Décision no 2000-D-85 du Conseil de la concurrence en
date du 20 mars 2001 relative à des pratiques mises en uvre dans le
secteur de la distribution du chlorate de soude
NOR : ECOC0100142S
Le Conseil de la concurrence
(section III),
Vu la lettre enregistrée le 17 avril 1996 sous le
numéro F 867, par laquelle le ministre délégué aux finances et au commerce extérieur
a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en uvre dans le secteur des
désherbants et plus précisément dans la distribution du chlorate de soude ;
Vu le livre IV du code de commerce et le décret no 86-1309
du 29 décembre 1986 modifié, pris pour lapplication de lordonnance
no 86-1243 du 1er décembre 1986 ;
Vu les observations présentées par les sociétés Celloplast,
dénommée société Mayenne de produits chimiques à compter du
28 juillet 2000, De Sangosse, à titre personnel, ainsi que pour les sociétés
Somagri Magri et Orchidis Jardin dont elle a repris les activités, Société des produits
chimiques de Pontivy (SPCP), Multi-Appros, Dispagri, J. Gysel, CDP Garros, Cocipa, ainsi
que par lUNCAA (Union nationale des coopératives agricoles
dapprovisionnement) et les sociétés Auchan, Carrefour France, Centrale
internationale de marchandises, Galec, Marchandises générales international (ITM),
anciennement dénommée Bricomarchandises France puis Bricomarchandises-International,
Leroy Merlin, Gamm Vert et Castorama ;
Vu les observations présentées par le commissaire du
Gouvernement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du
Gouvernement et les représentants des sociétés Mayenne de produits chimiques (ex
Celloplast), SPCP (Société des produits chimiques de Pontivy), Dispagri, De Sangosse,
Multi-Appros, CDP Garros, Cocipa, lUNCAA (Union nationale des coopératives
agricoles dapprovisionnement), Auchan, Carrefour France, Centrale internationale de
marchandises, Marchandises générales international (ITM), puis
Bricomarchandises-International, Leroy Merlin, Truffaut, Tripode, (dénommée Jardiland
depuis le 1er janvier 2000), Gamm Vert, entendus au cours de la séance du
12 décembre 2000, les sociétés Galec et J. Gysel ayant été régulièrement
convoquées,
Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et sur les
motifs (II) ci-après exposés :
I. - CONSTATATIONS
A. - Les caractéristiques générales
du secteur des désherbants
Les produits
La famille des herbicides comprend des
produits de nature très différente, en fonction des molécules chimiques qui les
composent. On distingue généralement ces produits selon leur action sur les
végétaux :
les désherbants totaux qui détruisent tous les
végétaux à leur contact ;
les désherbants sélectifs qui épargnent
certaines plantes.
Ces deux catégories de produits répondent à des usages
spécifiques et ne sont pas substituables. La famille des désherbants totaux comprend le
chlorate de soude et un certain nombre de produits à base de glyphosates,
daminotriazole, de diuron ou datrazine, vendus sous différentes marques
(Fertiligène KB, SEM, Roundup de Monsanto, etc.).
Les désherbants sont commercialisés pour lessentiel au
stade du détail par les grandes surfaces à dominante alimentaire, par les grandes
surfaces spécialisées et par les coopératives agricoles.
La société Elf-Atochem est le principal fabricant français de
chlorate de soude, produit principalement utilisé pour le blanchiment du papier.
La distribution du chlorate de soude fabriqué par Elf-Atochem est
effectuée par la société Celloplast, filiale à 100 % dAtochem. En 1993, la
société Celloplast, ne disposant pas dun réseau de vente directe, a élaboré une
politique commerciale qui sappuie essentiellement sur une régionalisation de la
distribution par lintermédiaire dune dizaine de grossistes-distributeurs de
proximité, qui ont notamment pour fonction deffectuer le stockage du produit :
en effet, la transcription en droit français des directives communautaires relatives aux
conditions de stockage et de transport des produits phytosanitaires, dont le chlorate de
soude soumis aux normes « Seveso », ont nécessité la mise en
conformité des installations de stockage des grossistes intervenant dans ce secteur. Les
plates-formes de distribution appartenant aux grandes enseignes de la distribution au
détail nont pas, pour la plupart dentre elles, suivi ces mutations.
Les grossistes sont tenus informés des référencements obtenus
par la société Celloplast auprès des centrales dachat et sont destinataires des
commandes des magasins affiliés à ces centrales. Ils distribuent, en outre, le chlorate
de soude Elf-Atochem dans les autres circuits de distribution. Ils assurent la facturation
des quantités quils livrent aux divers distributeurs, à lexception des
clients livrés directement par la société Celloplast, tel lUNCAA, mais y compris
la facturation des livraisons effectuées par dautres grossistes dans leur zone
géographique dintervention.
Les distributeurs de proximité sélectionnés par la société
Celloplast, à lépoque des faits, sont les sociétés :
Orchidis Jardin, SPCP, De Sangosse, Somagri/Magi France, Cocipa,
J. Gysel, Sane/Dagril, Dispagri, CDP Garros.
En dehors de ce réseau de grossistes-distributeurs de proximité,
la société Celloplast approvisionne également quelques autres grossistes : les
facturations sont alors effectuées par les grossistes-distributeurs de proximité.
Sagissant de la grande distribution, la société Celloplast
négocie directement avec les acheteurs les conditions de référencement de son produit
et les conditions différées quelle accorde sur la base de ses propres prix de
vente.
B. - Les pratiques relevées
Les pratiques tarifaires
a) Les relations commerciales de la société Celloplast
avec les grossistes distributeurs de proximité
La société Celloplast élabore et diffuse des
tarifs de revente du chlorate de soude, dits « tarifs de base CP9x »
(CP, pour campagne printemps et lannée de la saison à venir). Elle diffuse son
tarif à lensemble de sa clientèle de revendeurs-distributeurs de proximité,
autres grossistes ou sociétés dapprovisionnement et de services et coopératives.
Il est joint aux courriers confirmant ses conditions commerciales ; il détermine le
niveau du prix dachat de ceux-ci, calculé en déduisant de ce tarif de base les
remises consenties.
Laccord de distribution mis en place à loccasion de
la saison « jardin 1993 » par la société Celloplast est explicite
quant à la définition quelle donne des prix de revente minimum qui seront
facturés par les distributeurs-grossistes de proximité :
« Revente/Refacturation
La refacturation minimum est de :
Base CP 93 (colonne + 5 pal) remise présaison ou
promotion, exemple : 5 kg minimum 46,70 F 10 % (JFM) = 42,03
net ».
Selon les déclarations des professionnels, les mois de janvier,
février et mars (JFM), période de promotion du chlorate de soude, correspondent à la
période dutilisation la plus propice pour obtenir une meilleure efficacité du
produit.
Les éléments suivants sont relatifs à linterprétation
donnée par les distributeurs aux tarifs diffusés par Celloplast :
Les déclarations de différents responsables des
sociétés grossistes distributeurs de proximité qui reconnaissent appliquer exactement
les prix de revente fixés par la société Celloplast, ainsi :
la société Orchidis : « Nous
recevons nos instructions commerciales de nos principaux fournisseurs, dont MONSANTO,
Rhône-Poulenc, Nortère, Elf-Atochem [...] et appliquons leurs conditions qui ont été
préalablement négociées en centrales dachat [...].
Nous nous contentons donc dappliquer les tarifs communiqués par ces fournisseurs.
Nous navons pas de contrat de coopération commerciale avec ces fabricants, mais
nous avons des accords sous la forme de courriers confirmant les conditions de notre
collaboration, et les taux de remises qui nous sont consentis pour lannée à venir.
De fait nous navons pas de tarif propre. » ;
la société Cocipa : « Concernant
nos prix de revente, ces derniers sont établis sur la base des tarifs revendeurs qui nous
sont communiqués par les fabricants. A ces tarifs de base sajoutent les promotions
que nous sommes tenus de respecter.
Sagissant de notre fonction de distributeur en chlorate de soude, nous sommes
rémunérés sur la base dune remise de 16 % sur le tarif de base, sur facture,
et une remise de fin dannée de 5 %.
Nos prix de revente sont les prix du tarif de base Celloplast-Elf Atochem [...].
Nous sommes par ailleurs informés par Celloplast des référencements centrales obtenus
et des prix dachat négociés, hors RFA et autres conditions auxquels nous devons
facturer. »
la société De Sangosse : « Nous
facturons toujours au tarif fournisseur moins les remises promotionnelles. Nous
navons pas de conditions de vente propres en ce qui concerne le chlorate de
soude. »
la société Gysel : « Sagissant
de notre tarif de revente, il est pour nos principaux fournisseurs, lorsque nous officions
en tant que distributeur, la reproduction des tarifs revendeurs qui nous sont
communiqués. Pour ce qui est du chlorate de soude, nous appliquons une remise de
10 % en permanence sur le tarif revendeur. »
Cependant, les facturations effectuées par la société Gysel indiquent que cette remise
est calculée sur un tarif propre à cette société et le prix net facturé est, en fin
de compte, très exactement celui du tarif de base fourni par la société
Celloplast ;
la société SPCP : « Notre tarif
de revente concernant ce produit est la reproduction du tarif de base qui nous est
communiqué par Celloplast. »
la société CDP Garros : « Sagissant
de Celloplast, nous avons un accord de distribution pour le chlorate de soude, signé en
octobre 1992.
Nous appliquons les conditions prévues par ce contrat et le tarif qui nous est
communiqué par Celloplast. »
la société Dispagri : « Sagissant
par exemple du chlorate de soude, notre prix de revente est le prix tarif revendeur qui
nous est communiqué par Celloplast, notre fournisseur. »
Les termes de la télécopie adressée le
12 novembre 1992 par la société Celloplast à cette dernière :
« Nous sommes à ce jour certains de plusieurs
référencements nationaux auprès des centrales listées ci-dessous.
Toutes ces enseignes sont à facturer aux conditions 1993 [...]
cest-à-dire :
base colonne 5 palettes et + : 10 % de
présaison janvier-février-mars 93. »
Un courrier en date du 29 octobre 1993
adressé par la société Celloplast à la société dapprovisionnement du Plateau
central Rouergue-Auvergne-Gévaudan-Tarnais (Ragt) grossiste, concernant des conditions de
vente du chlorate de soude pour lannée 1994 :
« Les conditions B (conditions activité gros Toulouse
Balma) sentendent avec un respect total des conditions de revente, à savoir :
tarif net CP 94 moins remises du plan de promotion
exemple : 5 kg net 46,70 F
promo 1er trimestre 10 %
net minimum 42,03 F. »
Soit un prix TTC de 42,03 F x 1,1860 = 49,90 F, correspondant aux
prix figurant dans les différents catalogues diffusés au public par les distributeurs
pour la campagne promotionnelle 1994.
Les recommandations de la société Celloplast, qui
concernent les remises susceptibles dêtre accordées aux revendeurs et qui
accompagnent la communication du prix de revente minimum :
« Tous les accords centrales seront négociés et pris en
charge par Celloplast, et nous vous encourageons à confirmer vos accords RFA (remises fin
dannée) particuliers avec le libellé : HORS DESHERBANT TOTAL CHLORATE DE
SOUDE ELF-ATOCHEM. »
*
b) Les relations commerciales de la société
Celloplast
avec les centrales dachat et de référencement
Les courriers adressés aux
différentes centrales dachat, chaque année, pour confirmer les conditions
commerciales qui sont consenties par la société Celloplast, comportent systématiquement
une mention du prix de vente au détail, en période de promotion, du chlorate de soude,
en conditionnement de 5 kg, sous la forme dune référence à un prix de vente
public couramment constaté pour la boîte de 5 kg de chlorate de soude Elf-Atochem.
Cette mention est toujours précédée dune formule qui rappelle une demande
préalable formulée par la centrale dachat :
« Comme vous me lavez demandé,
je vous confirme que le prix de vente couramment constaté du 5 kg est de
49,90 F en période de promotion » en ce qui concerne les conditions
établies pour lannée 1994 ;
« Comme vous me lavez demandé,
le prix de vente public couramment constaté du 5 kg est de 45,00 F TTC en
période de promotion » en ce qui concerne les courriers qui confirment les
conditions relatives à lannée 1995.
Le fax adressé par la société Celloplast à la
société Carrefour-France, le 22 novembre 1994, ayant pour objet : « Collection
1995 » comporte les précisions suivantes :
« Comme vous me lavez demandé le prix de vente
public du 5 kg est de 45 F TTC en période de promotion. Le prix de cession est
de 37,95 F HT magasin. Tous nos accords différés sont basés sur un respect de
notre politique commerciale pour le 5 kg. »
La somme de 45 F TTC correspond bien au prix de vente au public de
la boîte de 5 kg de chlorate de soude figurant dans les catalogues de la campagne
1995 des différents distributeurs, dont un certain nombre ont été recueillis lors de
lenquête.
La fiche établie par la société Celloplast intitulée « CONDITIONS
1994 » « CHLORATE DE SOUDE », précisant le prix de vente du
produit :
« ATTENTION : Le chlorate de soude est sur le
marché un produit sensible. Son prix de vente public devrait être de 49,90 F pour
la boîte de 5 kg.
PV PROMO préconisé en saison : 49,90 F la boîte de
5 kg ».
Un document à len-tête de la société Celloplast,
intitulé « NET CHLORATE 1995 (application du plan promo) » la ligne
5 kg indique :
« Base HT 50,60 F,
janvier-février 37,95 F,
mars-avril 43,01 F,
mai-juin-juillet 45,54 F. »
Le prix fixé pour les deux premiers mois correspond bien aux prix
de la période de promotion tels que définis ci-dessus.
La mention portée sur un projet daccord pour
lannée 1993 avec le groupement Edouard Leclerc/Galec : « Les RFA ne
seront versées que si le prix de vente de 49,90 F sur le chlorate 5 kg est
respecté lors de la parution du catalogue jardin national. »
Les déclarations de plusieurs responsables de
centrales dachat interrogés, qui admettent avoir demandé à la société
Celloplast des informations concernant le prix de vente au détail en période de
promotion de la boîte de 5 kg de chlorate de soude et lobligation de respect
des prix doù ressort :
la société Bricomarchandises : « Sagissant
de la référence à un prix couramment constaté reprise sur les conditions 1994 qui nous
ont été adressées par Celloplast, ce prix de 49,90 était celui repris sur notre
catalogue promotionnel 1993. Ce prix correspond par ailleurs à un prix coûtant, notre
prix dachat facturé par Celloplast, sil avait été retenu sur notre
catalogue aurait été de 42,07 F [...].
En 1994, jai rencontré monsieur Colin de Celloplast qui ma présenté les
conditions 1995, avec un prix dachat à la baisse, sans budget publicitaire défini.
Ce nouveau prix dachat majoré de la simple TVA (tel quil avait été
pratiqué par toute la concurrence lannée précédente) pouvait sous-entendre un
prix public sans marge à 45 F. Ce fut dailleurs le cas au vu des catalogues
sortis par les concurrents au printemps 1995. Ce prix était un prix public minimum
puisquil déterminait le seuil de revente à perte. »
la Centrale internationale de
marchandises : « Celloplast nous a indiqué en 1994 et 1995 le prix du
marché de la saison. Celloplast ne souhaite pas que nous descendions en dessous de ce
prix, de même, à propos dune disposition figurant dans les conditions commerciales
de la saison 1994 et libellée comme suit : « Les remises seront versées avant
la fin du 1er semestre 1995, uniquement dans le cadre du respect de la
politique commerciale nationale. Nous pouvons envisager une reconfirmation en mars/avril,
après parution des catalogues promotionnels. »
la société Tripode : « Sagissant
de la référence dans les conditions Celloplast 1994 à une reconfirmation de la remise
de fin dannée après parution du catalogue promotionnel, je pense que cela traduit
une crainte de la part de Celloplast que nous pratiquions un prix promotionnel catalogue
inférieur au prix coûtant de 49,90 F, en intégrant le montant de la remise de fin
dannée. »
Les catalogues promotionnels diffusés par les magasins
approvisionnés par les centrales dachat clientes de la société Celloplast, sur
lesquels figure la boîte de 5 kg de chlorate de soude, au prix affiché de 49,90 F
pour les campagnes 1993 et 1994, puis de 45 F pour 1995, prix correspondant à ceux
indiqués par la société Celloplast dans les courriers adressés aux centrales
dachat, figurent au dossier pour neuf dentre elles :
Il sagit des centrales dachat des sociétés :
Carrefour-France, Auchan, Continent dont la centrale dachat est CIM, Leclerc dont la
centrale est la société Galec, Bricomarché dont la centrale dachat est la
société Bricomarchandises international, Leroy Merlin, Truffaut, Jardiland dont la
centrale dachat est la société Tripode, Gamm vert qui sapprovisionne par
lintermédiaire de lUNCAA.
Certains responsables de centrales dachat ont précisé à
ce sujet quun exemplaire de chaque catalogue promotionnel, sur lequel figure bien le
produit « chlorate de soude », est transmis à la société Celloplast
afin dobtenir le versement de la participation publicitaire.
*
c) Le contrôle sur les prix exercé par la
société Celloplast
Le courrier adressé le
17 octobre 1994 par la société Celloplast à la société Magri-France :
« Ci-joint le stock « Olé Olé » de Somagri,
surveiller les ventes... et les RFA aux enseignes. »
Le fax du 22 décembre 1994 adressé à la
société Celloplast par un de ces chefs de région :
« Lutin Vert propose systématiquement 3 % de RFA
aux points de vente pour lensemble du CA et donc des marques (chlorate compris).
Quel sera notre discours en 95 ? As-tu eu Gueuriot en ligne ? Oui, il ma
juré que pas de RFA ! ! »
Le fax émis le 2 janvier 1995 par la
société Cello plast :
« SURVEILLER et coincer Lutin Vert Balma, des preuves
écrites quils versent des RFA sur NaCl. »
Lintervention téléphonique de la société
Celloplast auprès de la société Ragt, lorsque par un fax de la société Dispagri du
2 août 1993, elle a été informée que la société Ragt proposait un prix de
44,36 F hors taxes, alors que le tarif communiqué par la société Celloplast était de
46,70 F hors taxes, révélée par la réponse de cette dernière par un courrier du
10 août 1993 :
« Suite à notre entretien téléphonique de ce jour,
nous vous confirmons quune erreur collective est à lorigine du dérapage
tarifaire survenu cette dernière semaine, dans lapplication des conditions 1993.
Nous le regrettons bien sûr vivement, et vous confirmons que nous
avons pris nos dispositions pour que cela ne se reproduise pas. »
Le courrier de la société Celloplast adressé à la
société Castorama, daté du 17 septembre 1992 libellé comme suit :
« Je profite de ce courrier pour vous rappeler que le
prix de vente public TTC de 5 kg se confirme à 49,90 F en période
promotionnelle. »
La photocopie du « projet daccord fournisseur
93 », du 24 mai 1993, du groupement Edouard Leclerc-SC Galec, qui
comporte en bas de page, dans le cadre « observations générales », la
précision suivante :
« Les RFA ne seront versées que si le prix de vente de
49,90 F sur le chlorate 5 kg est respecté lors de la parution du catalogue jardin
national. »
Les courriers de la société Celloplast confirmant
les conditions négociées avec les centrales dachat, en ce qui concerne la mention
dun prix public, qui font référence de manière quasiment systématique à la
possibilité dune reconfirmation des remises de fin dannée, après parution
des catalogues promotionnels, liant leur attribution définitive au respect de la
politique commerciale de la société Celloplast.
Les déclarations relatées ci-dessous indiquant que
cette remise en question est directement liée à la pratique des prix préconisés :
à propos de la mention figurant dans les
conditions commerciales pour la saison 1994 : « Ces remises seront versées
avant la fin du 1er semestre 1995, uniquement dans le cadre du respect de la
politique commerciale nationale. Nous pouvons envisager une reconfirmation en mars/avril,
après parution des catalogues promotionnels. » La société Tripode a
déclaré : « Sagissant de la référence dans les conditions
Celloplast 1994, à une reconfirmation de la remise de fin dannée après parution
du catalogue promotionnel, je pense que cela traduit une crainte de la part de Celloplast,
que nous pratiquions un prix promotionnel catalogue inférieur au prix coûtant de 49,90
en intégrant le montant de la remise de fin dannée. »
la déclaration de la société Dispagri : « Je
ne peux me permettre de pratiquer un prix inférieur, auprès dun Leclerc ou
indépendant, linformation remonterait auprès du fabriquant et cela pourrait être
une cause de rupture de contrat. »
la déclaration de lacheteur de la
société Auchan évoquant la communication publicitaire : « Si nous
pratiquions un prix légalement inférieur au prix public pour le chlorate Celloplast,
notre fournisseur ne paierait pas sa participation publicitaire. »
Le courrier adressé, par télécopie le
16 mars 1993, par la société Celloplast à la Coopérative agricole de Mayenne
(CAM), exploitante des magasins à lenseigne Gamm Vert :
« Comme convenu, je suis passé le lundi
15 mars [...].
Je vous rappelle quà ce jour toutes les enseignes et non
des moindres ont communiqué avec un prix sur le 5 kg de 49,90 TTC.
En positionnant la boîte de 5 kg à 49,00 F TTC et
encore la boîte de 10 kg à 98,00 F TTC, vous navez pas choisi de faire
de marge raisonnable sur ce produit, à lheure où le marché sassainit.
Compte tenu du potentiel que vous avez, cela semble regrettable.
En souhaitant que ces prix soient revus légèrement à la hausse,
je vous prie [...]. »
Lintervention de la société Celloplast pour
faire rectifier des différences de prix constatées, ainsi que latteste un
responsable de la société Auchan : « Jai constaté un accident chez
un concurrent au printemps 1995, jen ai avisé M. Cotteverte qui est intervenu
auprès de ce distributeur pour lui faire rectifier son erreur, ce qui a été
fait. »
Le fax adressé le 22 novembre 1994 par la société
Celloplast à la société Carrefour-France, avec mention « urgent »
ayant pour objet « Collection 1995 » : « La fiche de la
sélection catalogue comporte une ENORME erreur de prix sur le 5 kg.
Nous avions convenu dun prix attractif sur le 10 kg et
non sur le 5 kg (pvp). Comme vous me lavez demandé, le prix de vente public du
5 kg est de 45 F TTC en période de promotion. Le prix de cession est de 37,95 F TTC
HT magasin. Tous nos accords différés sont basés sur un respect de notre politique
commerciale pour le 5 kg. Jaimerais mentretenir avec vous par téléphone
de ces prix qui apparaissent sur cette fiche catalogue. »
La consigne donnée par la société Celloplast dans
les courriers adressés aux responsables commerciaux des sociétés grossistes
distributeurs de proximité :
« Tous les catalogues printemps 1993 nous confirment un
prix à 49,90 fr TTC pour les 5 kg et si vous entendez des informations contraires,
merci de me tenir au courant. »
Le compte rendu de visite rédigé par le chef de
région de la société Celloplast et télécopié à sa direction le
27 septembre 1994, suite à une entrevue avec la SA
Bricomarchandises-France : « M. Lancien ma juré que le pv
catalogue ne serait pas à 39,90 mais méfiance. Confirmation du chlorate de soude Elf-Ato
à 45,00 fr [...]. Il faut être méfiant sur le pv public du Elf-Ato si nous livrons les
BCM (vouloir être le moins cher). »
Le rapport dactivité rédigé par cette même
personne, relatif à la semaine du 14 au 18 mars 1994, suite à sa visite au
magasin Carrefour de Saran : « Client ayant 1 tg chlorate 5 kg =
présence au rayon mais pv 49,80 fr fais rectifier à 49,90 (bonne vente). »
Par ailleurs, il est relevé que certains responsables de
centrales dachat se chargent de veiller à son respect en signalant à la société
Celloplast toutes les discordances qui pourraient être constatées, ainsi la société
Auchan : « A cet égard jai constaté un accident chez un concurrent
au printemps 1995, jen ai avisé M. Cotteverte qui est intervenu auprès de ce
distributeur pour lui faire rectifier son erreur, ce qui a été fait. »
*
d) Les actions menées à lencontre de
la société Parcour
La SARL Parcour a conclu un contrat
dapprovisionnement avec la société Quadrimex, agent en France de la société
Fimish-Cheminal, producteur finlandais, et distribue du chlorate de soude depuis 1994.
Bénéficiant de prix attractifs auprès de son fournisseur, la société Parcour a
développé son produit à un prix compétitif.
La centrale dachat Bricomarchandises a interrompu le
référencement du chlorate de soude Elf-Atochem au profit du produit commercialisé par
la société Parcour.
La société Celloplast a, alors, sollicité son réseau de
grossistes-distributeurs de proximité par un courrier du 4 novembre 1994 :
« Envoi à tous les DP Faire relais svp
pression Maxi (pas Cello). »
« CONFIDENTIEL : NE PAS DIFFUSER AUX FORCES DE VENTE
Je vous confirme que le chlorate de soude Elf-Ato nest plus
référencé à la centrale BCM France, la dégradation de nos rapports avec BCM
sétablit comme suit [...].
Nous ne sommes donc plus liés avec cette centrale à un respect
de politique commerciale car nous avons refusé de livrer les plate-formes BCM en direct
et de vous court-circuiter.
VOUS ÊTES DONC LIBRES DE MENER CHEZ BCM magasin par magasin la
politique que vous voulez en fonction des enjeux stratégiques de votre zone
géographique.
Les extrêmes sont : votre prix dachat et le tarif de
base... toute opération doit être menée de manière discrète et réfléchie :
Avoir séparé sur la base 25 % (37,95 HT net
facture), Marchandise gratuite, Reprise dinvendus (sans risque sur le chlorate).
Afin de vous aider et de participer à la démarche, nous avions
prévu une RFA de 4 % pour le CA BCM 1995, si vous montez une opération sur votre
zone géographique nous participerons à hauteur de 4 %, sachant que notre souhait
est que vous participiez au minimum dautant dans la démarche.
Le minimum jouable 50,60 25 = facture
Cest votre décision 8 (4 Cello 4 vous) Avoir
séparé OU...
soit 34,91 F
Merci de diffuser à vos forces de vente une feuille promo ou une
note dinformation personnalisée à entête de votre entreprise. Celloplast ne doit
pas apparaître dans cette démarche. Il faut démarrer cette opération dès que possible
avant que les magasins ne sengagent sur leur opération 20 jours de février 95 pour
laquelle ils ont retenu la société PARCOUR ! ! (Vous pouvez par exemple
évoquer un ancien stock). »
Seule la société Sane/Dagril a coopéré avec la société
Celloplast en diffusant à ses agents commerciaux une correspondance, en date du
17 novembre 1994 : « Bricomarché a retenu la société Parcour
pour faire le catalogue printemps (et le restant de lannée) en chlorate. Le prix du
5 kg Bricomarché/Parcour, en palette de 206, serait de lordre de 33,95 F pour
6 palettes.
Nous pouvons essayer de « piquer » les commandes en
proposant sur la gamme Elf-Ato 25 % de remises pour toutes les commandes prises avant
le 1er février et livrables jusquà fin avril. En outre, sur le
5 kg, en box ou par palette, nous accordons un budget publicitaire de 4 F,
soit :
pour 1 box 120 F x 4 = 480 F
pour 1 palette 216 F x 4 = 864 F
[...] Cette opération ne concerne que Bricomarché, [...] »
Cette démarche na donné lieu quà deux commandes de
cent vingt boîtes de cinq kg de chlorate de soude Elf-Atochem, dont lune sans
loctroi de conditions particulières.
*
e) Les actions menées à lencontre de
la société Biodis
La société Biodis sestime victime
dune action de dénigrement menée par la société Celloplast :
« En 1993, nous avons lancé un chlorate de soude
liquide. Nous avons été attaqués en justice par Celloplast, nouveau distributeur de
chlorate dElf-Atochem, qui mettait en cause lhomologation de notre produit et
son efficacité [...].
De même Celloplast exercerait des pressions sur les centrales
dachat, en dénigrant mon produit, et en prétendant quil nest pas
efficace, quil nest pas homologué [...].
En 1994, constatant que mon produit continuait dêtre
dénigré auprès de mes clients, jai décidé de ressortir du chlorate de soude pur
à 99 %, en le destinant aux clients qui avaient perdu confiance, à tort selon moi,
en mon produit. »
Plusieurs courriers, émanant de clients, sont fournis à
lappui de ces propos :
La lettre datée du 27 octobre 1993 de la société
Desgrange Frères, grossiste :
« Depuis quelques semaines JARDITEC (salon
des professionnels du commerce des produits de jardin) des bruits concernant le chlorate
de soude BIOSOL circulent dans la nature. Nos clients sinquiètent et
sinterrogent sur le bien-fondé de ces rumeurs : efficacité du produit,
conformité des boîtes... Il est indispensable de mettre fin à ces ragots. »
Le courrier de la société Provence Europagro, daté du
15 novembre 1993 :
« En cette période de prise de commande de hors saison,
nous avons beaucoup de questions sur la formulation de votre chlorate à 80 % de
matière active ; nous souhaiterions savoir quelle est lefficacité de ce
produit comparée à celle du chlorate 100 % ? sa conformité ? les
conditions de stockage ?.
Le Biosol liquide soulève aussi beaucoup
dinterrogations. »
Le courrier, daté du 25 octobre 1993, des
établissements Lacherez :
« A plusieurs reprises des clients nous ont fait état
que le chlorate Biosol ne serait pas efficace par rapport aux produits concurrents et que
les boîtes ne seraient pas conformes. Ces informations diffusées sur le terrain
perturbent beaucoup nos clients. »
Le courrier de la société MFR, daté du
4 octobre 1993 :
« La société Celloplast, distributrice de chlorate de
soude Atochem, nous précise que nos emballages ne sont certainement pas aux normes ONU.
Ils nous conseillent vivement dy voir durgence car
nous risquerions davoir des problèmes avec les services officiels ? Venant de
leur part, nous considérons cela comme une menace car ils disent que leur rôle est de
protéger le marché.
En ce qui concerne cette norme ONU, veuillez nous dire de quoi il
sagit exactement. »
La déclaration dun responsable de la société CIM
complète ces éléments :
« La présentation du produit par Celloplast a été
faite de la façon suivante : le chlorate de soude Elf-Atochem est le seul produit
aux normes et nous prenions des risques inconsidérés en travaillant avec des sociétés
contre lesquelles des procédures ont été engagée. »
C. - Les griefs notifiés
Sur la base des pratiques décrites ci-dessus, ont
été notifiés les griefs suivants sur le fondement des articles L. 420-1 et
L. 420-2 du livre IV du code de commerce :
A la société Celloplast :
davoir mis en place, dans son réseau de
distribution, une politique tarifaire concernant le chlorate de soude Elf-Atochem
quelle distribue (boîtes de 5 kg), comportant, en période de promotion de ce
produit, un prix uniforme dans lensemble des magasins, en grande distribution,
grands magasins spécialisés et autres ;
davoir fixé les prix de revente des
grossistes-distributeurs de proximité en leur imposant lapplication de son tarif
public ;
davoir empêché, pour ce faire, la
répercussion des remises de principe acquis quelle consent à ses
grossistes-distributeurs de proximité, supprimant toute concurrence par les prix entre
eux ;
davoir consenti de manière confidentielle
des remises discriminatoires au bénéfice des magasins Bricomarché, dans le but de les
dissuader de sapprovisionner en chlorate de soude auprès dautres
sociétés ;
En outre, mises en uvre par une entreprise en situation de position dominante, elles
constituent une exploitation abusive de cette position et sont, par suite, prohibées par
les dispositions de larticle L. 420-2 du livre IV du code de commerce ;
davoir discrédité un produit
substituable commercialisé par la société Biodis, afin dempêcher celle-ci
daccéder au marché.
Aux sociétés Orchidis Jardin (région Normandie), Orchidis
Jardin (région Centre), SPCP (Société des produits chimiques de Pontivy), Dispagri, De
Sangosse, à titre personnel, et De Sangosse pour le compte de la société Somagri Magri
France aux obligations et droits de laquelle elle se trouve, suite à la fusion absorption
du 31 août 1998, cette société étant devenue un établissement secondaire,
sous la dénomination « SA De Sangosse-Somagri », de la nouvelle
société constituée, Sane/Dagril, J. Gysel Paris, J. Gysel Sud-Est, CDP Garros, Cocipa,
UNCAA (Union nationale des coopératives agricoles dapprovisionnement) :
davoir participé à lentente mise
en place pour lapplication des prix de revente fixés par la société Celloplast
faisant ainsi obstacle au libre jeu de la concurrence par les prix.
A la société Sane/Dagril :
de sêtre entendue avec la société
Celloplast pour octroyer des remises supplémentaires discriminatoires pour évincer un
concurrent de cette dernière.
Aux sociétés Auchan, Carrefour France, Centrale internationale
de marchandises, Galec (Groupement dachat Leclerc), Bricomarchandises-International
(anciennement dénommée Bricomarchandises France), Leroy Merlin, Tripode, Truffaut
(établissements horticoles Georges Truffaut) Gamm Vert :
davoir participé à lentente mise
en place par la société Celloplast pour pratiquer un prix de vente unique, en période
de promotion du chlorate de soude Elf-Atochem, période où se réalisent plus de la
moitié des ventes de lannée de ce produit.
II. - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS
QUI PRÉCÈDENT, LE CONSEIL
Sur
la prescription :
Considérant que, sappuyant sur le fait que la saisine
ministérielle, bien quenregistrée au Conseil de la concurrence le
17 avril 1996, est datée du 5 avril 1996 et que la notification de
griefs a été adressée aux sociétés en cause le 7 avril 1999, les sociétés
mises en cause font valoir que plus de trois années se sont écoulées sans quaucun
acte interruptif de prescription ne soit intervenu ; que les faits sont donc
prescrits et que, par conséquent, il ny a pas lieu de poursuivre la
procédure ;
Mais considérant que, dune part, la cour dappel de
Paris a, dans son arrêt « société Concurrence » en date du
19 mars 1999, estimé que, si une entreprise, partie saisissante, était dans
limpossibilité de faire exécuter un acte interruptif devant le Conseil de la
concurrence, le délai de prescription se trouvait suspendu à son égard : « Considérant
quen lespèce aucun des actes énumérés à larticle 27 [...]
nayant été accompli depuis le 24 février 1992, la prescription
sest trouvée suspendue dès le 24 avril suivant à légard de la
société concurrente qui, par une circonstance indépendante de sa volonté a été mise
dans limpossibilité dagir dans la procédure en cours devant le
Conseil » et, dautre part, que dans son arrêt du
12 octobre 1999 « secteur de lexpertise des objets darts et
de collection », elle a appliqué cette jurisprudence également au ministre
chargé de léconomie lorsquil est partie saisissante : « Considérant
que, comme le soutient à juste titre le ministre, le délai de prescription [...]
sest trouvé suspendu à son égard dans la mesure où, partie saisissante en
application de larticle 11 de lordonnance, le directeur général de la
concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes nayant pas été
chargé dune enquête par le Conseil dans les conditions prévues par
larticle 50 de lordonnance, il a été mis dans limpossibilité
dagir pour faire exécuter un acte interruptif dans la procédure en cours devant le
Conseil » ; quen conséquence, labsence dacte
dinstruction pendant les trois années qui ont suivi la saisine ministérielle
na pu avoir pour effet de suspendre la prescription, quelle que soit la date retenue
comme point de départ du délai de trois ans ; que le moyen doit être
écarté ;
Sur la durée
de la procédure :
Considérant que la société Carrefour soutient que le
caractère anormalement long de la procédure est constitutif dune atteinte aux
droits de la défense au sens de larticle 6 de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de lhomme ;
Mais considérant que la sanction qui sattache à un délai
anormalement long est le versement dune indemnité en réparation du préjudice subi
et non la nullité de la procédure, celle-ci nétant susceptible dêtre
encourue quen cas datteinte aux droits de la défense qui résulterait de la
durée de la procédure ; que la société Carrefour napporte aucun élément
qui démontre que la durée de la procédure aurait porté atteinte à sa capacité de se
défendre ; que le moyen doit être écarté ;
Sur la
régularité des procès-verbaux :
Considérant que la société Carrefour soutient que les
procès-verbaux dressés à lissue des auditions de responsables de la société
Carrefour et des autres parties seraient nuls, au motif que lobjet précis et réel
de lenquête en cours nest pas mentionné ;
Mais considérant, dune part, que le procès-verbal de MM.
Garcia et Bancel, de la société Carrefour, est rédigé comme suit « ... nous
avons... indiqué à MM. Garcia et Bancel que lobjet de notre enquête concerne
lapplication des dispositions des titres III et IV de lordonnance no 86-1243
du 1er décembre 1986 dans le secteur des produits de
jardin » ; que le procès-verbal de déclaration et dinventaire de
documents communiqués signé par MM. Garcia et Bancel commence par ces termes : « Celloplast,
en chlorate de soude représente environ 10 % de notre chiffre daffaires en
produits désherbants » ; quil ne peut être valablement soutenu que
les représentants de la société Carrefour aient pu se méprendre sur lobjet de
lenquête ; que, sagissant des procès-verbaux des personnes
nappartenant pas à la société Carrefour, ces personnes nayant formulé
aucune observation sur ce point, la société Carrefour nest pas recevable à
invoquer cet argument à leur place ; que ce moyen doit être écarté ;
Sur la
délimitation du marché :
Considérant que, pour définir le marché pertinent, il convient
de prendre en considération les caractéristiques intrinsèques du produit et les
conditions de formation de la demande ;
Considérant, en premier lieu, que lingénieur en chef
dagronomie, chef du bureau de la protection des cultures, dépendant du ministère
de lagriculture, a défini comme suit les propriétés des différentes catégories
dherbicides à partir des molécules chimiques spécifiques qui les composent :
« Ainsi latrazine et la simazine peuvent
semployer dans des conditions analogues (en période de prélevée), mais ne
garantissent pas un désherbage total du fait de la résistance à ces molécules de
certaines plantes ; en outre, leur persistance daction peut savérer un
inconvénient dans la mesure où elles peuvent migrer vers leau, et de plus le coût
dutilisation est plus élevé.
Il existe par ailleurs de nombreux autres désherbants de
post-levée stricte, composés de matières actives telles que le paraquat et le diquat
qui brûlent les plantes touchées sans pour autant les détruire car elles sont sans
effet sur les systèmes racinaires.
Dautres désherbants, type amninotriazole ou glyphosate
détruisent les mauvaises herbes en altérant souvent de façon irréversible le système
racinaire.
Enfin, les désherbants à base dhormones ont des usages
plus spécifiques, toujours en post-levée. »
Considérant que, sagissant des caractéristiques
spécifiques du chlorate de soude, il en a souligné les particularités techniques et
chimiques : le chlorate de soude est principalement utilisé pour « lentretien
des allées et des zones non enherbées » et « le chlorate de soude se
distingue de nombre dautres désherbants en ce quil peut sutiliser en
période de prélevée des mauvaises herbes avec un effet plus global que les autres
substances actives [...]. Il se dissout dans leau des sols en chlorures de sodium,
éléments qui y sont présents à létat naturel, ce qui confère à ce produit
limage dune certaine innocuité que nont pas dautres
herbicides » ;
Considérant, par ailleurs, quil ressort des déclarations
de divers intermédiaires du commerce intervenant sur le marché des herbicides, dont
certaines sont citées ci-après, quils saccordent à considérer ce produit
comme incontournable et devant obligatoirement figurer dans leur gamme de produits
phytosanitaires destinés aux jardiniers amateurs : « le chlorate de soude
est un produit leader sur le marché des désherbants totaux destinés à la clientèle
des particuliers. Nous ne pouvons en conséquence nous passer de ce produit. Elf-Atochem a
repris il y a trois ans la distribution de ce produit. Il est le leader sur ce
marché. »
« Le chlorate de soude étant un produit très ancien, il
se vend toujours autant, de génération en génération et est le désherbant leader sur
son marché. Limage du seau vert a un très fort impact sur le consommateur.
Cest dailleurs suite à une demande pressante de nos clients que nous avons
décidé de distribuer ce produit. »
« Le chlorate de soude est le plus vieux désherbant de
jardin. En outre il nest pas dangereux, ne se fixe pas dans le sol, est donc non
rémérant [...]. Le chlorate de soude bénéficie dune très grande notoriété
auprès du grand public et des jardiniers amateurs. »
« Cest un produit biodégradable qui à travers les
campagnes publicitaires télévisées véhicules une image écologique, ce qui nest
pas le cas des autres désherbants. »
« Sagissant du chlorate de soute Elf-Ato, produit
pur à 99 %, cest un désherbant total qui nettoie tout, et pour lequel il
nexiste pas de produit substituable. »
« Nous ne mettons pas en concurrence les offres qui
peuvent nous être faites par les fabricants de désherbants en général et les
fournisseurs de chlorate de soude, dans la mesure où il ne sagit pas des mêmes
matières actives, quelles nont pas les mêmes effets, et pas les mêmes prix
[...]. A ce jour, le chlorate de soude dans lesprit des gens reste le produit
désherbant idéal. Il ne peut se substituer à dautres produits identiques.
Cest le produit qui a une notoriété spontanée auprès du grand public. Cest
de ce fait un produit incontournable, dont nous ne pourrions nous passer. »
« Nous pourrions nous passer éventuellement de la marque
Elf-Atochem, mais certainement pas du produit lui-même qui est incontournable. »
« Je suis dans lobligation commerciale de détenir
ce produit qui est un 20/80 des ventes (20 % des références font 80 % des
ventes). »
« Sagissant du chlorate de soude, nous ne pouvons
nous passer de ce produit. »
« Le chlorate de soude est le produit désherbant de
référence pour le grand public. Il a une forte image chez les amateurs [...], le fait de
ne pas avoir ce produit nous a sans doute fait perdre des parts de marché dans la famille
désherbants. Nous avons en conséquence décidé de communiquer sur le chlorate de soude
en 1994 et 1995. »
« Dans nos magasins, nous avons besoin dun chlorate
de soude qui est un produit incontournable en tant que désherbant (première part de
marché national des désherbants avec environ 50 % de ce marché). »
« Il ny a pas aujourdhui un magasin ou une
enseigne qui puisse se passer du chlorate de soude. Cest un produit incontournable.
Il existe par ailleurs des désherbants totaux moins chers, mais le chlorate de soude
bénéficie dune meilleure image, celle dun produit ancien ayant fait ses
preuves. »
Considérant, sagissant du rapport qualité/prix, que
celui-ci est également en faveur du chlorate de soude, cet avantage du chlorate de soude
ayant été souligné par plusieurs professionnels :
« Dans le créneau de marché indiqué, le chlorate de
soude savère être le produit qui offre le meilleur rapport qualité-prix. Il
savère par ailleurs dune facilité demploi sans égale. A ces deux
titres (auxquels il faut ajouter la polyvalence), il continue à bénéficier dune
important notoriété auprès du grand public. »
« Cest [...] un des déherbants les moins chers. Le
rapport prix-surface traitée est sans doute le moins cher du marché. »
« Le chlorate de soude est certainement le désherbant le
moins cher du marché, le rapport surface traitée/prix est environ de 1 à 2. Cest
laspect efficacité/prix qui convient aux clients acheteurs de ce produit. »
« Cest un produit qui vendu en promotion nest
pas cher à lutilisation. »
« Le Roundup de Monsato est la version moderne du
chlorate de soude mais se positionne à un prix nettement supérieur. Il (le chlorate de
soude) est le moins cher des désherbants totaux. »
« Cest le désherbant le moins cher que lon
trouve actuellement sur le marché, même sil est désormais concurrencé par des
glyphosates importés. »
« Le chlorate de soude est un produit efficace qui a ses
adeptes, notamment en raison de son faible prix par rapport aux autres herbicides
disponibles sur le marché, tels que les désherbants totaux élaborés à partir
dautres matières actives. A surface égale, la différence de coût est de 1
à 5 environ. »
« Le chlorate de soude en tant que désherbant [...] se
caractérise par un rapport qualité/prix, en faisant le moins cher des désherbants
totaux, et par une notoriété très grande auprès du grand public. » ;
Considérant que le chlorate de soude possède des qualités
particulières (techniques, chimiques, notoriété, rapport qualité/prix) qui le
distinguent des autres désherbants totaux ; que le chlorate de soude est une
molécule et est présenté comme telle, alors que les autres désherbants totaux sont des
produits composites ; que les autres désherbants totaux ont une durée daction
plus courte que le chlorate de soude ;
Considérant que le chlorate de soude fait lobjet dune
demande manifestement spécifique de la part de certains consommateurs ; quen
effet, en premier lieu, il ressort des déclarations de détaillants que la présence de
chlorate de soude sur leurs linéaires est indispensable ; que ce constat ne signifie
pas, contrairement à ce qui a été soutenu en défense, que le produit vendu par
Celloplast bénéficierait dune « marque notoire », puisque
cest le chlorate de soude en général, et non le chlorate de soude de Celloplast,
qui est considéré comme incontournable ; quen deuxième lieu, les emballages
de désherbants totaux produits en séance par Celloplast comportent la mention en gros
caractères du nom de la marque et de la nature du produit (désherbant total et
désherbant pour trottoir et allées), la composition chimique nétant pas lisible
à distance ; que la seule exception concerne le chlorate de soude de Celloplast pour
lequel les plus gros caractères étaient employés pour la mention « chlorate de
soude », le nom de la marque étant écrit en caractère nettement plus
petits ; que, les mentions étant portées sur les emballages en vue de
linformation des consommateurs qui choisissent les produits sur les linéaires, les
différences susmentionnées traduisent le fait que les consommateurs du chlorate de soude
sintéressent à la nature chimique de ce produit ; quen troisième lieu,
les pratiques relevées concernant lentrée sur le marché des produits des
sociétés Parcour et Biodis montrent que la société Celloplast réagissait
spécifiquement à la concurrence exercée par dautres produits à base de chlorate
de soude, ce qui traduit le fait que ce nest que lorsque de tels produits étaient
présents quelle craignait que les consommateurs se détournent du sien ;
Considérant que les sociétés Celloplast, CIM, Tripode, Gamm
Vert et lUNCAA, Orchidis Jardin, SPCP, Cocipa, Sane/Dagril et Gysel, distributeurs,
présentent divers arguments visant à démontrer la substituabilité du chlorate de soude
et des autres désherbants totaux, notamment lidentité des fonctions de ces
produits, la faible différence de coût rapporté à la superficie à désherber, la
diminution de la part relative du chlorate de soude sur le marché des désherbants et le
caractère incontournable du Roundup pour cinq distributeurs ;
Mais considérant que, même en admettant que les fonctions
intrinsèques du chlorate de soude ne soient pas objectivement très différentes de
celles des autres désherbants et que son coût dusage ne constitue pas, pour un
certain nombre dutilisations, un avantage décisif, il est constant que les
consommateurs, dans leur majorité, considèrent, comme le soulignent les nombreux
distributeurs, que le chlorate de soude nest pas substituable aux autres
désherbants totaux ; que la demande exprimée ne peut donc être satisfaite que par
le chlorate de soude ; que tous ces éléments conduisent à considérer, quau
moins à lépoque des faits, il existait un marché du chlorate de soude ;
Sur la position
dominante de Celloplast sur le marché du chlorate de soude :
Considérant que la société Elf-Atochem a produit, en 1994,
6613 tonnes de chlorate de soude à usage de désherbant qui ont été
commercialisées en 1994 par sa filiale à 100 % Celloplast, sous la marque
Elf-Atochem ; que les autres intervenants sur le marché du chlorate de soude sont
peu nombreux ; quil sagit essentiellement de :
la SA Biodis, qui distribue ses produits sous la
marque Biosol. Elle commercialise du chlorate de soude quelle importe par
lintermédiaire de la société espagnole Aragonesas ;
la SA MFR Maison Frédéric Renaud qui importe,
par lintermédiaire de plusieurs sociétés étrangères, le chlorate de soude
quelle commercialise ;
la Société Parcour qui sapprovisionne
auprès de la société Quadrimex, agent en France du fabricant finlandais
Finih-Cheminal ;
Considérant que des négociants interviennent aussi dans la
distribution du chlorate de soude tels CEF (Chimie Espagne France) et FWD (France Word
Distribution) ;
Considérant que les tableaux ci-après, réalisés à partir de
données relevées par la société Nielsen, indiquent en a le chiffre
daffaires réalisé par la société Celloplast pour la distribution du produit
Elf-Atochem, ainsi que celui des autres conditionneurs ou négociants de chlorate de
soude, par période de douze mois, de juillet 1991 juin 1995 et en b les
ventes de chlorate de soude en volume, réalisés par les mêmes sociétés aux cours des
mêmes périodes :
a) Chiffres daffaires
SOCIÉTÉS
(valeurs en millions de francs) |
JUILLET 1991
à juin 1992 |
JUILLET 1992
à juin 1993 |
JUILLET 1993
à juin 1994 |
JUILLET 1994
à juin 1995 |
|
CA |
% |
CA |
% |
CA |
% |
CA |
% |
Elf-Atochem |
43,41 |
75,71 |
47,61 |
70,0 |
49,60 |
69,3 |
48,7 |
71,4 |
Biodis |
5,70 |
9,9 |
8,72 |
12,8 |
7,60 |
10,6 |
5,31 |
7,8 |
CEF |
2,85 |
5,0 |
5,45 |
8,0 |
2,80 |
3,9 |
1,33 |
1,9 |
Parcour |
- |
- |
- |
- |
- |
|
5,54 |
8,1 |
MFR-Jardin |
- |
- |
- |
- |
4 (*) |
5,60 |
4 (*) |
5,90 |
Autres chlorates |
5,40 |
9,40 |
6,19 |
9,2 |
7,6 |
10,6 |
3,31 |
4,8 |
Total |
57,36 |
100 |
67,97 |
100 |
71,60 |
100 |
68,20 |
100 |
(*) Evaluation à partir des statistiques de vente communiquées par MFR. |
Volume des ventes de chlorates de soude :
SOCIÉTÉS
(volume en tonnes) |
JUILLET 1991
à juin 1992 |
JUILLET 1992
à juin 1993 |
JUILLET 1993
à juin 1994 |
JUILLET 1994
à juin 1995 |
|
Volume |
% |
Volume |
% |
Volume |
% |
Volume |
% |
Elf-Atochem |
4 164,5 |
74,5 |
4 537 |
68,9 |
4 623 |
66,5 |
4 912 |
70,1 |
Biodis |
541,5 |
9,7 |
900 |
13,7 |
751,5 |
10,8 |
594 |
8,5 |
CEF |
271 |
4,8 |
576 |
8,8 |
300,5 |
4,3 |
119 |
1,7 |
Parcour |
- |
- |
- |
- |
- |
- |
876,5 |
12,5 |
* Autres chlorates de soude |
610 |
11 |
576,5 |
8,6 |
1279 |
18,4 |
508,5 |
7,3 |
Total |
5 587 |
100 |
6 589,5 |
100 |
6 954 |
100 |
7 010 |
100 |
(*) La ligne « Autres chlorates » intègre les quantités vendues par la
société MFR. |
Considérant que les données ci-dessus mettent en
évidence la position prééminente de la société Celloplast sur le marché du chlorate
de soude, puisque son chiffre daffaires au cours de chaque période considérée
représente toujours une proportion voisine (ou supérieure à) de 70 % des ventes
totales en France et que sa part du marché en volume est du même ordre de
grandeur ; que la société Biodis, qui occupe la deuxième place, dépasse à peine
12 % sur la période de juillet 1992 juin 1993 et est supplantée pour la
période de juillet 1994 juin 1995 par la société Parcour nouvellement
arrivée sur ce marché ; quun article publié dans le journal « jardineries »
no 284 du 15 mars 1995, concernant les ventes de chlorate de
soude pour lannée 1994, parvient à la même conclusion ;
Considérant que la société Celloplast détenait, à
lépoque des faits, au moins deux tiers des parts du marché de chlorate de
soude ; que chacun de ses principaux concurrents ne détenait quune part
modeste du marché ; que, filiale de la société Elf-Atochem, la société
Celloplast bénéficiait des avantages liés à lappartenance à un groupe
international ; que linstruction a révélé que la société Celloplast
pratiquait durablement des prix supérieurs à ceux de ses concurrents ; quil
résulte de tout ce qui précède que la société Celloplast détenait, à lépoque
des faits, une position dominante sur le marché du chlorate de soude ;
Sur les
pratiques relevées :
a) En ce qui concerne les griefs dabus de position
dominante
Considérant que laccord de distribution
proposé par la société Celloplast à ses distributeurs-grossistes pour la saison « printemps
1993 » précisait un niveau de « refacturation minimum » ;
quil ressort des déclarations des responsables des sociétés Orchidis Jardin,
Cocipa, De Sangosse, Gysel, SPCP, CDP Garros et Dispagri que ces grossistes appliquaient
le tarif de revente de chlorate de soude fixé par Celloplast ; que cette dernière
écrivait, le 29 octobre 1993, à la société dapprovisionnement du
Plateau central Rouergue-Auvergne-Gévaudan-Tarnais que ses conditions de vente « sentendent
avec un respect total des conditions de revente à savoir.... » ; que, de
même, Celloplast fixait aux centrales dachat de la grande distribution le niveau de
prix de revente au détail quelle entendait voir pratiquer ; que les courriers
adressés chaque année aux centrales dachat pour confirmer les conditions de vente
comportaient systématiquement la mention du prix de revente au détail pour le
conditionnement de 5 kg ; quune telle mention figurait également sur
dautres documents ; que ces prix sont également ceux qui figurent dans un
certain nombre de catalogues ; que le responsable de la Centrale internationale de
marchandises, interrogé au cours de lenquête, a déclaré « Celloplast ne
souhaite pas que nous descendions en dessous de ce prix » ;
Considérant que la société Celloplast ne se bornait pas à
exprimer son souhait de voir les distributeurs respecter les prix de revente en gros ou au
détail quelle avait fixés, mais avait adopté des mesures coercitives pour
parvenir à ce résultat ; quelle organisait une remontée systématique
dinformations sur les prix pratiqués ; quainsi, le
2 janvier 1999, la société Celloplast émettait une télécopie
énonçant : « surveiller et coincer Lutin Vert Balma, des preuves écrites
quils versent des RFA sur NaCl » ;quen outre, la fixation des
niveaux relatifs des prix de cession, des prix de revente et des remises de fin
dannée faisait que ces dernières représentaient un élément important de la
marge des distributeurs ; quil ressort des nombreux documents et déclarations
recueillis au cours de lenquête que ces remises nétaient versées
quaprès examen du catalogue des distributeurs, examen qui permettait de
sassurer du respect des prix de revente ; que cette technique est
dailleurs explicitée dans certains documents ; quainsi, la photocopie du
« projet daccord fournisseur 1993 » concernant le groupement
Edouard Leclerc/Galec précise : « Les RFA ne seront versés que si le prix
de vente de 49,90 F sur le chlorate 5 kg est respecté lors de la parution du
catalogue janvier national » ; quun acheteur de la société Auchan a
déclaré « si nous pratiquions un prix légalement inférieur au prix public
pour le chlorate Celloplast, notre fournisseur ne paierait pas sa participation
publicitaire » ; que des courriers adressés par la société Celloplast
aux responsables commerciaux des sociétés grossistes-distributeurs de proximité
demandaient : « tous les catalogues printemps 1993 nous confirment un prix
de 49,90 F TTC pour les 5 kg et si vous entendez des informations contraires merci de
me tenir au courant » ;
Considérant que de telles pratiques, de la part dun
opérateur en position dominante, aboutissent, dune part, à interdire toute
concurrence par les prix entre les revendeurs et à fixer le prix dun produit
nayant pas de substitut à un prix supérieur à ce que serait le prix de marché
et, dautre part, à dissuader les grossistes et détaillants, dont les marges
étaient ainsi artificiellement protégées contre les pressions éventuelles de leurs
concurrents, de référencer le chlorate de soude proposé par dautres
fabricants ;
Considérant que la société Celloplast a offert de façon
discriminatoire aux magasins Bricomarché des remises particulièrement avantageuses au
moment où leur centrale dachat BCM France avait décidé de référencer le
chlorate de soude offert par la société Parcour ; que la politique ainsi menée par
la société Celloplast ne sinscrivait nullement dans le cadre de la réaction
licite quune entreprise, même en position dominante, peut développer face à
larrivée dun nouveau concurrent, dès lors que la baisse de prix visait
exclusivement les magasins Bricomarché et devait seffectuer, selon les termes du
courrier en date du 4 novembre adressé par la société Celloplast à ses
grossistes, « de manière discrète et réfléchie » ; que, comme
la Commission des Communautés européennes le précisait dans sa décision « Irish
Sugar » no 97/624/CE du 14 mai 1997, une politique
consistant à définir « une politique de prix bas à appliquer de manière
sélective aux clients potentiels de son concurrent et quil ne sagissait pas
de généraliser, même pour les clients les plus importants, est contraire au principe
selon lequel une entreprise en position dominante a une responsabilité particulière de
ne pas diminuer le degré de concurrence existant encore sur le marché » ;
Considérant que plusieurs courriers, datés de lautomne
1993, adressés par des distributeurs à la société Biodis, font état de leur
inquiétude quant à lefficacité, à la sécurité et, dune manière
générale, au respect des normes en ce qui concerne le désherbant à base de chlorate de
soude vendu par cette société ; que le courrier émanant de la société MFR, en
date du 4 octobre 1993, précise que « la société Celloplast,
distributrice de chlorate de soude Atochem, nous précise que nos emballages ne sont
certainement pas aux normes ONU. Ils nous conseillent dy voir durgence car
nous risquerions davoir des problèmes avec les services officiels ? Venant de
leur part, nous considérons cela comme une menace car ils disent que leur rôle est de
protéger le marché » ; quun responsable de la société CIM a
indiqué « la présentation du produit par Celloplast a été faite de la façon
suivante : le chlorate de soude dElf-Atochem est le seul produit aux normes et
nous prendrions des risques inconsidérés en travaillant avec des sociétés contre
lesquelles des procédures sont engagées » ;
Considérant, dune part, que linstruction na
révélé ni violation des règles de sécurité, ni défaut defficacité
particulière des produits de la société Biodis ; que si, dautre part, par un
jugement du 13 mai 1996, le tribunal de commerce de Lyon, statuant sur une
demande reconventionnelle de la société Biodis tendant à voir la société Celloplast
condamnée pour dénigrement, a rejeté ces conclusions comme non fondées, cette
juridiction na pas autrement motivé ce rejet ; quelle na pas
davantage exposé les faits et moyens que la société Biodis avait avancés au soutien de
ses prétentions ; quen tout état de cause, la chose ainsi jugée par le
tribunal de commerce de Lyon ninterdit pas au Conseil de qualifier sur le fondement
de larticle L. 420-2 du code de commerce les faits qui lui sont soumis ;
Considérant que des pratiques consistant pour une entreprise en
position dominante à exploiter sa notoriété pour jeter le discrédit sur les produits
dun concurrent au moyen dune allusion au non-respect de normes sont
constitutives dun abus de position dominante ;
Considérant quil résulte de lensemble de ce qui
précède que la société Celloplast sest livrée à des pratiques prohibées par
larticle L. 420-2 du code de commerce ;
b) En ce qui concerne lentente entre Celloplast
et Sane/Dagril
Considérant que la Société Sane/Dagril a
accepté, à la demande de Celloplast, doffrir une remise de 25 % sur la gamme
des chlorates de soude Elf-Atochem au distributeur Bricomarché ;
Considérant que cette remise était explicitement offerte et
réservée à Bricomarchandises, afin de dissuader cette entreprise de se fournir en
chlorate de soude auprès de Parcour, concurrent de Celloplast ; que Sane/Dagril ne
pouvait ignorer lobjet de lopération, comme latteste la circulaire
quelle adressait à ses agents le 17 novembre 1994, dans laquelle elle
écrivait notamment : « Nous pouvons essayer de piquer les commandes en
proposant sur la gamme Elf-Atochem 25 % de remises » ; quen
sassociant pour mettre en uvre une telle pratique, Celloplast et Sane/Dagril
ont contrevenu aux dispositions de larticle-L. 420-1 du code de commerce ;
c) En ce qui concerne les ententes entre Celloplast
et les grossistes distributeurs de proximité
Considérant que les distributeurs de proximité
Multi Appro, SPCP, Dispagri, De Sangosse, Somagri Magri, Orchidis Jardin, Gysel, CDP
Garros et Cocipa achetaient le chlorate de soude à Celloplast et approvisionnaient les
distributeurs de la grande distribution au prix fixé par Celloplast ;
Considérant que, sils ne négocient ni les prix, ni les
quantités avec les revendeurs pour lesquels ils assurent le stockage et la livraison du
chlorate de soude, opérations pour lesquelles ils sont rémunérés par un taux de marge
fixé par Celloplast, et si, en pratique, comme ils le soutiennent dans leurs
interventions, leur activité ressemble à une activité de commissionnaire, il nen
demeure pas moins quils effectuent une opération dachat et de revente ;
quen conservant la totalité de la marge qui leur était allouée par Celloplast,
ils pratiquaient, en accord avec cette dernière, la fixation dun prix de revente en
gros uniforme et participaient indirectement à la fixation du prix de détail imposé par
Celloplast aux détaillants ;
Considérant que cette pratique est constitutive dune
entente anticoncurrentielle au sens des dispositions de larticle L. 420-1 du
code de commerce ;
d) En ce qui concerne les ententes entre Celloplast
et des centrales dachat de la grande distribution
Considérant que les enseignes de la grande
distribution ont très généralement appliqué les prix de revente qui leur étaient
prescrits par Celloplast ; que les magasins de ces distributeurs sont situés sur les
mêmes marchés géographiques ; que lapplication dun prix unique
prescrit par un fournisseur en position dominante sur un marché par des commerçants
exerçant leur activité dans la ou dans les mêmes zones de chalandise est constitutive
dune entente anticoncurrentielle entre le fournisseur et chaque distributeur ;
Considérant que les prix de vente aux distributeurs fixés par
Celloplast, soit directement, soit par lintermédiaire des grossistes-distributeurs,
étaient légèrement supérieurs ou égaux au seuil de revente à perte ; que la
majeure partie de la rémunération des revendeurs consistait en ristournes de fin
dannée ;
Considérant que plusieurs revendeurs soutiennent quà
lépoque où ils établissaient leurs tarifs de vente pour la période de promotion,
ils étaient dans lignorance du montant des ristournes qui leur seraient accordées
à la fin de la campagne ou de lannée et que, par conséquent, ils ne pouvaient
pratiquer des prix inférieurs aux prix qui leur étaient facturés par Celloplast ou par
les grossistes-distributeurs ; que ces prix correspondaient aux prix de revente au
détail quils pratiquaient ; quil ne peut leur être reproché
davoir respecté un prix de vente au détail au-dessous duquel ils ne pouvaient
descendre sans enfreindre la réglementation sur linterdiction de revente à
perte ;
Considérant que lUNCAA agissait en qualité de mandataire
pour le compte de ses associés coopérateurs ; que, pour couvrir les frais de
fonctionnement et le coût du stockage et de transport du chlorate de soude, elle
conservait la ristourne inconditionnelle de fin dannée de 3 % accordée par
Celloplast et 2 % des 16 % de ristournes obtenues de Celloplast ;
quelle répercutait intégralement le reliquat de la ristourne (soit 16 %
2 % = 14 %) à ses adhérents ; quil nest pas établi
quelle ait participé à une entente avec Celloplast pour fixer le prix de revente
au détail du chlorate de soude ;
Considérant que la conclusion générale du rapport (p. 54),
commence par cette phrase : « Compte tenu de lensemble des éléments
qui précèdent, il est proposé : dune part, que le grief davoir
participé à une entente sur le prix, mise en place par la société Celloplast notifié
à la société Castorama et à la société Carrefour France, davoir participé à
lentente mise en place par la société Celloplast pour pratiquer un prix de vente
unique, en période de promotion du chlorate de soude ELF/Atochem, soit
abandonné » ;que, si cette phrase est en contradiction avec la conclusion
partielle de la page 49 du rapport, qui conclut au maintien du grief à lencontre de
la société Carrefour, le doute quelle introduit dans lintention du
rapporteur de maintenir ce grief doit bénéficier à la société Carrefour ; que le
grief qui lui a été notifié doit être abandonné ;
Considérant que le grief retenu à lencontre de la
société Auchan davoir participé à la surveillance du prix de vente du chlorate
de soude mise en place par la société Celloplast sappuie uniquement sur la
déclaration de M. Havet, acheteur : « Nous suivons le niveau des prix
publics pratiqués par nos concurrents. A cet égard, jai constaté un accident chez
un concurrent au printemps 1995, jen ai avisé M. Cotteverte qui est intervenu
auprès de ce distributeur pour lui faire rectifier son erreur, ce qui a été
fait » ; que la société Auchan conteste les faits ; que le seau de
chlorate de soude Celloplast ne figure pas sur les catalogues à lenseigne Auchan
déposés au dossier ; quen raison de linsuffisance des éléments
recueillis, le grief qui lui a été notifié doit être abandonné ;
Considérant que la société Galec a reconnu les faits ;
quelle a indiqué quà la suite de la visite des enquêteurs de la DGCCRF en
date du 11 septembre 1995, elle a mis fin à lapplication des prix fixés
par la société Celloplast et quainsi elle a pu pratiquer des prix, pour le seau de
5 kg de chlorate de soude, en période de promotion, inférieurs de 0,80 à 1 F à
ceux du concurrent le mieux placé ;
Considérant que la société Tripode reconnaît avoir aligné ses
prix sur les prix fixés par Celloplast ; quelle allègue que sa participation
était passive et inévitable ;
Considérant que la société Gamm Vert, qui édite des catalogues
pour les adhérents à son enseigne, soutient que lextrait de catalogue figurant au
dossier pour le seau de 5 kg de chlorate de soude ne comporte aucune date ;
Mais considérant que le prix, porté sur le catalogue, de la
promotion valable jusquau 10 avril 1995, soit 45 F, correspondait au prix
indiqué par la société Celloplast dans sa lettre du 26 septembre 1994
contenant les conditions commerciales de vente pendant la saison promotionnelle de
printemps 1995 ; que la société Gamm Vert a reconnu ne pas avoir mentionné sur ces
catalogues la mention « prix maximum » ou « prix
conseillé » ; quil ne peut, dès lors, être contesté que ces prix
étaient présentés comme des prix de vente uniques ;
Considérant que M. Cruypeninck, chef de produit de la société
Leroy Merlin, a déclaré que « sur ce créneau de produit nous navons pas
besoin dune gamme large, cest pourquoi Celloplast est notre seul fournisseur
de chlorate de soude en 1994 nous avions les conditions suivantes : une remise de
6 % fonction GSB correspondant au suivi continu et annuel de la gamme de ce produit
(3 %) et au référencement exclusif de ce fournisseur du chlorate de
soude » ; quil résulte de cette déclaration, qui na pas été
contestée, que la société Leroy Merlin connaissait, dès le début de la campagne et
avec certitude, le montant de la remise pour référencement exclusif quelle
obtiendrait de Celloplast en fin dannée ;
Considérant que les conditions négociées par la société
Truffaut font état dune remise dexclusivité de 3 % consentie par
Celloplast, que les fiches de référencement établies par Celloplast font état pour
1993 et 1994 dun accord dexclusivité, que la société Truffaut connaissait
donc, en début de saison, avec certitude le montant de la remise dexclusivité
quelle obtiendrait sous forme de RFA ;
Considérant que les conditions de vente du chlorate de soude par
Celloplast à la Centrale internationale de marchandises (CIM) comprenaient, notamment
pour 1993, 1994 et 1995, lattribution dun budget de 100 000 F HT « en
cas de communication sur le produit dans (votre) catalogue jardin printemps » ;
que le CIM connaissait donc, au moment de lédition des catalogues, de manière
certaine, le montant de la rémunération qui lui serait versée par Celloplast ;
Considérant que M. Lancien, acheteur de la société
Bricomarchandises international (anciennement Bricomarchandises France), a reconnu que « par
ailleurs les conditions magasin étaient les suivantes : une RFA de 6 %
inconditionnelle sur une base de tarif prix net et deux remises de 10 % sur facture
pour ouverture de point de vente de 1re commande. Aucune autre condition
navait été stipulée sur ce contrat » ;
Considérant que les prix de promotion pratiqués pour les
sociétés Centrale internationale de marchandises (CIM), Galec, Marchandises générales
international, Leroy Merlin, Tripode, Truffaut et Gamm Vert ont été alignés sur les
prix fixés par Celloplast pour la vente de chlorate de soude au détail ; que le
seau de 5 kg de chlorate de soude figure bien, aux prix fixés par la société
Celloplast, sur les catalogues promotionnels, déposés au dossier, des sociétés
Centrale internationale de marchandises pour les années 1994 et 1995, Marchandises
générales international (Bricomarchandises) pour lannée 1993, Leroy Merlin pour
les années 1993, 1994 et 1995, Tripode-Jardiland, Truffaut et Gamm vert pour les années
1994 et 1995 ; que ces sociétés connaissaient au moment de la fixation des prix de
la campagne, avec certitude, le montant dau moins une ristourne de fin dannée
(RFA de référencement) ;
Considérant que toutes les sociétés qui connaissaient avec
certitude le montant de tout ou partie des ristournes ou rémunération auxquelles elles
avaient droit, auraient pu tenir compte de ces ristournes dans la fixation de leurs prix
de promotion, y compris dans les catalogues quelles éditaient ; que cest
donc volontairement quelles se sont conformées aux injonctions de Celloplast de
pratiquer un prix uniforme ; quelles ne sont donc pas fondées à soutenir
quelles étaient dans limpossibilité détablir leurs prix de promotion
en dessous du prix de vente figurant sur les factures dachat du chlorate de soude à
Celloplast ; quil sensuit que lensemble de ces enseignes ont
adhéré à lentente sur les prix mise en uvre sous légide de la
société Celloplast ; que cette pratique est constitutive dune entente
anticoncurrentielle prohibée par les dispositions de larticle L. 420-1 du code
de commerce ;
Sur les suites
à donner :
Considérant que, si les grossistes-distributeurs de proximité
procédaient à lachat à Celloplast du chlorate de soude et à la revente de ce
produit aux centrales dachat, ils étaient rémunérés par un pourcentage sur le
prix du produit ; que lactivité de ces sociétés ressemble à une activité
de commissionnaire ; quen particulier, elles ne jouaient aucun rôle dans la
fixation des prix et des quantités négociées entre Celloplast et les centrales
dachat ; que, dès lors, leurs marges de liberté, si elles nétaient pas
nulles, étaient néamoins très limitées et quelles navaient aucun intérêt
à les utiliser ; que, si elles ont contribué à faciliter le respect des prix de
revente au détail du chlorate de soude, leur contribution a été très modeste ;
que, dans ces conditions, il ny a pas lieu dinfliger une sanction pécuniaire
aux sociétés SPCP, Dispagri, De Sangosse, J. Gysel (Paris et Sud-Est), CDP Garros et
Cocépa ;
Sur les
sanctions :
Considérant quaux termes de larticle L. 464-2 du
livre IV du code de commerce, le Conseil de la concurrence peut « ordonner aux
intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé
ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire
applicable soit immédiatement, soit en cas dinexécution des injonctions. Les
sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à
limportance du dommage causé à léconomie et à la situation de
lentreprise ou de lorganisme sanctionné. Elles sont déterminées
individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée
pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est pour une entreprise de
5 % du chiffre daffaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier
exercice clos. Si le contrevenant nest pas une entreprise, le maximum est de dix
millions de francs » ;
Considérant que la fixation et le contrôle du respect dun
prix unique de revente au détail par un fournisseur en position dominante sur un marché
sur lequel sont présents plusieurs distributeurs a pour effet de faire obstacle au
fonctionnement concurrentiel de ce marché ; que la gravité de la pratique mise en
uvre par Celloplast doit être appréciée en tenant compte du fait quelle a
eu pour effet dempêcher toute concurrence en période de promotion entre les
enseignes des grandes surfaces à dominante alimentaire ou spécialisées qui effectuent
la grande majorité des ventes de chlorate de soude ;
Considérant que la société Celloplast a tenté dempêcher
laccès au marché dun de ses concurrents en dénigrant le produit quil
mettait en vente et quelle a tenté dévincer du marché un autre de ses
concurrents en proposant des remises discriminatoires à un distributeur pour le dissuader
de contracter avec son concurrent ; que ces pratiques, émanant dune société
en position dominante, consistant à élever artificiellement des barrières à
lentrée, sont particulièrement graves ;
Considérant que le dommage à léconomie doit être
apprécié en tenant compte du fait que le chlorate de soude est un produit dont
lusage est très répandu ; que la plus grande partie des achats est effectuée
par les utilisateurs au printemps pendant la campagne de promotion ; que les
consommateurs ont acquitté un prix supérieur à celui qui aurait résulté dun
fonctionnement concurrentiel du marché, ainsi que lattestent, notamment, les
baisses de prix pratiquées par les sociétés adhérentes au Galec et quils ont pu
ainsi être conduits à réduire les quantités quils souhaitaient se
procurer ; que le fait que la société Parcour ait pu proposer du chlorate de soude
à un prix inférieur de 25 % à celui pratiqué par la société Celloplast montre
également que cette dernière est parvenue à maintenir les cours au-dessus de ceux qui
auraient résulté du libre jeu de la concurrence ;
Considérant que les pratiques dentente entre Celloplast et
les centrales dachat de la grande distribution pour la fixation dun prix
unique de revente au détail du chlorate de soude en 1993, 1994 et 1995, pendant la
période de promotion, ont privé les consommateurs des baisses de prix qui auraient
résulté du jeu normal de la concurrence entre les grandes surfaces ;
Considérant que Celloplast avait mis en place une politique de
contrôle très active et comportant des menaces de rétorsion en cas de non-respect des
prix imposés ; que les prix facturés étaient égaux ou très proches du seuil de
revente à perte ; que le montant, connu avec certitude en début de campagne, des
RFA garanties était très modeste ; que la marge de manuvre des centrales
dachat était, dès lors, très limitée ; quil y a lieu en ce qui
concerne les sociétés CIM, Galec, Marchandises générales international, Leroy Merlin,
Tripode, Truffaut, Gamm Vert de prononcer une sanction qui tienne compte de ce
contexte ;
Considérant que la société Celloplast (actuellement société
Mayenne de produits chimiques) a réalisé en France un chiffre daffaires de
175 551 797 F au cours de lexercice clos le 31 décembre 1999,
dernier exercice clos disponible ; quen fonction des éléments généraux et
individuels tels quils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui une sanction
pécuniaire de 5 millions de F ;
Considérant que la société Sane/Dagril a coopéré avec la
société Celloplast pour proposer des remises confidentielles discriminatoires afin
dempêcher laccès au marché dun concurrent de la société
Celloplast ; que la société Multi-Appros vient aux droits et obligations de la
société Sane/Dagril, ainsi quil est indiqué dans un courrier du
2 novembre 2000 ; que la société Multi-Appros a réalisé en France un
chiffre daffaires de 474 198 584 F au cours de lexercice clos le
31 décembre 1999, dernier exercice clos disponible ; quen fonction
des éléments généraux et individuels tels quils sont appréciés ci-dessus, il y
a lieu dinfliger à la société Multi-Appros une sanction pécuniaire de
200 000 F ;
Considérant que les sociétés Galec, Centrale internationale de
marchandises, Marchandises générales international, Leroy Merlin, Tripode, Truffaut et
Gamm Vert ont adhéré à lentente sur les prix mise en uvre par la société
Celloplast alors quelles avaient la possibilité de fixer leur propre prix de façon
autonome ; que cette pratique porte atteinte à la concurrence et est contraire aux
dispositions de larticle L. 420-1 du code de commerce ;
Considérant que la société Galec a réalisé en France un
chiffre daffaires de 299 506 329 F au cours de lexercice clos le
31 décembre 1999, dernier exercice clos disponible ; quen fonction
des éléments généraux et individuels tels quils sont appréciés ci-dessus, il y
a lieu dinfliger à la société Galec une sanction pécuniaire de 100 000
F ;
Considérant que la société Centrale internationale de
marchandises a réalisé en France un chiffre daffaires de 37 593 978 F au
cours de lexercice clos le 31 décembre 1999, dernier exercice clos
disponible ; quen fonction des éléments généraux et individuels tels
quils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu dinfliger à la société
Centrale internationale de marchandises une sanction pécuniaire de 100 000 F ;
Considérant que la société dénommée à lépoque des
faits Bricomarchandises France (BCM) a modifié son nom social pour Bricomarchandises
international (BCI) ; quà ce jour, elle est dénommée société Marchandises
générales international (ITM) ;
Considérant que la société Marchandises générales
international a réalisé en France un chiffre daffaires de
3 272 689 117 F au cours de lexercice clos le
31 décembre 1999, dernier exercice clos disponible ; quen fonction
des éléments généraux et individuels tels quils sont appréciés ci-dessus, il y
a lieu dinfliger à la société Marchandises générales international une sanction
pécuniaire de 100 000 F ;
Considérant que la société Leroy Merlin a réalisé en France
un chiffre daffaires de 11 940 448 535 F au cours de lexercice
clos le 31 décembre 1999, dernier exercice clos disponible ; quen
fonction des éléments généraux et individuels tels quils sont appréciés
ci-dessus, il y a lieu dinfliger à la société Leroy Merlin une sanction
pécuniaire de 100 000 F ;
Considérant que la société Tripode (Jardiland depuis le 1er
janvier 2000) a réalisé en France un chiffre daffaires de 176 065 683 F
au cours de lexercice clos le 31 décembre 1999, dernier exercice clos
disponible ; quen fonction des éléments généraux et individuels tels
quils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu dinfliger à la société
Tripode une sanction pécuniaire de 100 000 F ;
Considérant que la société Truffaut a réalisé en France un
chiffre daffaires de 1 407 217 167 F au cours de lexercice clos
le 31 décembre 1999, dernier exercice clos disponible ; quen
fonction des éléments généraux et individuels tels quils sont appréciés
ci-dessus, il y a lieu dinfliger à la société Truffaut une sanction pécuniaire
de 100 000 F ;
Considérant que la société Gamm Vert a réalisé en France un
chiffre daffaires de 1 356 299 280 F au cours de lexercice clos
le 30 juin 2000, dernier exercice clos disponible ; quen fonction des
éléments généraux et individuels tels quils sont appréciés ci-dessus, il y a
lieu dinfliger à la société Gamm Vert une sanction pécuniaire de 100 000
F ;
Considérant quaucun grief nest retenu contre les
sociétés UNCAA, Auchan et Carrefour,
Décide :
Art. 1er. - Il est
établi que la société Celloplast, dénommée société Mayenne de produits chimiques
depuis le 28 juillet 2000, a enfreint les dispositions des articles
L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce.
Art. 2. - Il est établi que la
société Sane/Dagril, aux droits de laquelle vient la société Multi-Appros, ainsi que
les sociétés SPCP, Dispagri, De Sangosse, Somagri-Magri, Orchidis Jardin, Gysel, CDP
Garros, Cocipa, Centrale international de marchandises, Galec, Marchandises générales
international (anciennement Bricomarchandises international et Bricomarchandises France),
Leroy Merlin, Tripode, dénommée Jardiland depuis le 1er janvier 2000,
Truffaut et Gamm Vert ont enfreint les dispositions de larticle L. 420-1 du
code de commerce.
Art. 3. - Il nest pas
établi que les sociétés UNCAA, Auchan, Carrefour France aient enfreint les dispositions
du livre IV du code de commerce.
Art. 4. - Sont infligées les
sanctions pécuniaires suivantes :
5 000 000 F à la société Mayenne de produits
chimiques ;
200 000 F à la société Multi-Appros ;
100 000 F à la société Centrale internationale de
marchandises ;
100 000 F à la société Galec ;
100 000 F à la société Marchandises générales
international ;
100 000 F à la société Leroy Merlin ;
100 000 F à la société Jardiland ;
100 000 F à la société Truffaut ;
100 000 F à la société Gamm Vert.
Délibéré, sur le rapport de Mme Bleys, par M. Cortesse,
vice-président, présidant la séance, en remplacement de Mme Hagelsteen, présidente,
empêchée, Mme Mouillard, MM. Bidaud, Ripotot et Robin, membres.
La secrétaire de séance, Patricia Perrin |
Le vice-président, présidant la séance,
Pierre Cortesse |
Ministre de l'conomie, des Finances et de l'Industrie- 18 juin 2001