Bulletin officiel de la Concurrence, de la Consommation et de la
Répression des fraudes
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N° 06 du 24 avril 2001 |
Décision no 2000-D-77 du Conseil de la concurrence en
date du 21 mars 2001 relative à la situation de la concurrence dans le secteur
des taxis à Montbéliard
NOR : ECOC0100148S
Le Conseil de la concurrence (commission
permanente),
Vu la lettre enregistrée le 27 décembre 1995 sous le
numéro F 832-1, par laquelle le ministre de léconomie a saisi le Conseil de
la concurrence de pratiques relatives à la situation de la concurrence dans le secteur
des taxis à Montbéliard ;
Vu le livre IV du code de commerce et le décret no 86-1309
du 29 décembre 1986 modifié pris pour lapplication de lordonnance
no 86-1243 du 1er décembre 1986 ;
Vu les observations présentées par le commissaire du
Gouvernement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du
Gouvernement entendus lors de la séance du 22 novembre 2000, le représentant
du GIE Association Taxis Services ayant été régulièrement convoqué,
Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et les
motifs (II) ci-après exposés :
I. - CONSTATATIONS
A. - Le dispositif encadrant lexercice de la
profession
dexploitant de taxi
1. Le cadre général
Lindustrie du taxi est soumise à une
réglementation concernant, notamment, les conditions générales dexercice de la
profession et la tarification des services rendus.
Larticle 1er de la loi no 95-66
du 20 janvier 1995 relative à laccès à lactivité de conducteur
et à la profession dexploitant de taxi, reprenant la définition du décret no 73-225
du 2 mars 1973, qualifie de taxi : « Tout véhicule automobile de
neuf places assises au plus, y compris celle du chauffeur, muni déquipements
spéciaux, dont le propriétaire ou lexploitant est titulaire dune
autorisation de stationnement sur la voie publique en attente de clientèle, afin
deffectuer à la demande de celle-ci et à titre onéreux le transport particulier
des personnes et de leurs bagages. »
Laccès à la profession dexploitant de taxis est
subordonné à une condition de compétence sanctionnée par un certificat de capacité
professionnelle et à la détention dune autorisation de stationnement sur la voie
publique. Ces dernières sont délivrées par le maire, qui en détermine le nombre et
délimite sur le territoire de sa commune les zones de prise en charge des clients. Une
entreprise de taxis peut détenir plusieurs autorisations et les exploiter par préposé.
Elles sont cessibles à titre onéreux. Le titulaire présente son successeur à
lautorité administrative, qui agrée la mutation après consultation de la
commission communale ou départementale des taxis et voitures de petite remise.
Au nom de considérations tirées de la commodité des usagers et
de la sécurité de la circulation sur les voies publiques, le dispositif législatif et
réglementaire en vigueur confère aux maires des communes de plus de
20 000 habitants le pouvoir de réglementer, compte tenu des circonstances
locales, lorganisation et lexercice de la profession de taxi. Les taxis
doivent être obligatoirement munis dun compteur horokilométrique, dun
dispositif extérieur, lumineux la nuit, portant la mention taxi, et les indications,
visibles de lextérieur, de la commune ou de lensemble des communes
dattachement, ainsi que du numéro dautorisation de stationnement. Ils ne
peuvent stationner et éventuellement charger des clients que dans des zones prévues à
cet effet sur les territoires des communes dattachement.
La conduite dun véhicule taxi nest pas réservée
exclusivement au titulaire de lautorisation de stationnement ; les exploitants
peuvent confier la conduite de leurs taxis à leur conjoint, à des salariés ou à des
suppléants ; il sagit de la pratique du « doublage ». Cette
pratique a reçu une consécration réglementaire, puisque larticle 10 du
décret no 95-935 du 17 août 1995 la prévoit explicitement.
Par dérogation aux règles générales applicables en matière de
concurrence et sur le fondement de larticle 1er de lordonnance
du 1er décembre 1986, les tarifs des courses de taxi sont
réglementés. Le Conseil de la concurrence, dans lavis no 87-A-01
du 18 mars 1987 relatif à la réglementation des courses de taxi, avait
considéré que lindustrie du taxi « constitue un service dintérêt
collectif utilisant la voie publique » et que, par suite, les dispositions
législatives et réglementaires habilitant les maires et les préfets à prendre toutes
mesures relatives à son organisation et à son exercice « font obstacle à ce
que puisse être débattu sur la voie publique le prix de chaque course ».
Le décret no 87-238 du 6 avril 1987 a
défini les différentes composantes à retenir pour fixer le prix des courses, compte
tenu de la distance parcourue et du temps de transport : prise en charge, prix du
kilomètre, période dattente commandée par le client, marche ralentie du
véhicule. Des majorations sont prévues, qui tiennent compte, par exemple pour le prix du
kilomètre, de courses effectuées de nuit ou qui imposent un retour à vide. En
application de ce texte, le ministre chargé de léconomie fixe chaque année
laugmentation du prix dune course type, délégation étant donnée au préfet
pour fixer les prix maximaux que les taxis peuvent appliquer dans le département. Le
non-respect de ce dispositif constitue une infraction à larticle 1er
de lordonnance du 1er décembre 1986, qualifiée de pratique de
prix illicites.
2. Lorganisation de la profession dexploitant
de taxis
à Montbéliard
A la date des constatations, dix-sept
professionnels bénéficiaient dune autorisation de stationnement en application de
larrêté municipal du 14 décembre 1976.
Un premier groupement dintérêt économique, dénommé
Artisans Taxi-Radio Montbéliardais (ATRM), avait été constitué le
15 mai 1977 et regroupait, à lorigine, les dix-sept artisans titulaires
de lautorisation de stationnement.
Ce groupement a été dissous le 20 mai 1996. La
dissolution a fait lobjet dune déclaration au registre du commerce et des
sociétés le 22 décembre 1997.
Un deuxième groupement dintérêt économique, dénommé
Association Taxis Services (ATS), a été constitué et enregistré au greffe du tribunal
de Montbéliard le 25 juillet 1994. Le contrat constitutif du GIE a été
complété par un règlement intérieur établi le 28 juillet 1994.
Le GIE ATS regroupe onze artisans taxis. Il a été fondé par
ceux des membres du GIE ATRM qui nutilisaient pas de téléphone personnel et
souhaitaient remettre en vigueur les modalités de fonctionnement qui avaient présidé à
la création de ce premier groupement et qui avaient été abandonnées par la suite.
B. - Les pratiques constatées
Larticle 7 du contrat de GIE
dispose : « Chaque membre du GIE ATS pourra utiliser le 91-03-60
et le numéro qui sera attribué à ATS à lexclusion de tout autre système.
Lusage dun téléphone privé ou système type Operator, Alphapage, Itinéris,
etc., entraîne lexclusion immédiate. »
Larticle 5 du contrat modifié par lassemblée
générale du 27 décembre 1994 précise : « Le postulant
sengage à nutiliser que le système radio du groupement, soit :
81-91-14-14, à lexclusion de tout autre système personnel parallèle. Le postulant
sinterdit toute publicité personnelle : annuaire, Minitel, cartes de visite,
etc. »
Larticle 17 du règlement intérieur précise : « La
publicité personnelle ainsi que lutilisation dun téléphone individuel sont,
comme il est indiqué au contrat de GIE, formellement interdits sous peine
dexclusion immédiate du groupement. »
Larticle 8 du règlement intérieur prévoit que les « chauffeurs
doivent effectuer les courses avec leur propre véhicule ». Dans sa déclaration
du 16 février 1995, le président du groupement a précisé que « la
pratique du doublage hormis des conditions exceptionnelles (maladie, indisponibilité) est
interdite dans le règlement intérieur ».
Dans sa déclaration du 16 février 1995, le président
du GIE a précisé, en ce qui concerne les pratiques tarifaires : « les
nouveaux marchés concernent des accords passés avec les compagnies dassistance,
les services avec entreprises, les voyagistes. Les rabais accordés sont compris, en
général, entre 10 et 20 % à partir du tarif de base réglementaire ».
Au vu de ces constatations, les griefs suivants ont été
notifiés au GIE ATS :
davoir interdit à ses membres
dutiliser un téléphone privé et de faire de la publicité personnelle ;
davoir interdit la pratique du doublage.
II. - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS
QUI PRÉCÈDENT, LE CONSEIL
Sur
les pratiques constatées :
En ce qui
concerne linterdiction de faire de la publicité personnelle, dutiliser un
téléphone personnel et de pratiquer le doublage :
Considérant que larticle 5 modifié du contrat de GIE
interdit aux membres de faire de la publicité personnelle ; que
larticle 7 du contrat interdit lutilisation dun téléphone
personnel ; que larticle 17 du règlement intérieur prévoit que le
non-respect de ces interdictions donne lieu à une exclusion immédiate du
groupement ; que ces dispositions visent à empêcher les adhérents du groupement de
se constituer une clientèle propre ;
Considérant que larticle 8 du règlement intérieur et
linterprétation qui en a été donnée par le président du groupement, conduisent
à interdire à un artisan taxi de faire appel à des salariés ; que cette pratique
vise à limiter la capacité des membres du groupement à développer leur
activité ; quen particulier, elle leur interdit daméliorer loffre
de taxis dans lintérêt des consommateurs ;
Constatant quil résulte de ce qui précède que ces
pratiques ont eu pour objet et ont pu avoir pour effet de limiter le libre jeu de la
concurrence entre les membres du groupement et de restreindre artificiellement
loffre de taxis à Montbéliard et sont, par suite, prohibées par larticle
L. 420-1 du code de commerce ;
En ce qui
concerne les pratiques tarifaires :
Considérant que le commissaire du Gouvernement soutient que la
fixation de prix forfaitaires dans les contrats passés par le GIE avec des entreprises et
administrations sont de nature anticoncurrentielle, dès lors que les membres dun
groupement ne peuvent pas pratiquer un prix inférieur à celui qui a été négocié par
le groupement ;
Considérant que les éléments figurant au dossier ne permettent
pas détablir avec certitude lexistence dune pratique de tarif
forfaitaire ; quaucun grief nayant été notifié sur ce point, le
Conseil ne peut en connaître dans le cadre de la présente procédure ;
Sur les
sanctions :
Considérant quaux termes de larticle L. 464-2 du
code de commerce : « Le Conseil de la concurrence peut ordonner aux
intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé
ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire
applicable soit immédiatement, soit en cas dinexécution des injonctions. Les
sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à
limportance du dommage causé à léconomie et à la situation de
lentreprise ou de lorganisme sanctionné. Elles sont déterminées
individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée
pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de
5 % du montant du chiffre daffaires hors taxes réalisés en France au cours du
dernier exercice clos. Si le contrevenant nest pas une entreprise, le maximum est de
dix millions de francs » ;
Considérant que limportance du dommage causé à
léconomie par les pratiques du GIE Association Taxis Services résulte de ce
quelles visaient à empêcher la constitution dune clientèle privée par les
adhérents ; que de telles pratiques, visant à supprimer dans un secteur
réglementé les faibles marges où peuvent sexercer la concurrence, sont
graves ; que lappréciation de la gravité doit toutefois prendre en compte la
circonstance que le GIE regroupe onze exploitants de taxis sur les dix-sept qui sont
titulaires dune autorisation de stationnement ;
Considérant que les ressources du GIE Association Taxis Services
se sont élevées à 72 000 F en 1999 ; quil y a lieu, au vu des
éléments dappréciation exposés ci-dessus, de lui infliger une sanction
pécuniaire de 3 000 F ;
Considérant quil y a lieu, en outre, afin de prévenir la
poursuite de telles pratiques, denjoindre au GIE Association Taxis Services de
supprimer, dune part, les dispositions qui interdisent la publicité personnelle et
lutilisation dun téléphone personnel, qui figurent aux articles 5
modifié et 7 du contrat de GIE et à larticle 17 du règlement intérieur, et,
dautre part, la disposition figurant à larticle 8 du règlement
intérieur qui interdit la pratique du doublage,
Décide :
Art. 1er. - Il est
établi que le GIE Association Taxis Services a enfreint les dispositions de
larticle L. 420-1 du code de commerce.
Art. 2. - Il est infligé au GIE
Association Taxis Services une sanction pécuniaire de 3 000 F.
Art. 3. - Il est enjoint au GIE
Association Taxis Services de supprimer, dune part, les dispositions qui interdisent
la publicité personnelle et lutilisation dun téléphone personnel, qui
figurent aux articles 5 modifié et 7 du contrat de GIE et à larticle 17
du règlement intérieur, et, dautre part, la disposition figurant à
larticle 8 du règlement intérieur qui interdit la pratique du doublage.
Délibéré, sur le rapport oral de Mme Chaulet-Philippe, par
Mme Hagelsteen, présidente, Mme Pasturel et M. Cortesse, vice-présidents.
La secrétaire de séance, Patricia Perrin |
La présidente, Marie-Dominique Hagelsteen |
Ministre de l'conomie, des Finances et de l'Industrie- 18 juin 2001