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N° 15 du 23 octobre  2001

Arrêt de la cour d’appel de Paris (1re chambre, section H) en date du 18 septembre 2001 relatif au recours formé par la Société française de transmissions florales (SFTF) Interflora France contre une décision no 2000-D-75 (*) du Conseil de la concurrence en date du 6 février 2001 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la transmission florale à distance

NOR :  ECOC0100375X

    Demanderesse au recours :
    La Société française de transmissions florales, « SFTF » Interflora France, SA, dont le siège social est 47, rue Vivienne, 75002 Paris, prise en la personne de son président du conseil d’administration, représentée par la SCP Autier, avoué, 7, rue Saint-Lazare, 75009 Paris, assistée par Me François Morel, avocat, cabinet Rivet, Bonjean, Morel, Chadel, 76, avenue Wagram, 75017 Paris, toque P 105.
    Défenderesses au recours :
    SA Telefleurs, dont le siège social est 19, boulevard A.-Oyon, 72100 Le Mans, représentée par la SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, avoué, 23, rue du Louvre, 75001 Paris, assistée par Me Valérie Guillin, avocat, 181, rue de la Pompe, 75116 Paris ;
    SA Flora-Jet, dont le siège social est « Réseau Fleuri », La Serrière de Giraud, 84240 Cabrières-d’Aigues, représentée par la SCP Dubosq-Pellerin, avoué, 18, rue Séguier, 75006 Paris, assistée par Me N. Courtier, avocat, 60, boulevard des Dames, 13002 Marseille.
    Société Transelite, dont le siège social est mini parc du Bois-Dieu, 69380 Lissieu, représentée par la SCP Lagourgue, avoué, 19, boulevard de Sébastopol, 75001 Paris, assistée par Me Michel Desilets, avocat, 223, rue Charles-Germain, BP 237, 69658 Villefranche-sur-Saône.
    En présence du ministre de l’économie, des finances et du budget, représenté aux débats par Mme Bibet, munie d’un mandat régulier.
    Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
    Mme Renard-Payen, président ;
    Mme Riffault, conseiller ;
    M. Savatier, conseiller.
    Greffier lors des débats et du prononcé de l’arrêt : Mme Jagodzinski.
    Ministère public : M. Woirhaye, substitut général.
    Arrêt prononcé publiquement le 18 septembre 2001, par Mme Renard-Payen, président, qui a signé la minute avec Mme Jagodzinski, greffier.

    Après avoir, à l’audience publique du 12 juin 2001, entendu les conseils des parties, les observations de Mme le représentant du ministre chargé de l’économie et celles du ministère public, le conseil de la demanderesse ayant eu la parole en dernier ;
    Vu les mémoires, pièces et documents déposés au greffe à l’appui du recours ;
    Le Conseil de la concurrence (le Conseil) a été saisi le 12 février 1993 par la société Téléfleurs et par la société Transélite, le 15 février 1993 par les sociétés Floritel, Fax Flor devenue Flora Jet, et Euroflora, ainsi que par Emmanuel Moreux (magasin Symphonie florale), Mme Aufiero (magasin La valse des fleurs), M. Cholley (magasins Christian de Bercy) et Mme Henriquet (magasin Le Chalet fleuri), Jean-Claude Delignat (magasin La vallée fleurie), Paul Chaneac (magasin Pol’Flor) par lettres déposées les 3 mars, 15 mars, 19 mars et 5 avril 1993, de pratiques anticoncurrentielles imputées à la société française de transmission florale Interflora (Interflora) dans le secteur de la transmission florale à distance.
    Le 30 mars 1993, le Conseil a accueilli les demandes de mesures conservatoires sollicitées par les sociétés plaignantes, et a enjoint à la société Interflora :
      de supprimer dans son règlement intérieur dit « règlement contractuel 93 » et dans la notice explicative qui l’accompagnait toute référence à l’obligation pour les « spécialistes Interflora » de n’appartenir qu’au seul réseau de transmission florale Interflora ;
      d’adresser dans un délai de quinze jours aux destinataires d’un courrier du 1er juillet 1993 prescrivant l’interdiction, pour les spécialistes Interflora, d’appartenir à plusieurs réseaux de transmission florale, une lettre recommandée annulant expressément les termes dudit courrier ;
      d’adresser la copie de la décision du Conseil à l’ensemble des membres du réseau.
    Par décision no 98-D-35 du 16 juin 1998, le Conseil a pris acte du respect de ces injonctions.
    L’affaire ayant été examinée après enquête au cours de sa séance du 21 novembre 2000, le Conseil a, par décision no 2000-D-75 du 6 février 2001, estimé que la société Interflora avait enfreint les dispositions des articles L. 420-1 et L. 420-2 du nouveau Code de commerce, et que la société Floritel avait enfreint les dispositions de l’article L. 420-1 du même code, enjoint à la société Interflora :
      de cesser d’appliquer dans son système de notation des fleuristes adhérents des critères ayant pour résultat d’accorder des bonus aux fleuristes qui adhèrent à son seul réseau de transmission florale à distance ;
      de cesser d’interdire aux fleuristes adhérents de mentionner sur une même annonce d’annuaire ou de minitel l’appartenance simultanée au réseau Interflora et à d’autres réseaux de transmission florale à distance ;
      de prendre les mesures nécessaires, notamment sur les documents représentant les produits floraux proposés à la vente, pour informer clairement les consommateurs sur le caractère purement indicatif des conditions minima de transaction et de la possibilité pour eux de passer des ordres d’un montant inférieur à ceux mentionnés, sous réserve de l’accord préalable du fleuriste susceptible d’exécuter l’ordre envisagé ;
      infligé à la société Interflora une sanction pécuniaire de 10 000 000 F ;
      ordonné la publication, dans un délai de trois mois à compter de sa notification, de la seconde partie de sa décision et de son dispositif, dans le quotidien Le Figaro ;
      pris acte du désistement de Paul Chaneac ;
      prononcé à l’encontre de la société Floritel une sanction pécuniaire de 150 000 F.
    Le Conseil a estimé en effet que les pratiques de la société Interflora consistant, d’une part, dans la mise en œuvre d’une clause d’exclusivité d’appartenance en 1993, et, d’autre part, dans l’interdiction faite aux adhérents de mentionner dans les annuaires papier ou sur le Minitel une mention de la marque Interflora conjointement à celle d’un autre réseau de transmission florale, constituaient des abus de position dominante au sens de l’article L. 420-2 du nouveau Code de commerce, de même que le système de notation des fleuristes, dénommé TEQ, et l’exploitation du progiciel assurant la gestion des transmissions d’ordre entre les fleuristes. Il a également considéré que la pratique des prix minima de vente contenus dans les albums Interflora et ceux pratiqués pour les produits dits « pré-définis », qui ne sauraient être exonérés au titre du progrès économique prévu par les dispositions de l’article L. 420-4, 1-2 du nouveau Code de commerce, pouvaient avoir pour effet de limiter l’accès au marché de la transmission florale à distance et de fausser la concurrence sur ce marché.
    La société Interflora a saisi la Cour d’un recours en annulation et subsidiairement en réformation contre cette décision et invoque divers moyens au soutien de ce recours.
    Elle déclare que la clause concernant le nouveau statut dit de « spécialiste Interflora » ne constitue pas une clause d’exclusivité d’appartenance, et ajoute que ce statut annoncé le 1er février 1993 n’a pu avoir que des conséquences très limitées puisqu’il a été supprimé dès le 13 avril 1993 avant même la mise en application du règlement contractuel litigieux. Elle conteste l’analyse développée par le Conseil du système de notation des membres de son réseau, faisant valoir qu’il est constitué uniquement de paramètres objectifs, aucune discrimination n’ayant été relevée au cours de l’enquête à l’égard des fleuristes appartenant à plusieurs réseaux.
    Elle soutient que le progiciel fourni aux adhérents Interflora leur laissait toute liberté de choix du fleuriste exécutant, contrairement à l’analyse du Conseil, conteste toute pratique imposant des barèmes minima, prédéfinissant des produits et fixant unilatéralement leurs prix, et affirme que les clients sont clairement informés du caractère indicatif des prestations proposées et de leur prix.
    Elle met enfin en cause les critères retenus par le Conseil pour déterminer l’assiette des sanctions prononcées à son encontre, faisant valoir que le chiffre d’affaires devant être pris en considération est celui qu’elle a effectivement réalisé, constitué par ses commissions, et non pas celui qu’elle a comptabilisé, l’augmentation apparemment considérable de son chiffre d’affaires au cours des dernières années résultant en réalité de ce qu’elle est tenue par la législation communautaire, depuis 1993, d’y inclure les rémunérations perçues pour le compte de tiers, cette modification technique ayant multiplié par cinq les montants comptabilisés. Elle estime que le Conseil a ainsi dépassé le montant légal maximal de la sanction, fixé à 5 % du chiffre d’affaires réalisé par l’entreprise contrevenante selon les dispositions de l’article L. 464-2 du nouveau Code de commerce.
    Elle demande à la Cour :
      de déclarer irrecevable le mémoire déposé tardivement le 28 mai 2001 par la société Téléfleurs, alors que le délai qui lui était imparti expirait le 11 mai 2001 ;
      de dire la société Floritel irrecevable en ses moyens et prétentions ;
      de dire la société Transélite irrecevable en ses moyens et prétentions autres que ceux contenus dans sa propre « déclaration d’appel » (sic), soit sa mise en cause de l’approvisionnement des fleuristes par le système télématique Floratrans que ne critiquait pas la décision du Conseil, dès lors que la société Transélite n’a pas formé de recours incident ;
      de réformer la décision du Conseil, d’apprécier à nouveau les faits de la cause ainsi que les sanctions qui leur seraient applicables.
    Par ordonnance du 3 avril 2001, le premier président de la cour d’appel de Paris a rejeté la requête en suspension de l’exécution provisoire formée par la société Interflora.
    Les sociétés Transélite et Téléfleurs, défenderesses au recours, demandent à la Cour de confirmer la décision du Conseil et de condamner la société Interflora à leur payer respectivement 40 000 F et 20 000 F sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens, sollicitant également l’application des dispositions de l’article 699 du nouveau Code de procédure civile.
    Tout en demandant également à la Cour de rejeter l’argumentation de la société Interflora quant aux faits qualifiés de pratiques anticoncurrentielles, la société Flora-Jet déclare s’en rapporter à justice en ce qui concerne l’analyse du chiffre d’affaires de la requérante.
    Le ministre de l’économie conclut à la confirmation de la décision attaquée et au rejet du recours.
    Dans ses observations écrites, le Conseil réfute chacun des moyens avancés par la société requérante, estimant mal fondés les moyens développés par la société Interflora.
    Le ministère public conclut oralement au rejet des moyens de procédure et de fond soulevés par la société Interflora et à la confirmation de la décision du Conseil.
    Lors de l’instruction écrite et à l’audience, la requérante a pu répliquer à l’ensemble des observations présentées,
                Sur ce, la Cour :
             Sur les moyens de procédure développés par la société Interflora :
    Considérant que la demande de la société Interflora de voir déclarer irrecevables les moyens et prétentions de la société Floritel est sans objet, la société Floritel n’ayant formé aucune demande devant la Cour ;
    Considérant que la société Téléfleurs a déposé son mémoire le 28 mai 2001, alors que le délai qui lui était imparti par ordonnance du 12 mars 2001 expirait le 11 mai 2001 ; qu’il y a lieu dans ces conditions d’écarter le mémoire de la société Téléfleurs ;
    Considérant que la requérante reproche à la société Transélite d’avoir évoqué dans son mémoire des faits non retenus par le Conseil, concernant le système d’approvisionnement télématique des fleuristes dit Floratrans et demande à la Cour de déclarer irrecevables les arguments de la défenderesse contestant la légalité de cet équipement ; mais considérant que la société Transélite se borne à demander à la Cour de confirmer intégralement la décision querellée ; que la demande de la société Interflora est sans objet ;
            Sur les pratiques reprochées à la société Interflora :
    Considérant que ne sont contestées ni l’existence du marché de transmission florale à distance sur lequel ont porté les investigations du Conseil, ni la position dominante occupée sur ce marché par la société Interflora, qui constitue le réseau le plus ancien sur le marché français, transmettant 83,1 % en 1991 et 73,1 % en 1998 des ordres de présents floraux et réalisant 82,5 % en 1991 et 90,2 % en 1998 du chiffre d’affaires global du secteur, malgré le développement depuis 1971 des quatre réseaux concurrents Téléfleurs, Transélite, Floritel et Flora-Jet ;
            Sur la mise en œuvre d’une clause d’exclusivité d’appartenance en 1993 :
    Considérant que selon l’article L. 420-2 du nouveau Code de commerce (8 de l’ordonnance du 1er décembre 1986), est prohibée, lorsqu’elle a pour objet ou peut avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, l’exploitation abusive par une entreprise de sa position dominante sur le marché intérieur ou sur une part substantielle de celui-ci ;
    Considérant qu’il résulte des constatations du Conseil que la société Interflora a fait figurer à l’article 2-7 de son « règlement contractuel 1993 » une clause réservant la qualité de « spécialiste Interflora » aux membres consacrant l’exclusivité de leur activité en matière de vente à distance à la seule marque Interflora, auxquels étaient réservés « divers avantages justifiés par la qualité de [leur] spécialisation, éventuellement modulés selon divers niveaux » ; que sans contester devant la Cour l’existence de ces pratiques, la société Interflora déclare que la clause litigieuse ne constitue pas une clause d’exclusivité d’appartenance, dès lors que les fleuristes membres du réseau Interflora avaient la faculté d’adhérer ou non à ce statut ; que la société Interflora fait encore valoir qu’aucun acte positif ne peut lui être reproché à cet égard, puisqu’elle s’est aussitôt conformée aux injonctions qui lui ont été notifiées le 30 mars 1993, avant la mise en application de ce nouveau règlement ;
    Mais considérant que, comme le fait justement observer le Conseil, compte tenu de la position largement dominante occupée par la société Interflora sur le marché de la transmission florale à distance, la clause litigieuse avait nécessairement pour objet de dissuader les fleuristes adhérents à son réseau de s’associer à d’autres réseaux, et ainsi d’empêcher ou de restreindre le jeu de la concurrence sur ce marché ; que ces pratiques ont eu en outre un impact non négligeable sur ce marché, la diffusion le 18 janvier 1993 d’une note Interflora annonçant la mise en application de ces nouvelles dispositions le 1er avril 1993, s’étant traduite par la démission d’un nombre significatif de fleuristes de réseaux concurrents ou leur engagement de ne pas contracter avec ces réseaux dans le futur ; qu’il y a lieu d’observer que la société Interflora avait déjà fait l’objet d’injonctions de supprimer des clauses analogues, prononcées à l’époque par le ministre de l’économie le 6 février 1986, les pratiques reprochées à la requérante n’étant pas nouvelles ; que les mesures conservatoires adoptées par le Conseil le 30 mars 1993 n’ont eu d’effet que pour la durée de la procédure et jusqu’à ce qu’intervienne la décision sur le fond, le fait que la requérante se soit conformée à ces injonctions restant sans effet sur la matérialité des infractions constatées ;
Qu’elles constituent un abus de position dominante prohibé par les dispositions de l’article L. 420-2 du nouveau Code de commerce ;

            Sur le système de notation TEQ et l’exploitation du progiciel assurant la gestion des transmissions d’ordres entre les fleuristes :
    Considérant qu’il est relevé par le Conseil que la sélection mise en place par la société Interflora pour la réception et la transmission des commandes par les fleuristes, au moyen d’un progiciel informatique, est fondé sur un système de notation dénommé TEQ résultant de la somme du nombre de transmissions « T », du nombre d’exécutions « E » et d’une note de qualité « Q », obtenue par addition de bonus et soustraction de malus, le progiciel calculant à la fin de chaque mois, pour chaque fleuriste et en fonction de sa note, la part en pourcentage des commandes qu’il pourra exécuter dans sa zone ; qu’il est constaté qu’un certain nombre de ces bonus sont liés à l’adhésion exclusive à Interflora, ce que ne conteste pas cette dernière, et que ce système renforce l’importance du bonus-malus représenté par le critère Q, l’amélioration (ou l’aggravation) de 10 % de ce critère entraînant une part de l’exécution des commandes reçues par sa zone de 10 % supérieure (ou inférieure) ;
    Considérant par ailleurs que la liberté de choix du fleuriste exécutant par les membres du réseau Interflora, revendiquée par la requérante au motif que le progiciel ne fait que « proposer » le nom d’un fleuriste, n’est pas assurée dans les faits, la constitution d’un répertoire personnel étant strictement encadrée par la société Interflora et l’accès par Minitel à une liste complète des fleuristes ne constituant que des possibilités utilisables par défaut sur le progiciel imposé aux membres du réseau Interflora ;
    Qu’il résulte de ces constatations que la sélection, mise en place par la société Interflora, fondée partiellement sur des critères favorisant l’exclusivité d’appartenance, est de nature à dissuader les membres du réseau Interflora d’adhérer à d’autres marques et a ainsi pour objet et pour effet de limiter artificiellement la concurrence sur ce marché, ces pratiques constituant également un abus de position dominante au sens des dispositions de l’article L. 420-2 du nouveau Code de commerce ainsi que l’a justement estimé le Conseil ;
            Sur les pratiques de prix minima de vente contenus dans l’album Interflora, et ceux pratiqués pour les produits dits « prédéfinis » :
    Considérant que, selon l’article L. 420-1 du nouveau Code de commerce (article 7 de l’ordonnance du 1er décembre 1986), sont prohibées, lorsqu’elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites, notamment lorsqu’elles tendent à faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ;
    Considérant que le document dénommé « l’Album Interflora » diffusé par la requérante propose des compositions florales élaborées par des fleuristes de son réseau réunis en une Commission de définition des produits dite CODEPRO ; que ces produits prédéfinis font l’objet d’une fourchette de prix comportant un prix minimum ; que, certes, le règlement contractuel 93 établi par la société Interflora rappelle dans son article 4-1 que les membres de son réseau doivent rappeler à leurs clients : « qu’une commande peut être vendue pour un prix inférieur au minimum à exécution obligatoire, mais à condition que l’accord préalable de l’exécutant ait été obtenu » ; qu’il est toutefois reproché à la société Interflora de n’informer clairement les consommateurs, ni dans l’Album ni dans les affiches présentant les produits prédéfinis, de la possibilité qui doit leur être offerte de solliciter un prix inférieur à ces minima, et aux fleuristes membres de son réseau de participer, par leur adhésion, à cette pratique ; que la mention portée dans l’Album : « Vous commandez un produit floral défini par ces esquisses à valeur d’illustration. Le fleuriste bon professionnel sélectionné par Interflora doit interpréter votre commande sur la base de son assortiment, des pratiques locales et des prix appliqués dans le magasin au moment de la livraison », ne peut constituer à cet égard une information suffisante pour les consommateurs ;
    Considérant que la société Interflora invoque les dispositions de l’article L. 420-4 (2o) du nouveau Code de commerce, estimant répondre aux conditions posées pour bénéficier de l’exemption prévue par cet article compte tenu du progrès économique assuré par cette organisation ;
    Mais considérant que cette pratique restrictive de concurrence excède les nécessités liées au bon fonctionnement du réseau Interflora, dès lors que ces prix constituent selon les mentions portées dans l’Album Interflora le montant minimum à partir duquel les clients ont la certitude que leur ordre sera exécuté, sans que ces clients soient clairement informés sur la possibilité de demander la fixation de prix inférieurs ;
    Que ces pratiques, qui font obstacle au libre jeu de l’offre et de la demande et peuvent ainsi fausser la concurrence sur ce marché, constituent un abus de position dominante imputable à la société Interflora, ainsi qu’une entente avec les fleuristes membres de son réseau, au sens des articles L. 420-1 et L. 420-2 du nouveau Code de commerce ;
            Sur les sanctions :
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 464-2 du nouveau Code de commerce, « le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d’inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l’importance du dommage causé à l’économie et à la situation de l’entreprise ou de l’organisme concerné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 % du montant du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos. » ;
    Que, sans critiquer les injonctions qui lui ont été notifiées, la société Interflora conteste les conditions dans lesquelles a été déterminée la sanction pécuniaire prononcée à son encontre ; qu’elle fait valoir que le chiffre d’affaires à prendre en considération ne peut être le chiffre d’affaires qu’elle a comptabilisé, mais seulement celui qu’elle a effectivement réalisé, constitué par ses propres commissions, soit, en 1999, 112 122 F ; qu’elle ajoute que l’augmentation significative de son chiffre d’affaires depuis 1993 a pour unique origine une modification technique liée à l’application d’une nouvelle réglementation européenne lui imposant d’inclure dans ce montant la totalité de la vente, incluant les rémunérations versées aux intermédiaires ;
    Mais considérant que le plafond des sanctions pécuniaires susceptibles d’être prononcées par le Conseil est calculé par référence au chiffre d’affaires global hors taxes réalisé en France lors du dernier exercice clos et mentionné sur le compte de résultat de l’entreprise considérée ; qu’il résulte des pièces versées au dossier que la société Interflora a réalisé au cours de l’exercice 1999 un chiffre d’affaires hors taxes de 637 886 353 F ; qu’il y a lieu de relever le caractère renouvelé et la gravité des pratiques sanctionnées ; que la sanction pécuniaire de 1 524 490,10 Euro (10 000 000 de F) prononcée par le Conseil est justifiée ;
    Considérant qu’il convient de rejeter le recours ;
    Qu’il n’y pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
    Que le ministère d’avoué n’étant pas obligatoire en matière de recours contre les décisions du Conseil de la concurrence, les avoués de la cause ne peuvent obtenir le bénéfice du recouvrement direct des dépens ;
                    Par ces motifs :
    Ecarte le mémoire déposé tardivement par la société Téléfleurs ;
    Dit sans objet les exceptions d’irrecevabilité soulevées par la société Interflora à l’encontre des sociétés Floritel et Transélite ;
    Rejette le recours formé par la société Interflora contre la décision no 2000-D-75 du 6 février 2001 du Conseil de la concurrence ;
    Condamne la société Interflora aux dépens.

Le greffier
Le président

    (*)  Décision no 2000-D-75 du Conseil de la concurrence en date du 6 février 2001 (publiée au BOCCRF no 3 du 30 mars 2001).

© Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie - DGCCRF - 05 décembre 2001