Sommaire | N° 2 du 31 janvier 2002 |
NOR : ECOC0100496X
Au nom du peuple français,
La Cour de cassation, chambre commerciale, financière
et économique, a rendu larrêt suivant :
I. - Sur le pourvoi no
H 99-13.190 formé par :
1o La société Seco
Desquenne et Giral construction, société anonyme, dont le siège
est 13, rue Le Sueur, 75016 Paris ;
2o La société Surbeco,
société anonyme, dont le siège est 22-28, rue Moulin-des-Bruyères,
92400 Courbevoie,
en cassation dun arrêt rendu le 2 mars 1999 par la cour dappel
de Paris (1re chambre, section H), au profit :
1o De la société
Sobeca, société anonyme, dont le siège est zone industrielle,
avenue Jean-Vacher, 69491 Anse ;
2o De la société
Sobea Ile-de-France, société en nom collectif, dont le siège
est 62, rue Ernest-Renan, 92004 Nanterre ;
3o De la société
Bâtiment industrie réseaux (BIR), société anonyme,
dont le siège est 38, rue Gay-Lussac, 94438 Chennevières-sur-Marne ;
4o De la Société
urbaine de travaux, société anonyme, dont le siège est
2, avenue du Général-de-Gaulle, 91172 Viry-Châtillon ;
5o De la Société
suburbaine de canalisations et de grands travaux, société anonyme,
dont le siège est 76, rue Blaise-Pascal, zone industrielle Les Mardelles,
93600 Aulnay-sous-Bois ;
6o De la société
Entreprise Ouvrard, société anonyme, dont le siège est
chemin Jules-César, Les Marcots, 95480 Pierrelaye ;
7o Du ministre de léconomie,
des finances et du budget, domicilié 139, rue de Bercy, 75012 Paris,
défendeurs à la cassation ;
II. - Sur le pourvoi no
W 99-13.295 formé par :
1o La société Entreprise
Ouvrard ;
2o La Société suburbaine
de canalisations et de grands travaux,
en cassation du même arrêt rendu au profit :
1o Du ministre de léconomie,
des finances et du budget ;
2o De la société
Seco Desquenne et Giral construction ;
3o De la société
Surbeco ;
4o De la société
Sobeca ;
5o De la société
Sobea Ile-de-France ;
6o De la société
Bâtiment industrie réseaux ;
7o De la Société
urbaine de travaux,
défendeurs à la cassation ;
III. - Sur le pourvoi no J 99-13.307
formé par le ministre de léconomie, des finances et de lindustrie,
en cassation du même arrêt rendu au profit :
1o De la société
Seco Desquenne et Giral construction ;
2o De la société
Surbeco ;
3o De la société
Sobeca ;
4o De la société
Sobesa Ile-de-France ;
5o De la société
Bâtiment industrie réseaux ;
6o De la Société
urbaine de travaux ;
7o De la société
Suburbaine de canalisations et de grands travaux ;
8o De la société
Entreprise Ouvrard.
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses au pourvoi no H 99-13.190
invoquent, à lappui de leurs recours, les trois moyens de cassation
annexés au présent arrêt.
Les demanderesses au pourvoi no W 99-13.295
invoquent, à lappui de leurs recours, les cinq moyens de cassation
annexés au présent arrêt.
Le demandeur au pourvoi no J 99-13.307
invoque, à lappui de son recours, les deux moyens de cassation
annexés au présent arrêt.
La cour, en laudience publique du 9 mai 2001,
où étaient présents : M. Dumas, président,
M. Leclercq, conseiller rapporteur, M. Métivet, Mmes Garnier,
Collomp, conseillers, MM. Huglo, Boinot, Mme Gueguen, M. Sémériva,
conseillers référendaires, M. Feuillard, avocat général,
Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Leclercq, conseiller, les
observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat de la société
Seco Desquenne et Giral construction et de la société Surbeco,
de Me Le Prado, avocat de la société Entreprise
Ouvrard et de la société Suburbaine de canalisations et de grands
travaux, de Me Ricard, avocat du ministre de léconomie,
des finances et de lindustrie, de Me Choucroy, avocat
de la Société urbaine de travaux, de la SCP Defrenois et
Levis, avocat de la société Bâtiment industrie réseaux,
les conclusions de M. Feuillard, avocat général, et après
en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne acte aux sociétés Seco-Desquenne
et Giral construction et Surbeco de leur désistement du pourvoi no H 99-13.190
à légard des sociétés Sobeca, Sobea Ile-de-France,
Bâtiment industrie réseaux, Société urbaine de travaux,
Suburbaine de canalisations et de grands travaux et Entreprise Ouvrard ;
Donne acte aux sociétés Entreprise Ouvrard
et Suburbaine de canalisations et de grands travaux de leur désistement
du pourvoi no W 99-13.295 à légard
des sociétés Seco-Desquenne et Giral construction, Surbeco, Sobeca,
Sobea Ile-de-France, Bâtiment industrie réseaux et Société
urbaine de travaux ;
Joint les pourvois no H 99-13.190,
J. 99-13.307 et W 99-13.295 qui attaquent le même arrêt ;
Attendu, selon larrêt attaqué (Paris,
2 mars 1999), que, par décision no 98-D-30 du 6 mai
1998, le Conseil de la concurrence a estimé que vingt entreprises de
travaux publics sétaient concertées et avaient procédé
à des échanges dinformation avant la date limite de remise
des offres à loccasion de la mise en uvre de vingt marchés
de travaux souterrains pour le gaz et lélectricité en région
parisienne ; quil a infligé des sanctions pécuniaires
à lencontre de dix-sept dentre elles et a prononcé
une mesure de publication de sa décision ; que huit des sociétés
condamnées, parmi lesquelles les sociétés Seco-Desquenne
et Giral construction (société SDGC), Surbeco, Suburbaine de canalisations
et de grands travaux et Entreprise Ouvrard ont formé un recours en annulation
et en réformation contre cette décision ;
Sur
la recevabilité du pourvoi no J 99-13.307 formé
par le ministre de léconomie, contestée par la défense :
Attendu que le pourvoi en cassation nest ouvert
quaux parties à linstance devant le juge du second degré ;
Attendu que si le ministre chargé de léconomie
a le droit dexercer un recours devant la cour dappel contre la décision
du Conseil de la concurrence, même sil na pas été
partie à la décision, cette situation ne déroge pas à
la règle précitée ;
Doù il suit quen lespèce,
le pourvoi formé par le ministre chargé de léconomie,
qui na pas exercé un recours contre la décision du Conseil
de la concurrence et nétait donc pas partie à linstance
devant la cour dappel, est irrecevable ;
Sur
le premier moyen du pourvoi no W 99-13.295, qui est préalable :
Attendu que les sociétés Suburbaine
de canalisations et de grands travaux et Entreprise Ouvrard font grief à
larrêt davoir rejeté leur recours en annulation, alors,
selon le moyen ;
1o Quil résulte
des constatations de larrêt attaqué que le rapporteur de
laffaire devant le Conseil de la concurrence a procédé à
lenquête en convoquant et en entendant des responsables de plusieurs
entreprises ; que, en application de larticle 25 de lordonnance
du 1er décembre 1986 et selon le dispositif
de la décision du Conseil de la concurrence, ce rapporteur a participé
au délibéré ; que la participation au délibéré
du Conseil de la concurrence du rapporteur qui a participé à lenquête
méconnaît la règle dordre public de larticle 6,
paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits
de lhomme et des libertés fondamentales selon laquelle toute personne
a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial et
indépendant ; quen ne prononçant pas la nullité
de la décision du Conseil de la concurrence, la cour dappel a violé
larticle 6, paragraphe 1, de la Convention européenne
de sauvegarde des droits de lhomme et des libertés fondamentales,
aux dispositions de laquelle larticle 55 de la Constitution du 4 octobre
1958 attribue une valeur normative supérieure à celle de la loi
interne ;
2o Que les séances du Conseil
de la concurrence nétant pas publiques, et la publicité
étant exigée par le même article 6, paragraphe 1,
de la Convention européenne de sauvegarde des droits de lhomme
et des libertés fondamentales, quen ne prononçant pas la
nullité de la décision du Conseil de la concurrence, la cour dappel
a encore violé cette disposition et larticle 55 de la Constitution
du 4 octobre 1958 ;
Mais attendu, dune part, quil résulte
de larticle 2 (3o) du décret no 87-849
du 19 octobre 1987 que lorsque la déclaration de recours contre
la décision du Conseil de la concurrence ne contient pas lexposé
des moyens invoqués, le demandeur doit déposer cet exposé
au greffe dans les deux mois qui suivent la notification de la décision
frappée de recours ; que les sociétés Suburbaine de
canalisations et de grands travaux et Entreprise Ouvrard nayant pas exposé
les moyens dannulation tirés de la présence du rapporteur
au délibéré et de labsence de publicité des
débats, ni lors de leur déclaration de recours, ni dans les deux
mois suivant la notification de la décision, elles ne sont pas recevables
à le faire pour la première fois devant la Cour de cassation et
la cour dappel nétait pas tenue de les relever doffice ;
Et attendu, dautre part, quest irrecevable
le moyen pris du défaut de publicité des débats soulevé
pour la première fois devant la Cour de cassation ; quil ne
résulte pas de larrêté que le grief tiré de
labsence de publicité des débats devant le Conseil de la
concurrence ait été soumis à lexamen de la cour dappel ;
Quil suit de là que le moyen ne peut être
accueilli ;
Sur
le premier moyen du pourvoi no H 99-13.190 :
Attendu que les sociétés SGDC et Surbeco
font grief à larrêt davoir écarté lexception
de prescription des poursuites et davoir en conséquence refusé
dannuler la décision du Conseil de la concurrence, alors, selon
le moyen, que létablissement des procès-verbaux par les
agents de la Direction générale de la concurrence ne constituent
des actes interruptifs de la prescription quà la condition quils
tendent à la recherche, à la constatation ou à la sanction
des pratiques prohibées par lordonnance du 1er décembre 1986 ;
que les sociétés Seco et Surbeco faisaient valoir dans leurs conclusions
dappel que les procès-verbaux relatant les auditions des représentants
de trois entreprises poursuivies les 29 et 30 avril 1996 et le 2 mai 1996
ne tendaient pas à la recherche, la constatation ou la sanction des pratiques
poursuivies, mais avaient pour objet de simples renseignements dordre
général, sur la structure des entreprises concernées notamment,
de sorte que ces actes ne pouvaient interrompre le cours de la prescription ;
quen se bornant à affirmer que les procès-verbaux litigieux
remplissaient les conditions nécessaires pour produire un effet interruptif,
sans aucunement examiner, comme elle y était invitée, fût-ce
succintement, le contenu de ces procès-verbaux, la cour dappel
a privé sa décision de base légale au regard de larticle 27
de lordonnance du 1er décembre 1986 ;
Mais attendu quen application de larticle 50
de lordonnance du 1er décembre 1986,
devenu larticle L. 450-6 du code de commerce, le président
du Conseil de la concurrence désigne pour chaque affaire un ou plusieurs
rapporteurs ; que ceux-ci disposent, en application de larticle 45
de la même ordonnance, devenu larticle L. 450-1 du code
de commerce, du pouvoir de procéder aux enquêtes nécessaires
à lapplication de lordonnance ; quil en résulte
quune audition, donnant lieu à létablissement dun
procès-verbal, effectuée par un rapporteur, tend nécessairement
à la recherche, la constatation ou la sanction des faits dénoncés
dans la saisine du Conseil que ce rapporteur est chargé dinstruire ;
quayant constaté que le rapporteur a convoqué pour audition
les représentants des sociétés BIR, Le Joint interne
et STPS, quil a entendu, les 29 avril, 30 avril et 2 mai 1996,
MM. Fily, Jamin, et Sulmon et a dressé un procès-verbal de
chacune de ces auditions, et déduit de ces constatations que la prescription
avait été interrompue, la cour dappel a légalement
justifié sa décision ; que le moyen nest pas fondé ;
Sur
les deuxième et troisième moyens du pourvoi no W99-13.295,
pris en leurs deux branches et réunis :
Attendu que les sociétés Suburbaine
de canalisations et de grands travaux et Entreprise Ouvrard font grief à
larrêt davoir, pour rejeter leur recours en annulation de
la décision du Conseil de la concurrence, écarté le moyen
tiré de ce quun procès-verbal daudition établi
dans le cadre dune enquête effectuée en application de larticle 47
de lordonnance du 1er décembre 1986
na pas été signé par lune des personnes concernées
au sens de larticle 31 du décret no 86-1309
du 29 décembre 1986, alors, selon le moyen :
1o Que toutes les personnes
présentes lors des opérations denquête sont des personnes
concernées au sens de larticle 31 de lordonnance du
1er décembre 1986 et doivent donc toutes
signer le procès-verbal ; quen le niant, la cour dappel
a violé larticle 31 du décret du 29 décembre 1986 ;
2o Que le défaut de signature
de toutes les personnes présentes fait nécessairement grief aux
sociétés Suburbaine de canalisations et de grands travaux et Entreprise
Ouvrard ; que labsence de contestation de la régularité
du procès-verbal par les personnes présentes lors de lenquête
ne pouvait priver ces sociétés du droit de contester cette régularité
et le pouvait dautant moins que ces personnes, non parties à la
procédure devant le Conseil de la concurrence, ne pouvaient en toute
hypothèse quant à elles contester la régularité
du procès-verbal ; que le motif tiré par la cour dappel
de labsence de grief viole larticle 31 du décret du
29 décembre 1986 et larticle 114 du nouveau code
de procédure civile ;
Mais attendu que la signature dun procès-verbal
établi en vertu de larticle 47 de lordonnance du 1er décembre 1986,
devenu larticle L. 450-3 du code de commerce, a pour objet de
donner foi, jusquà preuve contraire, aux énonciations qui
y sont consignées, soit quelles concernent le déroulement
des opérations auxquelles procèdent les enquêteurs, soit
quelles relatent les propos dune personne faisant lobjet dune
audition ; que le défaut de signature de lun des témoins
des investigations ou de lune des personnes entendues nest pas,
en lui-même, de nature à entacher le procès-verbal dirrégularité ;
que la cour dappel a retenu que les procès-verbaux critiqués
avaient été signés chacun par lune au moins des personnes
intéressées et quil nétait pas justifié
dun grief résultant de lirrégularité alléguée ;
que le moyen nest fondé en aucune de ses branches ;
Sur
le quatrième moyen du pourvoi no W 99-13.295 :
Attendu que les sociétés Suburbaine
de canalisations et de grands travaux et Entreprise Ouvrard font grief à
larrêt davoir, pour rejeter leur recours en annulation de
la décision du Conseil de la concurrence, écarté le moyen
tiré de ce que, en raison de la durée excessive de la procédure,
ces sociétés sétaient trouvées dans limpossibilité
dexercer correctement leur défense, alors, selon le moyen, que
les faits qui leur sont reprochés remontent à la période
comprise entre janvier et septembre 1991 ; que les griefs ont été
notifiés le 9 septembre 1996 et le 2 décembre 1996,
soit près de huit années après les premiers faits ;
que les sociétés se sont trouvées dans une situation extrêmement
difficile, ne disposant plus des documents relatifs aux marchés dont
elles nont pas été attributaires pour assurer leur défense ;
que la décision du Conseil de la concurrence a été prononcée
le 6 mai 1998, soit plus de neuf ans après les premiers faits ;
que la cour dappel ne pouvait, dans ces circonstances, dire que la longueur
de la procédure na pas porté atteinte aux droits de la défense
sans violer le principe fondamental de valeur constitutionnelle de notre droit
selon lequel il ne peut être porté atteinte aux droits de la défense,
larticle 6-1 de Convention européenne de sauvegarde des droits
de lhomme et des libertés fondamentales selon lequel toute personne
a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, le principe
général de droit communautaire, selon lequel toute procédure
en matière de concurrence doit être accomplie dans un délai
raisonnable ;
Mais attendu quayant constaté que les
entreprises Ouvrard et Suburbaine de canalisations et de grands travaux ne justifiaient
pas, dune façon concrète, de limpossibilité
de présenter correctement leur défense à raison de la durée
excessive de la procédure, la cour dappel, qui a souverainement
apprécié la portée des éléments de fait invoqués
par les entreprises au soutien de leur thèse selon laquelle la durée
de la procédure avait porté atteinte à leurs droits, procédant
ainsi au contrôle lui incombant, a pu statuer comme elle a fait ;
que le moyen nest pas fondé ;
Sur
le cinquième moyen du pourvoi no W 99-13.295 :
Attendu que les sociétés Suburbaine
de canalisations et de grands travaux et Entreprise Ouvrard font grief à
larrêt davoir rejeté leur recours subsidiaire en réformation
de la décision du Conseil de la concurrence, alors, selon le moyen, que
la connaissance par une entreprise du nom dautres entreprises susceptibles
de répondre à un appel doffres ne peut en rien préjuger
de lexistence dune concertation avec celles-ci ; que fondant
sa décision sur la seule considération de cette connaissance et
de la portée quelle lui a inexactement attribuée, la cour
dappel a entaché sa décision dun défaut de
base légale au regard de larticle 7 de lordonnance du
1er décembre 1986 ;
Mais attendu que larrêt constate, en
ce qui concerne le marché no 3 du centre EDF-GDF dAsnières
pour le renforcement du réseau du gaz rue Albert-Dehaenne à Saint-Ouen,
que le Conseil de la concurrence a retenu, pour la démonstration de lexistence
dun échange dinformations préalable aux dépôts
des offres, les mentions, à partir du 3 mai 1989, dans lagenda
de M. Fily, dirigeant de la société BIR, des nombreux contacts
pris par lui avec différentes entreprises, dont la société
Suburbaine de canalisations et de grands travaux ; que larrêt
énonce que leffectivité et la portée de ces concertations
est confortée par le fait que les entreprises dont les noms sont mentionnés
dans cet agenda sont celles qui ont été consultées pour
ce marché ainsi que par latttribution du marché à
la société BIR, moins disante ; quen létat
de ces constatations, la cour dappel, qui a apprécié souverainement
la portée des éléments de preuve soumis à son examen,
a légalement justifié sa décision de considérer
que la société Suburbaine de canalisations et de grands travaux
avait participé à une concertation anticoncurrentielle ;
Sur
les deuxième et troisième moyens du pourvoi no H 99-13.190
pris en leurs diverses branches et réunis :
Attendu que les sociétés SDGC et Surbeco
font grief à larrêt davoir condamné la société
SDGC à payer une amende dun montant de 1 600 000 F
au titre de pratiques mises en uvre par la société Sogexi,
dissoute en suite de son absorption par la société SDGC postérieurement
aux faits poursuivis, alors, selon le moyen :
1o Que sont soumises au respect
du principe de la proportionnalité des peines les sanctions qui, bien
que de nature administrative, visent, comme en matière pénale,
à punir les auteurs des faits prohibés par lordonnance du
1er décembre 1986 et à les dissuader
de se livrer à de telles pratiques ; quil résulte des
constatations du Conseil et de la cour dappel que seule la société
Sogexi sest livrée aux pratiques prohibées poursuivies,
à lexclusion de la société Desquenne et Giral construction ;
que la société Desquenne et Giral construction faisait valoir
dans ses écritures que la société Sogexi avait été
dissoute en cours dinstance, à la suite de son absorption par la
société Desquenne et Giral construction ; quen condamnant
la société Desquenne et Giral construction, pour des faits commis
par une personne morale distincte, sans constater que labsorption de la
société Sogexi et par suite sa dissolution avaient été
réalisées dans le but avéré déluder
toute poursuite et de commettre une fraude à la loi, la cour dappel
a méconnu le principe de la personnalité des peines et violé
larticle 6 de la Convention européenne des droits de lhomme
et de sauvegarde des libertés et larticle 13 de lordonnance
du 1er décembre 1986 ;
2o Que constitue une entreprise
autonome la société dotée dune personnalité
morale qui lui est propre ; que la société Seco-Desquenne
et Giral construction faisait expressément valoir dans ses écritures
quà la date des faits, la société Sogexi était
dotée de la personnalité morale et jouissait dune totale
autonomie en tant que société anonyme ayant siège social,
dirigeants et personnels propres, ainsi que moyens financiers et comptabilité
distincts ; quen retenant que la société Desquenne
et Giral construction ne prétendait pas que la société
Sogexi constituait une entreprise autonome, la cour dappel a dénaturé
les écritures de la société Seco-Desquenne et Giral construction,
en violation de larticle 4 du nouveau code de procédure civile ;
3o Que la société
Seco-Desquenne et Giral construction faisait valoir dans ses écritures
quà lépoque de la commission des faits reprochés,
la société Sogexi était une société anonyme
jouissant de la personnalité juridique, et non une simple branche technique
de la société Desquenne et Giral construction, qui avait, en cours
dinstruction, absorbé la société Sogexi ; quen
retenant, pour prendre en considération comme assiette de la sanction
pécuniaire le chiffre daffaires de la société Desquenne
et Giral construction, que la société Sogexi constituait une simple
« branche technique » de la société Desquenne
et Giral construction, dont cette dernière ne prétendait pas quelle
fût autonome, la cour dappel a dénaturé les écritures
de la société Seco-Desquenne et Giral construction et violé
larticle 4 du nouveau code de procédure civile ;
4o Que la filiale dune société
constitue une entreprise au sens de larticle 13 de lordonnance
du 1er décembre 1986 lorsque, dotée
de la personnalité morale, elle dispose de lautonomie économique
et financière et de décision lui permettant de réaliser
un chiffre daffaires qui lui est propre et qui ne doit rien à la
société mère ; que dès lors, faute déléments
établissant la complète subordination de la filiale aux directives
données par la société mère, le chiffre daffaires
servant dassiette à la détermination des sanctions infligées
à la filiale, seule poursuivie pour sêtre livrée à
des agissements prohibés, est celui de la filiale, à lexclusion
du chiffre daffaires réalisé par la société
mère étrangère aux poursuites ; quen prenant
pour assiette de la sanction infligée à la société
Sogexi, filiale de la société Desquenne et Giral construction
aux moments des faits, le chiffre daffaires réalisé par
la société DG construction, la cour dappel a privé
sa décision de base légale au regard de larticle 13
de lordonnance du 1er décembre 1986 ;
Mais attendu, en premier lieu, que larrêt
relève que la société SDGC, venant aux droits de la société
Sogexi, soutient que le Conseil ne pouvait retenir comme assiette de la sanction
que le seul chiffre daffaires du secteur Sogexi, et non celui réalisé
par lensemble de la société SDGC ; quil en résulte
que la société SDGC a critiqué devant la cour dappel
non pas le principe de sa condamnation au lieu et place de la société
Sogexi, mais le montant du chiffre daffaires devant servir de base à
la condamnation ; que, dès lors, le grief tiré du non-respect
du principe de la personnalité des peines est nouveau, que, mélangé
de fait et de droit, il est irrecevable devant la Cour de cassation ;
Attendu, en deuxième lieu, que larrêt
retient que la société SGDC ne démontre ni même nallègue
que la branche technique du secteur Sogexi dispose de la pleine liberté
de décider de ses investissements et du pouvoir de définir sa
propre stratégie industrielle et commerciale ; quainsi larrêt
ne considère pas, comme le soutient le moyen, que la société
Sogexi constitue une simple « branche technique » de la
société SDGC, mais que telle est la situation du secteur Sogexi
au sein de la société SDGC venant aux droits de la société
Sogexi, celle-ci nayant plus dexistence juridique à la suite
de son absorption par la société SDGC ; quayant ainsi
écarté, hors toute dénaturation, labsence dautonomie
du secteur Sogexi, au surplus dénué de personnalité juridique,
peu important lautonomie de la société Sogexi antérieurement
à sa dissolution dont se prévalait la société SDGC
dans ses écritures, la cour dappel a légalement justifié
sa décision ;
Quil suit de là que le moyen, irrecevable
en sa première branche et non fondé en ses trois autres branches,
ne peut être accueilli,
Par ces motifs :
Déclare irrecevable le pourvoi no J 99-13.307 ;
Rejette les pourvois no W 99-13.295
et H 99-13.190 ;
Condamne la société SDGC, la société
Surbeco, la Société surburbaine de canalisations et de grands
travaux, la société Entreprise Ouvrard et le ministre chargé
de léconomie aux dépens de leurs pourvois respectifs ;
Vu larticle 700 du nouveau code de procédure
civile, rejette les demandes des sociétés SDGC, Surbeco, Bâtiment
industrie réseaux et du ministre chargé de léconomie ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale,
financière et économique, et prononcé par le président
en son audience publique du 19 juin 2001.
(*) Décision no 98-D-30 du Conseil de la concurrence en date du 6 mai 1998 (parution dans le BOCCRF no 20 du 31 octobre 1998).
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© Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie - DGCCRF - 05 février 2002 |