Sommaire | N° 2 du 31 janvier 2002 |
NOR : ECOC0100463X
Demanderesse au recours :
La Française des jeux, société
déconomie mixte, ayant son siège 5-7, rue Beffroy,
92523 Neuilly-sur-Seine, prise en la personne de son président du
conseil dadministration, représentée par la SCP Duboscq-Pellerin,
avoués, 18, rue Séguier, 75006 Paris, assistée
de Me J. Alquezar, avocat, 21, avenue Victor-Hugo,
75116 Paris, toque L 215.
Défendeur au recours :
Me Ayache, domicilié 5-7, rue
de lAmiral-Courbet, 94165 Saint-Mandé Cedex, mandataire liquidateur
et représentant les créanciers :
du groupe TELCI, ayant son siège
social 22, rue Rennequin, 75017 Paris ;
de la société TIM, ayant son
siège social 22, rue Rennequin, 75017 Paris,
représenté par la SCP Garrabos Gerigny-Freneaux, avoués,
103, rue Lafayette, 75010 Paris, assisté de Me C.
Khayat, avocat, 47, rue de Monceau, 75008 Paris, toque P 261.
En présence du ministre de léconomie,
des finances et du budget, représenté aux débats par Mme Bibet,
munie dun mandat régulier.
Composition de la cour lors des débats et du
délibéré :
M. Cavarroc, président ;
M. Remenieras, conseiller ;
Mme Penichon, conseiller.
Greffier lors des débats : Mme Thierry,
du prononcé de larrêt : Mme Jagodzinski.
Ministère public : M. Woirhaye, substitut
général, qui a déposé ses observations.
Arrêt prononcé publiquement le 20 novembre 2001,
par M. Cavarroc, président, qui a signé la minute avec Mme Jagodzinski,
greffier.
Après avoir, à laudience publique
du 9 octobre 2001, entendu les conseils des parties, les observations
de Mme le représentant du ministre chargé de léconomie
et examiné celles du ministère public ;
Saisi successivement par les sociétés
anonymes TIM et groupe TELCI, le ministre chargé de léconomie
et des finances et M. Espinguet, débitant de tabac, de pratiques
mises en uvre par la société Française des jeux dans
les secteurs de la maintenance informatique et du mobilier de comptoir, le Conseil
de la concurrence (le Conseil) a, par décision no 2000-D-50
du 5 mars 2001, infligé à cette entreprise une sanction
pécuniaire de 17 millions de francs pour avoir, au mépris
des dispositions de larticle L. 420-2 du code de commerce, exploité
abusivement sa position dominante sur le marché des jeux de hasard pur
distribués par elle :
dune part, en subordonnant lagrément
de ses détaillants à lacquisition de deux éléments
de mobilier, dits « comptoir terminal » et « espaces-jeux »,
dont elle était le fournisseur exclusif, et en exerçant des pressions
sur plusieurs revendeurs déjà agréés pour les inciter
à faire lacquisition dudit mobilier ;
dautre part, en consentant à
sa filiale, La Française de maintenance, par lutilisation des ressources
tirées du monopole des jeux, une subvention qui a permis à cette
dernière de pratiquer, sur le marché de la maintenance informatique,
des prix inférieurs à ses coûts variables et demporter
dix-sept contrats de maintenance.
Au soutien du recours en annulation quelle a introduit
le 9 avril 2001, la société Française des jeux a fait
valoir, sur le grief relatif au marché du mobilier de comptoir, que le
Conseil était incompétent pour connaître des faits qui mettent
en jeu des relations contractuelles entre mandant et mandataire, que le droit
de propriété intellectuelle dont elle disposait sur le mobilier
de comptoir faisait obstacle à la qualification de ces pratiques au regard
de larticle L. 420-2 du code de commerce et que ces dernières
étaient justifiées au regard de larticle L. 420-4 dudit
code.
Concernant les pratiques relevées sur le marché
de la maintenance informatique, elle a soutenu tout dabord que le principe
du contradictoire navait pas été respecté par le
Conseil. Elle a ensuite contesté lexistence dun lien de connexité
entre le marché des jeux de hasard pur et le marché de la maintenance
informatique, lanalyse des coûts variables retenus par le rapporteur
et leffet anticoncurrentiel de la pratique de prix bas mise en uvre
par sa filiale, la société Française de maintenance.
Estimant les deux griefs non fondés, elle demande
à la Cour :
à titre principal, dannuler
la décision du Conseil ;
de dire et juger, sur le premier grief,
que le contrôle des relations contractuelles unissant La Française
des jeux à ses détaillants nentre pas dans le champ dapplication
de larticle L. 420-2 du code de commerce et par là même
ne relève pas de la compétence du Conseil, de constater, en tout
état de cause, que cette entreprise dispose dun droit de propriété
intellectuelle sur le mobilier « espace-jeux » lui conférant
la faculté de sen réserver la fabrication et la commercialisation
exclusives et que le grief relatif aux pratiques perpétrées sur
le marché du mobilier de comptoir nest pas caractérisé ;
de dire et juger, sur le second grief, que
le Conseil a violé le principe du contradictoire et que sa décision
est entachée de nullité pour contradiction de motifs et quil
nexiste aucun lien de connexité entre le marché des jeux
de hasard pur et celui de la maintenance informatique ; de constater, subsidiairement,
labsence de prix prédateurs à lendroit de La Française
de maintenance et labsence dimpact et de durée de la pratique
sur le marché et de déclarer infondé le grief concernant
le marché de la maintenance informatique ;
à titre infiniment subsidiaire, de
supprimer, voire réduire la sanction infligée par le Conseil au
titre des deux griefs notifiés.
Reprenant pour lessentiel largumentation
du Conseil, à lexception de la qualification de la stratégie
mise en uvre par La Française des jeux quil estime prédatrice,
en raison du caractère fortement déficitaire des contrats, de
la mise en évidence de lintention de « pratiquer un
prix dappel pour entrer dans le compte, afin dobtenir ensuite des
prix plus rentables » et de la durée des pratiques, Me Ayache,
mandataire-liquidateur et représentant des créanciers des sociétés
anonymes groupe TELCI et TIM, demande à la Cour de confirmer la décision
du Conseil, de condamner La Française des jeux à lui payer la
somme de 50 000 F en vertu des dispositions de larticle 700
du NCPC ainsi que les dépens, dont le montant sera recouvré directement
par la SCP Garrabos et Gerigny-Freneaux, avoués près la cour dappel
de Paris, conformément aux dispositions de larticle 699 du
NCPC.
Le Conseil de la concurrence a fait valoir ses observations
par lettre du 25 juillet 2001.
Le ministre de léconomie et le ministère
public ont été entendus en leurs observations orales tendant au
rejet du recours.
Le requérant a eu la parole en dernier.
Sur
ce, la Cour :
Sur
la procédure :
Considérant que le requérant soutient
que le Conseil de la concurrence a violé le principe du contradictoire,
dune part, en qualifiant les pratiques sur le marché de la maintenance
informatique de « pratique commerciale qui, sans être prédatrice,
a entraîné une perturbation durable du marché qui naurait
pas eu lieu sans elle », alors que la notification de griefs ne contient
pas une telle mention, et, dautre part, en retenant une position différente
de celle de son rapporteur sur le lien de connexité existant entre le
marché des jeux de hasard pur et celui de la maintenance informatique ;
Considérant sur le premier moyen quil était
reproché à la société Française des jeux
« davoir fait une exploitation abusive de sa position dominante
en faisant exécuter par sa filiale, La Française de maintenance,
des prestations de services sur le marché de la maintenance informatique
à des prix inférieurs aux coûts variables afférents
à ces prestations » ; que le requérant ne
saurait se prévaloir dune violation du principe du contradictoire
dès lors que le grief notifié, qui ne comporte pas la qualification
de prédation, et le grief retenu par le Conseil ont porté sur
les mêmes faits, en lespèce, les prix pratiqués dans
les contrats de maintenance informatique passés par la société
Française des jeux et que tous les éléments de fait entrant
dans la qualification ont été débattus contradictoirement,
notamment le montant de la subvention et le calcul des coûts variables ;
Considérant sur le second moyen que le Conseil
ayant seul compétence pour qualifier les pratiques, il nétait
pas lié par les appréciations portées sur le lien de connexité
par le rapporteur qui, au demeurant, avait conclu à lexistence
dun abus de position dominante ; quil ne saurait être
induit de cette divergence des positions une violation du principe du contradictoire
dès lors quil ressort de la procédure que les éléments
de fait et de droit versés au dossier sur lexistence dun
lien de connexité ont été discutés contradictoirement ;
Sur
le fond :
En ce
qui concerne la compétence du Conseil de la concurrence :
Considérant quà lappui de
son argumentation le requérant fait valoir, concernant le premier grief,
que le Conseil nest compétent pour connaître ni des différends
liés aux contrats de mandat qui lunissent à ses détaillants
ni de léquilibre contractuel des relations entre mandant et mandataire,
ces accords relevant exclusivement des juridictions civiles, en raison de leur
nature, et se trouvant par conséquent hors du champ de larticle
L. 420-2 du code de commerce ; quil ajoute, faisant référence
à la communication de la Commission européenne relative aux contrats
de représentation exclusive conclus avec les agents commerciaux, que
« linterdiction des ententes prévues par larticle 85-1
du traité de Rome ne vise pas les contrats conclus avec des agents commerciaux,
lesquels sont des mandataires dintérêt commun » ;
Considérant que la formalisation partielle de
ces pratiques dans des contrats de nature civile, qualifiés de mandat,
nest pas de nature à les exclure du champ dapplication de
larticle L. 420-2 du code de commerce, la référence
à la communication précitée de la Commission étant
dépourvue de pertinence dès lors que le requérant, qui
linvoque pour la première fois devant la Cour, ne justifie pas
être dans ce cadre ;
Considérant, en effet, que le Conseil de la concurrence
a censuré le comportement dune société en position
dominante qui avait subordonné lagrément de ses nouveaux
détaillants à lacquisition de deux éléments
du mobilier dont elle était fournisseur exclusif et avait exercé
des pressions sur plusieurs revendeurs déjà agréés
pour les inciter à faire lacquisition dudit mobilier, restreignant
ainsi la concurrence sur le marché du mobilier du comptoir ;
Que ces agissements, qui concernent la fourniture par
une entreprise de prestations de services déquipements à
des opérateurs économiques, qui offrent des jeux et sont rémunérés
par des commissions versées en pourcentage des mises effectuées,
entrent, dune part, dans le champ dapplication de larticle
L. 410-1 du code de commerce, et, dautre part, dans les prévisions
de larticle L. 420-2 dudit code, sagissant de pratiques mises
en uvre par une société en position dominante susceptibles
de fausser le jeu de la concurrence ;
Que le Conseil a donc compétence pour en connaître ;
En ce
qui concerne les pratiques relevées sur le marché du mobilier
de comptoir :
Considérant que le requérant soutient,
en premier lieu, que le droit de propriété intellectuelle dont
il dispose sur le mobilier « espace-jeux » lui donne la
faculté de sen réserver la fabrication et la commercialisation
exclusives, laquelle ne saurait caractériser une pratique prohibée ;
Considérant cependant que le grief critiqué
ne porte pas sur lexercice des prérogatives conférées
par le droit de propriété intellectuelle dont La Française
des jeux est titulaire mais sur une pratique distincte ;
Quen lespèce il est reproché
au requérant, détenteur dune position dominante sur le marché
des jeux de hasard pur distribués par elle, davoir subordonné
lagrément de ses détaillants à lacquisition
de deux éléments du mobilier, dits « comptoir terminal »
et « espace-jeux », dont il était le fournisseur
exclusif, et exercé des pressions sur des revendeurs déjà
agréés pour les inciter à faire lacquisition de ce
mobilier, agissements qui ont empêché les détaillants de
faire jouer leur liberté commerciale au profit dautres fabricants
de mobilier de comptoir et ont privé ces derniers daccéder
à leur demande, ce qui était de nature à réduire
lintensité de la concurrence sur le marché du mobilier de
comptoir et à fausser, de surcroît, la compétition existant
entre les détaillants, sur la même zone de chalandise ;
Que, dès lors, ce moyen ne peut quêtre
rejeté ;
Considérant que la société requérante
prétend, en second lieu, que lobligation faite aux détaillants
déquiper leurs points de vente avec le mobilier « espaces-jeux »
a entraîné une progression de leur chiffre daffaires et,
par voie de conséquence, était justifiée au regard de larticle
L. 420-4 du code de commerce ; quelle souligne encore que lanalyse
des prix de cession du mobilier pratiqués montre quelle na
pas cherché à réaliser des profits ;
Mais considérant quen mettant en uvre
les pratiques sus-mentionnées et en fixant ses prix à un niveau
supérieur à ceux du marché, soit 38 770 F contre
25 000 F après le changement de fournisseurs, la société
Française des jeux a fait de sa position dominante une exploitation abusive ;
quen effet la politique daménagement des espaces de vente
et de présentation des produits décidée par cette entreprise
a dépassé ce qui était strictement nécessaire à
sa mise en uvre dès lors que les mêmes finalités pouvaient
être atteintes par dautres méthodes telles quun cahier
des charges précisant les spécifications objectives de qualité
recherchées et quil existait des opérateurs susceptibles
de les proposer ;
Que peu importe que la pratique ait été
bénéfique pour le chiffre daffaires des détaillants
et quelle nait tiré aucun profit du système ainsi
mis en place, dès lors que les détaillants ont été
empêchés de faire jouer leur liberté commerciale au profit
dautres fabricants de mobilier de comptoir et réciproquement, réduisant
ainsi lintensité de la concurrence sur ce marché ;
En ce
qui concerne les pratiques relevées sur le marché de la maintenance
informatique :
Sur
la connexité entre les marchés visés :
Considérant quau soutien de son argumentation
sur labsence de lien de connexité entre le marché des jeux
de hasard pur et le marché de la maintenance informatique sur lequel
les pratiques ont été relevées, le requérant fait
valoir, dune part, quil nexiste pas de lien étroit
entre ces deux marchés et que le seul fait que La Française des
jeux utilise, pour certains jeux, des techniques informatiques afin de valider
les mises est insuffisant à établir cette relation ; quelle
fait valoir, dautre part, que la finalité sociale de la sur-rémunération
accordée aux techniciens de La Française de maintenance ne peut
servir de fondement à une relation de causalité entre la domination
de lun des marchés et les pratiques relevées sur lautre ;
Considérant quil résulte de la procédure
que La Française des jeux, en position dominante sur le marché
des jeux de hasard pur, a apporté à sa filiale, La Française
de maintenance, quelle détenait à 90 % et à
laquelle elle avait consenti lexclusivité de la maintenance de
son parc informatique pour lorganisation de ses jeux, une aide sous la
forme dune surrémunération octroyée à ses
techniciens, qui a permis le financement des surcoûts salariaux supportés
par cette filiale, laquelle rétribuait ses salariés au-dessus
du niveau du marché ;
Que cette subvention, qui résultait de transferts
de ressources provenant de la rente dégagée grâce à
la position détenue sur le marché dominé, sest élevée,
en 1996, à 17,795 millions de francs pour les contrats de maintenance
Saphir dédiés aux terminaux de La Française des jeux ;
quelle a permis à La Française de maintenance de pratiquer
sur le marché concurrentiel de la maintenance informatique des prix inférieurs
à ses coûts variables et de remporter dix-sept contrats de maintenance
que des concurrents auraient pu obtenir si cette pratique de prix navait
pas été mise en uvre ;
Considérant que labus de position dominante
commis sur un marché distinct du marché dominé peut être
sanctionné dès lors quexistent un lien de connexité
suffisant entre les deux marchés et un rapport de causalité entre
la domination de lun des marchés et les pratiques relevées
sur lautre ; que les marchés peuvent être non seulement
liés par nature mais aussi du fait même de lentreprise dominante,
lorsque celle-ci établit par son comportement un lien de connexité
entre les deux marchés ; que tel est notamment le cas lorsquelle
finance abusivement, par des transferts de ressources provenant de la rente
dégagée grâce à la position détenue sur le
marché dominé, lactivité concurrentielle exercée
par sa filiale sur un marché distinct, en lui permettant lapplication
de prix inférieurs à ses coûts variables ;
Considérant quen relevant, à titre
principal, que La Française des jeux, société déconomie
mixte, titulaire dun monopole légal lui permettant davoir
ses charges couvertes par « la part des mises allouées
à lorganisation des jeux, fixée par lEtat »,
a pu sabstraire des conditions de rentabilité des entreprises
du secteur concurrentiel en utilisant la rente dégagée sur le
marché dominé des jeux de hasard pur pour financer les surcoûts
salariaux de sa filiale, et développer ainsi sa position sur le marché
de la maintenance informatique, le Conseil a suffisamment caractérisé
le lien de connexité entre les deux marchés ; quau
surplus il a également remarqué que « la technique
utilisée pour valider les mises des joueurs repose sur lemploi
de procédures informatiques dont la fiabilité constitue un élément
essentiel au succès de certains jeux », caractérisant
ainsi un élément de connexité par nature entre les deux
marchés ;
Quenfin, la société requérante
a reconnu elle-même lexistence de ce lien lorsquelle a précisé,
dans ses observations déposées tant devant le Conseil que devant
la Cour, que les surrémunérations accordées à sa
filiale étaient une garantie pour obtenir un fonctionnement permanent
de ses jeux de terminaux de loteries ;
Sur
lobjet et leffet anticoncurrentiel des pratiques :
Considérant, dune part, que la société
requérante soutient quelle na consenti à la société
Française de maintenance aucun avantage financier et quaprès
avoir fait remarquer que le Conseil navait pas tenu compte de la difficulté
de procéder à une estimation préalable de la prestation
de maintenance informatique, elle conteste avoir pratiqué des prix inférieurs
à la moyenne des coûts variables, les frais de personnel, non corrélés
à lévolution du chiffre daffaires, ne constituant
pas des coûts variables ; quelle souligne également,
en prenant lexemple du contrat passé avec lANPE en 1996,
que le prix nétait pas inférieur « au coût
moyen variable prévisionnel du chantier considéré » ;
Que, dautre part, elle allègue que le marché
na pas été affecté par la pratique de prix bas qui
ne constitue pas, ainsi que la retenu le Conseil, une stratégie
prédatrice délibérée et qui, dune durée
limitée, a eu un faible impact sur le marché de la maintenance
informatique ; que, sur ce dernier point, elle observe quelle a été
sanctionnée sur la base dune contradiction, dans la mesure où
le Conseil ne peut affirmer que la pratique a entraîné une perturbation
durable du marché et retenir, au titre des circonstances atténuantes,
la durée limitée de celle-ci ;
Considérant toutefois quil résulte
des investigations effectuées, notamment des déclarations des
dirigeants de La Française de maintenance, que laide financière
consentie par La Française des jeux à sa filiale, sous forme
dune surrémunération des contrats, a été affectée,
en 1996, à hauteur de 17,795 millions de francs aux contrats de
maintenance SAPHIR et de 3,52 millions de francs aux contrats « hors
groupe » ; que sur les 100 contrats de fourniture de prestations
de services informatiques conclus pendant cette période par La Française
de maintenance avec des entreprises extérieures au groupe, 17 lont
été à des prix inférieurs aux coûts variables ;
Considérant, sur les prix pratiqués, que,
dune part, et contrairement à ce qui est soutenu par la société
requérante, le caractère déficitaire des contrats ne peut
être expliqué par la seule difficulté de procéder
à une évaluation préalable de la prestation, caractéristique
qui est lapanage de nombreux secteurs, dès lors que la perte moyenne,
par rapport aux coûts variables afférents à ces prestations,
sest élévée à 35,47 % et que la marge
avant impôt retenue par La Française des jeux était
de 2 à 3 %, alors que pour se prémunir contre les aléas,
les opérateurs du secteur calculaient leurs soumissions en prévoyant
une marge avant impôt denviron 10 % ;
Que, dautre part, les frais de personnel doivent
être regardés comme des coûts variables dès lors quainsi
quil résulte du tableau établi par le Conseil en page 13
de sa décision, leur masse, sur cinq ans, a augmenté, diminué
ou est restée stable en proportion de lactivité de la société,
analyse confortée par la pratique comptable de La Française des
jeux qui, pour les 100 contrats de maintenance informatique commercialisés,
a classé les frais de personnel dans les coûts variables directs
ou indirects ; que, sagissant du contrat conclu avec lANPE
en 1996, il résulte des déclarations des responsables de la filiale
Française de Maintenance, notamment lors dune réunion du
13 septembre 1995, que le prix était « un prix dappel,
sans marge, pour entrer dans le compte afin dobtenir ensuite des prestations
de services plus rentables » ; que, même en suivant
le raisonnement du requérant sur lexistence dun écart
entre le coût prévisionnel et le coût réel, il sagissait
dun prix situé en-deça dune évaluation prévisionnelle
moyenne, la marge nette étant fixée à 2 % avant impôt
alors que la marge usuelle est de 10 % ;
Considérant, sur latteinte à la
concurrence, que les pratiques de prix bas, rendues possibles par loctroi,
à la filiale dune entreprise disposant dun monopole public,
de subventions tirées de la rente dégagée dans lactivité
monopolistique, jointes à la force commerciale de celle-ci, composée
de points de vente situés sur tout le territoire, ont contribué
à lobtention des contrats en cause, affectant la capacité
concurrentielle dautres opérateurs et permettant à la société
Française de Maintenance dacquérir un poids économique
et une réputation déterminants pour son avenir autrement que par
ses propres mérites ; que cest cependant, à juste titre,
en labsence dune stratégie généralisée,
que le Conseil a écarté la qualification de prix prédateurs
en relevant que la très faible part détenue par la Française
de Maintenance sur le marché de la maintenance informatique (entre 0,5
et 0,7 %), combinée au caractère modeste des barrières
à lentrée, rendait improbable le succès dune
stratégie délimination des concurrents permettant ensuite
de relever les prix ;
Quenfin le Conseil a pu, sans se contredire, mentionner
que ces agissements avaient perturbé de manière significative
le marché de la maintenance informatique et retenir, au titre des circonstances
atténuantes, la durée limitée des pratiques, dès
lors que ces dernières, si elles ont affecté le marché
en profondeur, compte tenu du niveau des prix très inférieurs
à ceux des concurrents et de la « forte visibilité »
des accords conclus avec lANPE ou la SNCF nont pas excédé
une certaine durée, ayant été commises au cours des années
1995 et 1996 ;
Sur
le montant de la sanction :
Considérant que, dans son mémoire en réplique,
le requérant fait valoir que le Conseil na pas tenu compte, dans
lappréciation du premier grief, de la coopération de La
Française des jeux et du faible impact de la pratique sur le marché
du mobilier de comptoir et quil a apprécié la sanction au
regard de leffet de son comportement sur les détaillants alors
que seul celui sur les concurrents devait être pris en considération ;
Considérant que la sanction prononcée
na pas pour but de réparer un préjudice, celui des détaillants
ou des concurrents, ainsi que semble linduire la remarque du requérant,
mais de sanctionner le dommage à léconomie à partir
dun indicateur objectif, reposant sur les prix pratiqués sur ce
marché, dont le niveau a été faussé par lacte
anticoncurrentiel en raison de la surévaluation du prix du mobilier litigieux ;
Quen fixant la sanction à 0,7 % du
chiffre daffaires de lentreprise concernée, le Conseil a
pris en considération tant le dommage à léconomie
résultant des restrictions de concurrence exercées sur les marchés
du mobilier de comptoir et de la maintenance informatique et caractérisées
par la réduction de la capacité concurrentielle des différents
opérateurs économiques y intervenant, que les circonstances atténuantes
résultant de la collaboration de La Française des jeux au cours
de lenquête et de linstruction, sans quil soit nécessaire
de distinguer entre les griefs, de la durée de ces pratiques et de leur
faible impact sur les marchés considérés ;
Quainsi le Conseil a fait une exacte appréciation
de la gravité des agissements considérés et du montant
de la sanction ;
Considérant quil résulte de lensemble
de ce qui précède que le recours exercé par la société
Française des jeux doit être rejeté ;
Quil convient dallouer à Me Ayache,
mandataire-liquidateur et représentant des créanciers des sociétés
anonymes Groupe TELCI et TIM, une somme de 25 000 F au titre des dispositions
de larticle 700 du NCPC ;
Quil y a lieu de condamner la société
Française des jeux aux dépens ; que le ministère davoué
nétant pas obligatoire dans le cadre de la présente procédure,
il en résulte que la SCP Garrabos et Gertigny-Freneaux, avoué,
près la Cour dappel de Paris, ne peut exercer contre la partie
condamnée aux dépens le droit de recouvrement direct prévu
par larticle 699 du NCPC,
Par ces motifs :
Rejette le recours ;
Condamne la société Française des
jeux à payer à Me Ayache, mandataire-liquidateur
et représentant des créanciers des sociétés anonymes
Groupe TELCI et TIM, une somme de 25 000 F en application de larticle 700
du NCPC ;
Met les dépens à la charge de la société
requérante ;
Déclare irrecevable la demande formée
au titre de larticle 699 du NCPC.
Le greffier
Le président
(*) Décision no 2000-D-50 du Conseil de la concurrence en date du 5 mars 2001 (parution dans le BOCCRF no 6 du 24 avril 2001).
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© Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie - DGCCRF - 05 février 2002 |