Bulletin officiel de la Concurrence, de la Consommation et de la
Répression des fraudes
Sommaire
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N° 06 du 24 avril 2001 |
Décision no 2000-D-50 du Conseil de la concurrence en
date du 5 mars 2001 relative à des pratiques mises en uvre par la
société La Française des jeux dans les secteurs de la maintenance informatique et du
mobilier de comptoir
NOR : ECOC0100123S
Le Conseil de la concurrence
(section III),
Vu la lettre en date du 8 décembre 1995, enregistrée
sous le numéro F 816, par laquelle la société Telci a saisi le Conseil de la
concurrence de pratiques mises en uvre par la société Française des jeux et sa
filiale la société Française de maintenance sur le marché des prestations de services
de maintenance informatique ;
Vu la lettre en date du 18 décembre 1995, enregistrée
sous le numéro F 835, par laquelle le ministre de léconomie a saisi le
Conseil de la concurrence de pratiques mises en uvre par la société La Française
des jeux restreignant, notamment, la liberté commerciale des détaillants agréés de la
société Française des jeux ;
Vu la lettre en date du 11 avril 1996 enregistrée sous
le numéro F 865, par laquelle M. Espinguet a saisi le Conseil des mêmes
pratiques ;
Vu le livre IV du code de commerce et le décret no 86-1309
du 29 décembre 1986 modifié, pris pour lapplication de lordonnance
du 1er décembre 1986 ;
Vu les observations présentées par les sociétés Telci, Tim, la
société Française des jeux, la société Française de maintenance et le commissaire du
Gouvernement ;
Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du
Gouvernement et le représentant de la société Française des jeux entendus lors de la
séance du 19 septembre 2000,
Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et sur
les motifs (II) ci-après exposés :
I. - CONSTATATIONS
A. - Le secteur des jeux de hasard
Si les jeux de hasard sont, en principe,
prohibés par diverses dispositions législatives, de larges dérogations sont prévues au
profit de la société Française des jeux (ci-après La Française des jeux), du Pari
mutuel urbain (PMU) et des casinos. Ainsi, par application des dispositions des lois du
21 mai 1836, du 31 mai 1933, du 23 juin 1989 et du
29 décembre 1994, La Française des jeux est autorisée à organiser des
loteries, des jeux de hasard et des paris sur des événements sportifs. Les casinos
exploitent des salles de jeux traditionnels et des machines à sous par application des
dispositions des lois du 15 juin 1907 et du 5 mai 1987. Le Pari mutuel
Hippodrome et le Pari mutuel urbain sont autorisés par les lois du 2 juin 1891
et du 16 avril 1930 à organiser des paris sur les courses de chevaux. Enfin,
une loi du 28 décembre 1981 réglemente les courses de lévriers.
1. La Française des jeux
Héritière de la Loterie nationale, du Loto
national et de la société de la Loterie nationale et du Loto national, La Française des
jeux a été créée par le décret no 78-1067 du
9 novembre 1978, qui lui confie, notamment, lorganisation et
lexploitation des jeux de loteries autorisés par larticle 136 de la loi
du 31 mai 1933 et les décrets des 22 juillet 1933,
10 juillet 1975 et 13 mai 1987, pris pour son application, par
dérogation à la prohibition édictée par la loi du 21 mai 1836. Ces décrets
donnent au président de la société pouvoir pour établir les règlements des jeux.
Larticle 42 de la loi no 84-1208 du
29 décembre 1984, modifiée par la loi no 93-1352 du
30 décembre 1993, et le décret du 1er avril 1985 pris
pour son application autorisent la création du Loto sportif.
Dans le cadre dun contrat de concession passé avec
lEtat le 29 décembre 1978, La Française des jeux bénéficie, comme le
Pari mutuel urbain et les casinos, dun monopole dexploitation dans le secteur
des jeux. Dans un arrêt Rolin du 27 octobre 1999, le Conseil dEtat a
cependant estimé que La Française des jeux nassurait pas une mission de service
public.
Elle est organisée en société anonyme déconomie mixte
dans laquelle lEtat détient 72 % des actions. Le capital sélève à
500 millions de francs et son chiffre daffaires a dépassé 33 milliards
de francs en 1996. Son activité sexerce sous la tutelle du ministre chargé du
budget ; elle est soumise au contrôle de lEtat sur les entreprises publiques,
conformément au décret no 55-707 du 9 août 1953, et au
contrôle économique et financier de lEtat, conformément au décret no 55-733
du 26 mai 1955. Enfin, elle relève de la juridiction de la Cour des comptes et
des vérifications de lInspection générale des finances.
La société Française des jeux a créé de nombreuses filiales,
notamment La Française dimages, La Française de motivation, LInternationale
des jeux et La Pacifique des jeux, la Société civile immobilière, qui est propriétaire
du siège social, et la société Française de maintenance (ci-après La Française de
maintenance).
La Française des jeux commercialise un grand nombre de jeux que
lon peut regrouper en trois catégories : les jeux de « tirage » :
le Loto et le Keno, les jeux de « grattage » : le
Millionnaire, le Black Jack, le Morpion, le Bingo, le Tac o Tac, le Banco, le Goal, le
Monopoly, le Solitaire et le Vatoo, et les jeux de pronostics sportifs : le Loto
sportif.
Les jeux mis sur le marché par La Française des jeux peuvent
également être classés en deux catégories, selon que lutilisation dun
terminal informatique est nécessaire ou non à la validation des combinaisons jouées. On
distingue alors les jeux, dits jeux « on line », qui nécessitent
lutilisation dune telle installation informatique, tels le Loto, le Loto
sportif et le Keno, et les autres jeux, dits « instantanés », ou jeux
de loterie.
Les chiffres daffaires réalisés sur les différents
produits sont les suivants (en millions de francs) :
|
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
Loto |
12 848 |
12 308 |
11 795 |
11 401 |
Keno |
564 |
1 346 |
1 473 |
1 939 |
Tapis vert |
393 |
- |
- |
- |
Loto sportif |
628 |
499 |
551 |
480 |
Sous-total chiffres daffaires on-line |
14 333 |
14 153 |
14 443 |
14 419 |
Total loterie (Millionnaire Bingo, Tac o Tac, etc.) |
16 703 |
17 038 |
18 610 |
19 282 |
Total |
31 036 |
31 191 |
33 053 |
33 701 |
La diffusion des jeux dans le public est assurée
par un réseau de détaillants-mandataires liés à La Française des jeux par
lintermédiaire de courtiers mandataires, eux-mêmes regroupés en GIE régionaux.
En 1994, il existait en France 14 439 points de vente on line et 25 394
points de vente off line (ou points de vente loterie), selon que ces distributeurs
étaient équipés, ou non, du matériel informatique nécessaire pour assurer la
validation des bulletins de jeux. Enfin, La Française des jeux exploite directement
70 boutiques qui assurent également la fonction de centres de paiement des gains.
240 courtiers mandataires de La Française des jeux approvisionnent les détaillants
en billets et supports de jeux, en listes de résultats et en matériel publicitaire. Ils
animent les ventes et instruisent les dossiers de candidature des nouveaux détaillants.
Les courtiers de La Française des jeux sont
regroupés au sein de seize GIE régionaux présidés par un délégué régional, qui
représente La Française des jeux et dispose dune délégation de signature.
Ladministrateur délégué régional signe les contrats avec les détaillants.
Les détaillants perçoivent à titre de rémunération 5 %
du chiffre daffaires réalisé sur la vente de lensemble des produits
diffusés par La Française des jeux.
Plus de la moitié des détaillants de la société Française des
jeux vendent également du tabac et des journaux.
2. Le PMH et le PMU
Le Pari mutuel Hippodrome (PMH) et le Pari
mutuel urbain (PMU) sont autorisés à collecter les enjeux misés sur les courses de
chevaux. Sept sociétés de courses, la Société française de galop, la Société
dencouragement à lélevage du cheval français, la Société des courses de
la Côte dAzur, la Société des courses du pays dAuge, la Société des
courses de Compiègne, la Société des courses de Dieppe et la Société des courses de
Fontainebleau sont autorisées à recueillir des paris hors de leurs hippodromes par
application de larticle 5 de la loi du 2 juin 1981. Ces sociétés
sont réunies en un groupement dintérêt économique qui a pour objet la mise en
uvre des moyens nécessaires au service du pari mutuel hors des hippodromes. Les
produits proposés sont le Quinté + combiné, le Quarté + combiné, le Tiercé
combiné, 2 sur 4 combiné, le Grand 7, le Simple Gagnant ou le Simple Placé, le Couplé
ou le Couplé combiné, le Trio et le Report.
3. Les casinos
Les casinos sont soumis à la tutelle étroite
du ministère de lintérieur qui en autorise louverture et
lexploitation, en réglemente lactivité et en assure le contrôle technique
et administratif. Il existe 156 casinos en France, implantés dans des communes pouvant se
prévaloir dun classement thermal, climatique ou balnéaire. Moins de cinq nouveaux
casinos ouvrent en moyenne chaque année, alors que deux environ cessent leurs activités.
Lactivité des casinos se partage, depuis une dizaine dannées, entre les jeux
traditionnels (roulette américaine, punto banco, craps, roulette anglaise, black jack,
roulette française, « 23 », « 30-40 », boule, chemin de fer et
banque) et, depuis 1987, les machines à sous. A la fin doctobre 1996, 11 956
machines à sous étaient implantées dans 143 casinos.
Au total, les sommes engagées dans les jeux dargent légaux
en France avoisinaient les 100 milliards de francs en 1996. La répartition de cette
somme entre les différents acteurs peut être estimée de la manière suivante, selon que
lon retient lhypothèse haute du ministère de lintérieur ou
lhypothèse basse du Syndicat des casinos de France :
Selon lhypothèse haute sur le produit brut des jeux (en
milliards de francs) :
|
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
PMU-PMH |
36,72 |
36,14 |
35,61 |
36,66 |
Française des jeux |
31,13 |
31,19 |
33,05 |
33,70 |
Casinos |
25,93 |
32,63 |
39,39 |
46,47 |
Total |
93,78 |
99,96 |
108,05 |
116,83 |
Selon cette hypothèse, les courses représentent
à peine un tiers du marché, La Française des jeux 29 % et les casinos presque
40 %.
Selon lhypothèse basse :
|
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
PMU-PMH |
36,72 |
36,14 |
35,61 |
36,66 |
Française des jeux |
31,13 |
31,19 |
33,05 |
33,70 |
Casinos |
11,97 |
15,06 |
18,21 |
21,46 |
Total |
79,82 |
82,39 |
86,87 |
91,82 |
Selon cette hypothèse, les courses représentent
40 % du marché, La Française des jeux 36,70 % et les casinos 23,30 %.
Ce marché est en progression de 5,70 % à 8,12 % selon
lhypothèse retenue. Mais cette croissance nest pas uniforme. En effet, de
1993 à 1996, alors que le secteur des courses est demeuré stable, La Française des jeux
a vu ses recettes croître de 8,36 % et les casinos ont enregistré 79,25 %
daugmentation de leur chiffre daffaires en raison, principalement, du succès
des machines à sous.
B. - Le secteur des prestations de
maintenance informatique
1. La prestation de maintenance micro-informatique
et la structure du marché
La maintenance micro-informatique consiste à
remettre en état de fonctionnement des micro-ordinateurs et appareils associés. On parle
de « maintenance tierce » lorsque la prestation est effectuée par une
entreprise extérieure à celle où se situe le matériel.
En pratique, rares sont les entreprises de maintenance
micro-informatique qui ne proposent pas dautres services à leur clients. Les
prestations annexes comprennent, notamment, la distribution de matériels informatiques,
des services tels que la mise à niveau des parcs, le déménagement, le câblage,
linventaire, le nettoyage ou bien encore l« intégration »
ou le « déploiement » de réseaux. Enfin, lingénierie vise, au
cas par cas, à proposer au client un projet dinformatisation après une étude de
ses besoins. Le prestataire offre alors une prestation globale, plus ou moins complexe,
quil peut mettre en uvre lui-même et dont il est susceptible dassurer
la maintenance.
Ainsi, il est dusage de distinguer les « sociétés
de services et dingénierie informatique », ou SSII, qui développent
leurs activités dans le secteur de la maintenance, mais aussi de la distribution, des
services associés et de lingénierie, des « sociétés de maintenance
informatique indépendantes » (des constructeurs), ou SMII, qui se limitent à
la maintenance micro-informatique stricto sensu, et des fabricants de matériel qui
peuvent accessoirement développer une activité de maintenance. La maintenance
micro-informatique est assurée par les SSII à hauteur de 40 % du marché global,
par les constructeurs à hauteur de 30 % et par les SMII à hauteur de 20 %. Les
autres catégories de prestataires, regroupant les spécialistes et les distributeurs,
représentent environ 10 % du marché. Alors que les SSII ont pris le leadership sur
les constructeurs, les sociétés de maintenance indépendantes perdent des parts de
marché en raison, notamment, de leurs difficultés à offrir des prestations à plus
forte valeur ajoutée en diversifiant leurs offres de services. Parmi les sociétés de
maintenance indépendantes, certaines disposent dune implantation nationale, voire
internationale, dautres ont une capacité dintervention locale.
Le marché des services informatiques avoisinait
un montant total de 16,9 milliards de francs en 1996. La maintenance sélevait à
6,3 milliards de francs, soit 37,5 % de lactivité du secteur. Mais, alors
quune croissance annuelle des services informatiques denviron 10 % est
prévue jusquen 2001, les activités de maintenance devraient sensiblement
décroître en raison, notamment, de la plus grande fiabilité des installations.
Les dix premières sociétés intervenant dans le secteur de la
maintenance réaliseraient 90 % du chiffre daffaires du marché global. La
Française de maintenance, qui se présente comme une SSII, se situerait en 165e position
des 500 premières sociétés dinformatique toutes activités confondues
(construction, distribution, édition, services).
La structure du prix des prestations de maintenance varie en
fonction de nombreux paramètres : notamment, la taille, lancienneté,
lhomogénéité, la répartition géographique de limplantation du parc
informatique à entretenir, les délais dintervention, la qualité de la « hot
line » du client. On observe, depuis quatre ou cinq ans, une nette diminution du
prix de ces prestations denviron 20 à 40 %, voire, selon certains
professionnels, de 50 %. Cette évolution serait la conséquence de la diminution du
taux dintervention et dune concurrence accrue. Néanmoins, les dirigeants de
La Française de maintenance précisent que la maintenance des installations informatiques
de production (terminaux de paiement, serveurs, routeurs, etc.) demeure une activité
rentable.
2. La société Française de maintenance
La Française de maintenance est une société
anonyme, créée en 1991 pour « filialiser » lactivité
informatique de La Française des jeux et valoriser ses compétences dans ce secteur
spécifique. Son capital de 20 MF est détenu à concurrence de 90 % par La
Française des jeux et de 10 % par les salariés de lentreprise. Elle est
soumise aux règles comptables de droit commun applicables aux sociétés anonymes. Elle a
pour objet statutaire principal « la conception, la fabrication, lachat, la
vente, la location, linstallation, lentretien, la réparation, la
transformation de matériels, pièces de rechange, logiciels, progiciels et réseaux dans
les domaines informatiques télédistribution, y compris le conseil et lassistance
dans ces domaines ». La Française de maintenance est donc spécialisée dans la
maintenance et la remise en service des outils informatiques de production (terminaux de
paiement, terminaux de points de vente, serveurs, réseaux, produits
dinterconnexion). Elle exerce également son activité dans le domaine de
lingénierie et commercialise, accessoirement, des ordinateurs et des logiciels.
Elle dispose de sept agences régionales relayées par 55 agences techniques, quatre
agences outre-mer, un centre national de support, un laboratoire national et un
département ingénierie. Elle emploie environ 280 salariés.
Selon les déclarations de M. Bernard Lapeyre, directeur des
systèmes informatiques de La Française des jeux, confirmées par les conclusions
dun audit du groupe réalisé en 1994, la filialisation de lactivité
informatique de La Française des jeux en 1991 était destinée à éviter des
licenciements de techniciens, à permettre à cette dernière société de réaliser des
gains de productivité en réduisant le coût de la maintenance de son matériel et à
conquérir de nouvelles parts du marché de la maintenance. La filialisation sest,
en effet, accompagnée du transfert, au profit de La Française de maintenance, de 165
collaborateurs de La Française des jeux. Les axes stratégiques assignés à La
Française de maintenance sont résumés dans le rapport daudit de 1994
précité : « La Française de maintenance, avec sa structure terrain et son
savoir-faire a marqué sa volonté de pénétrer un marché concurrentiel, tout en
sengageant à maintenir vis-à-vis de La Française des jeux, son client principal,
une qualité dintervention irréprochable. »
A ce jour, La Française de maintenance a pour activité
principale la maintenance du parc de terminaux de prises de jeux de La Française des
jeux, mais développe ses activités avec des entreprises extérieures au groupe auquel
elle appartient. Cependant, un audit réalisé en 1996 relève que : « La
FDM a entrepris les actions nécessaires au développement et à la diversification de son
chiffre daffaires, mais à ce jour, la pérennité de la filiale reste étroitement
liée au volume daffaires qui lui est confié par sa maison mère, La Française des
jeux » et souligne encore que : « Le poids de La Française des
jeux en tant que client principal de la FDM est indispensable pour maintenir les atouts de
la filiale face à la concurrence. »
Le tableau suivant présente les chiffres daffaires
réalisés par La Française de maintenance depuis trois ans et distingue la part de
lactivité interne au groupe de celle réalisée avec des entreprises
extérieures :
|
1994 |
1995 |
1996 |
|
En MF |
En % |
En MF |
En % |
En MF |
En % |
CA total |
231,61 |
100 |
184,71 |
100 |
180,5 |
100 |
Dont groupe |
154,10 |
66,53 |
114,9 |
62 |
108,7 |
60,22 |
Dont hors groupe |
77,51 |
33,46 |
69,84 |
38 |
71,8 |
39,77 |
La maintenance micro-informatique représente
80 % de son chiffre daffaires, lingénierie et les services 15 % et
la vente de matériel 5 %.
Lactivité de La Française de maintenance a diminué de
22 % en deux ans et son résultat dexploitation est passé de 10,59 MF en 1994
à 7,81 MF en 1995 et à 5,81 MF en 1996.
C. - Les pratiques relevées sur le
marché du mobilier
de comptoir (saisines F 835 et F 865)
1. La subordination de lagrément des détaillants
de La Française des jeux à lacquisition dun mobilier spécial
Les dispositions contractuelles
Le contrat type de mandat, intitulé « contrat
La Française des jeux / détaillant », aux termes duquel La Française des jeux
confie à un commerçant le soin de promouvoir et de vendre ses jeux, comporte, outre
lobligation de réaliser un chiffre daffaires minimum, celle dacquérir
un mobilier spécial destiné à la diffusion des jeux, dit « espace-jeux »,
et de réserver dans son local commercial un emplacement suffisant pour
linstallation de ce mobilier. Léquipement « espace-jeux »
se compose de deux éléments :
le « comptoir terminal », qui
permet à la fois de recevoir le terminal informatique (non compris dans le meuble)
nécessaire à la validation des jeux on-line, et des vitrines de présentation des
tickets pour lensemble des jeux instantanés ;
le « corner jeux », qui sert
de présentoir en forme de colonne sur laquelle les joueurs peuvent lire les résultats
des tirages précédents, prendre des formulaires de jeu et les remplir.
En outre, il est spécifié que : « Les mobiliers
sont vendus conformément au contrat cadre de La Française des jeux », qui
précise, notamment, leurs conditions dinstallation et dutilisation. Les frais
détude, les démarches auprès des administrations, la livraison et
linstallation des mobiliers commandés ainsi que les travaux électriques et
téléphoniques directement liés à ces installations sont compris dans le montant
facturé.
Enfin des modalités de paiement sont prévues : « Le
paiement est échelonné sur quatre ans, sans intérêt, soit 208 semaines, la totalité
de la TVA étant prélevée la première semaine ; en cas de cessation
dactivité, le restant dû est immédiatement exigible. »
La fourniture exclusive du mobilier « espace-jeux »
par La Française des jeux
Les détaillants agréés ont donc
lobligation dacquérir le mobilier « espace-jeux »,
constitué dun « comptoir terminal » et dun « corner
jeux », auprès de La Française des jeux.
Jusquen 1994, la société Quassart était le fabricant et
linstallateur exclusif des mobiliers « espace-jeux », dont elle
assurait, en outre, la maintenance pour le compte de La Française des jeux. Le prix de ce
mobilier sélevait alors à 38 770 F hors taxes. Les dessins
dorigine du mobilier et des enseignes ont été créés et déposés par
M. Carré, président de la société Quassart. En 1992, celui-ci a cédé
conjointement à La Française des jeux et à la société Quassart ses droits
patrimoniaux sur les trois modèles déposés.
Ultérieurement, La Française des jeux a diversifié ses
fournisseurs. Par contrats en date du 10 octobre 1994, du 26 décembre 1994 et
du 19 octobre 1995, La Française des jeux a successivement confié à la société
IMR la fabrication et linstallation de 120, 1 880 et 500 mobiliers « espace-jeux ».
Par un autre contrat en date du 17 juillet 1997, La Française des jeux a
commandé 1 000 « corners jeux » supplémentaires à la société
NIM et 1 000 « comptoirs terminaux » à la société SUM.
Le prix du mobilier a évolué dans des proportions notables. Il a
été fixé, du 1er décembre 1994 au 31 décembre 1996, à
la somme totale de 26 902 F, le « comptoir terminal » étant
facturé 15 608 F HT et le « corner jeux »
11 294 F HT. Depuis le 1er janvier 1997, le total
sélève à 24 444 F HT. Cette baisse de prix est liée aux
diminutions de coûts obtenus sur la fabrication et linstallation. La Française des
jeux évalue le coût de revient du mobilier « espace-jeux », qui
comprend « le coût de fabrication du corner jeu, du comptoir
terminal et de lenseigne, les honoraires de larchitecte chargé de
linstallation, le coût de linstallation » à 38 000 F
environ pour le mobilier fabriqué par la société Quassart, à 27 800 F pour
celui fabriqué par IMR et à 25 000 F pour celui fabriqué par les sociétés
NIM et SUM et installé par la société Spie Trindel. La Française des jeux a précisé
que le prix de vente du mobilier ne comportait la perception daucun droit sur les
modèles déposés.
La Française des jeux a déclaré avoir réalisé sur la vente
des mobiliers les chiffres daffaires hors taxes suivants :
8 808 950 F en 1990, 80 471 620 F en 1991,
133 938 050 F en 1992, 149 218 555 F en 1993,
40 543 109 F en 1994, 40 784 239 F en 1995,
18 464 018 F en 1996 et 16 338 960 F en 1997. Elle affirme
que le prix de revient de ce mobilier étant sensiblement équivalent à celui de son prix
de vente, cette activité de vente de mobilier na pas contribué directement aux
résultats de la société.
2. La mise en uvre de lobligation dachat
du mobilier
Lapplication stricte des dispositions contractuelles
Les dispositions des articles 4.4.1 et 4.4.2
du contrat de mandat précité imposent lachat à La Française des jeux et
linstallation de léquipement à tous les commerçants qui sollicitent leur
agrément. Plusieurs courtiers ont déclaré que la présentation dun dossier de
candidature était effectivement subordonnée à la signature préalable dun bon de
commande du mobilier, ce qui a été confirmé par lensemble des détaillants
interrogés. De fait, le document destiné à la commande du mobilier est joint au dossier
remis au candidat à lagrément.
De plus, le commerçant qui cède son fonds ne transmet pas sa
qualité de détaillant agréé de La Française des jeux (article 6.2). Son
successeur doit donc solliciter cette habilitation, qui lui est accordée intuitu
personae, et est subordonnée à lacquisition du mobilier. Ainsi, M. Espinguet,
partie saisissante, qui avait refusé de se doter du mobilier, a sollicité
lexonération de cette obligation au profit du cessionnaire de son fonds de
commerce, désireux de lui succéder comme mandataire agréé de La Française des jeux.
Mais, par lettre du 28 mars 1996, le président-directeur général de La
Française des jeux lui répondait que : « ... Compte tenu du fait
quil ne vous est fait aucune obligation dacquérir ce mobilier, il ne me
paraît pas opportun denvisager une dérogation partielle » [au profit de
son successeur] et concluait : « Aussi, dès lors quun acquéreur
potentiel pour votre établissement nous est présenté, il est normal de le prévenir que
sil souhaite diffuser les produits on-line de La Française des jeux, il doit
non seulement remplir le dossier de candidature et satisfaire à toutes les conditions
requises, mais quil doit aussi accepter notre démarche marketing dont le mobilier,
qui est un instrument rentable pour les deux partenaires, fait partie. »
La revue des détaillants de tabac Le Losange rapporte dans
son numéro de septembre 1992 le cas dun retrait de valideuse de Loto chez un
détaillant ayant refusé linstallation du mobilier, et La Française des jeux a
fourni une liste de onze détaillants nouvellement agréés, et donc contractuellement
engagés à séquiper du mobilier, qui se sont vu retirer leur agrément pour
navoir pas tenu leur engagement.
Les pressions exercées sur les détaillants déjà agréés
Les détaillants agréés antérieurement à 1990
nétaient pas tenus par les dispositions contractuelles précitées subordonnant
lagrément à lacquisition du mobilier « espace-jeux ». Néanmoins,
MM. Joigneau, Delhomme, Parneix, Arnaud, Brunet, Deloutre et Pradeau ont
expressément déclaré avoir subi des pressions de la part des courtiers de La Française
des jeux les incitant à faire lacquisition de léquipement complet.
En outre, le président de la Confédération nationale des
débitants de tabac de France a confirmé lexistence de ces pressions et, dans une
certaine mesure, le responsable de ladministration commerciale de La Française des
jeux, M. Bernard, a lui-même conforté la vraisemblance de ces pratiques en déclarant au
cours de lenquête : « Les détaillants préalablement agréés
nont pas lobligation de se doter du concept espace-jeux. Ils sont
cependant fortement incités à le faire. »
Il convient, toutefois, de relever que, dès 1996, la politique de
La Française des jeux a été modifiée et que des directives ont été données
préconisant une application plus souple des clauses contractuelles relatives à
lacquisition de ces meubles. Aujourdhui, les détaillants peuvent
sadresser au fournisseur de leur choix. Le contrat liant La Française de Jeux aux
détaillants ne fait plus obligation dacquérir le mobilier auprès de La Française
des jeux. De plus, les plans de fabrication des mobiliers sont mis à la disposition des
détaillants qui en font la demande. La Française des jeux a également précisé
quelle envisageait de proposer la location aux détaillants dun nouveau
mobilier « espace-jeux », actuellement expérimenté dans une centaine
de points de vente.
D. - Les pratiques relevées sur le
marché
de la maintenance micro-informatique
1. La subvention des activités de La Française de maintenance
par La Française des jeux
La Française de maintenance fournit diverses
prestations de services au profit de La Française des jeux. Ces services sont réalisés
en application dun contrat dentretien des terminaux de jeux, dun contrat
de maintenance des installations informatiques internes de La Française des jeux,
dun contrat de maintenance de léquipement informatique du réseau de
courtage, dun contrat pour linstallation et la maintenance des outils de
merchandising, dun contrat pour linstallation et lentretien des
équipements électriques et téléphoniques des détaillants et, enfin, dun contrat
pour la maintenance des matériels multimédia des centres de formation régionaux
Lentretien des 15 100 points de vente de La Française
des jeux informatisés, cest-à-dire dotés dun terminal « Saphir »,
est donc assuré par La Française de maintenance, aux termes dun contrat pour « la
maintenance des matériels informatiques de traitement des jeux, équipant les bureaux de
validation ». Dans les villes de plus de 100 000 habitants, le délai
dintervention prévu est de deux heures environ. Le prix global de ces prestations
annuelles, pièces détachées non comprises, fournies dans le cadre de contrats de
maintenance, a été fixé forfaitairement à 96 000 000 F HT pour la
période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1995. Par
avenant en date du 28 mars 1997, ce chiffre a été ramené à
88 000 000 F HT.
Or, il savère que La Française des jeux prend en charge
une partie de la masse salariale de La Française de maintenance par une
sur-rémunération de certains contrats qui la lie à sa filiale. M. Thareau, directeur
général adjoint de La Française de maintenance a précisé, au sujet de ces
rémunérations : « Je précise quen ce qui concerne le contrat
spécifique des terminaux de jeux avec La Française des jeux, une partie des surcoûts
sociaux de La Française de maintenance sont affectés aux contrats des terminaux de jeux.
Autrement dit, une partie des avantages sociaux associés à lhistoire du groupe
sont à la charge de La Française des jeux, ce qui lui coûte environ
8 MF » ; ou bien encore : « Le surcoût lié à
lhéritage La Française des jeux concernant 88 techniciens (des
112 techniciens nécessaires à la réalisation de la prestation) est affecté une
fois pour toutes au contrat terminaux de jeux [...] A lheure actuelle, si La
Française de maintenance fait des bénéfices, cest grâce au contrat Saphir
(terminaux de jeux) avec La Française des jeux. »
Laudit diligenté en 1995 a mis laccent sur ce
problème en ces termes : « La Française de maintenance continue ses
efforts de maîtrise progressive des coûts salariaux, à savoir : limiter la
progression des salaires nominaux pour combler le handicap vis-à-vis de la concurrence
(laudit groupe avait mentionné en 1994 que 50 % des techniciens avaient un
salaire supérieur denviron 20 % à celui du marché). Sur ce point, les
dirigeants de la FDM signalent que La Française des jeux a accepté de prendre à sa
charge le surcoût des salaires des techniciens, dans lacceptation du prix du
contrat de maintenance des terminaux Française des jeux. » Laudit,
effectué en 1996 par La Française des jeux, confirme la prise en charge de ce surcoût
pour un montant supérieur : « La FDM a entrepris en 1996, conjointement
avec le département contrôle de gestion Française des jeux, de chiffrer avec précision
le poids des coûts sociaux issus de son passé en tant que structure La Française des
jeux. Ce surcoût provient du niveau supérieur au marché : des salaires des anciens
collaborateurs Française des jeux embauchés par la FDM, des avantages sociaux des
anciens collaborateurs Française des jeux embauchés par la FDM, étendus aux
collaborateurs embauchés depuis, des charges indexées sur les salaires (taxes, dotation
au comité dentreprise...). Le surcoût total a été estimé à 21,3 MF (dont
participation et intéressements de 4 MF), dont environ 14 MF au titre des
effectifs embauchés pour la maintenance du CSEE et affectés en 1996 à des activités
autres. 14 MF sont pris en charge par La Française des jeux dans le prix de contrats
qui la lient à sa filiale. » Le compte rendu de la réunion tenue le 1er août
1996 à La Française de maintenance sur la question de lévaluation du coût de « lhéritage »
de La Française des jeux concluait dans le même sens, et estimait que : « La
Française de maintenance est pénalisée denviron 17 MF par rapport au marché
concurrentiel. » Laudit préconise, notamment, « la réduction
progressive du surcoût supporté par La Française des jeux dans les contrats de
maintenance des terminaux ( 6 MF en 1996, 2 MF en 1997) et
indique que : « le prix du marché a été estimé par le département
contrôle de gestion de La Française des jeux à environ 75 MF (contre 88 MF facturés
pour 1997). Il restera donc un écart de 13 MF (88 MF 75 MF) qui ne pourra se
réduire que partiellement et très lentement, au rythme des ajustements salariaux
effectués par La Française de maintenance (départ de collaborateurs, augmentations
individuelles plutôt que collectives). »
Il est encore possible dévaluer cette subvention de
manière plus précise au moyen de la comptabilité tenue par La Française des jeux
depuis 1996. Il résulte de ces documents que La Française de maintenance a réalisé un
chiffre daffaires de 90 121 KF avec le contrat de maintenance des
terminaux Saphir en 1996. Le montant des coûts variables directs imputés à cette
activité sélevait à 44 239 KF et celui des coûts fixes directs à
8 279 KF, celui des coûts variables indirects à 8 474 KF, soit un total de
60 992 KF. Lentreprise a donc dégagé sur cette activité une marge nette de
29 139 KF, soit un taux de marge de 32,3 %. Il est donc possible de calculer, à
partir des coûts engagés, le montant du chiffre daffaires qui aurait été
réalisé si lobjectif de rentabilité de 10 %, affiché par La Française de
maintenance et La Française des jeux, avait été respecté. Le chiffre daffaires
aurait été de 67 091 KF (60 992 + 6 099,2). Daprès cette
méthode destimation, la subvention de La Française des jeux à La Française de
maintenance pour 1996 sest élevée à 23 030 KF, soit la différence entre le
chiffre daffaires réel (90 121 KF) et le chiffre daffaires
réalisé avec une marge de 10 % (67 091 KF). Un taux de marge supérieur
à 10 % est également pratiqué sur dautres contrats de prestations conclus
par La Française de maintenance au profit de sa société mère. Ainsi, le contrat pour
la maintenance de léquipement informatique du réseau de courtage, portant sur un
chiffre daffaires de 6,122 MF, a permis à La Française de maintenance de
dégager une marge nette réelle de 23 %. De même la marge réalisée sur le contrat
relatif à la pose et à lentretien des bandeaux lumineux a été fixée à 15,39 %.
Cette évaluation est proche de celle communiquée par La
Française de maintenance au cours de linstruction, qui fixe, en définitive, le
total des « surcoûts sociaux » à 21 320 KF. La société
précise quil convient de distinguer entre deux catégories de surcoûts
sociaux :
ceux bénéficiant uniquement aux salariés
issus de La Française des jeux ; ces coûts sont affectés aux contrats de
maintenance des terminaux de prises de jeux de La Française des jeux ;
ceux consistant en des avantages sociaux qui ne
pouvaient être légalement réservés aux seuls salariés issus de La Française des jeux
et quil a fallu également accorder aux nouveaux embauchés, dont le recrutement a
été lié au développement de lentreprise. Ils sont également appelés « surcoûts »,
car ils constituent des avantages sociaux dont ne bénéficient pas les salariés des
autres entreprises du marché.
Ces surcoûts sont affectés analytiquement aux contrats et
peuvent être ventilés en quatre catégories : les surcoûts dexploitation,
les surcoûts de structure, les surcoûts financiers et les surcoûts sur
lintéressement et la participation. Laffectation de ces surcoûts entre les
différents contrats est présentée dans le tableau suivant :
CATÉGORIES DE SURCOÛTS |
RÉPARTITION |
|
Sur groupe Française des jeux |
Hors groupe
Française des jeux |
TOTAUX |
|
Sur les terminaux
de jeux |
Sur les autres
opérations groupe
Française des jeux |
Surcoûts dexploitation |
11 897 KF |
483 KF |
2 254 KF |
14 634 KF |
Surcoûts de structure |
2 456 KF |
|
|
2 456 KF |
Sous-total 1 |
14 353 KF |
483 KF |
2 254 KF |
17 090 KF |
Surcoûts financiers |
230 KF |
|
|
230 KF |
Surcoûts sur intéressements & participation |
2 453 KF |
276 KF |
1 271 KF |
4 000 KF |
Sous-total 2 |
2 683 KF |
276 KF |
1 271 KF |
4 230 KF |
Total des surcoûts |
17 036 KF |
759 KF |
3 525 KF |
21 320 KF |
On constatera que, sur les 21 320 KF
représentant la totalité des surcoûts sociaux, 3 525 KF ont été imputés sur les
contrats « hors groupe ». Il est donc établi que La Française des
jeux a versé à La Française de maintenance une subvention, sous la forme dun
surcroît de rémunération du contrat de maintenance des terminaux de jeux, dun
montant de 17 036 KF et dautres opérations pour un montant de
759 KF. Dans ces conditions, « laide » apportée par la
société mère à sa filiale, sous la forme dune sur-rémunération de ses
contrats, sest élevée en 1996 à 17 795 KF.
Les dirigeants sociaux ont été informés de cette situation et
des risques quelle pouvait faire encourir au libre jeu de la concurrence sur le
marché de la maintenance informatique par le rapport daudit du
26 avril 1994, lequel relevait : « La dépendance de La Française
de maintenance vis-à-vis de La Française des jeux est incontestablement importante.
[...] Il paraît vraisemblable que lessentiel de la rentabilité provienne du
contrat de maintenance passé avec La Française des jeux, occultant ainsi des activités
maintenance (et surtout distribution) avec des clients extérieurs
peu bénéficiaires, voire déficitaires, compte tenu notamment dun coût élevé de
main-duvre (La Française de maintenance reconnaît être globalement
25 % plus chère que le marché. Or, la part de la main-duvre est
prépondérante). La Française des jeux, via son contrat de maintenance, ne doit en aucun
cas financer une activité éventuellement déficitaire de la filiale réalisée avec des
clients extérieurs. Cet état de fait, sil se révèle fondé, nautorise
certes pas une course au chiffre daffaires à tout prix, entraînant fréquemment
une prestation de qualité inférieure. »
2. Les contrats de maintenance déficitaires
passés par La Française de maintenance
La comptabilité analytique de La Française de maintenance
Lexistence dune comptabilité
analytique tenue par La Française de maintenance permet de déterminer la rentabilité de
chaque contrat exécuté par cette entreprise pour le compte de ses clients. La
décomposition analytique des coûts de revient prévisionnels, qui a été mise en
uvre au cours de lannée 1993, fait, chaque année, lobjet dune
mise à jour. Les prix de revient prévisionnels sont calculés sur une moyenne de trois
ans pour les contrats de maintenance.
Les objectifs assignés à cette comptabilité analytique et les
principes généraux suivis pour sa tenue, la répartition des coûts, la traduction
analytique de la chaîne de service et les unités duvre retenues pour la
répartition des coûts variables sont présentés dans le compte-rendu de la réunion
tenue le 1er août 1996 à La Française de maintenance et dans plusieurs
autres documents.
Les coûts variables, tels quils résultent de la
comptabilité analytique de La Française de maintenance, comprennent lensemble des
charges suivantes :
les coûts variables directs : la
consommation de pièces détachées ; la sous-traitance terrain ; les coûts des
marchandises vendues ; les frais de transport ; les frais
demballages ; la sous-traitance atelier ; les frais de personnel, frais de
véhicules, frais de déplacements et frais de télécommunication : des techniciens
terrain, des techniciens hot line, des magasiniers logistique et acheteurs, des
techniciens atelier.
les coûts variables indirects : les frais
de fonctionnement techniques et administratifs des techniciens terrain, des techniciens hot
line, des magasiniers logistique et des techniciens atelier ; les frais de
personnel, frais de véhicules, frais de déplacements et frais de télécommunication,
frais de fonctionnement techniques et administratifs : des ingénieurs, des
commerciaux, de lencadrement terrain, des techniciens supports, des techniciens
logistiques et chargés de projet et des chefs de projet ; la communication
externe ; les dotations aux provisions sur stock.
Les frais de main-duvre (traitements et salaires)
représentent une part importante des charges pour ce type de prestations de services et
sont comptabilisés par La Française de maintenance au titre des « coûts
variables directs ou indirects ». Lexamen des comptes dexploitation
de La Française de maintenance pour les exercices 1992, 1993, 1994, 1995 et 1996 permet
de mettre en évidence les évolutions suivantes :
|
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
CA |
96 405 747 |
161 909 375 |
187 143 705 |
164 343 462 |
160 098 399 |
Salaires et traitements |
40 250 173 |
49 451 262 |
56 151 688 |
53 229 842 |
54 122 766 |
Charges sociales |
16 728 212 |
22 107 055 |
28 063 126 |
26 515 060 |
26 778 735 |
Effectifs |
194 |
290 (316) |
319 |
303 |
296 |
Les contrats dont lexploitation sest avérée déficitaire
au cours de lannée 1996
Il savère que, sur les cent contrats de
fourniture de prestations de services informatiques conclus pour le compte
dentreprises extérieures au groupe, dix-sept lont été à des prix
inférieurs à leurs coûts variables. La plupart de ces contrats avaient pour objet la
maintenance dinstallations informatiques stricto sensu, les autres
concernaient des prestations de services informatiques autres, répertoriées sous les
rubriques « déploiement migration », « délégation de
personnel » ou « TPRO. »
E. - Les griefs notifiés
Un grief a été notifié à La Française des
jeux pour avoir, courant 1995 et 1996, fait une exploitation abusive de la position
dominante quelle détient sur le marché des jeux de hasard pur, en subordonnant
lagrément de ses détaillants à lacquisition de deux éléments de mobilier,
dits « comptoir terminal » et « corner jeux », dont
elle était le fournisseur exclusif, et en exerçant des pressions sur plusieurs
revendeurs déjà agréés pour les inciter à faire lacquisition de ce mobilier,
alors que cet équipement ne présentait pas une utilité incontestable et quil lui
était loisible de définir des spécifications objectives de qualité (par la diffusion
dun plan de fabrication par exemple), lesdites pratiques ayant eu pour objet, et
ayant pu avoir pour effet, de fausser ou restreindre le jeu de la concurrence sur le
marché du mobilier de comptoir, dans des conditions contraires aux dispositions de
larticle 8 de lordonnance du 1er décembre 1986.
Un autre grief a été notifié à La Française des jeux, pour
avoir, au cours de lannée 1996, fait une exploitation abusive de la position
dominante quelle détient sur le marché des jeux de hasard pur, en faisant
exécuter par sa filiale, La Française de maintenance, au cours de lannée 1996,
des prestations de services sur le marché de la maintenance informatique et des
prestations informatiques à des prix inférieurs aux coûts variables de ces prestations,
notamment :
à loccasion dun contrat exécuté
pour le compte de lANPE au prix de 2 704 000 F, alors que le total
des coûts variables directs et indirects sest élevé à
4 433 000 F ;
à loccasion dun contrat exécuté
pour le compte de la société Stime au prix de 2 337 000 F, alors que le
total des coûts variables directs et indirects sest élevé à
2 862 000 F ;
loccasion dun contrat exécuté pour
le compte de la société SNCF (N) au prix de 1 869 000 F, alors que le
total des coûts variables directs et indirects sest élevé à 2 343 000
F ;
à loccasion dun contrat exécuté
pour le compte de la société SNCF (L) au prix de 1 287 000 F, alors que le
total des coûts variables directs et indirects sest élevé à 1 502 000
F ;
à loccasion dun contrat exécuté
pour le compte de la société Fit au prix de 600 000 F, alors que le total des
coûts variables directs et indirects sest élevé à 620 000 F ;
à loccasion dun contrat exécuté
pour le compte de la société Rockwell au prix de 182 000 F, alors que le total des
coûts variables directs et indirects sest élevé à 335 000 F ;
à loccasion dun contrat exécuté
pour le compte de la société Cepar au prix de 132 000 F, alors que le total des
coûts variables directs et indirects sest élevé à 213 000 F ;
à loccasion dun contrat exécuté
pour le compte de la société Leca Sud au prix de 105 000 F, alors que le total des
coûts variables directs et indirects sest élevé à 146 000 F ;
à loccasion dun contrat exécuté
pour le compte de la société Telec au prix de 80 000 F, alors que le total des
coûts variables directs et indirects sest élevé à 147 000 F ;
à loccasion dun contrat exécuté
pour le compte de la société Leca Sud au prix de 76 000 F, alors que le total des
coûts variables directs et indirects sest élevé à 122 000 F ;
à loccasion dun contrat exécuté
pour le compte de la société RMC au prix de 67 000 F, alors que le total des coûts
variables directs et indirects sest élevé à 69 000 F ;
à loccasion dun contrat exécuté
pour le compte de la société CMCAS au prix de 57 000 F, alors que le total des
coûts variables directs et indirects sest élevé à 69 000 F ;
à loccasion dun contrat exécuté
pour le compte de la société Fideling au prix de 33 000 F, alors que le total des
coûts variables directs et indirects sest élevé à 37 000 F ;
à loccasion dun contrat exécuté
pour le compte de la société Synin au prix de 31 000 F, alors que le total des
coûts variables directs et indirects sest élevé à 33 000 F ;
à loccasion dun contrat exécuté
pour le compte de la société CGEA 1 au prix de 16 000 F, alors que le total des
coûts variables directs et indirects sest élevé à 20 000 F ;
à loccasion dun contrat exécuté
pour le compte de la société Robecco au prix de 11 000 F, alors que le total des
coûts variables directs et indirects sest élevé à 16 000 F ;
à loccasion dun contrat exécuté
pour le compte de la société Zero au prix de 3 000 F, alors que le total des coûts
variables directs et indirects sest élevé à 4 000 F.
II. - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS
QUI PRÉCÈDENT, LE CONSEIL
A. - Sur les marchés pertinents
1. Le marché des jeux de hasard pur commercialisés
par La Française des jeux
Considérant que le marché est le lieu
théorique où se confrontent loffre et la demande de produits ou de services qui
sont considérés par les acheteurs ou les utilisateurs comme substituables entre eux,
mais non substituables aux autres biens ou services ; quen pratique, pour
définir les contours dun marché, le Conseil identifie les produits ou services
dont on peut raisonnablement penser que les demandeurs les considèrent comme des moyens
alternatifs de satisfaire une même demande et entre lesquels ils peuvent arbitrer ;
quen lespèce plusieurs critères permettent détablir que les offres de
jeux proposées par La Française des jeux, le PMU et les casinos ne sont pas
substituables entre elles ;
Considérant, en premier lieu, quau sein des activités
ludiques les jeux qui font espérer un gain dargent, éventuellement hors de
proportion avec la mise investie, répondent à un besoin spécifique, qui dépasse la
seule distraction et qui intéresse, notamment, une clientèle dhabitués ;
Considérant, sur le plan de loffre, que la prise en
considération de la nature des différents jeux dargent conduit à distinguer les
jeux de « hasard pur », reposant exclusivement sur la réalisation
dévénements déterminés par les seules probabilités mathématiques, et les jeux
de « hasard partiellement maîtrisé », faisant entrer en ligne de
compte des facteurs de nature diverses susceptibles dinfléchir la loi des
probabilités, telles les connaissances du joueur relatives, par exemple, aux performances
antérieures dune équipe sportive ou dun cheval de course ; que tous les
jeux de La Française des jeux, à lexception des paris sportifs, et les jeux de
casinos entrent dans la catégorie des jeux de hasard pur, les jeux du PMU et le Loto
sportif entrant dans la seconde catégorie ;
Considérant que la prise en compte de la méthode de distribution
amène à distinguer, au sein des jeux de hasard pur, les jeux commercialisés
exclusivement dans les salles des casinos et les autres ; que les jeux de La
Française des jeux étant commercialisés dans ses 40 000 points de vente, leur
disponibilité sur lensemble du territoire national est parfaitement assurée ;
quen revanche les jeux de casinos ne sont proposés quen des lieux limités,
à lintérieur de la maison de jeux et moyennant le versement dun droit de
timbre ; que toutes ces circonstances rendent les jeux de casino indisponibles sur la
plus grande partie du territoire national, tant pour des raisons matérielles que
légales ; que cette disponibilité géographique limitée est essentielle pour
distinguer le marché des jeux de hasard pur proposés par les casinos de ceux
commercialisés par La Française des jeux ;
Considérant, sur le plan de la demande, que le comportement des
demandeurs conforte cette analyse ; quen effet le profil sociologique des
joueurs et le montant moyen des mises conduisent à distinguer entre des catégories de
clientèles différentes ; que 15 % seulement de la population joue aux courses
au moins une fois dans lannée, les parieurs étant à 65 % des hommes âgés
de trente-cinq à quarante-neuf ans et issus de milieux socio-professionnels
généralement modestes ; que les deux tiers de la population française jouent aux
jeux de La Française des jeux, ce qui conduit à une grande variété des profils de
joueurs qui, en définitive, représentent toutes les catégories de la population ;
que les écarts importants existant entre les mises moyennes engagées par les joueurs
selon le type de jeu semblent conforter cette analyse, la mise moyenne pour les jeux de La
Française des jeux étant de 30 F, ceux du PMU de 60 F et ceux des machines à
sous de 250 F ;
Considérant que les représentants de La Française des jeux et
du PMU, ainsi que les joueurs eux-mêmes, ont une perception claire de la
non-substituabilité de ces deux formes de jeux ; que les représentants du PMU ne
considèrent pas que La Française des jeux soit un « véritable concurrent du
PMU en terme de métier », le seul produit de La Française des jeux se
rapprochant des paris étant le Loto sportif qui implique un minimum « dinvestissement
intellectuel » ; que, de même, pour les représentants de La Française
des jeux, « à part le Loto sportif, aucun produit de La Française des jeux
nest en concurrence avec les produits du PMU » ; que La Française
des jeux jouit dune réputation de dynamisme commercial et bénéficie de la
variété de ses jeux ; que le « taux de notoriété » de La
Française des jeux était évalué par linstitut de sondage IPSOS en 1996 à
96 % contre 53 % pour le PMU ;
Considérant quil résulte de ce qui précède que les « jeux
de hasard pur » de La Française des jeux ne sont substituables ni avec les « jeux
de hasard partiellement maîtrisé », tels les paris sur les courses de chevaux
organisés par le PMU, ni avec les jeux de hasard pur des casinos, en raison, notamment
pour ces derniers, de leur disponibilité géographique restreinte ; que, dans ces
conditions, il existe donc bien un marché spécifique des jeux organisés et
commercialisés par la société La Française des jeux, caractérisé tant par la
spécificité des produits offerts et leur mode de distribution, que par une demande
particulière émanant dune clientèle très large ;
2. Sur la position de La Française des jeux
sur le marché des jeux de hasard pur
Considérant que, sur le marché pertinent
ainsi défini, La Française des jeux bénéficie dun monopole légal en
application, notamment, de larticle 136 de la loi de finances du
31 mai 1933, monopole qui suffit à caractériser une position dominante ;
3. Sur la position de La Française de maintenance
sur le marché de la maintenance informatique
Considérant que la société La Française
des jeux et la société La Française de maintenance ne contestent pas la définition du
marché pertinent des jeux de hasard pur commercialisés par La Française des jeux, ni la
position dominante de cette dernière ; quen revanche le groupe Telci et la
société Tim exposent que le rapporteur aurait omis, à tort, de retenir comme marché
pertinent le marché de la maintenance micro-informatique et de constater, sur ce marché,
la position dominante de la société La Française de maintenance ; que, selon les
saisissants, en effet, les aides consenties par La Française des jeux à sa filiale
permettraient à cette dernière de saffranchir totalement des contraintes liées à
la rentabilité de ses activités, ce qui caractériserait à soi seul une position
dominante de La Française de maintenance sur le marché pertinent de la maintenance
informatique ;
Mais considérant que, si léquipement micro-informatique se
distingue des autres catégories déquipement informatique, les activités de
maintenance, qui supposent essentiellement, de la part des opérateurs, un savoir-faire et
une connaissance des équipements, présentent une fluidité suffisante du côté de
loffre pour quun marché de la maintenance informatique au sens large puisse
être retenu ;
Considérant que, sur le marché de la maintenance informatique,
la part du chiffre daffaires cumulée des dix premières sociétés, au nombre
desquelles ne figure pas La Française de maintenance, sélevait à 90 % ;
que La Française de maintenance ne se situait quen 165e position
des 500 premières sociétés dinformatique ; que, sil est exact que « la
part de marché ne constitue quun indice, parmi dautres, de lexistence
dune position dominante », encore faut-il que la part de marché détenue
soit suffisamment importante pour permettre à lentreprise dexercer un pouvoir
de marché ; que, dès lors que la part de marché de La Française de maintenance
est très inférieure à 10 %, quels que soient par ailleurs les avantages ou les
privilèges dont elle dispose, il ne peut être prétendu quelle occuperait un
position dominante sur ce marché ; quau surplus le grief concernant la
pratique relevée sur le marché de la maintenance informatique ayant été imputé à La
Française des jeux et non à La Française de maintenance, il nest pas utile, pour
qualifier ladite pratique, de démontrer lexistence dune position dominante de
La Française de maintenance sur ce marché pertinent ;
B. - Sur les pratiques
En
ce qui concerne les pratiques relevées sur le marché du mobilier de comptoir :
Considérant que la diffusion dans le public des jeux mis sur le
marché par La Française des jeux (Loto, Keno, le Millionnaire, le Black Jack, le
Morpion, le Bingo, etc.) est assurée par un réseau de détaillants-mandataires
agréés ; quen 1995 et 1996 les conditions dagrément prévues dans le
contrat type de mandat, intitulé « contrat La Française des jeux /
détaillant », étaient principalement relatives à la réalisation dun
chiffre daffaires minimum et à lacquisition, auprès de La Française des
jeux, dun mobilier spécial « espace-jeux », destiné à la
diffusion des jeux ; que cet équipement « espace-jeux » se
compose de deux éléments indissociables, le « comptoir terminal », qui
reçoit le terminal informatique pour les jeux on-line, et le « corner
jeux », qui sert de présentoir ; quà lépoque des faits, ce
mobilier était exclusivement vendu et installé par La Française des jeux ; que la
clause subordonnant lagrément des détaillants à lacquisition du mobilier
auprès de La Française des jeux a été appliquée strictement jusquen 1996 ;
que cest ainsi que M. Espinguet, détaillant qui avait sollicité de La Française
des jeux lexonération de cette obligation déquipement au profit du repreneur
de son fonds de commerce qui postulait à lagrément de La Française des jeux,
sétait vu opposer un refus ferme et définitif en mars 1996 ; quen
outre, des détaillants agréés antérieurement à 1990, non tenus par cette obligation
contractuelle (MM. Joigneau, Delhomme, Parneix, Arnaud, Brunet, Deloutre et Pradeau), ont
déclaré avoir subi des pressions de la part des courtiers de La Française des jeux pour
les inciter à faire lacquisition de léquipement complet ;
a) Sur la clause du contrat-type
Considérant quà titre principal La
Française des jeux expose que la clause dexclusivité obligeant les détaillants
agréés à acheter leur mobilier « espace-jeux » auprès delle
nest pas constitutive dun abus, car elle détient les droits patrimoniaux sur
le mobilier litigieux, aux termes dun protocole daccord du
3 septembre 1992 et dun contrat de cession de modèles industriels du
22 septembre 1992 ; quà lappui de ces arguments la société
défenderesse cite une décision du Conseil de la concurrence no 99-D-34
du 8 juin 1999, aux termes de laquelle : « Il est loisible au
détenteur dun droit exclusif de propriété intellectuelle soit de se réserver
lusage de ce droit, soit den concéder lusage exclusif à la personne de
son choix ; (...) dans les deux cas, les produits mis sur le marché en application
de cette exclusivité ne peuvent, en tout état de cause, être offerts que par un seul
opérateur, lequel ne peut, dès lors, pour les produits considérés, être en
concurrence avec un autre offreur » ;
Mais considérant que la clause dexclusivité visée
dans la notification de griefs ne concerne pas la protection dun droit de
propriété intellectuelle, mais lobligation, faite à un détaillant souhaitant
recevoir lagrément de La Française de jeux, dacquérir un équipement
auprès du titulaire de ce droit, ce qui est différent ; quainsi la
référence à la décision no 99-D-34 précitée nest pas
pertinente ;
*
b) Sur la justification de lobligation
Considérant que la société La Française des
jeux expose que lobligation imposée aux détaillants de séquiper des deux
éléments de mobilier est justifiée, tant dans son principe que dans ses
modalités ; que lutilité du mobilier résulterait de la nécessité de créer
une signalétique propre à La Française des jeux, pour permettre de distinguer ses
produits des autres jeux proposés par les détaillants ; que, dailleurs, cette
utilité serait démontrée par la progression du chiffre daffaires des détaillants
qui se sont dotés du mobilier litigieux ; que ses caractéristiques particulières
seraient également pleinement justifiées et, enfin, que le mobilier ne serait nullement
surdimensionné, nencombrerait pas les magasins et serait nécessaire à
laménagement dun espace comptabilité avec un terminal informatique ;
Mais considérant, dune part, que depuis lors le contrat
liant La Française de jeux aux détaillants ne leur fait plus obligation dacquérir
le mobilier auprès de La Française des jeux ; que le détaillant peut maintenant
faire confectionner cet équipement par le fabricant de son choix, les plans de
fabrication des mobiliers étant mis à la disposition des détaillants sur leur
demande ; quil suit de là que la situation qui prévalait précédemment, ne
répondait pas à des nécessités techniques impératives ;
Considérant, dautre part, que, dans une décision no 87-D-08
du 28 avril 1987 relative à des pratiques mises en uvre par la société
Nouvelles Messageries de la presse parisienne (NMPP) et sa filiale, la société
dagence et de diffusion, le Conseil de la concurrence a retenu que la société
NMPP, en situation de position dominante sur le marché de la distribution de la presse,
en exerçant des pressions sur les diffuseurs de presse candidats à lagrément (les
détaillants, ses mandataires), en vue de les inciter à choisir le mobilier (présentoirs
pour les journaux) que son département « modernisation et promotion »
proposait, sétait rendue coupable dun abus de position dominante : « considérant
que si NMPP sest vu confier un rôle général de contrôle de laménagement
des dépôts de presse par les éditeurs légitimement intéressés à ce que leurs
produits de presse soient présentés de façon impartiale (...), les pressions que
lentreprise a exercées sur certains distributeurs pour que ceux-ci choisissent les
mobiliers dagencement quelle propose ne sauraient être considérées comme
nécessaires à lexercice de cette mission de contrôle et de modernisation, dès
lors quexistent des mobiliers concurrents susceptibles de répondre aux objectifs
recherchés » ;
Considérant, par ailleurs, que le mode de distribution des
jeux de hasard commercialisés par La Française des jeux à travers un réseau national
de mandataires-détaillants agréés se rapproche, à beaucoup dégards, de la
franchise ou de la distribution sélective et permet dinvoquer les principes fixés
par la jurisprudence dans ces domaines voisins ; quen matière de franchise le
Conseil de la concurrence a estimé, dans une décision no 97-D-51 du
24 juin 1997 (Hypromat France), qu« un franchiseur nest en
droit dimposer aux franchisés de sapprovisionner exclusivement auprès de sa
société ou auprès des fournisseurs quil aura référencés que dans la mesure où
cette obligation est nécessaire à la protection des droits de propriété du franchiseur
ou au maintien de lidentité et de la réputation du réseau et quautant
quil est prouvé quil nest pas possible, en pratique, en raison de la
nature des produits qui font lobjet de la franchise, dappliquer des
spécifications objectives de qualité » ; que, plus particulièrement, en
ce qui concerne la clause dun contrat de franchise comportant lobligation pour
les franchisés de sadresser exclusivement, pour laménagement extérieur et
intérieur de leur magasin, à un fournisseur exclusif, filiale du franchiseur, le Conseil
de la concurrence a considéré, dans une décision no 96-D-36 du
28 mai 1996 (Zanier SA), que, « sil est loisible à un
franchiseur, pour assurer lunité du réseau, de faire respecter par les franchisés
les éléments didentification de la marque et de présentation des articles à
travers lapplication dun cahier des charges, rien ne justifi(ait), en
lespèce, quune filiale du franchiseur soit seule à pouvoir effectuer ce type
de prestation ; (...) en effet, (...) une telle clause (peut) avoir pour effet de
restreindre le jeu de la concurrence, dune part, sur le marché de lagencement
de magasins en limitant laccès dautres entreprise à ce marché, dautre
part, entre les franchisés qui étaient en situation de se faire concurrence, en leur
interdisant de rechercher des conditions de financement moins onéreuses pour leurs
installations ; (...) ; que (...) cette clause allait au-delà de ce qui est
indispensable au fonctionnement de la franchise » ; que cette analyse a
été reprise par le Conseil dans sa décision no 99-D-49 du
6 juillet 1999 concernant les pratiques de la société Yves Rocher ;
quil résulte ainsi de la jurisprudence rappelée que toute obligation restreignant
laccès des détaillants à loffre des fabricants de mobilier et,
corrélativement, laccès de ces derniers à la demande de certaines catégories de
détaillants, doit être objectivement justifiée ;
Considérant quà supposer que la présence du mobilier « espace-jeux »
pour servir de support aux connexions électriques et téléphoniques au terminal de prise
de jeux soit une nécessité technique, la rédaction dun cahier des charges aurait
permis de répondre à cette nécessité tout en laissant la possibilité aux détaillants
de choisir leurs fabricants de meubles et de faire jouer la concurrence ; que la
faisabilité dun tel cahier a, dailleurs, été démontrée, puisque, comme le
souligne La Française des jeux dans ses conclusions, « depuis 1998, la clause
relative au mobilier « espace-jeux » du contrat de mandataire propose au
co-contractant une option entre lacquisition du mobilier auprès de La Française
des jeux et la consultation du cahier des charges aux fins de fabrication par un
fournisseur tiers » ; quainsi, en 1995 et 1996, La Française des
jeux, en se posant comme le fournisseur exclusif du mobilier auprès de ses détaillants
et en leur proposant des conditions tarifaires uniques, nettement supérieures aux prix du
marché, limitait, sans en démontrer la nécessité, laccès dautres
entreprises au marché du mobilier dagencement et restreignait la compétition entre
les détaillants, en leur interdisant de rechercher des installations moins
onéreuses ; que ces pratiques ont eu pour objet, et pu avoir pour effet, de fausser
ou restreindre le jeu de la concurrence sur le marché du mobilier de comptoir et entre
les détaillants situés dans une même zone de chalandise, dans des conditions contraires
aux dispositions de larticle L. 420-2 du code de commerce ;
c) Sur le contrat de mandat
Considérant que, contrairement à ce
quallègue La Française des jeux, le Conseil de la concurrence a déjà
sanctionné, dans la décision précitée no 87-D-08, comme abus de
position dominante, les pressions exercées par un mandant, les Nouvelles Messageries de
la presse parisienne, sur ses mandataires détaillants diffuseurs de journaux, pour les
inciter, à loccasion dune demande dagrément, à choisir le mobilier
dagencement quil proposait ; quainsi la qualification de mandat
donnée aux relations contractuelles entre La Française des jeux et ses détaillants est
sans effet sur le présent litige, relatif à un abus de position dominante qui a eu pour
objet et a pu avoir pour effet de fausser ou restreindre le jeu de la concurrence sur le
marché du mobilier de comptoir ;
Considérant, en conclusion, que La Française des jeux a, dans
les circonstances susrappelées, fait une exploitation abusive de sa position dominante
sur le marché des jeux de hasard pur distribués par elle, en subordonnant
lagrément de ses détaillants à lacquisition de deux éléments de mobilier,
dits « comptoir terminal » et « corner jeux », dont
elle était le fournisseur exclusif, et en exerçant des pressions sur plusieurs
revendeurs déjà agréés pour les inciter à faire lacquisition de ce mobilier,
alors quil lui suffisait dexiger des spécifications objectives de qualité
(par la diffusion dun plan de fabrication, par exemple), ce quelle a du reste
fait ultérieurement, lesdites pratiques ayant eu pour objet, et ayant pu avoir pour
effet, de fausser ou restreindre le jeu de la concurrence, dans des conditions contraires
aux dispositions de larticle L. 420-2 du code de commerce ;
En ce qui concerne
les pratiques relevées sur le marché de la maintenance informatique :
Considérant que lentretien des 15 100 points de vente
de La Française des jeux informatisés, cest-à-dire dotés dun terminal « Saphir »,
est assuré par La Française de maintenance, filiale de La Française des jeux, dont
cest la principale activité (62 % de son chiffre daffaires en 1995), aux
termes dun contrat pour « la maintenance des matériels informatiques de
traitement des jeux, équipant les bureaux de validation » ; que La
Française de maintenance est une société anonyme issue de la filialisation des
activités de maintenance micro-informatique de La Française des jeux, dont le capital
était, à lépoque, détenu à 90 % par sa société mère et à 10 % par
ses salariés ; quelle a aussi développé ses activités à légard
dentreprises extérieures au groupe auquel elle appartient ;
Considérant, dune part, quil est établi quen
1996 La Française des jeux a sur-rémunéré certains contrats de maintenance qui la
liaient à sa filiale ; que laide ainsi apportée est évaluée à
17,795 millions de francs ;
Considérant, dautre part, quil résulte de
linstruction que, sur les 100 contrats de fourniture de prestations de services
informatiques conclus pendant cette période par La Française de maintenance avec des
entreprises extérieures au groupe, dix-sept lont été à des prix inférieurs à
leurs coûts variables ; que cest, par exemple, le cas du marché commandité
par lAgence nationale pour lemploi (ANPE), la société Telci en ayant été
évincée par La Française de maintenance ;
Considérant quil est licite, pour une entreprise publique
qui dispose dune position dominante sur un marché en vertu dun monopole
légal, dentrer sur un ou des marchés concurrentiels, à condition quelle
nabuse pas de sa position dominante pour restreindre ou tenter de restreindre
laccès au marché pour ses concurrents en recourant à des moyens autres que ceux
qui relèvent dune concurrence par les mérites ; quainsi une entreprise
publique disposant dun monopole légal, qui utilise les ressources de son activité
monopolistique pour subventionner une nouvelle activité, ne méconnaît pas, de ce seul
fait, les dispositions de larticle L. 420-2 du code de commerce ;
Considérant, en revanche, quest susceptible de constituer
un abus le fait, pour une entreprise disposant dun monopole légal,
cest-à-dire un monopole dont lacquisition na supposé aucune dépense
et est insusceptible dêtre contesté, dutiliser tout ou partie de
lexcédent des ressources que lui procure son activité sous monopole pour
subventionner une offre présentée sur un marché concurrentiel, lorsque la subvention
est utilisée pour pratiquer des prix prédateurs ou lorsquelle a conditionné une
pratique commerciale qui, sans être prédatrice, a entraîné une perturbation durable du
marché qui naurait pas eu lieu sans elle ;
Considérant quen lespèce, La Française des jeux,
utilisant les ressources tirées du monopole des jeux, a consenti à sa filiale une
subvention, qui a permis à cette dernière de pratiquer, sur le marché concurrentiel de
la maintenance informatique, des prix inférieurs à ses coûts variables, pratique qui a
eu pour effet de lui permettre de remporter dix-sept contrats de maintenance que des
concurrents auraient remportés si cette pratique de prix navait pas eu lieu ;
a) Sur linapplicabilité du droit de la
concurrence
aux prestataires de service de maintenance informatique
Considérant que, daprès La Française des
jeux, les sociétés de maintenance informatique ne pourraient connaître leurs coûts a
priori et donc fixer des prix qui seraient toujours non critiquables au regard du
droit de la concurrence ; que lexécution dun contrat de maintenance
pourrait savérer a posteriori déficitaire, compte tenu de prévisions
erronées, sans quil soit possible de corriger les prix pendant la vie du
contrat ; que cette situation constituerait une différence fondamentale par rapport
à celle des fabricants de produits manufacturés et rendrait, par conséquent,
inapplicable les concepts habituels du droit de la concurrence ;
Considérant que de nombreuses activités économiques connaissent
des aléas qui ne permettent pas deffectuer avec certitude des calculs
prévisionnels de coût ou de rentabilité ; que le droit de la concurrence leur est
applicable ; que le livre IV du code de commerce sapplique notamment aux
activités de prestation de services ; quen lespèce, dailleurs,
les pratiques reprochées à La Française des jeux et à sa filiale consistent
précisément à avoir contracté dans des conditions qui ne permettaient pas de se
prémunir raisonnablement contre les aléas ; quen effet, compte tenu des
incertitudes relatives aux coûts, les opérateurs du secteur calculent leurs soumissions
en prévoyant une marge avant impôt denviron 10 %, alors que La Française de
maintenance retenait un chiffre de lordre de 2 ou 3 % avant impôt ; que
le caractère déficitaire des contrats litigieux ne peut sexpliquer, à lui seul,
par la seule difficulté à appréhender avec certitude les coûts avant lexécution
des marchés, dès lors que linstruction a mis en évidence que, sur les dix-sept
contrats litigieux, la perte moyenne, par rapport aux coûts variables afférents à ces
prestations, sest élevée au pourcentage très important de 35,47 ;
b) Sur le lien de connexité entre le marché dominé
et le marché où se sont déroulées les pratiques litigieuses
Considérant quà titre principal La
Française des jeux expose que la pratique consistant, pour La Française des jeux, en
situation de monopole sur le marché des jeux de hasard de La Française des jeux, à
permettre à sa filiale de pratiquer des prix inférieurs aux coûts variables sur le
marché de la maintenance informatique ne saurait constituer une pratique prohibée, en
labsence de toute connexité entre le marché des jeux de hasard pur et le marché
de la maintenance informatique et de preuve dun lien de causalité entre la position
dominante de La Française des jeux sur le marché des jeux et sa contribution aux charges
sociales de La Française de maintenance ;
Considérant que la jurisprudence, tant française que
communautaire, vérifie que les pratiques constatées sur un marché donné et dénoncées
comme abusives sont dans un rapport de causalité avec la domination exercée sur un
marché ; que, lorsque le marché où se sont déroulées les pratiques litigieuses
et le marché dominé sont distincts, cette vérification conduit, généralement, à
sassurer que ces deux marchés ont un lien de connexité objectif ; que,
toutefois, lorsque les pratiques consistent en lapplication sur le marché
concurrentiel de prix bas rendus possibles par des transferts de ressources provenant de
la rente dégagée grâce à la position détenue sur le marché dominé par lauteur
des subventions, lexistence de la relation de causalité entre les pratiques et la
position dominante sinduit du seul comportement de lentreprise
dominante ; quen dautres termes cette dernière, par le financement
abusif de lactivité concurrentielle, établit elle-même un lien de connexité
entre les deux marchés ;
Considérant quen lespèce les pratiques relevées
prennent appui sur les moyens dont La Française des jeux dispose du fait de sa situation
de société déconomie mixte, titulaire dun monopole légal ; que,
assurée davoir ses charges couvertes par « la part des mises allouées à
lorganisation des jeux, fixée par lEtat », elle peut
sabstraire des conditions de rentabilité des entreprises du secteur
concurrentiel ; quen effet La Française des jeux encaisse les mises des jeux
et conserve la part de ces mises évaluée par lEtat « de façon à
permettre à lentreprise de couvrir les dépenses nécessaires pour maintenir les
enjeux à un niveau jugé suffisant par lautorité de tutelle » ; quainsi
quelle le souligne elle-même dans ses conclusions : « La Française
des jeux nest quune émanation de lEtat permettant dorganiser
lactivité de loterie » ; que cest précisément parce
quelle nest pas soumise aux mêmes contraintes que les entreprises du secteur
concurrentiel, que La Française des jeux a pu financer, par une sur-rémunération de ses
contrats de maintenance, les surcoûts salariaux supportés par sa filiale, qui rémunère
ses salariés bien au-dessus du niveau du marché ; quau surplus la technique
utilisée pour valider les mises des joueurs repose sur lemploi de procédures
informatiques dont la fiabilité constitue un élément essentiel au succès de certains
jeux ; quil ne peut donc être soutenu que les deux marchés seraient
totalement étrangers lun à lautre ;
c) Sur la réalité des avantages financiers consentis
par La Française des jeux à La Française de maintenance
Considérant que La Française des jeux prétend
quelle naurait fait, dans les contrats de maintenance visés dans la
notification de griefs, quendosser la charge sociale historique et récurrente de
ses anciens salariés repris par La Française de maintenance ; quelle
naurait donc pas subventionné sa filiale et ne lui aurait donc pas permis de vendre
à perte ;
Mais considérant que, si la sur-rémunération des prestations de
maintenance a servi à financer les surcoûts bénéficiant aux anciens salariés de La
Française des jeux, affectés à la maintenance des équipements informatiques de La
Française des jeux, elle a également affecté les contrats concurrentiels conclus à
lextérieur du groupe ; que linstruction a, en effet, démontré que
laide apportée par La Française des jeux sous forme dune sur-rémunération
des contrats avait été affectée, en 1996, à hauteur de 17,795 millions de francs aux
contrats de maintenance Saphir et de 3,52 millions de francs aux contrats « hors
groupe » ; que le rapport daudit réalisé le 26 avril 1994
souligne, à cet égard : « Il paraît vraisemblable que lessentiel de
la rentabilité provienne du contrat de maintenance passé avec La Française des jeux,
occultant ainsi des activités maintenance (et surtout
distribution) avec des clients extérieurs peu bénéficiaires, voire
déficitaires, compte tenu notamment dun coût élevé de main-duvre (La
Française de maintenance reconnaît être globalement 25 % plus chère que le
marché. Or, la part de la main-duvre est prépondérante). La Française des
jeux, via son contrat de maintenance, ne doit en aucun cas financer une activité
éventuellement déficitaire de la filiale réalisée avec des clients
extérieurs » ;
d) Sur les comparaisons entre prix et coûts variables
Considérant que La Française des jeux conteste
le calcul des coûts moyens variables, alléguant que seuls les coûts des matières
premières, du transport et de la sous-traitance pouvaient être comptabilisés comme
coûts variables, les frais de personnel devant, selon elle, en être exclus ;
Mais considérant que, dans sa décision no 94-D-10
du 14 septembre 1994 concernant le secteur du béton prêt à lemploi dans
le département du Var, le Conseil sest fondé sur la notion de coût variable de
production « tel quil résulte de la comptabilité analytique établie
mensuellement par chacune des entreprises » ; quen lespèce,
contrairement à ce quallègue La Française des jeux, les coûts variables, tels
quils résultent de la comptabilité analytique de La Française de maintenance,
comprennent lensemble des charges suivantes : consommation de pièces
détachées, sous-traitance terrain, frais de transport, frais demballage,
sous-traitance atelier, frais de personnel, frais de véhicules, frais de déplacements,
frais de télécommunication, frais de fonctionnement techniques et administratifs,
communication externe et dotations aux provisions sur stock ; que les frais de
main-duvre (traitements et salaires) représentent une part importante des
charges pour ce type de prestations de services et sont comptabilisés par La Française
de maintenance au titre des « coûts variables directs ou
indirects » ; que le coût variable est un coût dont le montant varie en
proportion directe de lactivité ; que, pour lévaluer, il est donc
nécessaire didentifier les corrélations entre la consommation de ressources et le
niveau dactivité, de telle sorte que lon puisse établir quune
variation dactivité cause une variation de la consommation de ressources ;
quun coût est réputé direct par rapport à un produit lorsquil est causé,
au premier degré, sans ambiguïté, par lexistence même de ce produit ;
quun coût est réputé indirect dans le cas contraire ; que, plus
concrètement, un coût indirect représente une consommation de ressources nécessaires
pour créer lenvironnement dans lequel lactivité de production ou de
commercialisation sexerce ; que ces coûts sont communs à tous les produits ou
à certains dentre eux et quil nest pas possible de répartir a
priori ces coûts entre les différents produits ; quil est cependant
nécessaire dimputer ou dallouer ces coûts indirects aux produits ou aux
activités pris en compte ;
Considérant que la Cour de justice des Communautés européennes,
dans larrêt Akzo, a précisé : « Il y a lieu de souligner quun
élément de coût ne relève pas par nature des coûts fixes ou variables. Il convient
donc dexaminer si les frais de main-duvre ont, en lespèce, varié
en fonction des quantités produites » ; quil apparaît, en
lespèce, que la masse salariale de La Française de maintenance varie fortement
dune année à lautre ; que les coûts salariaux de La Française de
maintenance répondent donc à la définition jurisprudentielle des coûts
variables ;
e) Sur lobjet ou leffet anticoncurrentiel
des pratiques
Considérant que La Française des jeux expose
quà la supposer démontrée, la pratique de vente au-dessous des coûts variables
ne pourrait avoir pour effet lélimination des concurrents, compte tenu de la
structure du marché de la maintenance informatique ; quen effet, sur ce
marché, caractérisé par des prestations de services à fort coefficient de
main-duvre et par de faibles investissements capitalistiques (peu de
barrières à lentrée), toute stratégie de prix abusivement bas serait inefficace,
car elle se traduirait par des pertes irrécupérables, non compensées par des hausses de
prix ultérieures ; que, par ailleurs, la pratique de prix de vente au-dessous des
coûts variables naurait pas dobjet anticoncurrentiel et ne résulterait que
de mauvaises estimations préalables de coûts ; quenfin La Française des jeux
naurait pas intérêt à porter atteinte à la concurrence sur le marché de la
maintenance informatique sur lequel elle achète des prestations ;
Considérant, en premier lieu, que la jurisprudence considère
généralement que la vente au-dessous du coût variable moyen suffit à caractériser une
stratégie prédatrice, aucune autre justification ne pouvant être apportée à un tel
comportement ; que, cependant, dune part, ce critère ne peut être appliqué
lorsquun prix nest inférieur au coût variable moyen que de façon
épisodique ; que, dautre part, lexistence dune stratégie
prédatrice doit être crédible au regard du contexte ; que la très faible part
détenue par La Française de maintenance sur le marché de la maintenance informatique
(entre 0,5 et 0,7 %), combinée à la modestie des barrières à lentrée, rend
improbable le succès dune stratégie prédatrice qui consisterait à éliminer les
concurrents afin de pouvoir, ensuite, relever les prix ; quil suit de là que
les pratiques litigieuses de La Française de maintenance ne peuvent être qualifiées de
prix prédateurs ;
Considérant, en second lieu, quainsi quil a été
rappelé ci-dessus, une pratique de prix bas non prédatrice, de la part dune
filiale dune entreprise disposant dun monopole public, peut être
anticoncurrentielle à la double condition quelle nait été rendue possible
que par des subventions tirées de la rente dégagée dans lactivité monopolistique
et quelle ait entraîné une perturbation durable du marché qui naurait pas
eu lieu sans elle ; quil résulte du dossier que les prix pratiqués par La
Française de maintenance pour les contrats litigieux sont très nettement inférieurs aux
prix pratiqués par ses concurrents ; quainsi, pour le contrat de lANPE,
le prix du poste de sélection le plus important du marché était inférieur de 33,33 %
à celui proposé par son concurrent le plus proche, la société Tasq ; que ces
contrats de maintenance se sont trouvés lourdement déficitaires, dans des conditions
telles que limprévoyance ou lerreur du soumissionnaire ne suffit pas à
lexpliquer ; quil est, au contraire, légitime de penser que ces
déficits ont été anticipés, assurée quétait La Française de maintenance de
bénéficier de laide financière de sa maison mère et des contrats de maintenance
informatique de ses terminaux qui lui assurent un volant dactivités stables ;
que ces prix particulièrement bas nétaient pas les seuls moyens mis en uvre
par La Française de maintenance ; que sa force commerciale, composée de points de
vente présents sur tout le territoire, et qui nétait viable quen raison du
soutien indirectement apporté par la société mère, a contribué à lobtention
des contrats litigieux ; que plusieurs des contrats ainsi obtenus bénéficiaient
dune très forte visibilité (ANPE, SNCF) ; que ces pratiques ont ainsi permis
à La Française de maintenance dacquérir un poids économique et une réputation
déterminants pour son avenir et ont affecté la capacité concurrentielle dautres
entreprises du secteur ; que cette perturbation du marché naurait pas pu avoir
lieu sans les subventions croisées mises en uvre par La Française des jeux ;
que, dès lors, la pratique est qualifiable au regard de larticle L. 420-2 du
code de commerce ;
f) Sur limputabilité des pratiques tarifaires
Considérant que le groupe Telci et la société
Tim partagent lanalyse consistant à imputer à La Française des jeux le
comportement de sa filiale ; quils proposent, toutefois, de retenir que
labus est également constitué dans le chef de cette dernière ; que La
Française des jeux na formulé aucune observation sur limputabilité des
pratiques ;
Considérant que La Française de maintenance navait, au
moment des faits, aucune autonomie par rapport à sa maison-mère, avec laquelle elle
réalisait 60 % de son chiffre daffaires ; que cette dernière, qui
disposait alors de 90 % du capital de La Française de maintenance, pouvait mettre à
la disposition de ses filiales des avances de trésorerie prélevées sur ses excédents,
à hauteur de 20 millions de francs, rémunérées au taux moyen du marché
monétaire au cours de la période considérée ; que la plupart des dirigeants de La
Française des jeux exerçaient également des responsabilités au sein de La Française
de maintenance, M. Lapeyre étant, par exemple, président du conseil
dadministration de La Française de maintenance et directeur des services
informatiques de La Française des jeux ; quenfin, et surtout, la gestion de la
filiale et la détermination de sa stratégie commerciale étaient étroitement
contrôlées par la société mère ; que les grandes orientations de La Française
de maintenance étaient, en effet, définies de concert avec la société mère ;
quen cas de désaccord le point de vue de La Française des jeux
lemportait ; quen matière tarifaire notamment, La Française des jeux
fixait le taux de marge que devait appliquer La Française de maintenance ; que,
lorsque La Française de maintenance souhaitait réduire ce taux de marge pour augmenter
ses chances de signer un marché, elle devait solliciter lautorisation de La
Française des jeux ; quil y a donc lieu dimputer les pratiques
tarifaires à La Française des jeux ;
Considérant que La Française des jeux, qui bénéficie
dune position dominante sur le marché des jeux de hasard pur diffusés par elle, a
fait une exploitation abusive de cette position en faisant exécuter par sa filiale, La
Française de maintenance, des prestations de services sur le marché de la maintenance
informatique et des prestations informatiques à des prix inférieurs aux coûts variables
afférents à ces prestations ; que ces pratiques, qui ont eu pour objet et pour
effet de fausser ou restreindre le jeu de la concurrence, sont prohibées par les
dispositions de larticle L. 420-2 du code de commerce ;
C. - Sur les sanctions
Considérant quaux termes de
larticle L. 464-2 du code de commerce : « Il [le Conseil de la
concurrence] peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques
anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières.
Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas
dinexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la
gravité des faits reprochés, à limportance du dommage à léconomie et à
la situation de lentreprise ou de lorganisme sanctionné. Elles sont
déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de
façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une
entreprise de 5 % du montant du chiffre daffaires hors taxes réalisé en
France au cours du dernier exercice clos. Si le contrevenant nest pas une
entreprise, le maximum est de 10 millions de francs » ;
Considérant que la partie défenderesse expose, en ce qui
concerne la première pratique, quen vertu de la jurisprudence la régularisation
des clauses litigieuses des contrats dagrément des mandataires de La Française des
jeux, antérieurement à la décision du Conseil, devrait conduire à exclure le prononcé
de toute sanction ; quen ce qui concerne la deuxième pratique labsence
dintention délictueuse, labsence deffets (0,15 % du marché),
limpact limité sur les concurrents, qui sont dailleurs tous des entreprises
importantes, les démarches mises en uvre par La Française de maintenance pour
mettre fin aux pratiques irrégulières et sa bonne volonté manifestée pendant
linstruction, devraient également lexonérer du prononcé de sanctions
pécuniaires ; quelle fait valoir que la part des mises sur jeux qui lui
revient est fixée unilatéralement par lEtat ;
Considérant que la part des mises sur jeux revenant à La
Française des jeux est fixée, par le ministre du budget, à 6,10 % hors taxes des mises,
soit 2 334 millions de francs ; que les pratiques imputées à La
Française des jeux sont graves, sagissant dabus de position dominante
dun monopole public sur des marchés voisins ou connexes ; que, dans un avis du
20 juin 1985 sur le marché des treillis soudés, la Commission de la
concurrence a souligné la gravité de ce genre de pratique : « Le fait que
les entreprises filiales des groupes sidérurgiques bénéficiaires de subventions
publiques aient, afin déliminer la concurrence sur le marché des treillis soudés,
suivi délibérément une politique de prix anormalement bas pendant la fin de
lannée 1982 et le début de lannée 1983 revêt une particulière gravité.
Ces entreprises, en effet, ne pouvaient ignorer quune telle politique était de
nature à porter un grave préjudice aux sociétés indépendantes présentes sur le
marché des treillis soudés et qui ne pouvaient, comme elles, compenser leurs pertes par
des subventions de leurs sociétés mères » ; que le dommage à
léconomie résultant des deux pratiques peut être évalué, dune part, par
le surcoût ayant pesé sur les détaillants agréés de La Française des jeux, du fait
de la surévaluation du mobilier litigieux par rapport au prix du marché, et,
dautre part, par le montant global des marchés de maintenance informatique perdus
par les concurrents de La Française de maintenance ; quil y a lieu de prendre
également en compte, pour déterminer la sanction encourue, sagissant de la
deuxième pratique, la bonne collaboration de La Française des jeux au cours de
lenquête et de linstruction, la durée limitée de cette pratique et, enfin,
son faible impact sur le marché de la maintenance informatique (13 millions sur 16,9
milliards de francs) ; quau vu de ces éléments il y a lieu de condamner La
Française des jeux à une sanction pécuniaire de 17 millions de francs,
Décide :
Art. 1er. - Il est
établi que la société La Française des jeux a enfreint les dispositions de
larticle L. 420-2 du code de commerce sur le marché du mobilier de comptoir et
sur celui de la maintenance micro-informatique.
Art. 2. - Une sanction
pécuniaire de 17 millions de francs est infligée à la société La Française des
jeux.
Délibéré, sur le rapport oral de Mme Luc, par Mme Hagelsteen,
présidente, Mme Pasturel, vice-présidente, Mmes Mouillard, Flüry-Herard, MM. Ripotot,
Bidaud et Robin, membres.
La secrétaire de séance, Patricia Perrin |
La présidente, Marie-Dominique Hagelsteen |
Ministre de l'conomie, des Finances et de l'Industrie- 18 juin 2001