Décision no 2001-D-10 du Conseil de la concurrence en
date du 30 mars 2001 relative à une saisine et à une demande de mesures
conservatoires de la société Labarbe
NOR : ECOC0100166S
Le Conseil de la concurrence
(section III),
Vu les lettres enregistrées les 27 novembre 2000, 13 et
20 février 2001 et 2 mars 2001 sous les numéros F 1273 et
M 279, par lesquelles la société Labarbe a saisi le Conseil de la concurrence de
pratiques mises en uvre par la société Collectes Valorisation Energie Déchets
(Coved), pratiques quelle estime tomber sous le coup de larticle L. 420-5
du livre IV du code de commerce, et a sollicité le prononcé de mesures
conservatoires ;
Vu le livre IV du code de commerce et le décret no 86-1309
du 29 décembre 1986 modifié pris pour lapplication de lordonnance
no 86-1243 du 1er décembre 1986 ;
Vu les observations présentées par le commissaire du
Gouvernement et par la société Collectes Valorisation Energie Déchets ;
Vu les autres pièces du dossier ;
La rapporteure, la rapporteure générale adjointe, le commissaire
du Gouvernement, le représentant de la société Labarbe et le représentant de la
société Collectes Valorisation Energie Déchets entendus au cours de la séance du
27 mars 2001 ;
Considérant que le syndicat intercommunal à vocation multiple
(SIVOM) du canton de Podensac a lancé, le 29 mars 1999, un appel doffres
ouvert en vue de la collecte sélective en porte-à-porte des déchets ménagers, du
transport, du tri, du conditionnement et de la valorisation des produits issus de la
collecte, de la communication et de linformation auprès de la population du
canton ; que la date limite de réception des offres était fixée au
27 mai 1999 à 17 heures ; que quatre entreprises ont déposé une
offre dans les délais requis : les sociétés Onyx Aquitaine, Labarbe, Coved et le
groupement momentané conjoint GIE Tiru-Surca ; quil ressort du procès-verbal
douverture des plis que deux candidatures ont été écartées : la société
Labarbe, qui ne disposait pas des références dans le domaine de la collecte sélective
et na donc pu produire aucun certificat de capacité se rapportant à des
prestations de nature et dimportance identiques à celles de lappel
doffres, le groupement momentané conjoint GIE Tiru-Surca, qui disposait de moyens
en personnels et en matériels techniques jugés insuffisants ; que la commission
dappel doffres du SIVOM a comparé les offres présentées par les sociétés
Onyx et Coved, dun montant annuel toutes taxes comprises de 1 885 440 F
pour la société Coved, et dun montant annuel toutes taxes comprises de
2 211 040 F pour la société Onyx, et a retenu le 2 juin 1999
loffre de la société Coved, jugée mieux-disante ;
Considérant que le syndicat intercommunal de collecte et de
traitement des ordures ménagères (SICTOM) de Castillon-La Bataille a lancé, en
juillet 1999, un appel doffres en vue du renouvellement du marché de la collecte
traditionnelle des déchets ménagers, ainsi que de la collecte sélective en
porte-à-porte des déchets ménagers ; que la commission dappel doffres
du syndicat a écartée la candidature de la société Labarbe, son chiffre
daffaires ayant été jugé insuffisant par rapport au montant du marché ;
quelle a déclaré cet appel doffres infructeux, les offres de prix proposées
par les entreprises candidates au marché étant très supérieures au montant estimé par
le syndicat ; quun deuxième appel doffres a été lancé en octobre 1999
en vue de la collecte sélective en porte-à-porte des déchets ménagers, du tri, du
conditionnement et de la valorisation des produits issus de la collecte, de la
communication auprès de la population dépendant du syndicat ; que, parmi les offres
présentées par les entreprises candidates au marché, figurait loffre de la
société Coved pour un montant hors taxes de 6 047 000 F pour la collecte
sélective, le tri, le conditionnement et la valorisation des déchets, et dun
montant hors taxes de 975 000 F pour les prestations de communication ; que la
commission dappel doffres a retenu loffre de la société Bioval, jugée
moins disante, et a décidé, le 3 mars 2000, de lui attribuer le
marché ; que, par une ordonnance du 31 mars 2000, le président du
tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision dattribution de ce
marché ; que, par une délibération du 7 avril 2000, le comité syndical
du SICTOM a décidé de lancer une nouvelle procédure dappel doffres ;
que, le 20 avril 2000, un troisième appel doffres a été lancé en vue
de la collecte sélective en porte-à-porte des déchets ménagers, du tri, du
conditionnement et de la valorisation des produits issus de la collecte, de la
communication auprès de la population dépendant du syndicat ; que la date limite de
réception des offres était fixée au 15 juin 2000 à 17 heures ; que
quatre offres ont été examinées par la commission dappel doffres du SICTOM,
parmi lesquelles : loffre de la société Coved, dun montant annuel hors
taxes de 4 522 000 F pour la collecte sélective, le tri, le
conditionnement et la valorisation des déchets, et dun montant hors taxes de
960 000 F sur cinq ans pour les prestations de communication, loffre du
groupement momentané Labarbe-Bioval, dun montant annuel hors taxes de
5 046 741 F pour la collecte sélective, le tri, le conditionnement et la
valorisation des déchets, et dun montant hors taxes de 980 000 F sur cinq
ans pour les prestations de communication ; que la commission dappel
doffres du syndicat a décidé, le 30 juin 2000, de retenir loffre
de la société Coved, jugée mieux disante ; que, par une requête et des
mémoires enregistrés au greffe les 3, 7 et 17 juillet 2000 les sociétés
Labarbe et Bioval ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux, en référé, sur le
fondement de larticle L. 22 du code des tribunaux administratifs et des cours
administratives dappel devenu larticle L. 532-1 du code de la justice
administrative, lannulation de la décision dattribution du marché ;
quen date respectivement du 3 août 2000 et du 4 août 2000 les
sociétés Labarbe et Bioval ont déclaré se désister de leur requête ; que, par
une ordonnance du 11 août 2000, le président du tribunal administratif de
Bordeaux a donné acte du désistement de la requête des sociétés Labarbe et
Bioval ;
Considérant que le syndicat de lEntre-Deux-Mers et du
Réolais pour la collecte et le traitement des ordures ménagères (USERCTOM) de Monségur
a lancé, le 14 décembre 2000, un appel doffres ouvert en vue, dune
part, du renouvellement du marché de la collecte et du transport des déchets ménagers
(lot no 1), dautre part, de la gestion des déchetteries de La
Réole et de Rimons (lot no 2) ; que la date limite de réception des
offres était fixée au 9 février 2001 ; que deux candidats ont présenté
une offre pour la collecte et le transport des déchets ménagers, la société Coved,
dun montant annuel hors taxes de 2 815 000 F, et le groupement
momentané Labarbe-Onyx, dun montant annuel hors taxes de
3 468 831 F ; que trois candidats ont déposé une offre pour la
gestion des déchetteries, la société Coved, dun montant annuel hors taxes de
1 273 000 F, la société Surca, dun montant annuel hors taxes de
1 376 000 F, le groupement momentané Labarbe-Onyx, dun montant annuel
hors taxes de 1 479 675 F ; quil ressort du rapport
danalyse des offres de la direction départementale de lagriculture et de la
forêt de la Gironde que la société Labarbe, mandataire du groupement momentané
solidaire constitué avec la société Onyx, société du groupe Compagnie générale
dentreprises automobiles (CGEA), filiale du groupe Vivendi, a produit pour chacun
des lots un acte dengagement non signé ; que la commission dappel
doffres de lUSERCTOM a décidé, le 19 février 2001, de retenir les
offres de la société Coved, jugées mieux disantes ;
Considérant que la société Labarbe soutient que la société
Collectes Valorisation Energie Déchets (Coved), filiale du groupe Bouygues, a proposé à
loccasion de ces appels doffres des prix abusivement bas et que ces pratiques
sont contraires aux dispositions de larticle L. 420-5 du livre IV du code
de commerce ; quelle fait valoir que ces pratiques de prix lont conduite
à être écartée des appels doffres et à perdre le seul marché quelle
détenait ; quelle cessera de ce fait toute activité de collecte des déchets
ménagers à compter du 31 mars 2001 ; quen conséquence elle demande
au Conseil de prendre des mesures conservatoires sur le fondement de larticle
L. 464-1 du livre IV du code de commerce, dans lattente dune
enquête quelle lui demande de diligenter et jusquà ce quil soit
statué au fond ;
Considérant, dune part, que larticle L. 420-5 du
livre IV du code de commerce prohibe les « offres de prix ou pratiques de prix de
vente aux consommateurs abusivement bas par rapport aux coûts de production, de
transformation et de commercialisation, dès lors que ces offres ou pratiques ont pour
objet ou peuvent avoir pour effet déliminer dun marché ou dempêcher
daccéder à un marché une entreprise ou lun de ses
produits... » ;
Considérant, dautre part, que le Conseil de la
concurrence ne peut prononcer les mesures conservatoires mentionnées à larticle
L. 464-1 du livre IV du code de commerce que si la demande dont il est saisi à cette
fin est fondée accessoirement à une saisine au fond recevable ; dautre part,
quaux termes de larticle L. 462-8 du livre IV du même code : « Le
Conseil de la concurrence peut déclarer, par décision motivée, la saisine irrecevable
sil estime que les faits invoqués nentrent pas dans le champ de sa
compétence ou ne sont pas appuyés déléments suffisamment probants » ;
Considérant, en premier lieu, ainsi que la énoncé la
cour dappel de Paris (3 juillet 1998, 1re chambre, SMA,
Société moderne dassainissement et de nettoiement), que lexigence qui pèse
sur lacheteur public, en vertu des articles 95 bis, 97 ter,
297 bis et 300 du code des marchés publics, de ne pas rejeter une offre qui
lui semble anormalement basse sans demander, par écrit, des précisions sur sa
composition, et de vérifier cette composition au vu des justifications fournies, suppose
une compétence technique incompatible avec la notion de « consommateur »
au sens de larticle 10-1 de lordonnance no 86-1243 du 1er décembre 1986
modifiée, codifié à larticle L. 420-5 précité du livre IV du code de
commerce, et exclut lapplication de ce texte à loccasion de la passation des
marchés publics ;
Considérant quen passant les marchés pour la collecte
classique ou sélective des déchets ménagers, ainsi que, pour lUSERCTOM de
Monségur, pour la gestion des déchetteries de Réole et de Rimons, le SIVOM du canton de
Podensac, le SICTOM de Castillon-La Bataille et lUSERCTOM de Monségur sont
intervenus pour déléguer une mission de service public et pour satisfaire les besoins
des habitants des collectivités territoriales adhérentes, et non pour satisfaire leurs
propres besoins ; quil sensuit que ces établissements publics ne sont
pas des consommateurs au sens des dispositions de larticle L. 420-5
précité ; quen conséquence les offres de prix proposées par la société
Collectes Valorisation Energie Déchets au SIVOM du canton de Podensac, au SICTOM de
Castillon-La-Bataille, ainsi quà lUSERCTOM de Monségur, ne sont pas visées
par les dispositions de larticle L. 420-5 précité, qui prohibent les seules
offres ou pratiques de prix de vente aux consommateurs ;
Considérant, en deuxième lieu, que la société Labarbe
napporte aucun élément qui pourrait laisser présumer que des pratiques relevant
de larticle L. 420-1 du livre IV du code de commerce, qui prohibe les actions
concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, lorsquelles
ont pour objet ou peuvent avoir effet dempêcher, de restreindre ou de fausser le
jeu de la concurrence sur un marché, auraient été mises en uvre par la société
Coved à loccasion des appels doffres concernés ;
Considérant, en troisième lieu, quau regard de
larticle L. 420-2 du même code, qui prohibe lexploitation abusive par
une entreprise ou un groupe dentreprise dune position dominante sur le marché
intérieur ou une partie substantielle de celui-ci, la société Labarbe napporte
pas déléments permettant ni de délimiter le marché de référence, ni, a
fortiori, détablir lexistence dune position dominante de la
société Coved, ni, enfin, de démontrer que cette dernière société a présenté des
offres abusivement basses en pratiquant des prix inférieurs à ses coûts variables
moyens, tels quils résultent des éléments comptables propres à cette
société ; que lexistence de prix prédateurs ne peut être déduite de la
seule comparaison des prix pratiqués entre les appels doffres de chaque syndicat,
ni de la seule comparaison des prix pratiqués entre ces appels doffres et les
appels doffres concernant les marchés antérieurs ;
Considérant quil résulte de ce qui précède quil y
a lieu de faire application des dispositions de larticle L. 462-8 précité du
livre IV du code de commerce et de déclarer la saisine irrecevable et, par voie de
conséquence, de rejeter la demande de mesures conservatoires,
Décide :
Art. 1er. - La saisine
au fond enregistrée sous le numéro F 1273 est déclarée irrecevable.
Art. 2. - La demande de mesures
conservatoires enregistrée sous le numéro M 279 est rejetée.
Délibéré, sur le rapport oral de Mme Reffet, par
Mme Hagelsteen, présidente, M. Cortesse, vice-président, MM. Bidaud,
Robin et Ripotot, membres.
La secrétaire de séance, Patricia Perrin |
La présidente, Marie-Dominique Hagelsteen |
Ministre de l'conomie, des Finances et de l'Industrie- 18 juin 2001