Sommaire | N° 2 du 31 janvier 2002 |
NOR : ECOC0100495X
Demanderesse au recours :
Société anonyme Gamm Vert, prise en la
personne de ses représentants légaux, ayant son siège 83-85,
avenue de la Grande-Armée, 75016 Paris, représentée
par la SCP Lagourgue, avoués, 19, boulevard de Sébastopol,
75001 Paris, assistée de Me M.-C. Vilmart, avocat,
111, boulevard Pereire, 75017 Paris, toque P 0069.
Demanderesse incidente :
Société anonyme Leroy-Merlin, prise en
la personne de ses représentants légaux, ayant son siège
rue Chanzy, Lezennes, 59712 Lille Cedex 9, représentée
par la SCP Lagourgue, avoués, 19, boulevard de Sébastopol,
75001 Paris, assistée de Me V. Ledoux, 3, place
des Victoires, 75001 Paris, toque L 0301.
Défenderesse au recours :
Société anonyme Multi-Appros venant aux
droits de la SA Sane-Dagril, prise en la personne de ses représentants
légaux, ayant son siège 193, rue Paul-Sabatier, parc dactivités
du Pré-la-Dame, BP 110, 54715 Ludres Cedex, représentée
par la SCP M. Garnier, avoué, 21, rue du Mont-Thabor, 75001
Paris, toque T 03.
En présence du ministre de léconomie,
des finances et du budget, représenté aux débats par M. Philippe
Nollen, muni dun mandat régulier.
Composition de la cour lors des débats et du
délibéré :
Mme Kamara, président ;
Mme Bregeon, conseiller ;
M. Maunand, conseiller.
Greffier lors des débats et du prononcé
de larrêt : Mme Jagodzinski.
Ministère public : M. Woirhaye, substitut
général.
Arrêt prononcé publiquement le 13 décembre
2001, par Mme Kamara, président, qui a signé la minute avec Mme
Jagodzinski, greffier.
Après avoir, à laudience publique
du 16 octobre 2001, entendu le conseil des parties, les observations de
M. le représentant du ministre chargé de léconomie
et celles du ministère public ;
Vu les mémoires, pièces et documents déposés
au greffe à lappui du recours ;
Saisi par lettre enregistrée le 17 avril
1996 du ministre délégué aux finances et au commerce extérieur
de pratiques mises en uvre dans le secteur des désherbants et plus
précisément dans la distribution du chlorate de soude, le Conseil
de la concurrence a, par décision no 2000-D-85 du 20 mars
2001, dit que la société Celloplast, dénommée société
Mayenne de produits chimiques depuis le 28 juillet 2000, avait enfreint
les dispositions des articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce
et que seize autres sociétés, parmi lesquelles les sociétés
Sane Dagril, aux droits de laquelle vient la société Multi-Appros,
Gamm Vert et Leroy Merlin, avaient enfreint les dispositions de larticle
L. 420-1 du code de commerce et a infligé des sanctions pécuniaires
à neuf dentre elles, et notamment de 200 000 F à
la société Multi-Appros, de 100 000 F à la société
Leroy Merlin et de 100 000 F à la société Gamm
Vert ;
La Cour :
Vu le recours en annulation, ou subsidiairement en réformation,
formé le 11 avril 2001 par la société Gamm Vert à
lencontre de cette décision.
Vu les moyens déposés le 7 mai 2001 par
lesquels la société Gamm Vert demande à la cour dannuler
ou, à tout le moins, de réformer la décision entreprise
en ce quelle lui a infligé une sanction pécuniaire pour
avoir enfreint les dispositions de larticle L. 420-1 du code de commerce,
de dire quil nest pas établi quelle aurait enfreint
ces dispositions et de la décharger de toutes sanctions pécuniaires ;
Vu le recours incident en annulation, ou subsidiairement
en réformation, formé le 11 mai 2001 par la société
Leroy Merlin à lencontre de la décision du 20 mars
2001 ;
Vu les moyens déposés le 22 mai 2001
par lesquels la société Leroy Merlin demande à la cour
dannuler ou, à tout le moins, de réformer la décision
entreprise en ce quelle a dit quelle avait enfreint les dispositions
de larticle L. 420-1 du code de commerce et lui a infligé
une sanction pécuniaire, de dire que les faits sont prescrits en application
de larticle L. 462-7 du code de commerce, à titre subsidiaire
de dire quil nest pas établi quelle aurait adhéré
à lentente sur les prix mise en uvre par la société
Celloplast et quelle aurait enfreint les dispositions de larticle
L. 420-1 du code de commerce et, à titre infiniment subsidiaire,
de dire quil ny a pas lieu de lui infliger une sanction pécuniaire ;
Vu le mémoire en date du 11 juillet 2001 par
lequel la société Multi-Appros, venant aux droits de la société
Sane Dagril, demande à la Cour de dire que les faits sont prescrits et
dannuler la décision du Conseil de la concurrence no 2000-D-85
du 20 mars 2001 ;
Vu les observations écrites déposées
le 26 juillet 2001 par le Conseil de la concurrence ;
Vu les observations en date du 17 août 2001 par
lesquelles le ministère chargé de léconomie demande
à la cour de confirmer la décision entreprise, sauf en ce qui
concerne limputabilité des pratiques à la société
Gamm Vert et la sanction prononcée à son encontre ;
Vu le mémoire additionnel de la société
Multi-Appros et les conclusions additionnelles des sociétés Gamm
Vert et Leroy Merlin ;
Le ministère public ayant été entendu
à laudience en ses observations tendant, à titre principal,
à la nullité de linstruction et de la décision déférée
au motif que la saisine du Conseil nest pas conforme aux prescriptions
de larticle L. 462-5 du code de commerce dès lors que la lettre
signée par le ministre délégué aux finances et au
commerce extérieur ne comporte aucune référence à
une délégation de signature du ministre chargé de léconomie,
seul habilité à saisir le Conseil et, à titre subsidiaire,
si la cour validait la modalité de saisine du Conseil, au rejet du moyen
tiré de lacquisition de la prescription triennale ;
Vu les notes en délibéré des sociétés
Gamm Vert et Leroy Merlin en réponse aux observations du ministère
public ;
Les requérantes ayant eu la parole en dernier,
Sur
ce :
Considérant que, dans son mémoire
déposé le 11 juillet 2001, la société Multi-Appros,
venant aux droits de la société Sane Dagril, poursuit lannulation
à son égard de la décision du Conseil de la concurrence
no 2000-D-85 du 20 mars 2001 alors quelle na
pas formé de recours dans les formes prévues par larticle 6
du décret du 19 octobre 1987 à lencontre de cette décision ;
que ses prétentions doivent en conséquence être déclarées
irrecevables ;
Sur
la saisine du Conseil de la concurrence :
Considérant quen application de larticle
L. 462-5 du code de commerce, le Conseil de la concurrence peut être
saisi par le ministre chargé de léconomie de toute pratique
mentionnée aux articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 420-5
dudit code ; quen lespèce, la lettre de saisine a été
signée par M. Yves Galland, ministre délégué
aux finances et au commerce extérieur ; quaux termes du décret
no 95-1248 du 28 novembre 1995, publié au Journal
officiel du 29 novembre 1995, M. Galland exerçait les attributions
qui lui étaient confiées par le ministre de léconomie
et des finances relatives à la consommation, à la concurrence,
aux marchés publics et au commerce extérieur ; que, pour
lexercice de ses attributions et dans la limite de celles-ci, il avait
notamment autorité sur la direction générale de la concurrence,
de la consommation et de la répression des fraudes et recevait délégation
du ministre de léconomie et des finances pour signer, en son nom,
tous actes, arrêtés et décisions ; que M. Galland
était donc habilité à saisir le Conseil de la concurrence
des pratiques dénoncées dans la lettre enregistrée le 17 avril
1996 ;
Sur
les moyens tirés de lacquisition de la prescription triennale :
Considérant quen vertu de larticle
L. 462-7 du code de commerce, le Conseil de la concurrence ne peut être
saisi de faits remontant à plus de trois ans sil na été
fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction ;
Considérant que les requérantes font tout
dabord valoir que les faits sont prescrits dans la mesure où cest
la date de la lettre de saisine du Conseil de la concurrence par le ministre
délégué aux finances et au commerce extérieur, soit
le 5 avril 1996, qui fait courir le délai de prescription et non
la date denregistrement de cette lettre au Conseil, soit le 17 avril
1996, et quaucun acte interruptif de prescription nest intervenu
avant la notification des griefs du 7 avril 1999, reçue par les
sociétés Gamm Vert et Leroy Merlin le 8 avril 1999 ;
Mais considérant que la date à retenir
comme constituant le point de départ de la prescription triennale est
celle à laquelle la lettre de saisine arrive au Conseil de la concurrence
dès lors que cest à cette date que les faits dénoncés
sont portés à sa connaissance ;
Quen lespèce, la lettre signée
par le ministre délégué aux finances et au commerce extérieur
est arrivée au Conseil de la concurrence le 17 avril 1996, date
à laquelle elle a été enregistrée ; que la
notification des griefs faite aux sociétés Gamm Vert et Leroy
Merlin le 7 avril 1999 et reçue par elles le 8 avril 1999,
soit moins de trois ans après la saisine du Conseil, a valablement interrompu
la prescription triennale de larticle L. 462-7 du code de commerce ;
Considérant, de surcroît, que, par décision
no 98-DSA-15 du 13 octobre 1998 du président du
Conseil de la concurrence, relative au secret des affaires, ont été
retirées du dossier, à la demande de la société
Celloplast, les pièces cotées 00095 à 00107 ; que,
contrairement à ce que soutient la société Gamm Vert, cette
décision constitue un acte interruptif de prescription à légard
de toutes les parties, au sens de larticle L. 462-7 du code de commerce,
dans la mesure où elle a une incidence directe sur la constatation des
faits puisque les documents écartés des débats ne peuvent
servir à étayer les griefs ;
Considérant quil convient, en conséquence,
de rejeter les moyens tirés de lacquisition de la prescription
triennale ;
Sur
les autres moyens de procédure :
Considérant que la société
Gamm Vert soutient que la décision relative au secret des affaires du
13 octobre 1998 porte atteinte au principe de légalité
des parties, au respect du contradictoire et aux droits de la défense
dès lors que les parties autres que la société Celloplast
ne connaissent pas la nature des documents effectivement couverts par le secret
des affaires, la requérante se prévalant de surcroît dune
mauvaise pagination des annexes du rapport administratif ;
Mais considérant que lobjet même
de la procédure prévue à larticle L. 463-4 du
code de commerce est de soustraire, à la demande dune entreprise,
certains documents à la connaissance des autres parties qui sont le plus
souvent des concurrents ; que les parties sont placées sur un pied
dégalité dès lors quelles peuvent toutes demander
au président du Conseil de la concurrence le retrait des pièces
les concernant ; quil ny a pas de rupture dans légalité
des armes puisque la décision est opposable à toutes les parties
en cause et quaucune dentre elles ne peut faire état des
pièces retirées du dossier ; quil ny a pas davantage
de violation du principe du contradictoire ni des droits de la défense
dans la mesure où les pièces ainsi retirées nont
pas été utilisées dans la procédure ; quenfin,
les développements de la société Gamm Vert sur une éventuelle
erreur de pagination sont inopérants dès lors que les documents
retirés par la décision du 13 octobre 1998 sont bien ceux
qui avaient été fournis par la société Celloplast
et avaient été annexés au rapport administratif et que
ces documents nont pas été utilisés dans la procédure ;
que ce moyen ne peut en conséquence prospérer ;
Considérant quà supposer excessive
la durée de la procédure au regard de la complexité de
laffaire, la sanction qui sattache à la violation de lobligation
pour le Conseil de la concurrence de se prononcer dans un délai raisonnable
résultant de larticle 6, alinéa 1, de la Convention
européenne des droits de lhomme nest pas lannulation
de la procédure ou sa réformation, mais la réparation du
préjudice résultant éventuellement dun tel délai ;
Sur
le marché pertinent et les pratiques relevées :
Considérant que le chlorate de soude appartient
à la famille des désherbants totaux qui sont commercialisés,
au stade du détail, par les grandes surfaces à dominante alimentaire,
les grandes surfaces spécialisées et les coopératives agricoles ;
que le marché du chlorate de soude constitue cependant un marché
spécifique dans la mesure où ses qualités particulières,
notamment ses caractéristiques techniques et chimiques, sa notoriété,
son bon rapport qualité prix et ses normes strictes de stockage, en font
un produit qui se distingue des autres désherbants totaux et qui nest
pas substituable à ces derniers ;
Considérant que lenquête a établi
que la société Celloplast, filiale à 100 % de la société
Elf-Atochem, occupait une position dominante sur le marché du chlorate
de soude puisque sur quatre années, de juillet 1991 à juin 1995,
sa part de marché était de lordre de 70 % des ventes
totales en France, les autres intervenants étant les sociétés
Biodis, Chimie Espagne France, Parcour et MFR-Jardin ; que la société
Celloplast na formé aucun recours contre la décision déférée
en ce quelle lui a infligé une sanction pécuniaire pour
avoir abusé de sa position dominante sur ce marché en usant de
pratiques aboutissant, dune part, à interdire toute concurrence
par les prix entre les revendeurs et à fixer le prix dun produit
nayant pas de substitut à un prix supérieur à ce
que serait le prix du marché, dautre part, à dissuader les
grossistes et détaillants, dont les marges étaient ainsi artificiellement
protégées contre les pressions éventuelles de leurs concurrents,
de référencer le chlorate de soude proposé par dautres
fabricants et, enfin, à exploiter sa notoriété pour jeter
le discrédit sur les produits de la société Biodis au moyen
dune allusion au non-respect des normes ;
Considérant que le Conseil de la concurrrence
a estimé constitutif dune entente à lencontre des
centrales dachat et de référencement, parmi lesquelles figurent
les sociétés Gamm Vert et Leroy Merlin, le fait davoir volontairement
appliqué le prix de revente unique qui leur était prescrit par
la société Celloplast, en période de promotion du chlorate
de soude, alors quelles connaissaient au moment de la fixation des prix
de campagne, avec certitude, le montant de tout ou partie des ristournes de
fin dannée auxquelles elles avaient droit ;
Considérant que lenquête a établi
que, dans le but dobtenir un prix public uniforme pour le chlorate de
soude conditionné en pot de 5 kg pendant la période promotionnelle
de vente de ce produit, correspondant à la fin de lhiver et au
début du printemps, soit 49,90 F en 1993 et 1994 et 45 F en
1995, la société Celloplast déterminait le prix de vente
au détail de ce produit et sassurait de son respect par lensemble
des intervenants, notamment sous la menace de suppression des remises différées
en cas de non-respect du prix proposé ; que, pour ce faire, elle
ne laissait aucune marge de manuvre aux grossistes distributeurs de proximité
dans la mesure où elle discutait les conditions commerciales directement
avec chaque centrale dachat et où les distributeurs de proximité
ne jouaient plus quun rôle de prestataires de service rendu nécessaire
notamment à raison des conditions particulières de stockage du
produit ; que cette pratique sinscrivait dans la politique commerciale
de la société Celloplast quant à la fixation dun
prix de vente minimum, mais apportait également une garantie aux distributeurs
dans la mesure où elle leur procurait une assurance de non-concurrence
sur les prix tout en leur garantissant une marge minimale ;
Considérant quen ce qui concerne la société
Leroy Merlin, le Conseil de la concurrence a relevé que, comme un certain
nombre dautres distributeurs, elle connaissait avec certitude le montant
de tout ou partie des ristournes ou remises auxquelles elle avait droit et quelle
aurait pu tenir compte de ces dernières dans la fixation de ses prix
de promotion, y compris dans les catalogues quelle éditait ;
quil a retenu que cétait donc volontairement quelle
sétait conformée aux injonctions de la société
Celloplast de pratiquer un prix uniforme ;
Considérant quà lappui de
son recours, la société Leroy Merlin fait valoir que le prix pratiqué
en période promotionnelle sur la boîte Elf-Atochem de 5 kg,
soit 49,90 F en 1993 et 1994 et 45 F en 1995, correspondait au prix
coûtant, soit selui auquel la société Celloplast vendait
son produit augmenté de la taxe sur la valeur ajoutée, remises
en pré-saison, le cas échéant, déduites ; quelle
soutient que linformation donnée par la société Celloplast
sur les prix pour les saisons 1994 et 1995 ne peut pas être considérée
comme étant la preuve dun accord donné par le distributeur
pour appliquer ces prix et que les remises qui lui étaient consenties
ne pouvaient pas être intégrées dans le calcul du seuil
de revente à perte dans la mesure où elles avaient un caractère
conditionnel ; Considérant que M. Cruypeninck,
chef de produit de la société Leroy Merlin, confirmait tout dabord
dans le procès-verbal daudition du 14 septembre 1995 les éléments
recueillis au cours de lenquête, à savoir que : « la
facturation est effectuée par les grossistes distributeurs de chlorate
de soude directement aux magasins sur la base du tarif communiqué par
Celloplast » ; quil nest par ailleurs pas contesté
que les lettres par lesquelles la société Celloplast confirmait
les conditions commerciales consenties à la société Leroy
Merlin pour les années 1994 et 1995 comportaient une mention indiquant
le prix de vente au détail du chlorate de soude en période de
promotion sous conditionnement de 5 kilos ; que, pour lannée
1994, la correspondance de la société Celloplast du 24 septembre
1993 comportait, en effet, la mention suivante : « Comme
vous me lavez demandé, je vous confirme que le prix de vente couramment
constaté sur 5 kg est de 49,90 F en période de promotion » ;
que celle du 29 septembre 1994, confirmant les conditions commerciales
consenties pour lannée 1995, indiquait : « Comme
vous me lavez demandé, je vous confirme que le prix de vente couramment
constaté du 5 kg est de 45 F TTC en période de promotion. » ;
que ces correspondances ne doivent pas être considérées
comme une simple information sur le prix « constaté »,
mais bien comme une fixation du prix de détail dans la mesure où
il est constant que la période de promotion du chlorate de soude se situe
à la fin de lhiver et au début du printemps et où
la société Celloplast ne pouvait pas « constater »
en septembre 1994 un prix de 45 F en période de promotion alors
que le prix promotionnel du printemps 1994 était de 49,90 F ;
que, pour les années 1993 et 1994, les conditions commerciales consenties
à la société Leroy Merlin étaient les suivantes :
une remise de fin dannée dun pourcentage variable selon le
palier de chiffres daffaires atteint au 31 décembre, une remise
de suivi de référencement de 1 %, des remises de gamme de
3 % et une remise de 3 % pour référencement exclusif ;
quil ne peut être fait grief à la société Leroy
Merlin de ne pas avoir intégré la remise différée
de fin dannée dans le calcul de son seuil de revente à perte
pour la détermination du prix catalogue applicable au printemps alors
que la requérante est bien fondée à faire valoir que, lors
de la définition de ce prix, le premier palier de chiffre daffaires
donnant droit au pourcentage minimum de remises nétait pas encore
atteint ; quelle ne pouvait pas davantage anticiper le passage des
seuils de chiffre daffaires et considérer que les remises étaient
acquises au regard du chiffre daffaires de lannée précédente
alors que le premier palier de chiffre daffaires donnant lieu en 1994
à une remise différée de 1 %, soit 600 000 F,
navait pas été réalisé lannée
précédente à la même époque ; que le
caractère conditionnel des remises de gamme nest pas sérieusement
contestable dès lors que ces dernières sont subordonnées
au respect du suivi complet de la gamme du chlorate de soude Elf-Atochem dans
lensemble des magasins et tout au long de lannée ; quil
en va cependant différemment des remises pour référencement
exclusif accordées à la société Leroy Merlin en
1993 et 1994 dans le but de fidéliser la centrale dachat ;
que, sur la question de ces remises pour référencement exclusif,
M. Cruypeninck déclarait le 14 septembre 1995 : « Sur
ce créneau de produit, nous navons pas besoin dune gamme
large, cest pourquoi Celloplast est notre seul fournisseur de chlorate
de soude... En 1994 nous avions les conditions suivantes : une remise de
6 % fonction GSB (grande surface bricolage) correspondant au suivi continu
et annuel de la gamme de ce produit (3 %) et au référencement
exclusif de ce fournisseur en chlorate de soude. A mon sens ces remises sont
conditionnelles, puisque liées, dune part, au respect sur toute
lannée de lexclusivité dapprovisionnement sur
le produit... En 1995 compte tenu de lexclusivité de fait relevant
de nos relations commerciales avec Celloplast, les conditions 1994 liées
à la fonction GSB ne se justifiaient plus et ont disparu. » ;
que, contrairement à ce quelle soutient, la société
Leroy Merlin connaissait dès le début de la campagne le montant
des remises pour référencement exclusif quelle obtiendrait
en fin dannée de la société Celloplast ; que
ces remises ne présentaient pas un caractère conditionnel dans
la mesure où, comme lindique son chef de produit, la société
Leroy Merlin navait pas besoin, sur ce créneau, dune large
gamme de produits et quun seul fournisseur lui suffisait ; que les
propos de M. Cruypeninck sont par ailleurs confirmés par les propres
indications de la société Leroy Merlin qui a fait observer quavant
1993 son fournisseur de chlorate de soude était la société
Biodis et quelle avait remplacé celle-ci par la société
Celloplast ; quil se déduit de ces développements que
la société Leroy Merlin na pas pour les années 1993
et 1994 fixé le prix promotionnel du chlorate de soude sous sa propre
responsabilité et en fonction de son seuil de revente à perte,
mais a bien adhéré à lentente sur les prix mise en
uvre par la société Celloplast ;
Considérant que la société Leroy
Merlin fait valoir, à titre subsidiaire, que les conséquences
des faits qui lui sont reprochés nauraient pu être que marginale
quant au nombre de produits concernés et quant à lincidence
sur les prix ; que, certes, les faits portent sur la commercialisation
du chlorate de soude conditionné en pots de 5 kilogrammes pendant
la période promotionnelle annuelle ; que, cependant, lentente
à laquelle a participé la société Leroy Merlin a
eu pour effet dempêcher la fixation des prix par le libre jeu du
marché et de maintenir en période de promotion un prix artificiellement
élevé ; quau regard des éléments qui
précèdent, la sanction de 100 000 F infligées
à la société Leroy Merlin par le Conseil de la concurrence,
qui a notamment tenu compte de la marge de manuvre très limitée
des centrales dachat, est proportionnée à la gravité
des faits commis, à limportance du dommage causé à
léconomie et à la situation de lentreprise ;
que le recours de la société Leroy Merlin sera en conséquence
rejeté ;
Considérant quen ce qui concerne la société
Gamm Vert, le Conseil de la concurrence a relevé que le prix promotionnel
du chlorate de soude que cette société mentionnait dans le catalogue
édité à lattention des adhérents à
son enseigne pour le printemps 1995, soit 45 F, correspondait au prix
indiqué par la société Celloplast dans sa lettre du 26 septembre
1994 contenant les conditions commerciales de vente pour la saison promotionnelle
en cause et que navaient pas été portées sur les
catalogues les mentions « prix maximum » ou « prix
conseillé », alors que la société Gamm Vert
connaissait au moment de la fixation des prix de la campagne le montant dau
moins une ristourne de fin dannée ;
Considérant, néanmoins, quil ressort
de lenquête que la société Gamm Vert, qui publie un
catalogue présentant diférents produits en vente dans les magasins
à son enseigne, na pas elle-même effectivement acheté
et revendu du chlorate de soude ; que la société Gamm Vert
est une filiale de lUnion nationale des coopératives agricoles
dapprovisionnement qui fournit directement les coopératives appartenant
au groupement, mais quelle ne distribue pas le produit sur le marché
en cause ; que le fait que la mention « prix maximum »
ou « prix conseillé » nait pas été
portée sur les catalogues édités à loccasion
des campagnes promotionnelles des printemps 1994 et 1995 ne constitue
pas, à lui seul, un indice suffisant pour qualifier le prix de prix imposé,
alors que, dune part, il nest pas démontré que les
adhérents du groupement nétaient pas libres de pratiquer
le prix de leur choix et que, dautre part, la société Gamm
Vert, qui ne se voyait accorder aucune remise particulière par la société
Celloplast, navait aucun intérêt à ce que le prix
indiqué fût appliqué ; quil nest donc pas
établi que la société Gamm Vert aurait adhéré
à lentente sur les prix mise en uvre par la société
Celloplast et aurait enfreint les dispositions de larticle L. 420-1
du code de commerce ; que la décision no 2000-D-85
du 20 mars 2001 sera en conséquence annulée en ce qui concerne
la société Gamm Vert,
Par ces motifs :
Déclare irrecevables les prétentions de
la société Multi-Appros ;
Rejette le recours de la société Leroy
Merlin ;
Annule la décision no 2000-D-85
du 20 mars 2001 du Conseil de la concurrence en ce quelle a dit que
la société Gamm Vert avait enfreint les dispositions de larticle
L. 420-1 du code de commerce et lui a infligé une sanction pécuniaire
de 100 000 F ;
Met les dépens à la charge de la société
Leroy Merlin.
Le greffier Le
président
(*) Décision no 2000-D-85 du Conseil de la concurrence en date du 20 mars 2001 (parution dans le BOCCRF no 6 du 24 avril 2001).
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