Décision no 2001-D-02 du Conseil de la concurrence en
date du 6 mars 2001 relative à des pratiques mises en uvre sur le marché
des enrobés bitumineux de la communauté urbaine de Bordeaux
NOR : ECOC0100124S
Le Conseil de la concurrence
(section III),
Vu la lettre du 23 novembre 1995, enregistrée sous le
numéro F 824, par laquelle le ministre délégué aux finances et au commerce
extérieur a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques relevées sur le marché des
enrobés bitumineux de la communauté urbaine de Bordeaux (CUB) ;
Vu le livre IV du code de commerce et le décret no 86-1309
du 29 décembre 1986 modifié, pris pour application de lordonnance du 1er décembre 1986 ;
Vu les observations présentées par le commissaire du
Gouvernement et par les sociétés Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du
Gouvernement et les représentants des sociétés Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest
entendus lors de la séance du 9 janvier 2001,
Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et sur les
motifs (II) ci-après exposés :
I. - CONSTATATIONS
A. - Les marchés et les entreprises
1. Le marché des enrobés bitumineux de la CUB
Cest un marché à commandes, défini
par larticle 273 du code des marchés publics, destiné à fournir les services
de la CUB ou les entreprises travaillant pour elle en matériaux courants de voirie. Il se
décompose en sept lots, selon la nature des fournitures, considérés chacun comme autant
de marchés distincts. Chaque marché est passé pour une durée allant de la date de sa
notification au 31 décembre de lannée considérée, renouvelable par
tacite reconduction pour une nouvelle période dun an.
Le lot no 1 concerne les enrobés bitumineux. Le
tableau ci-après résume les données relatives à ce marché pour les années 1990-1991,
1992 et 1993 :
Marché enrobés CUB de 1990 à 1993
ANNÉE
---
Nombre de lot |
ESTIMATION ADM.
minimum et maximum
(en francs) |
NATURE DES OFFRES |
ENTREPRISE RETENUE |
MONTANT DU MARCHÉ
(en francs) |
1990-1991
---
1 lot |
2 140 000 mini
4 100 000 maxi |
STR, Crégut, Guyenne
Enrobés, SCR, Sogeba,
Enrobés Bordeaux,
Colas/SCREG |
Colas/Screg |
3 215 957 |
1992
---
1 lot |
2 000 000 mini
3 000 000 maxi |
Crégut, AME/BME,
Enrobés Bordeaux,
Guyenne Enrobés |
Crégut |
2 766 997 |
1993
---
3 lots |
650 000 mini
1 000 000 maxi par lot |
Lot 1 : BME
Lot 2 : 33 000 Enrobés,
Guyenne Enrobés
Lot 3 : Siorat, Guyenne
Enrobés |
Lot no 1 : BME
Lot no 2 :
33 000 Enrobés
Lot no 3 :
Guyenne Enrobés |
1 068 615
1 067 963
1 045 992 |
2. La fabrication des enrobés bitumineux
Ainsi que lindiquait déjà le Conseil de la
concurrence dans la décision no 89-D-34 du 25 octobre 1989, il
existe trois types denrobés : les graves hydrauliques, les graves émulsions
ou enrobés stockables à froid et les enrobés bitumineux à chaud.
La fabrication des enrobés bitumineux à chaud se fait dans des
centrales fixes ou mobiles, à partir de granulats, de bitume pur et de chaux. Les
centrales mobiles sont installées à proximité de gros chantiers routiers ou
autoroutiers par des entreprises de travaux publics qui se réservent lexclusivité
de la production. Elles sont créées pour les besoins dun chantier particulier à
la demande des services de léquipement afin dobtenir une production
parfaitement homogène.
Les centrales fixes, de loin les plus importantes, sont
exploitées dans le cadre de sociétés communes constituées par plusieurs entreprises de
travaux publics utilisant des enrobés. Elles livrent les sociétés actionnaires, mais
peuvent aussi vendre leur production à des entreprises de travaux publics petites et
moyennes qui nont pas les moyens de créer leur propre centrale, comme à des
services techniques des collectivités territoriales qui gèrent eux-mêmes la mise en
uvre de ces enrobés.
Linstallation de ces centrales denrobage est, après
avis du conseil départemental dhygiène, soumise à autorisation préfectorale en
vertu de la loi no 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux
installations classées pour la protection de lenvironnement.
Fabriqués à de hautes températures quil est nécessaire
de maintenir jusquà lépandage, ces enrobés bitumineux sont des produits qui
nécessitent des modalités particulières de transport. Lincidence du coût de ce
transport est importante - de lordre de 50 F la tonne pour un parcours de 40
km -, de telle sorte quune centrale denrobés ne peut être compétitive
que si le produit est mis en uvre à proximité immédiate, dans un rayon dune
quarantaine de kilomètres.
Quatre centrales fixes denrobés bitumineux sont installées
en Gironde dans le périmètre de la CUB :
33 000 Enrobés, SARL au capital de
120 000 F, qui a son siège à Villenave-dOrnon et dont les actionnaires sont
par ordre dimportance des parts détenues : SCREG Sud-Ouest (34,50 %), Crégut
Atlantique (30 %), Colas Sud-Ouest (22,25 %), Entreprise de travaux publics et
routiers (ETPR) (12,25 %) et Société de travaux routiers (STR) (1 %) ;
Aquitaine de matériaux enrobés (AME), SARL au
capital de 440 000 F, qui a son siège à Mérignac et dont Colas Sud-Ouest et SCREG
Sud-Ouest étaient les actionnaires exclusifs jusquen novembre 1992, date à
laquelle Malet, Via France, Cochery Bourdin Chausse (CBC) sont entrés dans le capital
avec un total de 33 % des parts ;
Bordelaise de matériaux enrobés (BME), SARL au
capital de 750 000 F, qui a son siège à Floirac et dont les actionnaires sont dans
les mêmes proportions quAME, Colas Sud-Ouest, SCREG Sud-Ouest jusquen
novembre 1992, auxquels sajoutent Malet, Via France, CBC et SCR à partir de cette
date ;
Guyenne Enrobés, groupement dintérêt
économique au capital de 300 000 F, qui a son siège à Mérignac et dont les
membres sont lentreprise Jean Lefebvre et la Société moderne de technique
routière (SMTR).
Le tableau suivant présente, pour 1992, la production de ces
centrales :
PRODUCTION |
33 000 ENROBÉS |
AME |
BME |
GUYENNE ENROBÉS |
TOTAL (en tonnes) |
71 000 |
130 000 |
103 000 |
116 000 |
Loffre denrobés bitumineux fabriqués
dans les centrales fixes est de lordre de 420 000 tonnes par an. La production
denrobés bitumineux à chaud par les centrales fixes varie peu dune année
sur lautre. La disparition, le 24 novembre 1992, de la centrale Enrobés
Bordeaux, rachetée par AME, na pas changé les données quantitatives globales, AME
récupérant en grande partie la production de cette dernière. En ajoutant la production
spécifique des enrobés réalisée par les centrales mobiles pour les besoins propres des
gros chantiers, on peut considérer que la production totale denrobés bitumineux en
Gironde est de lordre de 500 000 à 600 000 tonnes par an.
3. Les entreprises de travaux publics en Gironde
Les entreprises de travaux publics intervenant sur
les marchés denrobés bitumineux de la CUB sont principalement :
Colas Sud-Ouest, société anonyme au capital de
39 000 000 F, dont le siège est à Mérignac, qui fait partie du groupe
Bouygues ;
SCREG Sud-Ouest, société en nom collectif au
capital de 40 000 000 F, dont le siège est à Mérignac et qui fait également
partie du groupe Bouygues ;
ETPR (Entreprise de travaux publics et
routiers), société anonyme au capital de 1 332 000 F, dont le siège est à
Baron ;
STR (Société de travaux routiers), société
anonyme au capital de 1 300 000 F, dont le siège est à Loupes ;
la société Crégut, titulaire du marché de la
CUB en 1992, société anonyme au capital de 4 500 000 F, filiale de SACER SA,
du groupe Bouygues, dont le siège était à Nîmes jusquau
31 décembre 1992.
A partir du 1er janvier 1993, la société
Crégut SA est devenue Crégut Atlantique, société anonyme au capital de
2 800 000 F, qui a son siège à Mérignac. Cette opération a été le
résultat de la transformation de la SACER, filiale à 99,4 % de Colas SA, en société
holding qui a filialisé ses activités économiques en créant la SA SACER Atlantique,
dont Crégut Atlantique est elle-même une filiale, à côté de SACER Paris Nord-Est et
SACER Sud-Est.
Ces entreprises fabriquent, par le biais des centrales fixes ou
mobiles quelles ont créées, des enrobés bitumineux, non seulement pour les
besoins de leur propres chantiers, mais aussi pour les besoins de tiers, dans des
conditions qui sont précisées dans les conventions dexploitation régissant le
fonctionnement des centrales denrobés.
4. Le fonctionnement des centrales denrobés
bitumineux
Les conventions dexploitation des centrales
33000 Enrobés, AME et BME, par lesquelles les associés mettent en commun les moyens
nécessaires pour fabriquer et commercialiser en commun les matériaux enrobés,
comportent, pour lessentiel, les mêmes dispositions pour ce qui concerne
ladministration et la gestion, la définition des prix, les clauses
dapprovisionnement.
Ladministration et la gestion
Chaque centrale est administrée par un comité de
gérance composé du gérant administratif et du gérant technique. Ce comité a deux
rôles : il applique les décisions de lassemblée générale ; il prend
les mesures nécessaires à la mise en uvre des propositions du comité de
direction, qui a en charge les décisions courantes relatives à lexploitation de
chaque centrale. En comité de direction comme en assemblée générale, les décisions
sont prises par les entreprises associées, qui disposent de voix au prorata de leur
participation au capital.
Les membres du comité de gérance sont les mêmes pour les trois
centrales : Colas Sud-Ouest a la gérance administrative, SCREG Sud-Ouest la gérance
technique. Les deux gérants restent salariés de leur société dorigine.
Par ailleurs, ces deux sociétés ont, de par leur participation
au capital, les moyens de contrôler les centrales. Elles détiennent 57 % des parts
dans 33 000 Enrobés, ainsi que la totalité du capital dAME et BME.
La définition de la politique des prix
Les statuts des centrales prévoient des
modalités différentes de fixation des prix selon que la cession est consentie à un
associé ou à un tiers.
Le prix de cession facturé aux associés comprend les frais
généraux de fonctionnement de la centrale, un amortissement calculé sur le total des
dépenses dinvestissement, une provision pour charges financières sur
investissement, les autres charges financières et une majoration de 10 % des trois
premiers éléments cités.
Le prix de cession aux tiers est fixé à partir de ce prix de
base modifié, ainsi que lindique larticle 15 de la convention
dexploitation de 33 000 Enrobés, « pour tenir compte des
caractéristiques du produit demandé, des tonnages ou de lintérêt que pourrait
présenter tels clients ou telles affaires ».
Dans les deux cas, la décision en matière de prix appartient à
lassemblée générale qui statue à la majorité des deux tiers.
Si la détermination des prix appliqués aux associés est fondée
sur une évaluation des coûts auxquels sajoute une marge de 10 %, les
critères de fixation des tarifs imposés aux tiers sont beaucoup plus vagues, laissant à
lassemblée générale un pouvoir dappréciation plus large. Lexamen des
tarifs « tiers » des trois centrales permet cependant dobserver
que ces tarifs sont différents selon le tonnage fourni, mais restent toujours supérieurs
aux tarifs réservés aux associés. Sagissant des plus importantes commandes
dévolues aux grands routiers, la différence avec ces derniers est, pour le 0/6,3 Garonne
de 6,88 % chez 33 000 Enrobés, de 17,17 % chez AME et de 13,62 % chez BME. Cet
écart devient beaucoup plus grand pour les faibles tonnages.
Les clauses dapprovisionnement
Les clauses dapprovisionnement exclusif
présentes dans les anciennes conventions, par lesquelles les entreprises associées dans
les centrales sengageaient à se fournir exclusivement auprès des centrales
denrobés, ont été modifiées pour tenir compte de larrêt de la cour
dappel de Paris du 4 juillet 1990 confirmant linjonction adressée
par le Conseil de la concurrence à plusieurs sociétés de ce secteur (décision no 89-D-34).
Elles ont été remplacées par une disposition aux termes de
laquelle les associés doivent sefforcer dapprovisionner leurs chantiers
auprès de la centrale située dans leur périmètre de réalisation.
La convention dexploitation de 33 000 Enrobés diffère
des deux autres sur un seul point : il sagit de la disposition de
larticle 17, qui étend aux associés de cette centrale la faculté de
sapprovisionner auprès dAME et BME. Elle est ainsi rédigée : « Lorsque,
pour des raisons géographiques, les entreprises Sacer Labro ETPR STR
Crégut et Sattanino seront amenées à prendre des enrobés aux postes
dAquitaine de matériaux enrobés et de la Bordelaise de matériaux enrobés, elles
bénéficieront au départ de ces sociétés de prix égaux à leurs prix réels de
façonnage obtenus au poste de 33 000 Enrobés, auxquels sajouteront les prix
de fournitures déterminés suivant le même mode de calcul quaudit poste ».
Ce texte a, en réalité, pour objet détendre aux associés
de 33 000 Enrobés, qui ne sont pas aussi associés dAME et BME, les avantages
consentis à tous les associés des trois centrales.
5. La demande denrobés bitumineux
La demande denrobés fabriqués dans les
centrales fixes émane essentiellement des associés de ces centrales pour les besoins de
leurs chantiers de construction, dagrandissement ou dentretien de voirie. Elle
représente 88 % des 420 000 F denrobés bitumineux fabriqués en Gironde,
soit plus de 370 000 tonnes par an. La production restante est destinée à la vente
à des tiers, services techniques des collectivités territoriales comme la CUB, services
de léquipement ou entreprises petites et moyennes qui nont pas les moyens
davoir leurs centrales de fabrication. Ces demandeurs mettent eux-mêmes en
uvre les enrobés achetés.
Compte tenu des caractéristiques techniques et économiques de
cette production, le marché retenu est celui de la production des enrobés bitumineux à
chaud fabriqués dans les centrales fixes du département de la Gironde. Sur ce marché,
les sociétés Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest sont les principaux intervenants avec
72 % de parts de marché, correspondant à une production de
304 000 tonnes.
B. - Les pratiques relevées
Quatre types de pratiques ont été mises
en uvre par les entreprises Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest associées dans les
centrales communes denrobés :
un refus de livrer des enrobés bitumineux à
partir des centrales Aquitaine de matériaux enrobés (AME) et Bordelaise de matériaux
enrobés (BME), empêchant la société Crégut dhonorer le marché passé avec la
CUB ;
une hausse brutale des prix dachat des
enrobés, qui a conduit cette société à ne pas demander le renouvellement de ce
marché ;
la présentation doffres, dans le cadre du
marché ainsi ouvert, sensiblement supérieures à celles de lannée
précédente ;
le contrôle par ces deux sociétés de la
production des enrobés bitumineux en Gironde.
1. Le refus de livraison
Le marché 92/202, relatif à la fourniture
des enrobés bitumineux à la CUB, a été notifié à la société Crégut le
9 avril 1992. Le cahier des charges prévoit trois points de livraison auprès
desquels doivent sapprovisionner les camions des circonscriptions de voirie. Mais,
très rapidement, des problèmes sont apparus. Le président de la CUB, dans une lettre
adressée au directeur régional de la CCRF, écrit : « Or, dès le début
dexécution, nos services ont eu des difficultés à se fournir à la centrale AME
qui refusait de considérer les bons de commande établis au titre du marché
Crégut. »
Un ordre de service, adressé le 24 avril 1992 par la
direction des services techniques de la CUB à la société Crégut indique : « Lentreprise
Crégut, titulaire du marché, doit prendre dans les plus brefs délais, toutes ses
dispositions afin dassurer la fourniture des enrobés dans toutes les centrales,
conformément à ses engagements. »
Le 28 avril 1992, la société Crégut a écrit à la
société Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest : « Avant de communiquer de
façon définitive notre position à la CUB, nous tenons à vous demander de la façon la
plus formelle si les sociétés denrobage AME et BME dont vous assurez la direction
sont disposées à livrer pour notre compte, notre client CUB dans le cadre du marché
cité en référence. »
La société SCREG Sud-Ouest sest bornée à
répondre : « En ce qui concerne AME, en vertu de larticle 36-2
de lordonnance du 1er décembre 1986 relative aux droits de la
concurrence, des fournitures denrobés pourront vous être consenties aux conditions
du barême ci-dessous. » Le barème proposé est celui appliqué aux entreprises
tierces. De son côté, la société AME, au nom de ses associés, a répondu de la
manière suivante, dans une lettre datée du 13 mai 1992 : « Après
consultation de ses associés, la société AME tient à vous préciser que la communauté
urbaine de Bordeaux figure au registre de sa clientèle tiers et, quà ce titre,
elle lui a fait directement des propositions quant aux conditions auxquelles elle peut la
servir.
AME ne peut donc accepter de vous reconnaître un rôle
dintermédiaire pour des prestations quelle est en mesure dassurer
directement. »
La société Crégut a constaté cet état de fait dans une lettre
envoyée à la directrice des services techniques de la CUB : « Jusquà
ce jour, malgré quelques perturbations dont nous vous prions de nous excuser, les
enlèvements ont été effectués normalement à partir de la centrale 33 000
Enrobés. Cependant, en raison de lattitude inattendue des associés majoritaires
des sociétés denrobage AME et BME, il ne nous a pas été possible de vous
approvisionner à partir des centrales de ces sociétés.
Nous regrettons de vous informer que ces sociétés, qui sont
pourtant nos fournisseurs habituels, persistent dans leur refus de vente malgré nos
demandes réitérées et que, en conséquence, nous ne pouvons vous garantir, pour
linstant, de pouvoir vous fournir au départ de ces deux centrales.
Nous nous efforçons de résoudre ce problème dans les meilleurs
délais... »
La CUB a répondu à la société Crégut, le
11 juin : « Si vous ne pouviez honorer vos engagements et
proposer une solution acceptable dans un délai de 15 jours à compter de la réception de
la présente, je me verrai dans lobligation de faire exécuter ce marché à vos
frais et risques et ce, jusquau 31 décembre 1992, date de fin du marché
92/202. »
Malgré des propositions faites à la CUB le 29 juin par
la société Crégut, un nouvel ordre de service lui a été adressé en provenance de la
première circonscription de voirie : « Un camion de la 1re
circonscription sest présenté le 1er juillet à la centrale
AME, chemin de la Grange-Noire à Mérignac, pour prendre livraison denrobés. Il
na pas été possible de se faire servir. Vous voudrez bien prendre toutes les
mesures nécessaires pour remédier à ce problème. »
Mais, peu après, une solution a enfin été trouvée. M. Belier,
directeur de lagence Crégut, a écrit, le 29 juillet, à la CUB : « Nous
vous informons que vous pouvez approvisionner vos différentes circonscriptions à partir
des postes AME et BME, pendant la fermeture annuelle de 33 000 Enrobés allant du 1er août au
25 août. »
Ses effets se sont prolongés au-delà du
25 août puisque, dans une lettre du 5 janvier 1993, envoyée au
directeur régional de la concurrence, de la consommation et de la répression des
fraudes, la CUB reconnaît : « Depuis cette date, les enlèvements
denrobés peuvent seffectuer sur les trois centrales précitées selon la
même procédure. »
Mais M. Belier, directeur de lagence Crégut, a demandé, le
21 septembre suivant, à la CUB, la résiliation du marché lot no 1
enrobés bitumineux ; le marché sest donc terminé le
31 décembre 1992, sans que la société Crégut ait usé de la possibilité de
le reconduire en 1993.
2. La hausse brutale des prix dachat imposée
à la société Crégut en 1992
Le refus de livraison opposé à la société
Crégut a eu pour conséquence immédiate de la mettre dans limpossibilité
dexécuter le marché conclu avec la CUB à partir des poins de livraison
correspondant aux centrales AME et BME, si bien que la CUB, dans une lettre du 11 juin,
la menacée de faire exécuter ce marché à ses frais et risques et ce,
jusquau 31 décembre 1992.
Dès lors, il ne restait plus à la société Crégut quune
solution : accepter dacheter les enrobés auprès des centrales AME et BME, à
des prix très sensiblement supérieurs à ceux réservés aux associés de ces centrales.
En effet, les deux principales catégories denrobés bitumineux, le 0/6,3 Garonne et
le 0/6,3 Diorite, sont proposés à 351 F et 390 F, tarif « tiers » en
vigueur pour les livraisons journalières inférieures à 100 tonnes ; par rapport
aux prix quAME consentait à ses associés, la hausse est respectivement de
75 % et de 81 %, alors que, pour les mêmes produits, la hausse appliquée par
BME est de 78 % et de 76 %.
A partir de ce moment-là, la CUB a pu se fournir en enrobés
auprès dAME et de BME, pour la période des vacances tout dabord (1er
au 25 août), puis ensuite jusquà la fin de lannée.
La hausse finalement supportée par la société Crégut, quoique
dun montant plus faible, nen était pas moins importante et, en toute
hypothèse, le prix quelle a payé était supérieur au prix payé par la CUB pour
ce marché, comme lindique le tableau suivant :
BB |
PRIX FACTURÉS AUX ASSOCIÉS |
PRIX FACTURÉS CRÉGUT |
HAUSSE PRATIQUÉE |
PRIX CUB |
|
AME |
BME |
AME |
BME |
AME |
BME |
1992 |
0/6,3 Garonne |
201,34 |
197,49 |
230 |
230 |
14,2 % |
16,5 % |
218 |
0/6,3 Diorite |
215,54 |
220,82 |
260 |
260 |
20,6 % |
17,7 % |
240 |
Il est à noter qualors que les prix
facturés à leurs associés respectifs par les centrales AME et BME ne sont pas les
mêmes, les prix facturés à Crégut par ces mêmes centrales sont strictement
identiques : 230, 00 F pour le 0/6,3 Garonne, 260,00 F pour le 0/6,3 Diorite. Dans un
cas comme dans lautre, ils ne figurent pas dans les tarifs officiels et ne varient
pas en fonction des quantités délivrées.
3. La hausse des prix sur le marché des enrobés
bitumineux
de la CUB en 1993
Lanalyse des soumissions au marché des
enrobés bitumineux de la CUB entre 1990 et 1993 permet de mesurer lévolution du
prix payé par la collectivité publique pour se fournir en enrobés auprès des centrales
de fabrication.
Le marché de 1990-1991
Il est détenu par le groupement SCREG
Sud-Ouest/Colas Sud-Ouest. Selon lacte dengagement, le montant annuel de ce
marché est de 2 711 600 F HT et les prix proposés sont de 249,00 F HT la tonne
pour le 0/6,3 Garonne et de 243,00 F HT la tonne pour le 0/10 Garonne.
Le marché de 1992
En 1992, la société Crégut emporte le marché
des enrobés bitumineux avec des propositions de prix de 218,00 F HT la tonne pour le
0/6,3 Garonne et 210,00 F HT la tonne pour le 0/10 Garonne.
La société 33 000 Enrobés na pas soumissionné à ce
marché. Les sociétés AME et BME ont soumissionné conjointement avec des prix de 254,00
F HT la tonne pour le 0/6,3 Garonne et de 247,00 F HT la tonne pour le 0/10 Garonne, prix
respectivement supérieurs de 16,5 % et 17,6 % à loffre Crégut.
La comparaison entre ses prix dachat auprès de la centrale
33 000 Enrobés et ses prix de soumission détermine la marge de la société
Crégut, qui est de 8,63 % pour le 0/6,3 Garonne et de 9,70 % pour le 0/10 Garonne.
Le marché de 1993
La hausse des coûts des matériaux imposée par
les sociétés AME et BME a amené la société Crégut à ne pas reconduire le marché en
1993.
Limité à la fourniture denrobés bitumineux utilisés
exclusivement par les services techniques de la CUB pour les travaux courants de voirie,
ce marché a été divisé en trois lots géographique gérés comme autant de marchés
distincts et attribués pour une période dun an.
Le lot no 1 a été attribué à BME, qui était
seul soumissionnaire avec un prix de 248,50 F HT pour le 0/6,3 alluvionnaire et
de 245,50 F HT pour le 0/10 alluvionnaire.
Le lot no 2 a été attribué à lentreprise
33000 Enrobés avec des propositions respectives de 247,90 F HT pour le 0/6,3 et de
244,50 F HT pour le 0/10.
Le lot no 3 a été attribué à lentreprise
Guyenne Enrobés qui proposait 243,00 F HT pour le 0/6,3 et 239,00 F HT pour le 0/10.
4. Lalourdissement du prix payé par la CUB en 1993
Il résulte, dune part, de
limpossibilité dans laquelle sest trouvée la société Crégut de renouveler
le marché sur la base des prix de 1992, dautre part, de la nécessité pour la CUB,
désireuse déviter les difficultés rencontrées sur le marché de 1992, de diviser
ce marché en trois lots géographiques gérés comme autant de marchés distincts. Ces
trois lots ont été attribués aux trois centrales denrobés situées dans leur
périmètre. Seul, le lot no 3 a donné lieu apparemment à une
concurrence entre les centrales 33 000 Enrobés et Guyenne Enrobés.
Il convient de noter quentre 1992 et 1993, lévolution
des prix payés par la CUB est, pour le lot no 1, de 14 % pour le
0/6,3 et de 17 % pour le 0/10 Garonne, tandis que, pour le lot no 2,
cette évolution est respectivement de 14 % et de 16 %. En revanche, si la
société Crégut avait pu faire jouer la clause de reconduction en 1993, les prix du
marché auraient été calculés selon une formule dactualisation, prévue à
larticle 4-2 du marché 1992, basée sur lévolution de lindice des
prix du bitume dune année sur lautre, ce qui aurait entraîné une majoration
limitée à 4,4 %.
La hausse du coût consécutive au non-renouvellement de contrat
de la société Crégut est présentée dans les tableaux suivants pour les deux
principaux matériaux utilisés.
Hausse du coût du BB 0/6,3
LOTS ATTRIBUÉS |
PRIX SOUMISSION |
PRIX CRÉGUT
(si reconduction marché 92) |
HAUSSE DES PRIX |
No 1 BME |
248,50 |
227,60 |
+ 9,2 % |
No 2 33 000 Enrobés |
247,90 |
227,60 |
+ 8,9 % |
No 3 Guyenne Enrobés |
243,00 |
227,60 |
+ 6,8 % |
Hausse du coût du BB 0/10
LOTS ATTRIBUÉS |
PRIX SOUMISSION |
PRIX CRÉGUT
(si reconduction marché 92) |
HAUSSE DES PRIX |
No 1 BME |
245,50 |
219,30 |
+ 11,9 % |
No 2 33 000 Enrobés |
244,50 |
219,30 |
+ 11,5 % |
No 3 Guyenne Enrobés |
239,00 |
219,30 |
+ 9,0 % |
Ces hausses sont constatées également sur les
autres matériaux bitumineux livrés à la CUB, qui a donc dû traiter en 1993 à des prix
sensiblement supérieurs à ceux de 1992.
5. Le contrôle de la production des enrobés bitumineux
en Gironde
par les sociétés Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest
Ces sociétés, qui, par lintermédiaire de
leurs centrales denrobés, produisent 304 000 tonnes denrobés par an,
détiennent aussi 72 % des parts de marché. La situation géographique de leurs
trois centrales implantées dans lagglomération bordelaise leur permet dêtre
présentes sur tous les marchés ouverts dans le département de la Gironde, ce qui
nest pas le cas du seul concurrent qui possède la quatrième centrale de production
denrobés.
Rendu possible par leur participation largement majoritaire au
capital des centrales 33 000 Enrobés, AME et BME, ce contrôle seffectue par
le biais des gérants administratifs et techniques, qui sont salariés par SCREG Sud-Ouest
et Colas Sud-Ouest, du fait que les associés majoritaires dirigent également les organes
statutaires : le comité de gérance, le comité de direction et lassemblée
générale. Ces organes, dans lesquels les décisions sont prises par les entreprises
associées qui disposent de voix au prorata de leur participation au capital,
définissent, en particulier, la politique des prix et dapprovisionnement des
centrales. Toutes les décisions courantes de ces structures sont du ressort du comité de
direction, qui fonctionne selon le même principe.
C. - Les griefs notifiés
Sur la base des éléments rappelés ci-dessus,
ont été notifiés sept griefs aux sociétés Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest.
1. Sur la base de larticle L. 420-1 du code de
commerce
Il a été reproché à ces sociétés :
la mise en uvre dun refus concerté
de livraison de la société Crégut, ayant pour objet dévincer cette dernière du
marché des enrobés bitumineux de la CUB et pour effet de lobliger à renoncer à
ce marché alors quil était en cours dexécution. Cette concertation est
prouvée par le fait que le refus de livraison commence et se termine à la même date et
est motivé par la même volonté exprimée de traiter directement ce marché avec la CUB,
sans considérer que la société Crégut est titulaire du marché depuis le 1er
janvier 1992 ;
la mise en uvre également dune
hausse concertée des prix des enrobés bitumineux par application à la société Crégut
dun tarif supérieur à 10 % à celui consenti aux associés des centrales
denrobés et contraire aux dispositions de la convention dexploitation de la
centrale 33 000 Enrobés. Lapplication de cette hausse, au même moment et
dun même montant pour les deux principaux types denrobés, révèle une
entente anticoncurrentielle ayant pour objet dobliger la société Crégut à vendre
à perte les enrobés bitumineux à la CUB et pour effet de lobliger à renoncer à
la reconduction de ce marché en 1993 ;
la mise en uvre dune action
concertée, en présentant, par le biais des centrales denrobés quelles
contrôlent, des offres apparemment distinctes destinées à simuler une concurrence qui
nexiste pas, du fait, dune part, que lacheteur public a été amené à
diviser le marché antérieur unique en trois lots géographiques distincts correspondant
à la zone de chalandise de chacune de leurs trois centrales denrobés ; du
fait, dautre part, dune fixation de prix de soumission quasiment identiques et
supérieurs de 15 % à ceux du marché antérieur. Cette concertation a eu pour objet
de fausser le jeu de la concurrence dans lattribution de ce marché et pour effet de
pénaliser lacheteur public en lobligeant à acheter les enrobés bitumineux
à un coût sensiblement supérieur à celui de lannée précédente ;
des échanges dinformations, dans le cadre
de la gestion des structures communes de fabrication des enrobés bitumineux, entre
associés sur les coûts dapprovisionnement et de fabrication de ces matériaux,
ayant eu pour objet une élaboration commune des prix de soumission à un marché public
et pour effet le partage de ce marché ;
la fixation, par le biais des centrales de
production denrobés, de prix discriminatoires à légard des entreprises
tierces non justifiés par des conditions objectives de coût, ayant pour objet de limiter
artificiellement la capacité concurrentielle des entreprises tierces et pour effet de les
évincer du marché de la CUB.
2. Sur la base de larticle L. 420-2 du code de
commerce
lutilisation de leur
position dominante collective sur le marché de la production des enrobés bitumineux en
Gironde pour mettre en uvre des pratiques de vente et de prix discriminatoires,
ayant pour objet dentraver le fonctionnement normal du marché dès lors que le
concurrent ne disposait pas dautres solutions économiquement et techniquement
acceptables et pour effet de lévincer de ce marché ;
lutilisation de cette domination pour
fixer des prix artificiellement élevés en faveur des associés, ayant pour objet
daccroître leurs marges de manière excessive et pour effet de renchérir pour la
collectivité publique le coût dachat des enrobés bitumineux.
II. - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS
QUI PRÉCÈDENT, LE CONSEIL
A. - Sur la procédure
En
ce qui concerne la régularité du procès-verbal de déclaration de M. Belier :
Considérant que les sociétés Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest
contestent la régularité du procès-verbal de déclaration de M. Belier, directeur
dagence à la société Crégut, établi par les enquêteurs, le
24 mai 1993, qui, ne faisant pas référence à lordonnance du 1er décembre
1986, ne serait pas conforme aux exigences de larticle 31 du décret no 86-1309
du 29 décembre 1986 ; quelles considèrent, en conséquence, que
tous les documents remis à cette occasion doivent être écartés du dossier ;
Mais considérant que le procès-verbal critiqué ne relatait pas
les déclarations dune personne représentant une entreprise mise en cause ;
que le principe de non-autoincrimination, ainsi que la jugé la Cour de cassation,
nétait ainsi pas applicable en lespèce ;
En ce qui concerne
le délai de la procédure :
Considérant que les sociétés Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest
invoquent, à cet égard, latteinte aux droits de la défense, qui résulterait
dune durée excessive de la procédure, dune part, entre la saisine du Conseil
de la concurrence par le ministre délégué au finances et au commerce extérieur en
novembre 1995 et les premiers actes dinstruction effectués par le présent
rapporteur en septembre 1998, dautre part, entre cette même saisine en 1995 et la
notification de griefs adressée en janvier 2000 ; quelles observent encore que
les faits litigieux remontent à plus de huit ans ; que ce délai nest pas
raisonnable au regard, notamment, de la jurisprudence européenne ; quau
surplus, cette durée, en augmentant le chiffre daffaires soumis à une éventuelle
sanction, leur cause un grave préjudice ;
Mais considérant que les sociétés précitées ne démontrent
pas en quoi, en lespèce, la durée de la procédure a pu nuire à leur
défense ; que la cour dappel de Paris a indiqué à plusieurs reprises et,
notamment, dans un arrêt du 8 septembre 1998 : « Quà
supposer le délai excessif [...] la sanction qui sattache à la violation de
lobligation pour le Conseil de se prononcer dans un délai raisonnable [...]
nest pas lannulation de la réparation de la sanction mais la réparation du
préjudice résultant de la durée excessive du procès » ; quen
conséquence, ce moyen doit être écarté ;
En ce qui concerne
labsence dans le dossier dun procès-verbal de communication de
documents :
Considérant que la société Colas Sud-Ouest fait valoir que le
procès-verbal de communication du document intitulé « Prix de cession AME
1992 » ne figure pas au dossier ; quen outre, ce document a été
adressé au nom de la société AME à lenquêteur, qui en avait fait la demande,
par M. Lefrère, en qualité de directeur industriel de la société Colas Sud-Ouest et
non de responsable de la centrale AME ;
Mais considérant que, si ce document, relatif aux prix de cession
de la société AME pour 1992, na pas fait lobjet dun procès-verbal de
communication, la lettre par laquelle cette société la transmis à
lenquêteur figure au dossier ; que cette transmission a été effectuée pour
répondre à une demande de lenquêteur, qui avait entendu à deux reprises M.
Lefrère, les 3 et 23 novembre 1994 ; que, dans le cadre de ces auditions,
qui ont fait lobjet de procès-verbaux de déclaration régulièrement établis, ont
été recueillis des factures et tarifs de prix des centrales AME, BME et 33 000
Enrobés ; que le fait, à le supposer établi, que M. Lefrère aurait transmis
des documents en qualité de représentant de la société Colas Sud-Ouest est sans
incidence, compte tenu des liens étroits existant entre cette société et la société
AME ;
Considérant également que linformation en cause a été
communiquée en février 1995, soit trois mois après les déclarations de
M. Lefrère ; quelle en est, en conséquence, le strict prolongement et
que le représentant de la société Colas Sud-Ouest na pu se méprendre sur la
portée du document communiqué en complément de ceux recueillis auparavant ; que le
moyen doit, dès lors, être rejeté.
B. - Sur les pratiques relevées
1. Lentente dans le marché des enrobés bitumineux
de la CUB en 1992
En
ce qui concerne le refus de livraison opposé à la société Crégut :
Considérant que la société Crégut a obtenu, en 1992, le
marché des enrobés bitumineux de la CUB ; quelle sest engagée à
assurer la livraison de ces matériaux aux camions de la collectivité publique à partir
des trois centrales de fabrication 33 000 Enrobés, AME et BME ;
Considérant que, dès le début de lexécution de ce
marché en avril 1992, la société Crégut sest heurtée au refus des sociétés
Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest de lapprovisionner en enrobés destinés à ce
marché ; que, malgré plusieurs interventions, ces sociétés ont maintenu leur
refus jusquau 29 juillet ; quà partir de cette date, la société
Crégut a pu opérer normalement les enlèvements denrobés jusquà la fin de
lannée, mais à un prix supérieur à celui quelle avait prévu ; que,
de ce fait, par lettre du 21 septembre 1992, elle a demandé à la CUB la
résiliation de ce marché au 31 décembre 1992, sans user de la possibilité de
le reconduire en 1993 ;
Considérant que les sociétés Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest
font valoir que le refus de livraison qui leur est imputé résulte dune divergence
dinterprétation de larticle 17 de la convention dexploitation de
la centrale 33 000 Enrobés ; que cest à tort que la société Crégut a
interprété cette clause comme lui conférant le droit dobtenir des enrobés pour
les clients tiers, dont la CUB, aux prix réservés aux associés pour les besoins de
leurs propres chantiers ;
Considérant que ces sociétés soutiennent, par ailleurs, que
cest uniquement à cause du désaccord sur les prix que les centrales AME et BME ont
refusé dhonorer les bons de livraison présentés au nom de la société Crégut
par les camions de la CUB ; quen effet, les livraisons ont repris dès
quun accord a pu être trouvé avec la société Crégut en juillet 1992, au terme
dune négociation entre les deux parties ; quainsi, le refus de
livraison, au demeurant temporaire, ne peut être analysé comme une pratique
anticoncurrentielle prohibée ;
Considérant que le refus de livraison opposé à la société
Crégut résulte dune divergence dinterprétation de la convention
dexploitation de la centrale 33 000 Enrobés dont elle était actionnaire avec
les sociétés Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest ; que cette convention établissait
une différence entre le prix de cession consenti aux tiers et le prix de cession consenti
aux associés ; que son article 17 stipulait que « lorsque, pour des
raisons géographiques, les entreprises Sacer, Labo, ETPR, STR, Crégut et Sattanino
seront amenés à prendre des enrobés aux postes dAquitaine de matériau enrobés
et de la Bordelaise de matériau enrobés, elles bénéficieront au départ de ces
sociétés de prix égaux à leurs prix réels de façonnage obtenus au poste de
33 000 Enrobés » ; que la société Crégut interprète ces
stipulations comme lautorisant à enlever les enrobés destinés à la CUB aux prix « associés » ;
que cest sur la base de ce prix quelle établit les propositions contenues
dans sa soumission ;
Considérant que, par lettre du 30 avril 1992, la
société SCREG Sud-Ouest a informé la société Crégut quelle ne pouvait lui
consentir, au départ de la centrale AME, que les prix « tiers » ;
que ces prix « tiers » étaient de 55 à 75 % supérieurs aux prix
réservés aux associés ; que, fixé primitivement par AME et BME pour ce qui
concerne le 0/6,3 Garonne à 351 F correspondant aux livraisons inférieures à 100 tonnes
par jour, ce prix a été ramené à 230 F à la suite darbitrage demandé par la
société Crégut ;
Considérant que les sociétés Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest
font valoir, en premier lieu, que la différence entre les prix « associés »
et les prix « tiers » demandés à la société Crégut est justifiée
par leur souci de prendre en compte les coûts réels dexploitation de leurs
centrales ; que les prix réservés aux associés, généralement de grandes
entreprises de travaux routiers, sont inférieurs aux prix « tiers »
dans la mesure où, dune part, ils portent sur de grandes quantités denrobés
utilisés sur de gros chantiers et où, dautre part, les associés prévoient à
lavance leurs commandes permettant aux centrales de programmer leur fabrication de
manière à éviter un redémarrage toujours coûteux des installations ; quen
revanche, la clientèle de tiers qui vient se fournir auprès delles enlève
essentiellement des enrobés destinés à de petits chantiers de voirie ;
quainsi, sagissant des livraisons destinées à la CUB, il est nécessaire de
relancer à chaque enlèvement les unités de fabrication ; que, par suite, le coût
fixe de ce redémarrage, de lordre de 173,00 F pour chaque tonne produite et qui
correspond au coût des quatre tonnes de matériaux perdus dans toute première gâchée,
auquel sajoutent les dépenses délectricité et de gaz consommés par
lunité de fabrication, est dautant plus élevé que la quantité livrée est
faible ; que, dès lors, lécart séparant le niveau de prix consenti aux
associés et celui consenti aux tiers sexplique par des raisons objectives liées au
fonctionnement des centrales de fabrication des enrobés bitumineux ;
Considérant quil résulte des déclarations faites en
séance que les associés des centrales établissent dune semaine sur lautre,
pour les besoins de leurs propres chantiers, des programmes denlèvement qui
permettent de planifier la fabrication ; que les matériaux livrés dans ce cadre
sont des produits spécifiques qui peuvent être fabriqués et stockés en grande
quantité ; que les enrobés pour les clients tiers sont, en revanche, enlevés par
petites quantités et comportent des qualités très diverses de granulats contraignant à
des fabrications ponctuelles ; que, de plus, les camions de la CUB ne préviennent
pas la centrale de leur passage, alors que le délai dattente maximum prévu au
marché pour effectuer la livraison est de 15 mn ; quil en résulte que le
redémarrage fréquent des unités de production, qui est ainsi nécessaire, peut
expliquer la différence entre les prix aux associés et les prix aux tiers ;
quen outre, la fixation de prix dun montant très voisin et à une même date
ne peut être critiquée, puisque les sociétés Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest,
actionnaires à 100 % des centrales AME et BME en 1992, élaborent elles-mêmes des
tarifs traduisant les coûts réels dexploitation de leurs centrales ;
quen conséquence, il nest pas établi que le niveau relatif des prix aux
tiers et des prix réservés aux associés pour les livraisons assurées par les centrales
AME et BME revêtirait un caractère anticoncurrentiel prohibé par larticle
L. 460-1 du code de commerce ;
Considérant que les sociétés Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest
contestent, en deuxième lieu, linterprétation faite par la société Crégut des
clauses tarifaires sus évoquées ; que, selon elles, le tarif « associés »
ne serait applicable quaux enlèvements denrobés réalisés par les associés
en vue dune mise en uvre sur leurs propres chantiers, tandis que, dans le cas
où des associés souhaitent acheter des enrobés en vue de les revendre à des tiers,
cest le tarif « tiers » qui est applicable ;
Considérant que cette interprétation plausible a, dailleurs, été celle des
arbitres auxquels le litige entre la société Crégut et les centrales avait été
soumis, même si la sentence a finalement retenu un tarif intermédiaire ;
Mais considérant que, si telle est la portée des clauses
tarifaires litigieuses, il résulte de linstruction quelles ont alors été
appliquées de façon discriminatoire ;
Considérant, en effet, que les sociétés Colas Sud-Ouest et
SCREG Sud-Ouest ont imposé à la société Crégut des prix « tiers » ;
que les prix proposés initialement par la société Crégut auprès des centrales AME et
BME nétaient, ainsi, jamais inférieurs à 310 F la tonne, même pour les
livraisons journalières supérieures à 100 tonnes, tandis que le groupement Colas-SCREG
a obtenu le marché de 1990-1991 en proposant un prix de 249 F pour le 0/6,3 Garonne et de
243 F pour le 0/10 Garonne ; que de tels prix nont pu être proposés que si
ces sociétés pouvaient acheter les enrobés aux centrales sur la base du tarif « associés »,
sauf à ce que lenrobé ait été acheté en dessous de son prix de revente, ce qui
na été ni démontré ni même allégué ;
Considérant, cependant, que la société SCREG Sud-Ouest a fait
valoir en séance quelle-même et la société Colas Sud-Ouest ne se facturaient
pas, pour les commandes de clients tiers, le prix « associés »
réservé à leurs propres chantiers mais le tarif « tiers grand
routier » ; que ce tarif, pour lenrobé bitumineux 0/6,3 Garonne,
était, en 1992, au départ des centrales AME et BME, de 224 F la tonne ; que le prix
finalement fixé à la société Crégut de 230 F la tonne pour ce type de matériau
était dun niveau très voisin ; quil ne peut, en conséquence, être
qualifié de discriminatoire ; quen outre, le prix de 230 F na été
obtenu par la société Crégut que sur la base dune sentence arbitrale, alors que
loffre initiale qui lui avait été faite était de 310 F, et donc très supérieure
à ce que prévoyait le tarif « grand routier » ;
Mais considérant quen 1992, les centrales AME ou BME, qui
sont contrôlées par les sociétés mises en cause, ont soumissionné en groupement en
proposant un prix de 294 F, inférieur à celui qui était prévu, pour les clients non
associés, dans les conditions de vente de ces centrales ; quen 1993, les
centrales BME et 33 000 Enrobés ont soumissionné en proposant un prix de 248 F,
également inférieur au prix « tiers » prévu dans leur condition de
vente ; quenfin, les sociétés Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest ne peuvent
utilement soutenir que ces propositions auraient été rendues possibles par la mise en
uvre des tarifs « tiers grand routier », dès lors que ceux-ci
sont réservés à de grands travaux nécessitant des enlèvements journaliers supérieurs
à deux tonnes ;
Considérant, en conséquence, quen imposant initialement à
la société Crégut au départ des centrales AME et BME des prix « tiers »
dun montant de 351,00 F pour lenrobé 0/6 Garonne, alors quelles ne
sappliquaient pas à elles-mêmes les tarifs « tiers » mais le
tarif « associés », lorsquelles soumissionnaient directement
pour ces mêmes catégories de livraisons et alors que les centrales quelles
contrôlaient soumissionnaient elles-mêmes à un prix inférieur à ce tarif « tiers »,
les sociétés Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest ont mis en uvre une pratique de
prix discriminatoire à légard de la société Crégut ;
Considérant, enfin, que la stricte identité des pratiques mises
en uvre par ces sociétés, tant au regard de leurs modalités elles-mêmes que du
montant et de la date dapplication des prix imposés à la société Crégut,
révèle quelles résultent dune action concertée des sociétés Colas
Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest, ayant pour objet ou pour effet dentraver le libre
exercice de la concurrence sur le marché des enrobés bitumineux de la CUB en 1992 ;
que cette pratique concertée est contraire aux dispositions de larticle
L. 460-1 du code de commerce et a eu pour effet dévincer un concurrent.
2. Sur lentente dans le marché des enrobés
bitumineux
de la CUB en 1993
Considérant que les sociétés Colas
Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest ont soumissionné par lintermédiaire de leurs
centrales, dès lors que les conventions dexploitation réservent à celles-ci, sauf
décision contraire des associés, lexclusivité de la vente aux tiers ; que le
niveau des prix très voisin, mais non strictement identique, proposé par les centrales
BME et 33 000 Enrobés ne saurait constituer un indice dentente
anticoncurrentielle de nature à tromper le maître de louvrage sur la réalité de
la concurrence, dès lors que chacune des deux centrales a soumissionné pour un lot
différent ; que les soumissions présentées sur ces marchés ne revêtent donc pas
en elles-mêmes un caractère anticoncurrentiel ;
Considérant que le fait que chacune des deux centrales BME et
33 000 na soumissionné que pour un seul lot peut constituer un indice
dentente concurrentielle en vue dune répartition des marchés ;
Considérant que, si dans sa décision no 89-D-34,
le Conseil de la concurrence a jugé quil est légitime pour des entreprises
dexploiter en commun des centrales denrobés dont lutilité économique
nest pas contestable, il a également estimé, dans cette même décision « que
les associés ne peuvent sans méconnaître le droit de la concurrence utiliser cette
structure commune pour mettre en uvre des pratiques concertées ayant pour objet ou
pour effet de limiter le libre exercice de la concurrence » ;
Mais considérant, dune part, que la proximité
géographique des lieux denlèvement constituait une raison de privilégier, à
chaque fois, lun des lots ; quil est, en tout état de cause, loisible à
des sociétés qui ont créé plusieurs centrales dont elles ont le contrôle et qui
doivent donc être regardées comme appartenant au même groupe, de répartir entre ces
centrales, pour des raisons qui leur sont propres, la production denrobés
bitumineux, dès lors quelles ne trompent pas lacheteur sur la réalité de la
concurrence et dès lors que le comportement des centrales nétait pas le moyen,
pour les deux sociétés mères, de se répartir les lots ; quune telle
éventualité, en effet, naurait pas eu de sens, puisque les deux sociétés mères
ne fabriquent pas elles-mêmes denrobés ;
Considérant, dautre part, que, si la structure même de
fonctionnement des centrales denrobés conduit les associés à échanger entre eux
des informations sur les coûts dapprovisionnement et de fabrication des enrobés,
les soumissions de ces deux centrales sur des lots différents ne peuvent, faute
déléments précis figurant au dossier, laisser supposer lexistence
dune concertation préalable au dépôt de leurs offres ; quau demeurant,
sur le lot no 2, 33 000 Enrobés la emporté régulièrement
sur la centrale concurrente Guyenne Enrobés ;
Considérant, en conséquence, quaucune preuve
nétablit la volonté de ces entreprises de se répartir le marché des enrobés
bitumineux de la CUB en 1993.
3. Sur labus de position dominante collective des sociétés Colas
Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest sur le marché de la fabrication des enrobés bitumineux par
les centrales fixes denrobage en Gironde
Considérant que, comme le font valoir les sociétés Colas
Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest, la fabrication des enrobés bitumineux en Gironde nest
pas seulement le fait des centrales fixes ; quil existe des centrales mobiles,
comme la centrale mobile appartenant à lentreprise Siorat, qui a déposé des
offres pour livrer la CUB ; que, si lon tient compte de cette production, le
marché nest plus de 420 000 tonnes, mais de lordre de 500 à
600 000 tonnes par an ;
Considérant que, si le rapport de dépouillement des offres pour
le marché des enrobés bitumineux de 1993 montre que la CUB a estimé que la centrale
Siorat nétait pas équipée de trémies calorifugées permettant la livraison à
tout moment des trois catégories denrobés demandés, elle a, cependant,
considéré que cette centrale était en mesure de produire ces matériaux moyennant
lengagement de mettre en uvre des trémies calorifugées et que seule
labsence de cet engagement avant la réunion de la commission dexamen des
offres a conduit la CUB à ne pas retenir ses propositions, pourtant les moins
disantes ; quainsi, la production des enrobés par les centrales mobiles ne
peut être à priori exclue de lanalyse de ce marché ;
Considérant que la limitation du marché au seul département de
la Gironde ne tient pas compte de lexistence de centrales fixes ou mobiles de
fabrication denrobés dans les départements limitrophes susceptibles de répondre
à la demande de collectivités ou dentreprises situées à proximité ; que,
par suite, des livraisons ont pu être opérées à partir de centrales de production non
installées en Gironde ; quen outre, en séance, la société Colas Sud-Ouest a
indiqué que la centrale du groupe concurrent Guyenne Enrobés avait, à elle seule, une
capacité potentielle de production de 700 000 tonnes par an ;
Considérant, en conséquence, quen labsence
déléments dans le dossier, tant sur la nature et limportance de la
production denrobés bitumineux à partir des centrales mobiles que sur les zones
dattraction géographique des deux types de structures de fabrication, les
capacités des offreurs susceptibles dalimenter le marché et, donc, la position
relative des sociétés Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest par le biais des centrales
quelles contrôlent, nont pas été établies avec assez de précision pour
quune éventuelle position dominante collective puisse être caractérisée ;
quil suit de là que les pratiques litigieuses ne peuvent être qualifiées au
regard de larticle L. 420-2 du code de commerce.
4. Sur lapplication de larticle L. 420-4
du code de commerce
Considérant que la société SCREG Sud-Ouest
entend justifier la contribution au progrès économique des pratiques en cause en
soutenant, dune part, que le Conseil de la concurrence a lui-même reconnu
lutilité économique de centrales denrobés exploitées en commun,
dautre part, que lalignement des tarifs « tiers » sur les
prix consentis aux associés dissuaderait les entrepreneurs de prendre des participations
dans les centrales ; que cette circonstance risquerait dentraîner leur
disparition au préjudice des collectivités locales qui gèrent la plupart des ouvrages
réalisés à partir des enrobés bitumineux ;
Mais considérant, dune part, que, si le Conseil na
jamais considéré que les centrales denrobés bitumineux créées sous forme
dentreprises communes étaient, en elles-mêmes, anticoncurrentielles, il a, en
revanche, mis en garde à plusieurs reprises les associés des centrales contre
lutilisation de ces structures à des fins anticoncurrentielles ;
Considérant, dautre part, que le grief retenu à
légard des sociétés SCREG Sud-Ouest et Colas Sud-Ouest ne repose pas sur le
principe de la différence de traitement entre les associés et les tiers, mais sur
lapplication discriminatoire qui en a été faite ; que lapplication de
larticle L. 420-4 est donc ici sans objet ;
Sur les suites
à donner :
Considérant quaux termes de larticle
L. 464-2 du code du commerce, le Conseil de la concurrence « peut infliger
une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas dinexécution
des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits
reprochés, à limportance du dommage causé à léconomie et à la situation
de lentreprise ou de lorganisme sanctionné. Elles sont déterminées
individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée
pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est pour une entreprise de
5 % du montant du chiffre daffaires hors taxes réalisé en France au cours de
dernier exercice clos (...) » ;
Considérant que, dans les marchés en cause, des griefs ont été
retenus à lencontre de deux importantes entreprises de travaux publics ;
quen se concertant pour écarter un concurrent, ces entreprises ont limité la
concurrence et se sont assurées de déposer des offres à un prix supérieur à celui
quelles auraient présentées en labsence de concertation ; que ces
entreprises, habituées à livrer des enrobés bitumineux aux collectivités publiques, ne
pouvaient ignorer la portée des infractions commises dans ce cadre ; quau
surplus, le Conseil de la concurrence a déjà eu loccasion dans sa décision no 89-D-34
de sanctionner les sociétés Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest pour avoir mis en
uvre des pratiques anticoncurrentielles en sappuyant sur leurs centrales
denrobés ; quainsi, ces sociétés ne pouvaient méconnaître la
gravité de ces pratiques ;
Considérant, en revanche, que le montant total du marché de la
CUB sélève à 2 766 997 F et concerne une quantité denrobés
estimée à 11 220 tonnes denrobés ; que la concertation reprochée à
Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest pour évincer la société Crégut na pas
empêché la collectivité publique de sapprovisionner en 1992 en matériaux de
voirie à des prix largement inférieurs aux tarifs tiers ; quainsi, le dommage
à léconomie est resté limité ;
Sur les
sanctions :
En ce qui
concerne la société Colas Sud-Ouest :
Considérant que la société Colas Sud-Ouest sest livrée
à des pratiques anticoncurrentielles prohibées pour évincer la société Crégut du
marché des enrobés bitumineux de la CUB conclu en 1992 en lui appliquant des tarifs
discriminatoires ; que ces pratiques ont conduit la société Crégut à renoncer à
la reconduction de ce marché en 1993 ;
Considérant que la société Colas Sud-Ouest a réalisé en
France, au 31 décembre 1999, dernier exercice clos disponible, un chiffre
daffaires de 807 422 343 F et quelle a dégagé un résultat
bénéficiaire de 3 925 379 F ; quen fonction des éléments
généraux et individuels tels quappréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger
une sanction pécuniaire de 6 000 000 F ;
En ce qui concerne
la société SCREG Sud-Ouest :
Considérant que la société SCREG Sud-Ouest sest livrée
de la même manière à des pratiques anticoncurrentielles prohibées pour évincer la
société Crégut du marché des enrobés bitumineux de la CUB conclu en 1992 en lui
appliquant des tarifs discriminatoires ; que ces pratiques ont conduit la société
Crégut à renoncer à la reconduction de ce marché en 1993 ;
Considérant que la société SCREG Sud-Ouest a réalisé en
France, au 31 décembre 1999, dernier exercice clos disponible, un chiffre
daffaires de 745 941 643 F et quelle a dégagé un résultat
bénéficiaire de 5 292 153 F ; quen fonction des éléments
généraux et individuels tels quappréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger
une sanction pécuniaire de 5 000 000 F,
Décide :
Art. 1er. - Il est
établi que les sociétés Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest ont enfreint les
dispositions de larticle L. 420-1 du code de commerce sur le marché des
enrobés bitumineux de la CUB passé en 1992.
Art. 2. - Il nest pas
établi que les sociétés Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest ont enfreint les
dispositions de larticle L. 420-1 du code de commerce sur le marché des
enrobés bitumineux de la CUB passé en 1993.
Art. 3. - Il nest pas
établi que les sociétés Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest ont enfreint les
dispositions de larticle L. 420-2 sur le marché de la fabrication des enrobés
bitumineux en Gironde.
Art. 4. - Sont infligées les
sanctions pécuniaires suivantes :
6 000 000 F à la société Colas Sud-Ouest.
5 000 000 F à la société SCREG Sud-Ouest.
Délibéré, sur le rapport de M. Avignon, par Mme Hagelsteen,
présidente, MM. Jenny et Cortesse, vice-présidents, Mme Mouillard, MM. Bidaud, Ripotot,
Robin et Sloan, membres.
La secrétaire de séance, Patricia Perrin |
La présidente, Marie-Dominique Hagelsteen |
Ministre de l'conomie, des Finances et de l'Industrie- 18 juin 2001