Sommaire N° 2 du 31 janvier 2002

Arrêt de la Cour de cassation (chambre commerciale, financière et économique) en date du 19 juin 2001 relatif au pourvoi formé par la Société Seco Desquenne et Giral Construction SA et la société Surbeco SA contre un arrêt rendu le 2 mars 1999 par la cour d’appel de Paris relatif au recours formé par la société Sobeca SA, société Sobea Ile-de-France, la société Bâtiment industrie réseaux (BIR) SA, la Société urbaine de travaux SA, la Société suburbaine de canalisations et des grands travaux SA et la société Entreprise Ouvrard SA contre une décision no 98-D-30 (*) du Conseil de la concurrence en date du 6 mai 1998 relative à des pratiques relevées dans le secteur des travaux souterrains pour le gaz et l’électricité en région parisienne

NOR :  ECOC0100496X

    Au nom du peuple français,
    La Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, a rendu l’arrêt suivant :
    I.  -  Sur le pourvoi no H 99-13.190 formé par :
    1o  La société Seco Desquenne et Giral construction, société anonyme, dont le siège est 13, rue Le Sueur, 75016 Paris ;
    2o  La société Surbeco, société anonyme, dont le siège est 22-28, rue Moulin-des-Bruyères, 92400 Courbevoie,
en cassation d’un arrêt rendu le 2 mars 1999 par la cour d’appel de Paris (1re chambre, section H), au profit :
    1o  De la société Sobeca, société anonyme, dont le siège est zone industrielle, avenue Jean-Vacher, 69491 Anse ;
    2o  De la société Sobea Ile-de-France, société en nom collectif, dont le siège est 62, rue Ernest-Renan, 92004 Nanterre ;
    3o  De la société Bâtiment industrie réseaux (BIR), société anonyme, dont le siège est 38, rue Gay-Lussac, 94438 Chennevières-sur-Marne ;
    4o  De la Société urbaine de travaux, société anonyme, dont le siège est 2, avenue du Général-de-Gaulle, 91172 Viry-Châtillon ;
    5o  De la Société suburbaine de canalisations et de grands travaux, société anonyme, dont le siège est 76, rue Blaise-Pascal, zone industrielle Les Mardelles, 93600 Aulnay-sous-Bois ;
    6o  De la société Entreprise Ouvrard, société anonyme, dont le siège est chemin Jules-César, Les Marcots, 95480 Pierrelaye ;
    7o  Du ministre de l’économie, des finances et du budget, domicilié 139, rue de Bercy, 75012 Paris,
défendeurs à la cassation ;
    II.  -  Sur le pourvoi no W 99-13.295 formé par :
    1o  La société Entreprise Ouvrard ;
    2o  La Société suburbaine de canalisations et de grands travaux,
en cassation du même arrêt rendu au profit :
    1o  Du ministre de l’économie, des finances et du budget ;
    2o  De la société Seco Desquenne et Giral construction ;
    3o  De la société Surbeco ;
    4o  De la société Sobeca ;
    5o  De la société Sobea Ile-de-France ;
    6o  De la société Bâtiment industrie réseaux ;
    7o  De la Société urbaine de travaux,
défendeurs à la cassation ;
    III.  -  Sur le pourvoi no J 99-13.307 formé par le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie,
en cassation du même arrêt rendu au profit :
    1o  De la société Seco Desquenne et Giral construction ;
    2o  De la société Surbeco ;
    3o  De la société Sobeca ;
    4o  De la société Sobesa Ile-de-France ;
    5o  De la société Bâtiment industrie réseaux ;
    6o  De la Société urbaine de travaux ;
    7o  De la société Suburbaine de canalisations et de grands travaux ;
    8o  De la société Entreprise Ouvrard.
défendeurs à la cassation.
    Les demanderesses au pourvoi no H 99-13.190 invoquent, à l’appui de leurs recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
    Les demanderesses au pourvoi no W 99-13.295 invoquent, à l’appui de leurs recours, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt.
    Le demandeur au pourvoi no J 99-13.307 invoque, à l’appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
    La cour, en l’audience publique du 9 mai 2001, où étaient présents : M. Dumas, président, M. Leclercq, conseiller rapporteur, M. Métivet, Mmes Garnier, Collomp, conseillers, MM. Huglo, Boinot, Mme Gueguen, M. Sémériva, conseillers référendaires, M. Feuillard, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
    Sur le rapport de M. Leclercq, conseiller, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat de la société Seco Desquenne et Giral construction et de la société Surbeco, de Me Le Prado, avocat de la société Entreprise Ouvrard et de la société Suburbaine de canalisations et de grands travaux, de Me Ricard, avocat du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, de Me Choucroy, avocat de la Société urbaine de travaux, de la SCP Defrenois et Levis, avocat de la société Bâtiment industrie réseaux, les conclusions de M. Feuillard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
    Donne acte aux sociétés Seco-Desquenne et Giral construction et Surbeco de leur désistement du pourvoi no H 99-13.190 à l’égard des sociétés Sobeca, Sobea Ile-de-France, Bâtiment industrie réseaux, Société urbaine de travaux, Suburbaine de canalisations et de grands travaux et Entreprise Ouvrard ;
    Donne acte aux sociétés Entreprise Ouvrard et Suburbaine de canalisations et de grands travaux de leur désistement du pourvoi no W 99-13.295 à l’égard des sociétés Seco-Desquenne et Giral construction, Surbeco, Sobeca, Sobea Ile-de-France, Bâtiment industrie réseaux et Société urbaine de travaux ;
    Joint les pourvois no H 99-13.190, J. 99-13.307 et W 99-13.295 qui attaquent le même arrêt ;
    Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 2 mars 1999), que, par décision no 98-D-30 du 6 mai 1998, le Conseil de la concurrence a estimé que vingt entreprises de travaux publics s’étaient concertées et avaient procédé à des échanges d’information avant la date limite de remise des offres à l’occasion de la mise en œuvre de vingt marchés de travaux souterrains pour le gaz et l’électricité en région parisienne ; qu’il a infligé des sanctions pécuniaires à l’encontre de dix-sept d’entre elles et a prononcé une mesure de publication de sa décision ; que huit des sociétés condamnées, parmi lesquelles les sociétés Seco-Desquenne et Giral construction (société SDGC), Surbeco, Suburbaine de canalisations et de grands travaux et Entreprise Ouvrard ont formé un recours en annulation et en réformation contre cette décision ;
            Sur la recevabilité du pourvoi no J 99-13.307 formé par le ministre de l’économie, contestée par la défense :
    Attendu que le pourvoi en cassation n’est ouvert qu’aux parties à l’instance devant le juge du second degré ;
    Attendu que si le ministre chargé de l’économie a le droit d’exercer un recours devant la cour d’appel contre la décision du Conseil de la concurrence, même s’il n’a pas été partie à la décision, cette situation ne déroge pas à la règle précitée ;
    D’où il suit qu’en l’espèce, le pourvoi formé par le ministre chargé de l’économie, qui n’a pas exercé un recours contre la décision du Conseil de la concurrence et n’était donc pas partie à l’instance devant la cour d’appel, est irrecevable ;
            Sur le premier moyen du pourvoi no W 99-13.295, qui est préalable :
    Attendu que les sociétés Suburbaine de canalisations et de grands travaux et Entreprise Ouvrard font grief à l’arrêt d’avoir rejeté leur recours en annulation, alors, selon le moyen ;
    1o  Qu’il résulte des constatations de l’arrêt attaqué que le rapporteur de l’affaire devant le Conseil de la concurrence a procédé à l’enquête en convoquant et en entendant des responsables de plusieurs entreprises ; que, en application de l’article 25 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 et selon le dispositif de la décision du Conseil de la concurrence, ce rapporteur a participé au délibéré ; que la participation au délibéré du Conseil de la concurrence du rapporteur qui a participé à l’enquête méconnaît la règle d’ordre public de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales selon laquelle toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial et indépendant ; qu’en ne prononçant pas la nullité de la décision du Conseil de la concurrence, la cour d’appel a violé l’article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, aux dispositions de laquelle l’article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958 attribue une valeur normative supérieure à celle de la loi interne ;
    2o  Que les séances du Conseil de la concurrence n’étant pas publiques, et la publicité étant exigée par le même article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qu’en ne prononçant pas la nullité de la décision du Conseil de la concurrence, la cour d’appel a encore violé cette disposition et l’article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;

    Mais attendu, d’une part, qu’il résulte de l’article 2 (3o) du décret no 87-849 du 19 octobre 1987 que lorsque la déclaration de recours contre la décision du Conseil de la concurrence ne contient pas l’exposé des moyens invoqués, le demandeur doit déposer cet exposé au greffe dans les deux mois qui suivent la notification de la décision frappée de recours ; que les sociétés Suburbaine de canalisations et de grands travaux et Entreprise Ouvrard n’ayant pas exposé les moyens d’annulation tirés de la présence du rapporteur au délibéré et de l’absence de publicité des débats, ni lors de leur déclaration de recours, ni dans les deux mois suivant la notification de la décision, elles ne sont pas recevables à le faire pour la première fois devant la Cour de cassation et la cour d’appel n’était pas tenue de les relever d’office ;
    Et attendu, d’autre part, qu’est irrecevable le moyen pris du défaut de publicité des débats soulevé pour la première fois devant la Cour de cassation ; qu’il ne résulte pas de l’arrêté que le grief tiré de l’absence de publicité des débats devant le Conseil de la concurrence ait été soumis à l’examen de la cour d’appel ;
    Qu’il suit de là que le moyen ne peut être accueilli ;
            Sur le premier moyen du pourvoi no H 99-13.190 :
    Attendu que les sociétés SGDC et Surbeco font grief à l’arrêt d’avoir écarté l’exception de prescription des poursuites et d’avoir en conséquence refusé d’annuler la décision du Conseil de la concurrence, alors, selon le moyen, que l’établissement des procès-verbaux par les agents de la Direction générale de la concurrence ne constituent des actes interruptifs de la prescription qu’à la condition qu’ils tendent à la recherche, à la constatation ou à la sanction des pratiques prohibées par l’ordonnance du 1er décembre 1986 ; que les sociétés Seco et Surbeco faisaient valoir dans leurs conclusions d’appel que les procès-verbaux relatant les auditions des représentants de trois entreprises poursuivies les 29 et 30 avril 1996 et le 2 mai 1996 ne tendaient pas à la recherche, la constatation ou la sanction des pratiques poursuivies, mais avaient pour objet de simples renseignements d’ordre général, sur la structure des entreprises concernées notamment, de sorte que ces actes ne pouvaient interrompre le cours de la prescription ; qu’en se bornant à affirmer que les procès-verbaux litigieux remplissaient les conditions nécessaires pour produire un effet interruptif, sans aucunement examiner, comme elle y était invitée, fût-ce succintement, le contenu de ces procès-verbaux, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 27 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 ;
    Mais attendu qu’en application de l’article 50 de l’ordonnance du 1er décembre 1986, devenu l’article L. 450-6 du code de commerce, le président du Conseil de la concurrence désigne pour chaque affaire un ou plusieurs rapporteurs ; que ceux-ci disposent, en application de l’article 45 de la même ordonnance, devenu l’article L. 450-1 du code de commerce, du pouvoir de procéder aux enquêtes nécessaires à l’application de l’ordonnance ; qu’il en résulte qu’une audition, donnant lieu à l’établissement d’un procès-verbal, effectuée par un rapporteur, tend nécessairement à la recherche, la constatation ou la sanction des faits dénoncés dans la saisine du Conseil que ce rapporteur est chargé d’instruire ; qu’ayant constaté que le rapporteur a convoqué pour audition les représentants des sociétés BIR, Le Joint interne et STPS, qu’il a entendu, les 29 avril, 30 avril et 2 mai 1996, MM. Fily, Jamin, et Sulmon et a dressé un procès-verbal de chacune de ces auditions, et déduit de ces constatations que la prescription avait été interrompue, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est pas fondé ;
            Sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi no W99-13.295, pris en leurs deux branches et réunis :
    Attendu que les sociétés Suburbaine de canalisations et de grands travaux et Entreprise Ouvrard font grief à l’arrêt d’avoir, pour rejeter leur recours en annulation de la décision du Conseil de la concurrence, écarté le moyen tiré de ce qu’un procès-verbal d’audition établi dans le cadre d’une enquête effectuée en application de l’article 47 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 n’a pas été signé par l’une des personnes concernées au sens de l’article 31 du décret no 86-1309 du 29 décembre 1986, alors, selon le moyen :
    1o  Que toutes les personnes présentes lors des opérations d’enquête sont des personnes concernées au sens de l’article 31 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 et doivent donc toutes signer le procès-verbal ; qu’en le niant, la cour d’appel a violé l’article 31 du décret du 29 décembre 1986 ;
    2o  Que le défaut de signature de toutes les personnes présentes fait nécessairement grief aux sociétés Suburbaine de canalisations et de grands travaux et Entreprise Ouvrard ; que l’absence de contestation de la régularité du procès-verbal par les personnes présentes lors de l’enquête ne pouvait priver ces sociétés du droit de contester cette régularité et le pouvait d’autant moins que ces personnes, non parties à la procédure devant le Conseil de la concurrence, ne pouvaient en toute hypothèse quant à elles contester la régularité du procès-verbal ; que le motif tiré par la cour d’appel de l’absence de grief viole l’article 31 du décret du 29 décembre 1986 et l’article 114 du nouveau code de procédure civile ;
    Mais attendu que la signature d’un procès-verbal établi en vertu de l’article 47 de l’ordonnance du 1er décembre 1986, devenu l’article L. 450-3 du code de commerce, a pour objet de donner foi, jusqu’à preuve contraire, aux énonciations qui y sont consignées, soit qu’elles concernent le déroulement des opérations auxquelles procèdent les enquêteurs, soit qu’elles relatent les propos d’une personne faisant l’objet d’une audition ; que le défaut de signature de l’un des témoins des investigations ou de l’une des personnes entendues n’est pas, en lui-même, de nature à entacher le procès-verbal d’irrégularité ; que la cour d’appel a retenu que les procès-verbaux critiqués avaient été signés chacun par l’une au moins des personnes intéressées et qu’il n’était pas justifié d’un grief résultant de l’irrégularité alléguée ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

            Sur le quatrième moyen du pourvoi no W 99-13.295 :
    Attendu que les sociétés Suburbaine de canalisations et de grands travaux et Entreprise Ouvrard font grief à l’arrêt d’avoir, pour rejeter leur recours en annulation de la décision du Conseil de la concurrence, écarté le moyen tiré de ce que, en raison de la durée excessive de la procédure, ces sociétés s’étaient trouvées dans l’impossibilité d’exercer correctement leur défense, alors, selon le moyen, que les faits qui leur sont reprochés remontent à la période comprise entre janvier et septembre 1991 ; que les griefs ont été notifiés le 9 septembre 1996 et le 2 décembre 1996, soit près de huit années après les premiers faits ; que les sociétés se sont trouvées dans une situation extrêmement difficile, ne disposant plus des documents relatifs aux marchés dont elles n’ont pas été attributaires pour assurer leur défense ; que la décision du Conseil de la concurrence a été prononcée le 6 mai 1998, soit plus de neuf ans après les premiers faits ; que la cour d’appel ne pouvait, dans ces circonstances, dire que la longueur de la procédure n’a pas porté atteinte aux droits de la défense sans violer le principe fondamental de valeur constitutionnelle de notre droit selon lequel il ne peut être porté atteinte aux droits de la défense, l’article 6-1 de Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales selon lequel toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, le principe général de droit communautaire, selon lequel toute procédure en matière de concurrence doit être accomplie dans un délai raisonnable ;
    Mais attendu qu’ayant constaté que les entreprises Ouvrard et Suburbaine de canalisations et de grands travaux ne justifiaient pas, d’une façon concrète, de l’impossibilité de présenter correctement leur défense à raison de la durée excessive de la procédure, la cour d’appel, qui a souverainement apprécié la portée des éléments de fait invoqués par les entreprises au soutien de leur thèse selon laquelle la durée de la procédure avait porté atteinte à leurs droits, procédant ainsi au contrôle lui incombant, a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n’est pas fondé ;
                Sur le cinquième moyen du pourvoi no W 99-13.295 :
    Attendu que les sociétés Suburbaine de canalisations et de grands travaux et Entreprise Ouvrard font grief à l’arrêt d’avoir rejeté leur recours subsidiaire en réformation de la décision du Conseil de la concurrence, alors, selon le moyen, que la connaissance par une entreprise du nom d’autres entreprises susceptibles de répondre à un appel d’offres ne peut en rien préjuger de l’existence d’une concertation avec celles-ci ; que fondant sa décision sur la seule considération de cette connaissance et de la portée qu’elle lui a inexactement attribuée, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard de l’article 7 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 ;
    Mais attendu que l’arrêt constate, en ce qui concerne le marché no 3 du centre EDF-GDF d’Asnières pour le renforcement du réseau du gaz rue Albert-Dehaenne à Saint-Ouen, que le Conseil de la concurrence a retenu, pour la démonstration de l’existence d’un échange d’informations préalable aux dépôts des offres, les mentions, à partir du 3 mai 1989, dans l’agenda de M. Fily, dirigeant de la société BIR, des nombreux contacts pris par lui avec différentes entreprises, dont la société Suburbaine de canalisations et de grands travaux ; que l’arrêt énonce que l’effectivité et la portée de ces concertations est confortée par le fait que les entreprises dont les noms sont mentionnés dans cet agenda sont celles qui ont été consultées pour ce marché ainsi que par l’atttribution du marché à la société BIR, moins disante ; qu’en l’état de ces constatations, la cour d’appel, qui a apprécié souverainement la portée des éléments de preuve soumis à son examen, a légalement justifié sa décision de considérer que la société Suburbaine de canalisations et de grands travaux avait participé à une concertation anticoncurrentielle ;
            Sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi no H 99-13.190 pris en leurs diverses branches et réunis :
    Attendu que les sociétés SDGC et Surbeco font grief à l’arrêt d’avoir condamné la société SDGC à payer une amende d’un montant de 1 600 000 F au titre de pratiques mises en œuvre par la société Sogexi, dissoute en suite de son absorption par la société SDGC postérieurement aux faits poursuivis, alors, selon le moyen :
    1o  Que sont soumises au respect du principe de la proportionnalité des peines les sanctions qui, bien que de nature administrative, visent, comme en matière pénale, à punir les auteurs des faits prohibés par l’ordonnance du 1er décembre 1986 et à les dissuader de se livrer à de telles pratiques ; qu’il résulte des constatations du Conseil et de la cour d’appel que seule la société Sogexi s’est livrée aux pratiques prohibées poursuivies, à l’exclusion de la société Desquenne et Giral construction ; que la société Desquenne et Giral construction faisait valoir dans ses écritures que la société Sogexi avait été dissoute en cours d’instance, à la suite de son absorption par la société Desquenne et Giral construction ; qu’en condamnant la société Desquenne et Giral construction, pour des faits commis par une personne morale distincte, sans constater que l’absorption de la société Sogexi et par suite sa dissolution avaient été réalisées dans le but avéré d’éluder toute poursuite et de commettre une fraude à la loi, la cour d’appel a méconnu le principe de la personnalité des peines et violé l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et de sauvegarde des libertés et l’article 13 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 ;
    2o  Que constitue une entreprise autonome la société dotée d’une personnalité morale qui lui est propre ; que la société Seco-Desquenne et Giral construction faisait expressément valoir dans ses écritures qu’à la date des faits, la société Sogexi était dotée de la personnalité morale et jouissait d’une totale autonomie en tant que société anonyme ayant siège social, dirigeants et personnels propres, ainsi que moyens financiers et comptabilité distincts ; qu’en retenant que la société Desquenne et Giral construction ne prétendait pas que la société Sogexi constituait une entreprise autonome, la cour d’appel a dénaturé les écritures de la société Seco-Desquenne et Giral construction, en violation de l’article 4 du nouveau code de procédure civile ;
    3o  Que la société Seco-Desquenne et Giral construction faisait valoir dans ses écritures qu’à l’époque de la commission des faits reprochés, la société Sogexi était une société anonyme jouissant de la personnalité juridique, et non une simple branche technique de la société Desquenne et Giral construction, qui avait, en cours d’instruction, absorbé la société Sogexi ; qu’en retenant, pour prendre en considération comme assiette de la sanction pécuniaire le chiffre d’affaires de la société Desquenne et Giral construction, que la société Sogexi constituait une simple « branche technique » de la société Desquenne et Giral construction, dont cette dernière ne prétendait pas qu’elle fût autonome, la cour d’appel a dénaturé les écritures de la société Seco-Desquenne et Giral construction et violé l’article 4 du nouveau code de procédure civile ;
    4o  Que la filiale d’une société constitue une entreprise au sens de l’article 13 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 lorsque, dotée de la personnalité morale, elle dispose de l’autonomie économique et financière et de décision lui permettant de réaliser un chiffre d’affaires qui lui est propre et qui ne doit rien à la société mère ; que dès lors, faute d’éléments établissant la complète subordination de la filiale aux directives données par la société mère, le chiffre d’affaires servant d’assiette à la détermination des sanctions infligées à la filiale, seule poursuivie pour s’être livrée à des agissements prohibés, est celui de la filiale, à l’exclusion du chiffre d’affaires réalisé par la société mère étrangère aux poursuites ; qu’en prenant pour assiette de la sanction infligée à la société Sogexi, filiale de la société Desquenne et Giral construction aux moments des faits, le chiffre d’affaires réalisé par la société DG construction, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 13 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 ;
    
Mais attendu, en premier lieu, que l’arrêt relève que la société SDGC, venant aux droits de la société Sogexi, soutient que le Conseil ne pouvait retenir comme assiette de la sanction que le seul chiffre d’affaires du secteur Sogexi, et non celui réalisé par l’ensemble de la société SDGC ; qu’il en résulte que la société SDGC a critiqué devant la cour d’appel non pas le principe de sa condamnation au lieu et place de la société Sogexi, mais le montant du chiffre d’affaires devant servir de base à la condamnation ; que, dès lors, le grief tiré du non-respect du principe de la personnalité des peines est nouveau, que, mélangé de fait et de droit, il est irrecevable devant la Cour de cassation ;
    Attendu, en deuxième lieu, que l’arrêt retient que la société SGDC ne démontre ni même n’allègue que la branche technique du secteur Sogexi dispose de la pleine liberté de décider de ses investissements et du pouvoir de définir sa propre stratégie industrielle et commerciale ; qu’ainsi l’arrêt ne considère pas, comme le soutient le moyen, que la société Sogexi constitue une simple « branche technique » de la société SDGC, mais que telle est la situation du secteur Sogexi au sein de la société SDGC venant aux droits de la société Sogexi, celle-ci n’ayant plus d’existence juridique à la suite de son absorption par la société SDGC ; qu’ayant ainsi écarté, hors toute dénaturation, l’absence d’autonomie du secteur Sogexi, au surplus dénué de personnalité juridique, peu important l’autonomie de la société Sogexi antérieurement à sa dissolution dont se prévalait la société SDGC dans ses écritures, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ;
    Qu’il suit de là que le moyen, irrecevable en sa première branche et non fondé en ses trois autres branches, ne peut être accueilli,
                    

Par ces motifs :
    Déclare irrecevable le pourvoi no J 99-13.307 ;
    Rejette les pourvois no W 99-13.295 et H 99-13.190 ;
    Condamne la société SDGC, la société Surbeco, la Société surburbaine de canalisations et de grands travaux, la société Entreprise Ouvrard et le ministre chargé de l’économie aux dépens de leurs pourvois respectifs ;
    Vu l’article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes des sociétés SDGC, Surbeco, Bâtiment industrie réseaux et du ministre chargé de l’économie ;
    

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du 19 juin 2001.
   

(*)  Décision no 98-D-30 du Conseil de la concurrence en date du 6 mai 1998 (parution dans le BOCCRF no 20 du 31 octobre 1998).

© Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie - DGCCRF - 05 février 2002