une opinion sur le fond avant même sa désignation ; que la CNCA expose que cest une formation dépourvue dexistence légale qui a décidé de la saisine doffice du fait de la participation à cette formation de deux personnes nappartenant pas à la commission permanente, et nayant aucun titre à y participer, à savoir, dune part, M. Thouvenot, qui a participé à la séance et développé des observations orales bien quil ne fût pas encore désigné comme rapporteur et, dautre part, le commissaire du Gouvernement ; que selon la CNCA, cette double irrégularité, outre quelle fonde lincompétence de lorgane ayant décidé la saisine, révèle un manquement au principe dimpartialité ; que la CRCAM de la Loire-Atlantique soutient, quant à elle, quune première irrégularité tient à ce que M. Thouvenot navait aucune qualité pour présenter un rapport à la commission permanente et une seconde au fait quil a participé au délibéré ;
Mais considérant, dune part, que selon les mentions de la décision de saisine doffice du 30 novembre 1993 celle-ci a été prise par le Conseil de la concurrence, après délibéré du président et des deux vice-présidents composant la commission permanente du Conseil, conformément aux dispositions de larticle 4 de lordonnance du 1er décembre 1986 dans sa rédaction alors applicable ;
Considérant, dautre part, que le Conseil de la concurrence a justement retenu quaucun texte ne faisait obstacle à ce quil demande à un rapporteur permanent - en lespèce M. Bernard Thouvenot - de rassembler des éléments lui permettant dapprécier lintérêt quil pouvait y avoir à se saisir doffice de la situation de la concurrence dans le secteur du crédit immobilier et à ce que ce rapporteur présente des observations orales devant la commission permanente appelée à se prononcer sur ce point ;
Considérant, encore, que laudition du commissaire du Gouvernement, sur cette même question, lors de la séance du Conseil naffecte pas la validité de la décision de la commission permanente, étant observé que, contrairement à ce que soutient la CNCA, il ne résulte ni des énonciations de cette décision, ni daucun autre élément que le commissaire du Gouvernement a participé au délibéré.
Considérant, enfin, que le fait que M. Thouvenot ait assisté au délibéré de la commission permanente naffecte pas davantage la validité de la décision du 30 novembre 1993 dès lors que celle-ci sest bornée, ainsi quil a été dit ci-dessus, à ouvrir la procédure afin quil puisse être ultérieurement procédé aux investigations utiles pour linstruction des faits dont le Conseil estimait devoir se saisir, peu important que M. Thouvenot, qui navait alors procédé à aucun acte dinstruction, ait été, une fois le Conseil saisi, régulièrement désigné pour lexamen de laffaire, conformément aux dispositions de larticle 50 de lordonnance du 1er décembre 1986 ;
Considérant que la BNP Paribas soutient, de son côté, que faute déclaircir pleinement les circonstances de son auto-saisine, notamment en expliquant comment il est entré en possession dune circulaire interne au Crédit commercial de France, visée dans la décision no 93-DE-07 du 30 novembre 1993 portant demande denquête à la DGCCRF et en précisant quels étaient les courriers de consommateurs sur « lesquels il se serait basé pour prendre sa décision » de saisine doffice, le Conseil sexpose à lannulation de lensemble de la procédure ;
Mais considérant quaucune disposition nimpose au Conseil de la concurrence de rendre compte des circonstances dans lesquelles il a estimé opportun dexercer le pouvoir de se saisir doffice que la loi lui reconnaît afin, notamment, de le mettre en mesure de donner sa propre orientation à la politique de la concurrence ; quau surplus, rien ne permet de considérer que les éléments visés par le moyen ont été obtenus illicitement ;
2. Sur la demande denquête :
Considérant que le Crédit lyonnais soutient que la procédure est, à cet égard, viciée à un double titre : dune part, le président du Conseil de la concurrence a désigné le rapporteur postérieurement à la demande denquête, dautre part, les orientations de lenquête ont été définies par le Conseil lui-même ou par un rapporteur non désigné au sens de larticle 50 de lordonnance du 1er décembre 1986 ; quil ajoute quà supposé M. Thouvenot régulièrement désigné, sa participation au délibéré de la décision de demande denquête, laquelle lui fait grief, puisquelle le vise implicitement, lenquête portant sur tous les réseaux bancaires, entache ladite décision dirrégularité ;
Que la CNCA fait valoir quil ressort sans ambiguïté de la lettre adressée le 3 décembre 1993 par le président du Conseil de la concurrence au directeur général de la DGCCRF que le Conseil de la concurrence ou son président demande à ce dernier de mettre en uvre les pouvoirs dinvestigation exorbitants prévus à larticle 48 de lordonnance du 1er décembre 1986, que pourtant ni le Conseil de la concurrence ni son président ne disposent du pouvoir de déterminer les modalités de lenquête administrative, ce choix relevant de la seule compétence de lautorité chargée de lenquête ; quil sensuit que la décision de demande denquête est irrégulière et quil y a lieu dannuler la décision entreprise, laquelle repose sur des pièces irrégulièrement obtenues ; que la CNCA ajoute que rien ne permet de déterminer que le rapporteur désigné est lauteur de la fiche intitulée : « note relative à une demande denquête sur les pratiques des établissements de crédit en matière de crédit immobilier », jointe à la demande denquête no 93-DE-07 en date du 30 novembre 1993, adressée le 3 décembre 1993 au directeur de la DGCCRF ; que cette partie observe, sur ce point, quen labsence, contraire aux dispositions de larticle L. 450-2 du code de commerce, de procès-verbal de transmission de document, lattestation en date du 2 avril 1999 par laquelle M. Thouvenot déclare être lauteur de la note dorientation qui a été jointe à la délibération du Conseil de la concurrence portant sur une demande denquête devait - et ne peut - quêtre écartée des débats, de sorte que la cour ne trouvant pas dans le dossier la preuve que les investigations demandées par le président du Conseil de la concurrence faisaient suite à une demande du rapporteur ne pourra quannuler la totalité de la procédure ;
Que la CNCEP et la Caisse dépargne des Alpes considèrent, pour leur part, que la concomitance et limprécision des actes de procédure accomplis le 30 novembre 1993 font peser un doute sérieux sur le respect des compétences respectives du rapporteur et du Conseil en matière denquête ; quen particulier lon ne peut sassurer que le Conseil na pas outrepassé sa compétence en matière de demande denquête et ne sest pas substitué au rapporteur ; que la CRCAM de Loire-Atlantique fait valoir que les orientations de lenquête ont été irrégulièrement définies par le Conseil de la concurrence ;
Mais considérant que, par une décision no 93-DE-07 en date du 30 novembre 1993, portant la mention « délibéré sur le rapport oral de M. Bernard Thouvenot, par M. Barbeau, président, MM. Jenny et Cortesse, vice-présidents », le Conseil a demandé au directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de faire procéder sans délai à lenquête dont lobjet est indiqué par ladite décision ; que, par lettre du 3 décembre 1993, le président du Conseil de la concurrence a transmis ladite décision au directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes en précisant que celle-ci était « susceptible de permettre la mise en uvre des dispositions de larticle 48 de lordonnance du 1er décembre 1986 » ; quà cette lettre, laquelle indiquait que M. Thouvenot avait été désigné comme rapporteur, était jointe une note « relative à une demande denquête sur les pratiques des établissements de crédit en matière de crédit immobilier », énumérant les diligences attendues des enquêteurs ;
Et considérant, dabord, que les visites et saisies prévues par larticle 48 de lordonnance du 1er décembre 1986, devenu larticle L. 450-4 du code de commerce, ne pouvaient, selon les dispositions de ce texte, dans leur rédaction applicable en la cause, laquelle ne méconnaissait pas les exigences de larticle 6 de la CEDH, être autorisées que dans le cadre denquêtes demandées par le ministre chargé de léconomie ou le Conseil de la concurrence et que, dans ce second cas, la décision était prise par le Conseil délibérant collégialement ;
Considérant, ensuite, que si larticle 50 de lordonnance précitée, devenu larticle L. 450-6 du code de commerce, attribue au rapporteur le pouvoir de définir les orientations de lenquête, le rapporteur a bien exercé ce pouvoir en lespèce ;
Considérant, sur ce point, dune part, que M. Thouvenot a été désigné le 30 novembre 1993, conformément aux dispositions du texte précité, pour rapporter laffaire dont le Conseil sétait saisi doffice le même jour et que cette désignation a précédé la décision no 93-DE-07, ainsi que cela résulte des mentions de ladite décision, laquelle énonce que « pour procéder à linstruction de cette saisine, une enquête est nécessaire afin de recueillir les éléments jugés utiles par le rapporteur » et indique que celui-ci a été entendu par les membres de la commission permanente, de qui émane la décision no 93-DE-07 ;
Considérant, dautre part, quil ressort de ces mêmes énonciations, quaucun élément ne permet de mettre en doute, que M. Thouvenot a lui-même défini les diligences demendées aux enquêteurs ; quen effet, ainsi quil a été dit ci-dessus, la décision no 93-DE-07 constate quune enquête est nécessaire « afin de recueillir les éléments jugés utiles par le rapporteur », ce qui implique que ce dernier a estimé quil y avait lieu de procéder à une enquête et déterminé les orientations de celle-ci, étant observé que le Conseil sest contenté, comme le relèvent la CNCEP et la Caisse dépargne des Alpes (exposé des moyens p. 14 et p. 12), de reproduire, dans sa décision, partie des termes de la note dorientation ; quau demeurant il est encore, et surabondamment, établi, par lattestation signée par M. Thouvenot le 2 avril 1999, régulièrement versée au dossier et annexée au rapport, que ce dernier est bien lauteur de la note relative à une demande denquête sur les pratiques des établissements de crédit en matière de crédit immobilier, note transmise, avec la délibération portant demande denquête, au directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ;
Considérant quil résulte de ce qui précède que le Conseil de la concurrence na fait quuser des pouvoirs quil tenait des dispositions de larticle L. 450-4 du code de commerce en prenant une décision de nature à conduire à la mise en uvre des modes dinvestigation prévus par ce texte, sans porter atteinte aux attributions appartenant en propre au rapporteur ou à lautorité chargée de lenquête ;
Considérant, par ailleurs, quà le supposer établi, le fait que M. Thouvenot, qui a sollicité lenquête et défini ses orientations, ait assisté au délibéré de la commission permanente ayant abouti à la décision no 93-DE-07 du 30 novembre 1993 est sans incidence sur la validité de celle-ci ;
3. Sur le cumul des fonctions de poursuite, dinstruction et de jugement :
Considérant que la CRCAM de la Loire-Atlantique soutient quaprès sêtre saisi doffice, le Conseil de la concurrence a lui-même défini, dans la demande denquête, les orientations de lenquête, quil a donc agi à lorigine de la procédure comme un organe de poursuite et dinstruction et que cette confusion des actes de poursuite, dinstruction et de jugement, contraire à larticle 6, paragraphe 1, de la CEDH, vicie toute la procédure ;
Que la CNCEP et la Caisse dépargne des Alpes relèvent que le Conseil de la concurrence ayant délibéré en vue de permettre la mise en uvre des enquêtes sous contrôle judiciaire et sanctionné les faits constatés, cest la même autorité qui a détenu les pouvoirs dinstruction et de jugement et ce en violation du droit à un procès équitable ;
Mais considérant, en premier lieu, que laffirmation de la CRCAM de la Loire-Atlantique selon laquelle le Conseil de la concurrence a lui-même défini les orientations de lenquête manque par le fait qui lui sert de base ;
Considérant, en second lieu, que le cumul au sein du Conseil de la concurrence des fonctions de poursuite, dinstruction et de jugement nest pas, en soi, contraire aux exigences inhérentes au droit à un procès équitable ; quil y a lieu de rechercher si, compte tenu des modalités concrètes de mise en uvre de ces attributions, ce droit a été ou non méconnu ;
Considérant, en lespèce, que si le Conseil de la concurrence a, dans les conditions ci-dessus rappelées, décidé de se saisir doffice et formulé une demande denquête - afin que les méthodes dinvestigation prévues à larticle L. 450-4 du code de commerce puissent, le cas échéant, être mises en uvre sur autorisation de lautorité judiciaire - il nest intervenu daucune autre manière pendant le cours de linstruction et aucun des membres du Conseil ayant pris part au délibéré des deux décisions prises le 30 novembre 1993 na siégé lorsque le Conseil a, le 9 mai 2000, examiné si les pratiques dont il était saisi entraient dans le champ des articles L. 420-1 et suivants du code de commerce ;
Considérant, dès lors, que les critiques ci-dessus rappelées sont dénuées de fondement ;
4. Sur la consultation de la Commission bancaire :
Considérant quaux termes de larticle 16 du décret no 86-1309 du 29 décembre 1986 « le Conseil de la concurrence communique aux autorités administratives énumérées en annexe du présent décret toute saisine entrant dans le champ de sa compétence. Ces autorités disposent dun délai de deux mois pour faire part de leurs observations éventuelles. Celles-ci sont jointes au dossier » ; que la Commission bancaire est lune des autorités énumérées en annexe du décret susvisé ;
Considérant que larticle 89, alinéa 2, de la loi no 84-46 du 24 janvier 1984, dans sa rédaction issue de larticle 62 de la loi no 99-532 du 25 juin 1999, dispose que les articles 7 à 10 de lordonnance no 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence sappliquent aux établissements de crédit pour leurs opérations de banque et les opérations connexes à leur activité, que les infractions à ces dispositions sont poursuivies dans les conditions fixées par les titres III et VI de ladite ordonnance et que la notification de griefs prévue à larticle 21 est communiquée à la Commission bancaire qui rend son avis dans un délai de deux mois ;
Considérant que, par lettre en date du 27 novembre 1998, la présidente du Conseil de la concurrence a transmis au président de la Commission bancaire « copie de la saisine doffice du Conseil de la concurrence ainsi que de la notification de griefs élaborée par le rapporteur » ; que lavis délibéré par la Commission bancaire, en date du 28 janvier 1999, a été annexé au rapport ;
Considérant que la Confédération nationale du crédit mutuel et la Fédération du crédit mutuel océan soutiennent que lobligation de communication prévue par larticle 16 du décret du 29 décembre 1986 sapplique à la saisine et que celle à laquelle a procédé le Conseil de la concurrence, cinq ans après la saisine, est tardive ; que ces requérantes ajoutent que lavis émis par la Commission bancaire aurait dû être joint au dossier ouvert à la consultation des parties, dans le délai de deux mois suivant la notification des griefs ; quelles font encore valoir quil est permis de sinterroger sur la teneur exacte de la lettre de transmission du 27 novembre 1998, ce document nayant pas été joint au rapport ; que la BNP Paribas relève que la Commission bancaire devait, en application du décret du 29 décembre 1986, être informée de lacte de saisine et ce en temps utile, ce qui na pas été le cas ; que la Société générale fait grief au Conseil de la concurrence de ne pas avoir consulté la Commission bancaire dès la saisine, comme lexigeait le décret précité, davoir manqué à lobligation de loyauté en sabstenant de remettre à la Commission bancaire les observations des parties sur la notification des griefs et davoir manqué au respect du contradictoire en sabstenant de faire figurer en annexe du rapport sa demande davis ; que la CNCA fait valoir quen vertu de larticle 16 du décret du 29 octobre 1986 le document à transmettre à lautorité consultée était la « saisine » du Conseil de la concurrence, ce qui emportait des conséquences en termes de délai de transmission, sans quil y ait lieu de distinguer entre les différentes formes de saisine du Conseil, et que cette violation du texte précité a porté atteinte aux droits de la défense, les entreprises en cause nayant pu prendre connaissance de lavis de la Commission bancaire dès le stade de la notification des griefs ; que la CRCAM de la Loire-Atlantique fait également valoir que lobligation de communication pesant sur le Conseil de la concurrence en vertu de larticle 16 du décret du 29 décembre 1986, non abrogé par larticle 62 de la loi du 25 juin 1999, porte sur la saisine et expose que linobservation de cette formalité substantielle affecte la validité de la procédure ; que la CNCEP et la Caisse dépargne des Alpes font pareillement valoir que la demande davis adressée à la Commission bancaire méconnaît, à raison de son caractère tardif, les prescriptions du décret du 29 décembre 1986 ; quelles ajoutent quil en est résulté une atteinte aux droits de la défense « dans la mesure où la Commission bancaire na pas été mise à même de jouer pleinement son rôle » ;
Mais considérant, dune part, que larticle 16 du décret du 29 décembre 1986 ne précise pas le moment auquel la saisine doit être communiquée à lautorité administrative concernée et nimpose donc pas que lavis de cette dernière, tenue de faire part de ses observations éventuelles dans un délai de deux mois, soit sollicité dès le stade de la saisine du Conseil de la concurence ; quil suffit que cette disposition soit mise en uvre dans des conditions compatibles avec le respect du caractère contradictoire de la procédure devant le Conseil de la concurence ; que cest donc sans violer le texte précité, alors même que larticle 89 de la loi du 24 janvier 1984 navait pas été modifié par larticle 62 de la loi du 25 juin 1999, que le Conseil a estimé, en lespèce, quil convenait de transmettre à la Commission bancaire, outre lacte de saisine, dont il avait pris linitiative, la notification des griefs, document propre à favoriser lémission dun avis éclairé par cette autorité, et quil na pas porté atteinte aux droits de la défense en procédant à cette formalité le 27 novembre 1998 dès lors que celle-ci a été accomplie avant la notification du rapport, accompagné des observations de la Commission bancaire ;
Considérant, dautre part, quaucune disposition ou principe général du droit ne fait obligation au Conseil de la concurrence de communiquer à lautorité consultée les observations présentées par les parties à la suite de la notification des griefs ;
Considérant, enfin, quaucune atteinte aux droits de la défense ne résulte du défaut dannexion au rapport du courrier du 27 novembre 1998 par laquelle la présidente du Conseil de la concurrence sest bornée à solliciter les observations de la Commission bancaire en application des dispositions de larticle 16 du décret du 29 décembre 1986 sur le dossier objet de la saisine du 30 novembre 1993, en précisant quétaient jointes à la lettre « copie de la saisine doffice du Conseil de la concurrence ainsi que de la notification des griefs élaborée par le rapporteur », étant ici observé que la lettre du président de la Commission bancaire, en date du 28 janvier 1999, annexée au rapport, par laquelle se trouvent exprimées les observations de lautorité ainsi consultée, contient un résumé fidèle de la teneur du courrier du 27 novembre 1998 et que le rapporteur ne sest pas fondé sur ce dernier document ;
5. Sur la violation du principe de la contradiction :
Considérant que la BNP Paribas et la CNCA font grief au Conseil davoir invoqué à lappui de sa décision des courriers de consommateurs alors que la notification des griefs ny fait pas référence et que ces documents ne sont pas annexés au rapport, de sorte que, leur attention nayant jamais été appelée sur lesdits documents, les entreprises en cause nont pas été mises en mesure de les discuter ;
Mais considérant que la teneur des lettres ou déclarations de consommateurs visées par la décision déférée (pages 14, 15 et 34) est analysée dans le corps du rapport denquête, lequel, de surcroît, en reproduit les passages essentiels, dont tous ceux cités dans la décision du Conseil, que le rapport denquête est annexé au rapport visé à larticle L. 463-2 du code de commerce (rapport, annexe B, pages 79 à 189, et spécialement pages 174 à 176), que ces documents sont en outre annexés au rapport denquête (cotes 3349 à 3362), que ledit rapport et ses annexes figuraient dans le dossier ouvert à la consultation des parties destinataires de la notification des griefs, que la Caisse dépargne des Alpes a fait état des « huit plaintes de consommateurs » dans ses observations sur la notification des griefs et que le rapport fait référence à ces pièces tant dans son analyse des observations de la Caisse dépargne des Alpes (p. 18) que dans sa réponse à celles-ci (p. 43) ;
Considérant, dès lors, que la BNP Paribas et la CNCA ne sont pas fondées à soutenir que la prise en considération des pièces susvisées par le Conseil de la concurrence caractérise une atteinte aux droits de la défense ;
Considérant que le Crédit lyonnais soutient que les banques nont pas été en droit de répondre aux observations du commissaire du Gouvernement, lequel a pour la première fois évoqué les sanctions et quaucun débat na eu lieu sur lassiette à prendre en considération pour la fixation des amendes non plus que sur le dommage causé à léconomie par les pratiques reprochées ; quil ajoute que devant le Conseil de la concurrence les droits de la défense sexercent de manière très parcimonieuse, quil nexiste aucune « égalité des armes » entre les organes de poursuite et les entreprises en cause, quil na pu se défendre efficacement eu égard à lampleur du dossier et que labsence dune contradiction suffisante doit emporter lannulation de lensemble de la procédure ;
Mais considérant, en premier lieu, quen déposant, le 6 décembre 1999, des observations écrites sur le rapport, le commissaire du Gouvernement a fait connaître son opinion sur les différents aspects du dossier, notamment sur les sanctions encourues ; que les parties ont ainsi été mises à même de tenir compte, lors de la séance du Conseil, laquelle a eu lieu le 9 mai 2000, de ces observations, qui ne sont pas assimilables à lénoncé de griefs ouvrant droit à la présentation dobservations en réponse ;
Considérant, en deuxième lieu, que, répondant le 18 février 2000 à une demande en date du 3 février 2000, par laquelle le rapporteur linvitait à lui faire parvenir les éléments relatifs au chiffre daffaires du dernier exercice clos, accompagné des bilans et comptes de résultat, le Crédit lyonnais a transmis les données relatives à lexercice clos le 31 décembre 1998 ; que, répondant à une nouvelle demande du 9 mars 2000, cet établissement de crédit a transmis au rapporteur les produits de lexercice clos le 31 décembre 1999 ; quayant ainsi elle-même communiqué les éléments financiers soumis à lexamen du Conseil de la concurrence pour la détermination de lassiette de la sanction pécuniaire, la société Crédit lyonnais ne peut se prévaloir utilement de la méconnaissance, sous ce rapport, du principe du contradictoire ;
Considérant, enfin, que les dispositions légales régissant la procédure devant le Conseil de la concurrence, dont les décisions subissent, en droit et en fait, le contrôle dun organe offrant toutes les garanties dun tribunal au sens de larticle 6 de la CEDH, ont permis au Crédit lyonnais, comme aux autres parties, daccéder à lintégralité du dossier, de faire valoir les moyens et de produire des pièces que cette entreprise jugeait appropriés à la défense de ses intérêts ; quelle avait ainsi la faculté de soulever le moyen tiré de labsence de dommage à léconomie ;
Quil sensuit quaucune des critiques articulées, de ce chef, par le Crédit lyonnais nest fondée ;
6. Sur le délai raisonnable :
Considérant que le Crédit lyonnais, faisant valoir que la procédure, qui a durée près de sept ans, na pas été diligentée dans un délai raisonnable, conclut, pour ce motif, à son annulation ;
Mais considérant que, devrait-il être admis, ce qui nest pas le cas, eu égard à la nature et à la complexité de laffaire, quun tel délai est excessif au regard des exigences inhérentes au droit à un procès équitable, la sanction attachée à ce constat ne serait pas lannulation de la décision déférée, non plus que sa réformation, mais la réparation du préjudice qui aurait été subi à raison de la durée anormale de la procédure :
7. Sur la violation du « principe dauthentification des actes juridictionnels » :
Considérant que le Crédit lyonnais fait valoir que lauthentification des actes des autorités chargées de mettre en uvre le droit de la concurrence constitue une formalité substantielle et quen lespèce ni la notification des griefs ni le rapport ne sont datés et signés par leur rédacteur ; que le requérant en déduit que ces actes administratifs sont nuls et quil en est également ainsi, par voie de conséquence, de leur notification par le président du Conseil de la concurrence ;
Mais considérant, dabord, que le Crédit lyonnais rappelle lui-même que la notification des griefs est intervenue « le 18 octobre 1996 » (exposé des moyens p. 8, alinéa 5) et que le rapport a été notifié le « 5 octobre 1999 » (exposé des moyens p. 4), ce dont il résulte que cette partie, qui ne conteste avoir bénéficié des délais visés à larticle L. 463-2 du code de commerce, ne peut utilement se faire un grief du défaut de mention de leur date sur les actes dont sagit ;
Considérant, ensuite, que la mention portée en première page de ces actes, selon laquelle ils ont été « établi(s) par M. Bernard Lavergne, rapporteur auprès du Conseil de la concurrence », mention que rien ne vient contredire, suffit à établir que lesdits actes sont bien imputables à M. Lavergne, désigné le 9 mai 1994 par le président du Conseil de le concurrence, en remplacement de M. Thouvenot, pour instruire le dossier F. 637 relatif à la situation de la concurrence dans le secteur du crédit immobilier ;
8. Sur labsence de notification du rapport aux ministres intéressés :
Considérant que le Crédit lyonnais expose que labsence de notification du rapport aux ministres intéressés, « en loccurrence au moins le ministre de léconomie et des finances et/ou le ministre chargé de la consommation », soit vicie la notification du rapport, soit constitue une violation des droits de la défense et que, dans les deux cas, la procédure est nulle ;
Mais considérant que les ministres cités par ce requérant nont pas, en lespèce, la qualité de ministre intéressé au sens de larticle L. 463-2 du code de commerce ; quen effet les pratiques anticoncurrentielles imputées aux personnes morales de droit privé en cause nont pas à être examinées au regard de textes dont la mise en uvre relèverait de la mission propre du ministre chargé de léconomie ou de celui chargé de la consommation et que lavis de ces derniers ou la fourniture déléments dinformation quils seraient seuls à détenir ne sont pas nécessaires à lappréciation de la licéité ou de leffet des pratiques litigieuses ; quil sensuit quaucune nullité ne saurait résulter du défaut de notification du rapport auxdits ministres ;
9. Sur la violation du principe dimpartialité par le rapporteur du Conseil de la concurrence :
Considérant que la BNP Paribas fait valoir que linstruction devant le Conseil de la concurence a été conduite en méconnaissance du principe ci-dessus visé dès lors que le rapporteur, tenu dinstruire à charge et à décharge, a systématiquement ignoré les éléments à décharge figurant au dossier et que ce comportement a exercé une influence sur la décision du Conseil ;
Mais considérant que la BNP Paribas ne rapporte pas la preuve de ses allégations ; que cette argumentation est, au demeurant, inopérante dès lors que cette entreprise ayant acquis la qualité de partie en cause à compter de la notification des griefs, il lui était loisible de soumettre à lexamen du Conseil de la concurrence les moyens et les pièces quelle estimait utiles à la défense de ses intérêts et que cette faculté lui a, à nouveau, été ouverte à la suite de lexercice dun recours en annulation et réformation devant la cour dappel de Paris ;
Quil y a lieu, par les mêmes motifs, de rejeter la demande de la CNCA tendant à lannulation de lensemble de la procédure à raison du prétendu manquement à limpartialité quaurait commis le rapporteur en soumettant au précédent rapporteur, M. Thouvenot, aux fins de simple signature, un texte dactylographié pré-rédigé, lui « suggérant » ainsi sa réponse sur les circonstances ayant entouré la rédaction de la note jointe à la demande denquête du 30 novembre 1993 ; quau demeurant, M. Thouvenot sest nécessairement approprié les termes de ce document en y apposant sa signature, non contestée ;
10. Sur larticle 625 du nouveau code de procédure civile :
Considérant que, par ordonnance du 22 mai 1995, le président du tribunal de grande instance de Chambéry a, dans le cadre de lenquête demandée le 30 novembre 1993 par le Conseil de la concurrence, autorisé des agents de la DGCCRF, en vertu de larticle 48 de lordonnance du 1er décembre 1986, à effectuer une visite et des saisies de documents dans les locaux de 9 sociétés bancaires à 12 adresses distinctes, dont 3 dans son ressort ; que le président du tribunal de grande instance de Rodez, saisi sur commission rogatoire, ayant par ordonnance du 13 juin 1995, désigné deux officiers de police judiciaire pour assister aux opérations de visite et de saisie dans les lieux situés dans son ressort, la Cour de cassation a, par arrêt du 10 février 1998, partiellement annulé ladite ordonnance ;
Considérant que la BNP Paribas soutient que le Conseil a fait une application erronée des dispositions de larticle 625 du nouveau code de procédure civile en se bornant à écarter, au stade de la décision, les pièces irrégulièrement saisies ; quen effet, le rapporteur na tenu aucun compte de larrêt du 10 février 1998 alors que la cassation replaçant les parties dans létat où elles se trouvaient avant le jugement cassé, lapplication du texte précité devait conduire, selon elle, à la rédaction dune nouvelle notification des griefs suivie dun nouvel accès au dossier ;
Mais considérant quaux termes de larticle L. 450-4 du code de commerce « un ou plusieurs officiers de police judiciaire » sont chargés dassister aux opérations de visite et de saisie et de tenir informé de leur déroulement le juge qui les a autorisées ; que le président du tribunal de grande instance de Rodez a, par ordonnance du 13 juin 1995, désigné pour assister aux opérations de visite et de saisie, dune part, M. Regourd, dautre part, M. Capelle, ce dernier étant inspecteur principal de police au commissariat de Rodez ;
Et considérant que lordonnance du 13 juin 1995 a été cassée sans renvoi « mais seulement en ce quelle a désigné M. Regourd comme officier de police judiciaire » ; quelle est en conséquence devenue irrévocable en sa disposition portant désignation de M. Capelle, lequel, selon les énonciations du procès-verbal de visite et de saisie en date du 15 juin 1995, a assisté aux opérations que celui-ci relate ; quil sensuit que la cassation partielle prononcée le 10 février 1998 na pas emporté, quant à la régularité des opérations litigieuses, les conséquences que la BNP Paribas croit pouvoir y attacher ;
Considérant, en toute hypothèse, quayant décidé décarter tous les documents saisis sur le fondement de lordonnance visée par larrêt du 10 février 1998 et dapprécier le bien-fondé du grief notifié aux entreprises en cause à la lumière des autres éléments de preuve figurant au dossier, le Conseil de la concurrence ne saurait encourir le grief de violation de larticle 625 du nouveau code de procédure civile ;
11. Sur les prétendus vices de motivation :
Considérant que la BNP Paribas soutient que constitue une « violation des formes substantielles » le défaut dindication de la nature et de la durée de linfraction dans le dispositif de la décision du 19 septembre 2000 et que les contradictions et, dans certains cas, les absences totales de motifs qui émaillent ladite décision doivent conduire à son annulation, que la CNCA soutient que le Conseil na pas motivé la sanction prononcée et que la CNCEP comme la Caisse dépargne des Alpes font valoir quil na pas été satisfait aux exigences de motivation individuelle de la sanction ; que la Société générale soutient que le Conseil sest abstenu de définir le marché pertinent ; que la CNCEP et la Caisse dépargne des Alpes soutiennent, en outre, que la décision déférée doit être annulée car elle est, selon ces parties, entachée derreur de droit et de violation de la loi quant à la définition du marché, la preuve dune collusion entre les entreprises poursuivies, la démonstration dun effet anticoncurrentiel et lassiette de la sanction ;
Mais considérant dabord quaucun texte nimpose au Conseil de la concurrence, à peine de nullité de sa décision, de rappeler dans le dispositif de celle-ci, lequel est éclairé par les motifs qui précèdent, la « nature » et la « durée » de la pratique anticoncurrentielle que le Conseil tient pour établie ;
Considérant, ensuite, que la décision no 2000-D-28 du 19 septembre 2000 contient lénoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, y compris quant aux sanctions, et que, sous couvert de griefs non fondés de défaut ou de contradiction de motifs, les requérantes discutent le bien-fondé des analyses et appréciations du Conseil, ce qui ne saurait conduire à lannulation de sa décision ;
II. - Sur les moyens tendant à la réformation de la décision :
A. - Sur la compétence du Conseil de la concurrence
Considérant que, selon larticle L. 410-1 du code de commerce, les règles définies au titre « De la liberté des prix et de la concurrence » du code précité sappliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques ;
Considérant que la CNCEP, qui vient aux droits du Centre national des caisses dépargne et de prévoyance (le CENCEP), lequel était constitué sous forme de groupement dintérêt économique, fait valoir que ce dernier, à la fois organe central en vertu de larticle 21 de la loi no 84-46 du 24 janvier 1984 et chef de réseau en vertu de larticle 4 de la loi no 83-557 du 1er juillet 1983 portant réforme des caisses dépargne et de prévoyance, était notamment chargé, en cette double qualité, comme lest désormais la CNCEP, de veiller à la cohésion de son réseau, de sassurer du bon fonctionnement des établissements de crédit qui lui étaient affiliés, de prendre toutes mesures et dexercer les contrôles nécessaires à ces fins ; quil était en outre doté du pouvoir de prendre les sanctions prévues par les textes législatifs ou réglementaires propres au réseau des caisses dépargne et de prévoyance ; quainsi le CENCEP était investi dune mission de service public, pour lexercice de laquelle il disposait de prérogatives de puissance publique, et que, cet organisme sétant borné, conformément à ses attributions dautorité de tutelle, et comme il en avait le devoir, à inciter à la prudence les caisses membres du réseau, afin que leur comportement ne mette pas leur situation financière en péril et que soient respectées les règles prudentielles quimpose leur activité, ce dont il devait être informé, le Conseil était en présence dactes échappant manifestement à sa compétence ;
Considérant cependant quil a été, en lespèce, reproché au CENCEP davoir mis en uvre le pacte de non-agression auquel avaient adhéré les principaux réseaux détablissements de crédit et qui tendait à restreindre les possibilités de renégociation des prêts immobiliers, partant à limiter le jeu de la concurrence, et ce en adressant aux établissements de crédit qui lui étaient affiliés des recommandations circonstanciées qui allaient, sans le dire formellement, dans le sens dudit pacte et en avalisant les pratiques locales dont il était informé ;
Quil sensuit que la pratique imputée au CENCEP implique lintervention de cet organisme sur le marché de la distribution des crédits immobiliers aux particuliers, hors des limites de sa mission de service public et dans des conditions ne manifestant pas lexercice de prérogatives de puissance publique, et que le Conseil de la concurrence est compétent pour connaître de tels actes conformément aux dispositions du texte susvisé ;
B. - Sur les éléments constitutifs de la pratique anticoncurrentielle
1. Sur la définition du marché pertinent :
Considérant que la Confédération nationale du crédit mutuel et la Fédération du crédit mutuel océan font valoir que le Conseil de la concurrence na pas satisfait à lexigence de définition du marché pertinent ; quen effet, indiquent-elles, tant le rapport que la décision déférée se réfèrent constamment à deux notions différentes, dune part, le marché du crédit immobilier, dautre part, celui de la renégociation des taux dintérêt des crédits immobiliers, qui serait un segment - artificiel selon ces requérantes - du marché précité ; que la CNCEP et la Caisse dépargne des Alpes relèvent que le rapport navait pas résolu la question du marché pertinent et que le Conseil de la concurrence, qui sest borné à renvoyer à lanalyse du rapporteur, encourt la même critique ; que la Société générale soutient que le Conseil, tenu de délimiter de manière claire et précise le marché de référence, sest livré à une « analyse tout à fait incertaine du marché pertinent », se dispensant ainsi de caractériser précisément la demande spécifique et potentielle de renégociation, dont les critères ne sont pas définis, et de rechercher sérieusement limportance des renégociations effectives ;
Que la BNP Paribas fait valoir, de son côté, que le Conseil a procédé à une analyse erronée du marché en cause, lequel nest pas celui du crédit immobilier mais celui des prêts destinés à permettre le remboursement anticipé de prêts précédemment conclus auprès dautres établissements pour des biens immobiliers ayant déjà fait lobjet dune transaction immobilière ;
Mais considérant, dabord, que, faisant sienne lanalyse du rapporteur, le Conseil de la concurrence a défini le marché de référence comme étant le marché national du crédit immobilier aux particuliers ;
Considérant, ensuite, que, contrairement à ce que soutient la BNP Paribas, il nexiste pas de marché distinct des prêts destinés au remboursement anticipé des emprunts immobiliers précédemment contractés et que le marché pertinent est bien le marché du crédit immobilier aux particuliers ;
Considérant, sur ce point, quil sagit toujours de satisfaire la demande de financement créée par lacquisition, la construction ou la restauration dun bien immobilier et que, en période de forte baisse des taux dintérêts, il peut être alternativement répondu au besoin dadaptation du financement en cours lié à une telle évolution par la conclusion, auprès dun autre établissement distributeur de crédit, dun nouveau contrat de prêt destiné au remboursement anticipé du prêt initial (renégociation externe) ou par le réaménagement du prêt dorigine par la banque prêteuse (renégociation interne) ; que, dans le cas où il est recouru à la souscription dun emprunt substitutif, ce prêt est intégré, sans distinction aucune, dans la production des nouveaux crédits immobiliers à lhabitat, étant en outre observé que la renégociation des prêts immobiliers ne fait pas partie, ainsi que lobservent la Confédération nationale du crédit mutuel et la Fédération du crédit mutuel océan, des prestations habituellement proposées à leurs clients par les établissements de crédit offrant de tels prêts ;
Considérant, encore, contrairement à ce quallègue la Société générale, le Conseil de la concurrence a précisé les données du marché de référence utiles à la qualification de la pratique litigieuse ;
Quil suffit de rappeler à ce stade que lencours des crédits immobiliers versés aux ménages était de lordre de 1 500 milliards de francs à la fin de lannée 1992, 1 556 milliards de francs à la fin de 1993 et 1 580 milliards de francs à la fin de 1994, étant précisé que la part représentée par les prêts dépargne logement, lesquels ne sont pas renégociables, était respectivement, selon létude de M. Mouillart, publiée à la revue « Banque » de septembre 1995, de 250, 266 et 272 milliards de francs ; que les crédits nouveaux à lhabitat versés aux ménages, cest-à-dire la production brute, celle-ci incluant la production associée à la renégociation - dans lacception la plus étroite de cette dernière notion, à savoir louverture dune ligne de crédit en vue du remboursement anticipé dun précédent crédit - sest élevée à 215 milliards de francs en 1993 et 280 milliards de francs en 1994 ;
Considérant que la part des réseaux en cause dans la production de crédits immobiliers aux ménages a été la suivante en 1994 : Crédit agricole : 26,4 %, Caisses dépargne : 11,4 %, Crédit mutuel : 8,3 %, Société générale : 7,2 %, BNP : 6,8 %, Crédit lyonnais : 6 %, soit ensemble les deux tiers du marché ;
Considérant que, se fondant sur des éléments émanant des parties, spécialement une note de la direction des programmes et du contrôle de gestion du Crédit lyonnais datée du 18 février 1994 (rapport p. 504), le Conseil a évalué à environ 600 milliards de francs lencours sensible total, cest-à-dire la fraction de lencours des crédits de lhabitat dont les caractéristiques sont telles quils sont susceptibles de faire lobjet dune demande de renégociation interne ou externe, étant ici rappelé quen fait la renégociation nest avantageuse pour lemprunteur que lorsque lécart entre les taux pratiqués pour les nouveaux prêts et les taux fixes pratiqués pendant la période antérieure atteint deux points et quétaient de la sorte essentiellement visés les contrats produits en 1989, 1990, 1991 et 1992 ;
2. Sur la preuve de lentente :
Considérant que le Conseil de la concurrence a estimé que la preuve était rapportée de lexistence de concertations tant au plan national que, dans certaines régions, au plan local ; que, selon le Conseil, ces concertations avaient pour objet de décourager les titulaires de crédits immobiliers de tenter dobtenir un réaménagement ou une renégociation de leurs emprunts et de limiter la concurrence sur le marché des crédits immobiliers aux particuliers de manière à figer les parts de marché détenues par les réseaux pour les crédits antérieurement accordés et à préserver le niveau de leurs marges sur ces opérations ;
Considérant que la Confédération nationale du crédit mutuel soutient que les éléments de preuve retenus par le Conseil de la concurrence ne permettent pas de la mettre en cause ; que la Fédération du crédit mutuel océan affirme quelle na participé à aucune entente sur le marché du crédit immobilier ;
Que le Crédit lyonnais fait valoir que non seulement aucun indice pouvant accréditer la thèse dune prétendue participation à une entente nationale na été découvert dans ses locaux, mais que la preuve est rapportée par certains documents internes quil sest agi pour lui, en matière de rachat de prêts, de mettre en place, unilatéralement et dans son intérêt bien compris, une stratégie purement défensive visant à limiter les effets néfastes de la concurrence de ses confrères lesquels sont parvenus à la même conclusion et à la même politique ;
Considérant que la Société générale, qui indique avoir adopté, lors de la période considérée, comme tous les établissements de crédit, quils soient ou non parties à la procédure, une politique commerciale défensive selon laquelle il convenait, en matière de renégociation, de traiter les demandes spontanées de la clientèle, en évitant de prendre les devants, pour limiter le coût de ces opérations, fait état de ce quelle a cependant été conduite à procéder entre la mi-1993 et la mi-1995, dune part, à des renégociations de prêts de ses clients, renégociations quelle qualifie de « massives » puisque le montant ainsi renégocié, au taux du marché ou à un taux proche, représentait 57 % des encours concernés pour un montant supérieur à 13 milliards de francs et, dautre part, à des rachats, pour plus de 950 millions de francs, de prêts de clients de banques concurrentes ; quelle souligne quoutre le fait que ces éléments permettent de contester lexistence de lentente alléguée et, en tout cas, détablir sa totale inefficacité, les différents indices relevés par la décision critiquée ne sont ni précis ni surtout concordants sur les éléments essentiels de laccord prétendu, en particulier quant à son caractère national, à lidentité des parties audit accord et à lobjet de celui-ci ;
Considérant que la BNP Paribas affirme que la pratique incriminée, à savoir lexistence dun « pacte de non-agression » au niveau national, nest nullement établie par des preuves directes et quelle ne lest pas davantage par des preuves indirectes ; quelle observe quinstruite par « lexpérience désastreuse des années 1987-1988 », elle était « bien décidée à ne pas se lancer à nouveau dans une guerre des taux » et quil sagissait pour elle de préserver tout à la fois ses encours de crédit et sa rentabilité, dont le niveau dépend en partie des refinancements antérieurement mis en place, en lespèce, à des niveaux très supérieurs à ceux pratiqués par la suite ; quelle ajoute avoir été consciente que, naturellement, les autres banques de la place devraient en faire autant et que le comportement parallèle des banques sexplique par une analyse autonome de la situation économique du moment et montre simplement que chacune en ce qui la concernait poursuivait son intérêt propre, en dehors de toute concertation ;
Considérant que la CNCA soutient que le prétendu faisceau dindices graves, précis et concordants invoqué par le Conseil de la concurrence est inapte à prouver lentente nationale dont le Conseil prétend avoir établi lexistence, que ces indices soient examinés un à un ou ensemble ; quelle relève encore que le Conseil de la concurrence na pas démontré sa participation à une telle entente, observant, à cet égard, quaucune des pièces utilisées par le rapporteur pour retenir un grief dentente à son encontre ne mentionne la Caisse nationale de crédit agricole, la seule mention « Crédit agricole » figurant sur certaines dentre elles étant insuffisante pour caractériser un grief puisque le « Crédit agricole » est une appellation générique qui ne correspond à aucune personne morale en particulier ; que la CNCA rappelle, par ailleurs, que les caisses régionales, loin davoir bénéficié dune prétendue entente, ont subi les effets de la vague de renégociation qui sest manifestée à partir davril 1993 et quelle leur a constamment donné, sous forme davances, les moyens dy faire face ;
Que la CRCAM de la Loire-Atlantique fait, de son côté, valoir que cest à tort que le Conseil de la concurrence a relevé à son encontre que la preuve de lapplication du prétendu accord national était rapportée, les trois éléments retenus par la décision déférée étant dénués de pertinence ;
Considérant que la CNCEP souligne que le CENCEP se contentait de recommander aux caisses dépargne une attitude prudente face aux demandes de renégociation des prêts, en précisant les principes à suivre, à savoir ne pas anticiper la demande et ne prendre en compte que les demandes de clients ayant fait lobjet dune véritable proposition de la concurrence ; quelle ajoute que ces recommandations de prudence, loin dobéir à des fins anticoncurrentielles, étaient économiquement et financièrement justifiées à raison du risque de perte lié à une politique agressive en matière de renégociation, mais quil na jamais été donné de consignes de refus systématique de renégociations externes des prêts immobiliers ; quelle observe, à cet égard, que de multiples documents émanant dautres réseaux ainsi que des articles de presse démontrent la politique offensive généralement développée par le réseau des caisses dépargne sur le marché en cause ; quelle indique, en outre, que le fait pour le CENCEP de demander aux membres du réseau de linformer était une conséquence de son organisation et de lexistence même du réseau décentralisé des caisses dépargne et nimpliquait aucune volonté dadhésion à lentente alléguée ;
Que, selon la Caisse dépargne des Alpes, rien ne permet détayer la thèse selon laquelle elle aurait acquiescé à lentente alléguée alors que, tout en adoptant unilatéralement, comme les autres établissements de crédit, un comportement de défense en présence dune situation qui apparaissait à première vue dangereuse pour ses intérêts, elle ne sest pas interdite, dans le même temps, de mener une politique concurrentielle autonome en matière de renégociation de prêts externes ;
Mais considérant, en premier lieu, quaprès avoir exactement énoncé que si la constatation dun parallélisme de comportement ne suffit pas à elle seule à démontrer lexistence dune entente anticoncurrentielle, une telle attitude pouvant résulter de décisions prises par des entreprises qui sadaptent de façon autonome au contexte du marché, lexistence dune entente peut être établie dès lors que des éléments autres que la constatation du seul parallélisme de comportement sajoutent à celui-ci pour constituer avec lui un faisceau dindices graves, précis et concordants, le Conseil a justement estimé, par des motifs qui répondent, en les écartant, aux arguments développés par les requérantes et que la Cour fait siens, quil en était ainsi en lespèce ;
Considérant, en effet, que constituent des indices présentant les qualités ci-dessus mentionnées et qui sajoutent à la similitude des politiques commerciales des réseaux en cause :
les références écrites ou orales à lexistence dun accord national de la part de responsables locaux ;
les instructions de ne pas chercher à démarcher la clientèle de réseaux concurrents nommément désignés ;
la preuve de ce que des agences refusaient effectivement dengager des négociations avec des clients dautres banques, sans même prévoir dexception pour ceux quil était commercialement intéressant dattirer, attitude qui ne peut sexpliquer que sil existe une forte probabilité que leurs concurrents adopteront la même ;
la surveillance insistante du comportement des autres réseaux, avec remontée systématique dinformation aux sièges ;
le fait que les négociations entreprises avec des clients dautres banques étaient regardées comme la rupture dun engagement préalable ;
lexistence de contacts entre réseaux lorsquune renégociation était malgré tout engagée avec le client dune autre banque ;
le fait que le « pacte de non-agression » était invoqué face aux clients pour expliquer la résistance opposée à la demande de renégociation ;
Considérant, au titre de la première catégorie dindices, quil y a lieu de préciser que, le 21 juin 1993, M. Mathé, adjoint au directeur du réseau France de la Société générale, a adressé aux directeurs commerciaux des quinze délégations régionales de la Société générale une convocation, comportant un ordre du jour détaillé, à une réunion organisée à Paris, le 24 juin 1993 ; que lun des points figurant audit ordre du jour était la « politique en matière de renégociation de prêts » ; que des notes manuscrites se rapportant à chacun des thèmes figurant à lordre du jour ont été prises par M. dAngleville, directeur commercial de la délégation régionale Bretagne-Pays de la Loire de la Société générale, participant à cette réunion, sur un document en tête duquel figure la mention « Le 24 juin 1993 réunion des directeurs commerciaux » ; que, sous la rubrique « Renégociations », il est écrit, notamment : « Pacte de non-agression entre BNP, CL, SG et CA » (rapport, p. 251) ; que la preuve est ainsi rapportée quil a été fait état, en présence de hauts responsables de la Société générale, de lexistence, à la date précitée, dun pacte de non-agression entre cette banque, la BNP, le Crédit lyonnais et le réseau du Crédit agricole ;
Considérant encore que, le 14 juin 1993, la DCRM (direction centrale des réseaux métropolitains) de la BNP a, sous la signature du responsable des crédits aux particuliers, adressé aux « directeurs des directions de réseau » une note où il est donné instruction à ses destinataires de veiller à ce que les principaux concurrents de la BNP respectent le « code de bonne conduite » que celle-ci entendait pour sa part observer et qui était défini comme lexclusion de « toute action de rachat de prêt sur la concurrence et ce, quel que soit lintérêt de la clientèle concernée » (rapport, p. 580) ; que M. Dreyer, directeur régional de la BNP pour le Nord - Pas-de-Calais - Picardie, a apposé sur la note précitée des annotations destinées à lun de ses collaborateurs, M. Leleu, par lesquelles il demandait à ce dernier de faire appliquer ladite note et où il est écrit : « Traiter comme je lai dit les incartades des concurrents (...) c) Info à remonter de directeur à directeur de groupe, voire à mon niveau pour contact avec le directeur régional. Minformer durgence quand le nécessaire aura été fait pour loffre écrite du C.L. » ; quun document en date du 18 juin 1993, adressé sous la signature de M. Leleu et ayant pour objet, conformément aux instructions reçues, de diffuser auprès des succursales implantées dans le ressort de la direction régionale Nord - Pas-de-Calais - Picardie de la BNP le contenu de la note du 14 juin 1993, contient le passage suivant : « Bien entendu nous veillerons, avec votre participation, à ce que nos principaux concurrents adoptent la même attitude : la Société générale, le Crédit lyonnais et le Crédit agricole sy sont engagés » (rapport, p. 265) ; que lorsque sont constatées des « incartades des concurrents », celles-ci sont regardées comme autant de manquements à un engagement préexistant, comme le montre la lettre en date du 19 octobre 1993 de la direction régionale de Lyon de la BNP au groupe de Chambéry, où il est écrit : « Depuis quelques semaines, la règle de bonne conduite que nous vous avions demandé dadopter en matière de renégociation des prêts à légard de nos confrères semble être devenue unilatérale, cest-à-dire appliquée par notre réseau BNP mais bafouée progressivement par la concurrence à légard de nos clients » ;
Considérant que Mme Coroller, directeur commercial de la CRCAM de le Loire-Atlantique, a, à loccasion dune réunion tenue au siège de cet établissement de crédit à une date se situant fin mai ou début juin 1993, porté sur son cahier, sous lindication « Réunion Réaménagement des dossiers de crédit », la mention suivante : « Accord oral entre tous les grands réseaux de ne pas sattaquer (Le risque CFF, CE et Crédit mutuel) » ;
Considérant quun document en date du 10 décembre 1993 à en-tête de la « Direction Marketing des particuliers et des associations Marché des particuliers » de la Caisse dépargne des Alpes, ayant pour objet de faire le compte rendu de la réunion des conseillers en financement immobilier qui sétait tenue le 1er décembre 1993, avec comme ordre du jour, notamment, le « point sur les renégociations », énonce : « Des consignes ont été données et il faut les respecter » et « Il faut donc actuellement résister au maximum dans un contexte difficile. Cependant, il y a nécessité de se tenir prêt à réagir rapidement au cas où il y aurait rupture des accords inter-banque, afin de satisfaire notre clientèle au plus vite » ; que le tableau retraçant le « suivi des renégociations au 1er décembre 1993 » joint au document précité émanant de la Caisse dépargne des Alpes porte, en face de lindication « Groupe Annecy Mont-Blanc », la mention : « Le pacte de non-agression inter-banque fonctionne bien » (rapport, pages 330 à 340) ;
Considérant quil convient de mentionner, au titre de la deuxième catégorie dindices, la note adressée le 1er juillet 1993 par lagence Société générale de Lyon-République à celle de Rillieux, laquelle énonce : « Pas daction offensive envers nos confrères CL, BNP, CRCA (nous tenir informés des éventuels dérapages observés chez ces confrères). Attention, le crédit logement refusera de donner sa caution, si provenance CL, BNP, CRCA » (rapport p. 357) ; quil doit être relevé que les banques ou réseaux cités par ce document, émanant dune agence lyonnaise, sont ceux-là mêmes que lon retrouve sur les notes précitées de M. dAngleville, responsable de la région Bretagne-Pays de la Loire, relatives à la réunion organisée le 24 juin 1993 à léchelon national, ce qui établit que les consignes et informations données à ce niveau, au sein de la Société générale, étaient relayées sur lensemble du territoire national ; que ce constat vaut pareillement pour la BNP, autre réseau centralisé, comme le montre lexemple de la région Nord - Pas-de-Calais - Picardie, cité plus haut ;
Considérant, sagissant de la troisième catégorie dindices, que le refus délibéré dattirer, à la faveur du « rachat » dun prêt immobilier, la clientèle de la concurrence, sans prévoir dexceptions, alors même quil sagirait dune clientèle commercialement intéressante et que le prêt immobilier est regardé par les banquiers comme un produit permettant de fidéliser la clientèle dès lors que létablissement distributeur dun crédit de cette nature, sinscrivant dans la durée, peut raisonnablement escompter faire dautres opérations rentables avec le titulaire du prêt, ne peut sexpliquer, comme la noté le Conseil, que sil existe une très forte probabilité que les concurrents adopteront la même attitude ;
Or, considérant quun tel refus est exprimé dans divers documents ; quoutre la note de la DCRM de la BNP du 14 juin 1993, transmise aux diverses directions régionales, excluant « toute action de rachat de prêt et ce, quel que soit lintérêt de la clientèle », il convient de citer :
la télécopie adressée le 3 novembre 1993 par M. Quittard, directeur du marché de la clientèle individuelle, à lintention des directeurs de groupe de la Société générale, où se trouve rappelée lopposition de la direction de la banque à « tout procédé consistant à offrir la possibilité de racheter des crédits consentis par la concurrence » (rapport, p. 203) ;
la note rédigée le 22 avril 1994 par M. Guillet, directeur de lexploitation de la Fédération du crédit mutuel océan, par laquelle ce dernier « rappelle » les principales règles que cet établissement de crédit sest fixé en matière de renégociations des crédits, dont celle-ci : « ne pas reprendre sur la concurrence » ;
le document précité du 10 décembre 1993, émanant de la Caisse dépargne des Alpes, où il est indiqué, sous les rubrique « Réaménagement : approche commerciale » et sous-rubrique « Décisions prises lors du comité de développement du 6 octobre 1993 » : « Prêts de la concurrence : on ne fait pas » (rapport, p. 336) ;
Considérant, quant à la quatrième catégorie dindices, que le Conseil de la concurrence retient à juste titre que linsistance des réseaux à faire surveiller le comportement des établissements concurrents constitue un indice de ce quun système de vérification du respect des termes du « pacte de non-agression » avait été mis en place ; que la réalité dune telle surveillance est établie par une pluralité de documents ; quil suffit de citer ici le message adressé, dans son ressort, par M. Juan, délégué régional de la délégation Bretagne-Pays de la Loire de la Société générale, contenant le passage suivant : « Vous nomettrez pas bien sûr de nous signaler tous les cas éventuels de rachat par la concurrence de crédits immobiliers à nos propres clients » (rapport, p. 202), la note rédigée le 17 septembre 1993 par M. Vogel, membre du directoire du CENCEP, à lintention des directeurs de développement des caisses dépargne, où il est dit quafin de permettre au CENCEP de suivre les opérations de renégociation il y a lieu de lui communiquer aussi régulièrement que possible toute information susceptible davoir une influence sur la stratégie du réseau, et « notamment les éventuelles actions organisées par la concurrence » (rapport, p. 365), la note en date du 29 juin 1993 émanant de la succursale de Lille de la BNP, destinées à tous les bureaux, où il est écrit que la règle générale « exclut tout rachat de prêt sur la concurrence (quel que soit lintérêt de la clientèle) et que « a contrario vous devrez nous informer de toute proposition éventuellement faite par dautres banques à vos clients » (rapport, p. 319) ;
Considérant, sagissant des indices des cinquième et sixième catégories, quil résulte dune série déléments de preuve que lorsquun établissement acceptait de renégocier un emprunt avec un client dune autre banque, des contacts étaient noués à ce sujet entre les établissements en cause, ce qui, comme lobserve le Conseil, ne relève pas de comportements commerciaux normaux mais sexplique, en revanche, dès lors que de telles renégociations apparaissent comme constitutives de manquements à un engagement préalable, suscitant, de la part des confrères, « des doléances précises avec preuves écrites à lappui », selon les termes utilisés dans une note en date du 21 décembre 1994 émanant de la direction du réseau de Lille de la BNP ;
Considérant que méritent détre cités, à cet égard, la note manuscrite de M. Perruchas, responsable du financement des ménages à la CRCAM de la Loire-Atlantique, datée du 21 juin 1994, à lattention de M. Giard, directeur général adjoint de cet établissement, note faisant état dune « attaque du Crédit Mutuel Carquefou sur un encours CAM » et sur laquelle M. Giard a porté la mention suivante : « 23.6.94 Tél. ce jour avec le DGA du C. MUT. Ce sera corrigé », une correspondance intérieure en date du 29 juin 1994 transmise à M. Perruchas portant la mention : « Ci-joint une proposition de refinancement faite à lun de nos clients. A-t-on toujours des accords de non-financement ? » et faisant apparaître que la réponse à cette question a été apportée par téléphone le 1er juillet 1994 (rapport, p. 194), le courrier adressé le 9 décembre 1993 par le délégué régional de la Société générale pour la Bretagne et les Pays de la Loire au directeur régional de la Caisse dépargne de Bretagne par lequel celui-là porte à la connaissance de celui-ci trois opérations de rachat de crédits immobiliers réalisées auprès de la clientèle de lagence Société générale de Quimper, ledit courrier précisant quil sinscrit dans le fil dun récent échange téléphonique et dans la perspective dune future rencontre (rapport p. 198) et enfin, la note de la direction du réseau Nord - Pas-de-Calais - Picardie de la BNP en date du 3 novembre 1993, destinée aux succursales du ressort, note selon laquelle les offres de renégociation de la concurrence clairement identifiée devront conduire le directeur dagence ou de groupe « à prendre contact avec son homologue pour linciter à cesser sans délai les hostilités » (rapport, p. 151) ;
Considérant, en second, lieu, que, faisant, là encore, une juste appréciation de la valeur des éléments de preuvre figurant au dossier, le Conseil de la concurrence a, par des motifs pertinents, auxquels la cour se réfère, et qui ne sont utilement combattus par aucune des pièces invoquées par les requérantes, caractérisé, par recoupement dun ensemble dindices graves, précis et concordants, la volonté conjointe de ces dernières de participer à laction concertée dont il a constaté lexistence, en vue de restreindre le jeu de la concurrence sur le marché intéressé ;
Quau demeurant, les constatations qui précèdent suffisent à établir que la BNP et la Société générale ont activement contribué à la mise en uvre de la pratique susvisée, étant ici observé, sagissant de ces requérantes, comme des autres parties en cause, que le fait quelles aient été conduites, sous linfluence de différents facteurs, et en particulier de lamplification alors donnée par les médias à la question de la révision des taux dintérêts, à procéder à des renégociations, essentiellement internes, parfois pour une proportion substantielle de lencours sensible, au sens précédemment donné à cette notion, nest pas de nature, au regard des éléments de preuve réunis à leur encontre, à accréditer la thèse de leur absence dadhésion au « pacte de non-agression » et à établir quelles ont déterminé de manière autonome leur « politique défensive ».
Considérant quil convient, pour ce qui est du Crédit lyonnais, de rappeler que limplication de cette banque en tant quacteur du pacte de non-agression ressort de documents dorigines divers, aussi bien sous langle de lidentité des réseaux dont dépendent leurs auteurs que sous celui de la localisation géographique des établissements où ces derniers exercent leurs fonctions, et qui font mention du Crédit lyonnais soit expressément, soit implicitement mais nécessairement ; que peuvent être cités, à cet égard, la directive du 18 juin 1993 émanant de la direction régionale Nord - Pas-de-Calais - Picardie de la BNP (rapport, p. 265), les notes manuscrites de M. dAngleville relatives à la réunion tenue le 24 juin 1993 au siège de la Société générale (rapport, p. 251), le cahier de Mme Coroller, directeur commercial de la CRCAM de la Loire-Atlantique (rapport, p. 192) ou encore le tableau intitulé « suivi des renégociations au 1er décembre 1993 » annexé au compte-rendu de la réunion des conseillers en financement immobilier de la Caisse dépargne des Alpes du 1er décembre 1993, ledit tableau indiquant que dans le ressort du groupe Annecy-Mont-Blanc trois prêts de la concurrence ont été réaménagés « après accord préalable de la banque (Crédit lyonnais) » ;
Considérant, sagissant de la Confédération nationale du crédit mutuel, que son adhésion à lentente ressort suffisamment du « relevé de note », dressé sur papier à en-tête de la Confédération à la suite de la réunion du groupe « crédit restreint » qui sest tenue le 11 juin 1993, à La Roche-sur-Yon, en présence du chef de la direction du développement de la Confédération et dun cadre de cette direction, ce document rendant compte, sous la rubrique « point sur les négociations de taux », de lexistence dun « gentleman agreement » entre la Fédération du crédit mutuel Océan et le Crédit agricole et du fait que le Crédit mutuel de Bretagne négociait un « gentleman agreement avec la concurrence » (rapport, p. 758), ce dont il résulte que la mise en uvre du pacte de non-agression, même si elle naffectait pas lensemble des fédérations composant le réseau du crédit mutuel, sinscrivait dans une politique menée à léchelle de ce réseau avec le nécessaire consentement de sa structure centrale, à savoir la Confédération nationale du crédit mutuel, peu important à cet égard que le groupe « crédit restreint » nait eu aucun « rôle officiel » au sein de la Confédération ;
Considérant, en ce qui concerne la Fédération du crédit mutuel Océan, que le constat, en juin 1993, de la conclusion dun « gentleman agreement » avec le Crédit agricole, démontré par le document cité plus haut mais aussi par la note manuscrite du directeur de ladite fédération (rapport, p. 298), confirmant lexistence de cet accord, établit, avec les autres éléments relevés par le Conseil, que cet établissement de crédit a participé, par un comportement qui lui était propre, tenant compte de sa position sur le marché en cause, à la mise en uvre de laction concertée ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient la CNCA, le Conseil de la concurrence a démontré sa participation à lentente, abstraction faite dune erreur matérielle (p. 38), sans incidence sur cette démonstration, relative au nombre total des caisses du groupe Crédit agricole lequel est en réalité de lordre de 3 000, comme il est indiqué en page 7 de la décision déférée ; que sil est exact quaucune des pièces auxquelles se réfère le Conseil ne vise nommément la Caisse nationale puisquelles portent la mention « Crédit agricole » ou « CA » ou encore « CRCA », la diversité de leurs provenances, tant sur le plan géographique que sur celui des réseaux auxquels appartiennent les instances dont émanent lesdites pièces, établit que lentente fonctionnait à léchelon national et ce avec la participation active de la CNCA, à laquelle il appartenait, au demeurant, de définir la politique à suivre en matière de renégociation des prêts immobiliers, ainsi que cela résulte des déclarations de M. Bouysset, directeur de la gestion financière de la CNCA, faisant référence aux « instructions » demandées, « sur ce point », dès avril 1993, par les caisses régionales (rapport, p. 637) ; quil convient en outre de relever que le compte-rendu de la réunion du conseil dadministration de la CNCA en date du 23 juin 1993, comme la note adressée le 25 juin 1993 par M. Bouysset aux caisses régionales à la suite de cette séance, font clairement apparaître que le dispositif de réaménagement alors mis en place sous forme denveloppes accordées aux instances régionales du Crédit agricole était conçu comme linstrument dune politique essentiellement défensive, se donnant pour objectif, conforme à celui du pacte de non-agression, de « préserver le plus possible les encours de crédits à taux élevés » (note du 25 juin 1993) ;
Considérant que la preuve de ce que la CRCAM de la Loire-Atlantique a mis en uvre dans le champ de son ressort territorial, et au cours de la période visée par le Conseil de la concurrence, lentente existant au niveau national résulte de la conjonction dune série déléments dont ceux, déjà cités, tirés des mentions portées sur son cahier par Mme Coroller, directeur commercial de cet établissement de crédit, fin mai ou début juin 1993, de la note manuscrite de M. Perruchas, responsable du financement des ménages à la CRCAM de la Loire-Atlantique, à lattention du directeur général adjoint de cet établissement, datée du 21 juin 1994, et de la correspondance intérieure transmise à M. Perruchas le 29 juin 1994 ;
Considérant que, qualifiant de totalement erronée en droit et en fait lanalyse du Conseil de la concurrence, la Caisse dépargne des Alpes dénie toute participation à une entente et affirme avoir « toujours mené une politique concurrentielle autonome en matière de renégociation de prêts » ; que la preuve est cependant rapportée de ladhésion de cette caisse régionale à laction concertée et de sa mise en uvre, dans son ressort, ne serait-ce que par le rappel, formulé lors de la réunion des conseillers en financement immobilier du 1er décembre 1993, ayant donné lieu à un compte-rendu adressé à tous les directeurs de groupe de la région, de la nécessité quil y avait à « respecter les consignes », celles-ci étant de ne pas renégocier les prêts de la concurrence, sauf « attaques franches », et de résister « au maximum » aux demandes de réaménagements de la clientèle, mais aussi, dans le même temps, « de se tenir prêt à régir rapidement au cas où il y aurait rupture des accords interbanque », ce rappel précédant le constat du bon fonctionnement du « pacte de non-agression inter-banque », sagissant du groupe Annecy-Mont-Blanc ;
Considérant, enfin, sagissant du CENCEP, quallant au-delà de ce quimpliquaient lorganisation du réseau décentralisé des caisses dépargne et son rôle dorgane central de ce réseau, cet organisme a, comme le relève le Conseil, manifesté son adhésion à la concertation tant par la formulation de recommandations circonstanciées qui allaient, sans le dire formellement, dans le sens du pacte de non-agression que par son implication dans le dispositif de surveillance du respect de laccord par les autres réseaux ; quil convient de mentionner, à cet égard, que lors de la réunion du comité des prix de la Caisse dépargne des Alpes, qui sest tenue le 28 juillet 1993, soit dès le lendemain de la réunion des directeurs du développement des différentes caisses dépargne organisée par le CENCEP, il a été décidé que « les renégociations des prêts de la concurrence (devaient) être réfusées » (rapport, p. 336), que dans sa note précitée du 17 septembre 1993, adressée aux « Directeurs de développement des caisses dépargne », M. Hervé Vogel, membre du directoire du CENCEP, chargé de la direction du développement, rappelle, notamment, aux intéressés que doivent seules être prises en compte les demandes des clients « ayant fait lobjet dune véritable proposition de la concurrence » et quil leur appartient de le tenir informé des « éventuelles actions organisées de la concurrence », que le compte-rendu de la réunion organisée le 1er décembre 1993 par la Caisse dépargne des Alpes précise quune « synthèse de ce quil se passe localement en matière de renégociations sera faite à M. Vogel du CENCEP lors de sa prochaine visite le 10 décembre » et que des contacts et échanges dinformations relatifs à des opérations de rachat de crédits immobiliers ont eu lieu en des points éloignés du territoire entre des réseaux concurrents (Société générale, Crédit lyonnais) et celui des caisses dépargne (rapport, pages 198 et 339) ;
Considérant quil résulte de tout ce qui précède que les requérantes ont, par des comportements qui leur étaient propres, en fonction de leur statut juridique et de leur position sur le marché, exprimé leur volonté commune de sentendre pour refuser de proposer un nouveau crédit aux particuliers ayant contracté un emprunt immobilier susceptible de renégociation auprès dune autre banque ; que cette pratique a eu pour effet ou a pu avoir effet de priver une partie de la clientèle de la possibilité de renégocier ses emprunts soit avec un établissement concurrent, soit avec létablissement prêteur dorigine, ou de rendre plus difficile ou plus tardive cette renégociation, et de permettre, par là-même, aux établissements en cause de limiter le manque à gagner consécutif à de telles renégociations ;
3. Sur les effets de lentente :
Considérant que la CNCA fait grief au Conseil de la concurrence davoir procédé à une analyse superficielle des effets de lentente alléguée ; quelle fait plus précisément valoir que les chiffres utilisés par le Conseil sont biaisés, que ce dernier, au lieu de procéder à sa propre analyse, sest contenté de sapproprier une étude académique, à savoir larticle du professeur Mouillart, dont les chiffres, reposant sur des simulations informatiques, semblent très éloignés de la réalité, et que ceci la conduit à une minoration des volumes réaménagés, à une majoration de lassiette réaménageable et à la non-prise en compte de la remontée des taux en 1994-1995, partant à des conclusions erronées ;
Considérant que, selon le Crédit lyonnais, les pratiques relevées nont pas eu deffet sur le jeu de la concurrence et nont pas pu empêcher les titulaires de prêts immobiliers de renégocier ou de réaménager leurs prêts lorsquils en faisaient la demande ;
Considérant que la CNCEP et la Caisse dépargne des Alpes font valoir que la concurrence a continué de sexercer, comme la du reste reconnu le Conseil de la Concurrence, et que si lon constate une certaine restriction de concurrence dans le secteur, celle-ci est imputable non à laction dopérateurs méconnaissant larticle L. 420-1 du code de commerce mais à la structure même du marché lequel se distingue, notamment, par lexistence dune régulation sectorielle de nature à limiter lintensité de la concurrence et les particularités des produits litigieux, comportant une forte dimension « intuitu personae » ;
Considérant, toutefois, que la restriction de concurrence relevée par le Conseil ne saurait être imputée à la structure du marché, caractérisée par la pluralité et la diversité des offreurs, exclusives dune configuration doligopole, ainsi que par lhomogénéité des produits ; quelle nest pas davantage imputable à lexistence dun régulation sectorielle, étant ici relevé que sil est exact que par lettre du 18 juillet 1995, le président de la Commision bancaire adressait des recommandations de prudence au président de lAssociation française des établissements de crédit en rappelant à ce dernier quelles devaient être les conditions dune saine exploitation de ces derniers en matière de distribution de crédits, et spécialement de fixation des taux appliqués à la clientèle, lautorité de régulation prenait soin dappeler la profession à « une discipline individuelle » pleinement respectueuse des règles de bonne gestion qui sattachent normalement à la distribution du crédit ;
Considérant, en revanche, que le Crédit lyonnais, et dautres requérantes, font justement observer quun certain nombre de facteurs étaient de nature à influer, dans le sens de la limitation, sur le montant des renégociations indépendamment de toute pratique de concertation et de coordination ; que tel est le cas du poids des formalités inhérentes à une opération de rachat dun prêt par la concurrence, nécessitant la domiciliation de ressources, ou de la difficulté quil y a, pour une partie des clients, même titulaires demprunts répondant aux critères de la renégociation, à sengager dans une négociation délicate avec leur banquier ;
Quen outre le « pacte de non-agression » na été quimparfaitement respecté par ceux-là mêmes qui y avaient adhéré, particulièrement par les établissements de crédit appartenant à des réseaux décentralisés, plus influencés par les contextes locaux ;
Que, de plus, les prêts immobiliers, produits fidélisants, pouvant ainsi servir de produits dappel, se prêtent mieux que dautres à une compétition entre les établissements distributeurs de crédit ; quune telle compétition dans loffre de production nouvelle a effectivement été observée, ainsi que cela ressort du bulletin de novembre 1995 de la Commission bancaire, précité, versé aux débats par la Société générale ;
Que la concurrence a donc continué de sexercer sur le marché des crédits immobiliers aux particuliers considérés dans son ensemble au cours de la période considérée ;
Mais considérant quen dépit de ces constatations, il doit être tenu pour certain que lentente ci-dessus définie est à lorigine dun amoindrissement sensible de lintensité de la concurrence sur ce marché ;
Considérant que cette certitude se fonde, dabord, sur les caractéristiques ci-dessus décrites de lentente en cause, sous le triple aspect du nombre des participants et de leur influence cumulée sur le marché de référence, de la durée de la pratique anticoncurrentielle, de lordre de dix-huit mois, et de la dimension géographique, laquelle correspondait au territoire de la métropole ; que ces éléments sont, surabondamment, attestés par la diversité des lieux où ont été constatés, tout au long de la période considérée, les refus de reprendre les prêts de concurrents que relatent les courriers de particuliers parvenus à certaines directions départementales de la DGCCRF (rapport, pages 174 à 176), ces refus étant pour la plupart expressément motivés par lexistence daccords de non-concurrence impliquant des participants à lentente ;
Considérant, ensuite, que le rapprochement du montant des crédits immobiliers « éligibles » à la renégociation en 1993 avec celui des renégociations qui ont effectivement eu lieu au cours de la période considérée conduit à la même conclusion ;
Considérant que la première de ces données a été évaluée par le Conseil à 600 milliards de francs en 1993 ; que ce chiffre, discuté par une partie des requérantes mais non sérieusement contesté par dautres, telle la Société générale, qui se déclare « prête à admettre » cette évaluation (exposé des moyens, p. 39), sil ne représente quun ordre de grandeur, constitue, au vu des pièces mises aux débats, une estimation acceptable du volume de lencours sensible, représenté, pour lessentiel, par les prêts immobiliers du secteur libre et les prêts réglementés, hors prêts dépargne logement, produit à partir de 1989 et au début de 1993, étant ici rappelé que lencours global des crédits relevant de ces deux catégories était, à la même époque, de lordre de 1 300 milliards de francs ; quil convient en outre de relever, en réponse aux observations de la CNCA, que le chiffre de 211,5 milliards de francs cité par le Conseil (décision, p. 3) correspond, selon les indications dun document émanant de la CNCA, établi à la fin de 1994, au moment de lencours habitat à taux élevés, cest-à-dire supérieurs à 10 %, existant en juin 1993 au Crédit agricole, que ce chiffre nest pas en contradiction avec celui de « lencours sensible » à la même date, tel que le définit la CNCA, sur la base dune note de son groupe de politique financière en date du 15 juin 1993, soit 95,1 milliards de francs (en réalité 100,1 milliards de francs selon ladite note), cet encours correspondant aux prêts à taux supérieurs à 11 %, et que lencours éligible ainsi entendu na pu que saccroître en 1993 en raison de la poursuite de la baisse des taux lesquels ont fléchi au cours de cette année pour se situer à un niveau compris entre 7,5 % et 9 %, avant de se stabiliser et de remonter au cours du second semestre de 1994, comme cela ressort du graphique établi par la CNCA (exposé des moyens, p. 44) ;
Considérant, quant au montant des renégociations, quen se fondant sur les données détaillées figurant dans létude de M. Mouillart, professeur déconomie, publiée à la revue Banque en septembre 1995, lesquelles sont corroborées par celles citées dans une autre étude du même auteur publiée en juin 1997 dans la même revue que produit la Société générale et où il est précisé que la quasi-totalité des renégociations liées à la baisse des taux amorcée en 1993 a eu lieu en 1994, le Conseil a estimé à 36,7 milliards de francs le montant des renégociations externes (remboursement anticipé avec ouverture dune nouvelle ligne de crédit par une banque tierce) ; que la même étude fait apparaître que les renégociations internes (réaménagement ou rééchelonnement de la dette par le prêteur initial) ont été de lordre de 29,6 milliards de francs en 1994, soit un total proche de 67 milliards de francs au titre des renégociations au sens large durant les deux années 1993-1994, tandis que les remboursements anticipés non liés à des renégociations sont évalués pour la même période à 28,2 milliards de francs ;
Considérant que les éléments invoqués par les requérantes - y compris les indications, insuffisamment explicitées, contenues dans lavis de la Commission bancaire - ne conduisent pas la Cour à regarder ces données comme dépourvues de pertinence ;
Et considérant que sil est vrai que la part de lencours sensible des participants à lentente ne représente quenviron deux tiers du total, soit 400 milliards de francs - la même observation valant, au demeurant, pour lestimation du volume des renégociations, au sens large, qui leur est imputable - et que pour apprécier leffet des pratiques en cause, il doit, sous la réserve ci-après exprimée, être tenu compte, en plus des renégociations externes, du montant des crédits à lhabitat ayant donné lieu à réaménagement par létablissement préteur ou à un simple remboursement anticipé, soit environ 60 milliards de francs, dès lors que les titulaires de ces crédits navaient plus de raison de se tourner vers la concurrence pour obtenir un prêt lui permettant de racheter de leur, il reste que le profit retiré par les emprunteurs de lensemble de ces opérations apparaît être demeuré en-deçà du niveau quil aurait dû atteindre selon le cours normal des choses, dans un contexte qui était favorable aux consommateurs, tant sur le plan juridique, par suite du plafonnement de lindemnité de remboursement anticipé, quà raison de la forte médiatisation pendant la période considérée du thème de la renégociation des crédits immobiliers ;
4. Sur limputabilité de lentente :
Considérant que la CNCEP, faisant valoir, dun côté, que les sanctions prononcées par le Conseil de la concurrence revêtent un caractère pénal au sens de larticle 6 de la CEDH et, de lautre, que le groupement dintérêt économique Centre national des caisses dépargne (CENCEP), visé par la notification de griefs, a fait lobjet dune dissolution dans le délai de trois mois suivant la publication de la loi no 99-532 du 25 juin 1999 relative à lépargne et à la sécurité financière, conformément aux dispositions de larticle 29 de ladite loi, soutient que cest au prix dune violation du principe de la personnalité des peines, applicable aux personnes morales, que le Conseil a refusé de la mettre hors de cause ;
Mais considérant que sil est exact que doivent être regardées comme une accusation en matière pénale les poursuites engagées en vue de sanctions pécuniaires ayant le caractère dune punition prononcée par une autorité administrative, telles que celles que peut infliger le Conseil de la concurrence, et sil est vrai, aussi, quil existe une règle fondamentale du droit pénal selon laquelle la responsabilité pénale ne suivit pas à lauteur de linfraction, cest sans méconnaître ladite règle que le Conseil de la concurrence a imputé à la CNCEP la responsabilité des pratiques anticoncurrentielles relevées à lencontre du CENCEP ;
Considérant, en effet, dune part, que les sanctions prévues à larticle L. 464-2 du code de commerce sont applicables aux entreprises auteurs des pratiques anticoncurrentielles prohibées par les articles L. 420-1 et suivants du même code et, dautre part, que lorsque, entre le moment où les pratiques ont été mises en uvre et le moment où lentreprise en cause doit en répondre, la personne morale responsable de lexploitation a cessé dexister juridiquement, les pratiques sont imputées à la personne morale à laquelle lentreprise a été juridiquement transmise et, à défaut dune telle transmission, à celle qui assure en fait sa continuité économique et fonctionnelle ;
Considérant quen lespèce les biens, droits et obligations du CENCEP ont été, ainsi que le prévoyait le texte précité, transférés à la CNCEP qui a repris son activité et à laquelle appartiennent désormais les éléments matériels et humains ayant concouru à la commission de linfranction ; quen conséquence, la CNCEP doit répondre des pratiques du CENCEP ;
C. - Sur les sanctions
Considérant que, selon
larticle L. 464-2 du code de commerce, dans sa rédaction applicable
en la cause, les sanctions pécuniaires sont proportionnées à
la gravité des faits reprochés, à limportance du
dommage causé à léconomie et à la situation
de lentreprise ou de lorganisme sanctionné ; quelles
sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme
sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ;
Considérant que les requérantes reprochent
au Conseil de la concurrence davoir, en se fondant sur des données
ni pertinentes ni exactes et au prix derreurs manifestes dappréciation,
infligé des sanctions manifestement disproportionnées à
la gravité des faits quil a estimé établis et au
prétendu dommage à léconomie, lequel na pas
été prouvé, et est, en tout cas, difficile à percevoir,
comme lavait du reste reconnu le ministre chargé de léconomie
dans ses observations du 6 décembre 1999, au terme desquelles il
invitait le Conseil à prononcer des « sanctions limitées » ;
que les parties font en outre grief au Conseil de la concurrence davoir,
en méconnaissance des dispositions précitées selon lesquelles
les sanctions sont déterminées individuellement pour chaque entreprise
ou organisme sanctionné, négligé de tenir compte des éléments
propres à chacune delles et de leur contribution réelle
au fonctionnement de lentente retenue ;
Mais considérant, en premier lieu, sagissant
de la gravité des faits, quil doit être souligné que
les pratiques constatées à lencontre des requérantes
tendaient à priver les emprunteurs, souhaitant atténuer les effets
dun taux fixe élevé, de la possibilité de se prévaloir
auprès de leur propre banque de loffre dun concurrent, ce
qui permettait à létablissement de crédit prêteur
de mieux résister aux demandes de ses clients ou, à tout le moins,
de limiter les effets des réaménagements des crédits à
lhabitat en termes de perte de rémunération, notamment en
subordonnant ceux-ci à des contreparties ;
Que sont révélateurs, à cet égard,
le « Guide de la renégociation » élaboré
en janvier 1994 par la direction centrale des réseaux métropolitains
de la BNP, selon lequel il y a lieu, en cas de renégociation, de « négocier
une contrepartie » et de valoriser limportance de ce geste
qui doit constituer « une opportunité de placement de produit
ou de service » (pièce figurant à lannexe XI
jointe à la déclaration de recours de la BNP), ainsi que largumentaire
annexé à linstruction no 1988 du 23 juillet
1993, émanant de la direction du réseau France (clientèle
individuelle) de la Société générale, et où
il est indiqué, sous lintitulé « pourquoi
et comment limiter limpact des renégociations dans le cadre dune
politique de préservation de notre fonds de commerce ? »,
que si, sur le plan juridique, le client ne peut remettre en cause le taux
qui lui a été consenti à lorigine, « sur
le plan commercial, il en va tout autrement et les propositions de rachat de
la concurrence, notamment, nous obligent à envisager la possibilité
dune renégociation » (rapport, p. 211) ;
que cette dernière observation fait clairement ressortir que cest
le jeu dun marché pleinement concurrentiel, entravé par
laction concertée, qui conduisait à loctroi par létablissement
prêteur, à qui il était demandé de saligner
sur la meilleure offre de la concurrence, des conditions les plus avantageuses,
cest-à-dire équivalentes à cette offre, compte tenu
du coût du départ vers la concurrence (indemnité de remboursement
anticipé et, le cas échéant, frais de dossier, de mainlevée
et dinscription dhypothèque) ;
Considérant que ce type dentente, affectant
indirectement les taux dintérêts, cest-à-dire
en définitive le prix dun service payé par les consommateurs,
par leffet de dissuasion recherché auprès de ces derniers,
constitue, comme le relève le Conseil, lune des pratiques anticoncurrentielles
les plus graves ; que cette appréciation est dautant plus
fondée en lespèce que la concertation incriminée
entravait lapplication, au bénéfice des consommateurs, des
dispositions des articles L. 312-21 et R. 312-2 du code de la consommation
en vertu desquelles lindemnité stipulée en cas de remboursement
par anticipation ne peut dépasser 3 % du capital restant dû
avant le remboursement ;
Quil doit être pareillement souligné,
sous ce rapport, que lentente a été mise en uvre par
les réseaux les plus importants, jouissant dune forte réputation,
quaucun deux ne pouvait ignorer lillicéité dune
telle pratique et que, de surcroît, celle-ci a couvert une période
étendue, comprise entre la deuxième moitié du deuxième
trimestre de 1993 et la fin de lannée 1994 ; que linvocation
de la dégradation de la rentabilité de lactivité
bancaire, à partir de 1991, sous leffet de la crise immobilière
et de laugmentation du nombre des défaillances dentreprises
est, à cet égard, inopérante ;
Considérant, en deuxième lieu, que la
réalité du dommage causé à léconomie
sur le marché de référence résulte suffisamment
des constatations qui précèdent, relatives aux effets de lentente,
et notamment des chiffres précédemment cités, quant au
montant des encours potentiellement renégociables, lequels donnent un
ordre de grandeur de lassiette du dommage à léconomie,
et quant à celui des renégociations tant externes quinternes ;
quil y a lieu, en outre, de rappeler ici que lentrave apportée
au jeu de la concurrence, ayant pour conséquence daffaiblir la
position des clients sollicitant le réaménagement de leur dette
par létablissement prêteur dorigine, a nécessairement
eu un impact significatif, même sil est impossible de le mesurer,
sur les conditions dans lesquelles ces réaménagements ont eu lieu ;
que le Conseil, qui nétait pas tenu de rechercher quel avait été
le comportement des établissements de crédit nayant pas
participé à lentente, a par ailleur relevé que le
logement constitue linvestissement en valeur le plus important des ménages,
quune part substantielle dun tel investissement est constituée
par les sommes acquittées au titre des emprunts et que le remboursement
de ces emprunts représente 30 % en moyenne du revenu disponible
des ménages concernés ;
Considérant, cependant, que doit aussi être
pris en considération le fait que lapplication du « pacte
de non-agression », loin dêtre uniforme, a varié
dans le temps et selon les régions et quainsi quil a été
dit, la concurrence sest maintenue à un degré appréciable,
même pour la distribution de crédits affectés au remboursement
anticipé de prêts à taux élevés ; que
cette observation est vérifiée par le fait que la production nouvelle
associée à ces renégociations a représenté
16 % de la production brute correspondante de 1994 ;
Considérant, en troisième lieu, que la
BNP Paribas soutient à tort quelle a été sanctionnée
en tant quinstigatrice de laction concertée ; quau
demeurant linstruction na pas mis en évidence lexistence
dun ou plusieurs « instigateurs », les établissements
de crédit en cause ayant pris part dans des conditions équivalentes
à lentente relevée ;
Que cest également à tort que cette
partie soutient que le Conseil de la concurrence na pas précisé
sur quels éléments il sétait appuyé pour déterminer
lassiette de la sanction pécuniaire qui lui a été
infligée ; que le Conseil précise sur ce point quil
sest référé au chiffre daffaires du dernier
exercice clos et que ce nest que lorsque cette donnée faisait défaut,
pour les raisons quil indique - ce qui nétait pas le
cas sagissant de la BNP - quil a pris en considération,
pour évaluer le montant maximal de la sanction pécuniaire encourue,
le produit brut bancaire ;
Considérant que, contrairement à ce quallègue
le Crédit lyonnais, il est tenu compte, pour la fixation des sanctions,
du pouvoir de chacun des réseaux concernés sur le marché
du crédit immobilier aux particuliers, et donc de la situation qui était
sienne à lépoque des faits ;
Considérant que la Société générale
déclare avoir été renégocié, au taux du marché,
57 % de son encours éligible de mi-93 à mi-95, soit 13,3 milliards
de francs ; quelle indique en outre que pour les deux années
précitées, des prêts ont été « rachetés »
à la concurrence pour un montant total de 950 millions de francs ;
Considérant cependant que, selon largumentaire
annexé à linstruction précitée du 23 juillet
1993, il était « impératif », à
partir de lanalyse du dossier, « de rechercher une proposition
limitant lampleur de la baisse de taux consentie » (rapport,
p. 208) et quà les supposer exacts, les chiffres invoqués
sont impropres à démontrer quaucun dommage à léconomie
nest résulté du comportement du réseau centralisé
de la Société générale dès lors quils
font ressortir que cette banque a essentiellement procédé à
des réaménagements internes et que laction concertée
visait précisément, comme il a été dit, à
prévenir limmixtion de concurrents dans le processus de renégociation ;
Considérant, sagisssant des chefs de réseaux
mutualistes, à savoir la CNCA, la CNCEP et la Confédération
nationale du crédit mutuel, quil est exact que le comportement
des caisses régionales membres de ces réseaux, dotées du
statut détablissements de crédits, a été hétérogène
et que certains de ces établissements, telle la Caisse dépargne
dIle-de-France, ont permis le maintien dune concurrence perceptible
non seulement sur le terrain de la production nouvelle de crédits à
lhabitat, mais même sur celui de la renégociation externe
demprunts antérieurement contractés ; que cette observation
vaut particulièrement pour les caisses dépargne et les caisses
du crédit mutuel, dont lattitude a, localement, suscité
les protestations parfois vives dautres réseaux participants aux
pratiques litigieuses ; quil nen demeure pas moins quun
tel constat, qui sexplique par la structure des réseaux mutualistes,
laquelle les rend plus sensibles aux facteurs locaux de concurrence, nest
pas de nature à atténuer la responsabilité propre des organes
centraux ayant manifesté leur volonté dadhérer au
« pacte de non-agression » ;
Considérant quen dépit du réel
degré dautonomie inhérent à leur statut, la Caisse
dépargne des Alpes, la CRCAM de la Loire-Atlantique et la Fédération
du crédit mutuel océan ont mis en uvre la pratique anticoncurrentielle ;
que les éléments de preuve précédemment cités,
corroborés par la teneur dun courrier en date du 25 octobre
1994 dun client du Crédit mutuel de la Vendée (rapport,
p. 176), contredisent la thèse de la CRCAM de la Loire-Atlantique
selon laquelle seule une « application ponctuelle »
de ladite pratique pourrait être retenue à son encontre ;
que la contribution active de la Caisse dépargne des Alpes à
la mise en uvre de lentente dans son ressort territorial a été
précédemment mise en évidence ;
Considérant que la CNCEP et la Caisse dépargne
des Alpes soutiennent que le Conseil de la concurrence, qui sest référé,
en ce qui les concerne, au « produit brut bancaire »,
ne pouvait prononcer de sanction pécuniaire à leur encontre
faute de disposer dune assiette telle que définie à larticle
L. 464-2 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en la
cause ;
Mais considérant, dune part, que, répondant,
respectivement, les 28 avril et 12 mai 2000 aux demandes de chiffres
daffaires relatives à lexercice clos le 31 décembre
1999 qui leur avaient été adressées par le rapporteur,
la CNCEP et la Caisse dépargne des Alpes nont pas communiqué
de chiffres daffaires, la rubrique correspondante de leur liasse fiscale
nétant pas remplie, mais ont indiqué avoir réalisé
en France, au cours de lexercice 1999, un produit brut bancaire sélevant,
respectivement, à 20 759 248 000 F et 3 027 444 901 F ;
quayant ainsi elles-mêmes communiqué les éléments
financiers auxquels sest référé le Conseil de la
concurrence pour la détermination de lassiette de la sanction pécuniaire
encourue, ces entreprises ne peuvent utilement lui faire grief de les avoir
pris en considération ;
Considérant, dautre part, quil nest
pas établi, ni même allégué, que les sanctions prononcées
à lencontre de ces dernières, qui ne justifient pas avoir
réalisé des activités à létranger,
excèdent la limite de 5 % prévue par le texte précité
calculée sur la base de la notion quil convenait, selon elles,
de retenir, notion quelles ne jugent pas utile de préciser ;
Considérant quen létat de
lensemble des éléments dappréciation généraux
et individuels ci-dessus indiqués, les sanctions pécuniaires respectivement
infligées aux requérantes apparaissent proportionnées à
la gravité des faits reprochés, à limportance du
dommage causé à léconomie et à la situation
des entreprises et organismes sanctionnés, au regard, notamment, de leur
position sur le marché considéré et de leurs facultés
contributives ;
Considérant que la publication ordonnée
par le Conseil de la concurrence est justifée par des motifs appropriés,
quil sagisse du principe ou des modalités de cette mesure ;
Considérant quil ny a pas lieu de
faire application des dispositions de larticle 700 du nouveau code
de procédure civile ;
Par ces motifs :
Dit ny avoir lieu décarter des débats
les observations déposées par le Conseil de la concurrence ;
Déclaire mal fondée la demande du ministre
de léconomie tendant au rejet de pièces produites par les
sociétés BNP Paribas, Société générale,
Caisse nationale de crédit agricole et Caisse dépargne des
Alpes ;
Rejette les recours ;
Dit que chaque partie conservera la charge des dépens
exposés au titre de la présente instance.
Le greffier Le
président
(*) Décision no 2000-D-28 du Conseil de la concurrence en date du 19 septembre 2001 (parution dans le BOCCRF no 13 du 5 décembre 2000).
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