Sommaire | N° 4 du 31 mars 2001 |
Arrêt de la cour dappel de Paris (1re chambre, section H) en date du 6 mars 2001 relatif au recours formé par les sociétés Sud Bretagne Diffusion et Parfun contre une décision no 2000-D-45 (*) du Conseil de la concurrence en date du 18 janvier 2001 relative à des pratiques mises en uvre dans le secteur de la radiodiffusion et à une demande de mesures conservatoires présentée par les sociétés Sud Bretagne Diffusion et Parfun
NOR : ECOC0100116X
Demanderesses au recours :
SARL Sud Bretagne Diffusion, prise en la personne des ses
représentants légaux, ayant son siège ZI LEau Rouge, 29700 Quimper-Plomelin,
représentée par la SCP Teytaud, avoué, 1, rue Edouard-Colonne, 75001 Paris,
assistée de Me Junqua-Lamarque, avocat, 27, boulevard Malesherbes,
à Paris, toque R. 243 ;
SARL Parfun, prise en la personne des ses représentants
légaux, ayant son siège ZI LEau Rouge, 29700 Quimper-Plomelin, représentée
par la SCP Teytaud, avoué, 1, rue Edouard-Colonne, 75001 Paris, assistée de Me Junqua-Lamarque,
avocat, 27, boulevard Malesherbes, à Paris, toque R. 243 ;
Défenderesse au recours :
SA Vortex, exerçant sous lenseigne Skyrock, prise en la
personne de ses représentants légaux, ayant son siège 37 bis, rue
Greneta, 75002 Paris, représentée par Me Bolling, avoué,
40, rue du Bac, 75007 Paris, assistée de Me P.-L. Dauzier,
avocat, 12, boulevard Raspail, 75007 Paris, toque P. 224.
En présence du ministre de léconomie, des finances et du
budget, représenté aux débats par Mme Bibet, munie dun mandat régulier.
Composition de la cour lors des débats et du délibéré :
M. Coulon, premier président ;
M. Cavarroc, président ;
M. Somny, conseiller.
Greffier lors des débats et du prononcé de larrêt :
Mme Jagodzinski.
Ministère public : M. Woirhaye, substitut général.
Débats à laudience publique du 8 février 2001.
Arrêt : prononcé publiquement le 6 mars 2001, par
M. Coulon, premier président, qui a signé la minute avec Mme Jagodzinski,
greffier.
Après avoir, à laudience publique du 8 février 2001,
entendu les conseils des parties, les observations de Mme le représentant du
ministre chargé de léconomie et celles du ministère public ;
Vu les mémoires, pièces et documents déposés au greffe à
lappui du recours ;
Par décision no 2000-D-45 du 18 janvier
2001, le Conseil de la concurrence a déclaré irrecevable la saisine enregistrée sous le
numéro F 1263 et rejeté la demande des sociétés Sud Bretagne Diffusion et
Parfun, enregistrée sous le numéro M 275, tendant au prononcé de mesures
conservatoires.
Ces deux sociétés ont, par assignation du 2 février, puis
du 7 février 2001, saisi la Cour dun recours contre cette décision en ce
quelle a rejeté les mesures conservatoires sollicitées.
Référence expresse étant faite à la décision déférée pour
lexposé des faits et de la procédure initiale, il y a seulement lieu à rappel des
éléments suivants :
le Conseil supérieur de laudiovisuel a lancé,
le 5 octobre 1998, un appel à candidatures concernant la Bretagne et les Pays de
Loire en vue de la délivrance dautorisations démettre sur des fréquences
radiophoniques, lutilisation de telles fréquences constituant un mode
doccupation privatif du domaine public de lEtat ;
la société de radio Sud Bretagne Diffusion a été,
le 26 juillet 2000, présélectionnée en catégorie C pour lobtention
dune nouvelle fréquence à Saint-Brieuc permettant la diffusion, au plan local, du
programme de la radio Skyrock ;
la société Vortex, qui exploite ladite radio à
léchelon national, sest opposée à cette présélection en faisant valoir
auprès de linstance de régulation quelle navait pas conclu de contrat
daffiliation avec la société Sud Bretagne Diffusion lautorisant à diffuser
le programme Skyrock ;
à la suite de cette opposition, le Conseil supérieur
de laudiovisuel a alors présélectionné la société Vortex.
La
Cour :
Vu lassignation en date du 7 février 2001 aux termes
de laquelle la société Sud Bretagne Diffusion et la société Parfun,
spécialisée dans la réalisation de messages publicitaires et de programmes
radiophoniques à destination des radios locales, demandent à la Cour :
dannuler et, subsidiairement, réformer la
décision du Conseil de la concurrence no 2000-D-45 en date du
18 janvier 2001 en ce qui concerne les mesures conservatoires ;
denjoindre en conséquence la société Vortex
détendre le bénéfice du contrat daffiliation du 10 février 1991 à la
zone de Saint-Brieuc ou, à tout le moins, indiquer au Conseil supérieur de
laudiovisuel quelle ne soppose pas à la diffusion par la société Sud
Bretagne Diffusion du programme Skyrock, afin de permettre à la société Sud Bretagne
Diffusion de répondre à lappel de candidatures, et, éventuellement, de se voir
autorisée à émettre par le Conseil supérieur de laudiovisuel, si sa candidature
est retenue, sur la zone de Saint-Brieuc ;
denjoindre la société Vortex de cesser ses
pressions pour écarter la candidature de la société Sud Bretagne Diffusion ;
Vu les écritures du 7 février 2001 par lesquelles la
société Vortex demande à la Cour :
in limine litis, de déclarer nulle
lassignation délivrée à la demande des deux sociétés requérantes le
2 février 2001, faute par celles-ci davoir joint à ladite assignation une
copie de la décision attaquée, et ce en méconnaissance des dispositions de
larticle 10 du décret no 87-849 du 19 octobre 1987
relatif aux recours exercés devant la Cour dappel de Paris contre les décisions du
Conseil de la concurrence ;
subsidiairement, de dire que les sociétés
requérantes ne sont nullement autorisées à exercer, sur le fondement de larticle
susvisé et de larticle 12, alinéa 4, de lordonnance du 1er décembre
1986 devenu larticle L. 464-7, alinéa 1er, du Code de
commerce, un recours tendant à voir réformer, uniquement en ce quelle a rejeté
leur demande de mesures conservatoires, la décision déférée dès lors que cette
décision a préalablement déclaré leur saisine irrecevable ; en conséquence,
déclarer le recours irrecevable ;
plus subsidiairement encore, de rejeter les demandes
tendant au prononcé des mesures conservatoires sollicitées ;
en tout état de cause, de condamner les sociétés
requérantes à lui payer, solidairement, les sommes de 200 000 F et de
100 000 F à titre, respectivement, de dommages-intérêts pour procédure
abusive et dindemnité due en application des dispositions de
larticle 700 du NCPC ;
Vu les observations écrites déposées le 7 février 2001
aux termes desquelles le Conseil de la concurrence fait valoir que « le recours
tendant à obtenir des mesures conservatoires de la Cour ne peut être examiné
indépendamment du recours contre la décision dirrecevabilité du Conseil, qui est
jugé suivant la procédure normale ».
Ouï le représentant du ministre chargé de léconomie qui
conclut à lirrecevabilité du recours au regard des dispositions susvisées du code
de commerce ;
Le ministère public entendu en ses observations tendant aux
mêmes fins ;
Sur ce :
Sur la
validité de lassignation :
Considérant que si le recours porté devant la Cour par la
voie de lassignation délivrée le 2 février 2001 ne comportait pas la copie
de la décision attaquée, la seconde assignation, en date du 7 février suivant,
satisfait à cet égard aux dispositions du troisième alinéa, 1o, de
larticle 10 du décret no 87-849 du 19 octobre 1987
relatif aux recours exercés devant la cour dappel de Paris contre les décisions du
Conseil de la concurrence, notamment ceux prévus à larticle 12 de
lordonnance du 1er décembre 1986 modifiée, devenu
larticle L. 464-7, alinéa 1er, du code de commerce ;
quil sensuit que la demande en nullité de lassignation du
2 février 2001 est sans objet ;
Sur la
recevabilité du recours :
Considérant que, pour conclure à la recevabilité de leur
recours, les sociétés requérantes font valoir que « la loi a prévu deux voies
de recours distinctes et indépendantes lune de lautre », lune
fondée sur « larticle 15 modifié de lordonnance du 1er décembre
1986 (qui) permet un recours en réformation ou en annulation à lencontre
des décisions de fond rendues par le Conseil de la concurrence en cas de pratiques
anticoncurrentielles », lautre fondée « distinctement de ce
texte, (sur) lartilce 12 de la même ordonnance qui permet un recours
contre les décisions statuant sur les demandes de mesures conservatoires » ;
quelles soutiennent, en conséquence, quune irrecevabilité tirée de
labsence de mesures conservatoires ordonnées par le Conseil de la concurrence
violerait les textes sus rappelés ;
Considérant que les sociétés Sud Bretagne Diffusion et
Parfun ont formé un recours contre la décision no 2000-D-45 du
conseil, que ce recours est actuellement pendant devant la cour ;
Quelles ont parallèlement assigné en application de
larticle 10 du décret du 19 octobre 1987, aux fins de voir prononcer des
mesures conservatoires ; que tel est lobjet de la présente procédure ;
Mais considérant que le recours exercé sur le fondement du 4e alinéa
modifié de larticle 12 de lordonnance du 1er décembre 1986,
devenu larticle L. 464-7 du code de commerce, et sur le fondement de
larticle 10 du décret du 19 octobre 1987 ne peut tendre, par
lannulation ou la réformation de la décision du conseil, quà la levée des
mesures conservatoires ordonnées par application de ce même article L. 464-7
du code de commerce ;
Quaucun texte ne permet aux requérantes de solliciter de la
Cour le prononcé de mesures conservatoires indépendamment de lexamen du recours
quelles exercent devant elle contre la décision du conseil en ce que ladite
décision a déclaré la saisine irrecevable par application de
larticle L. 462-8 du code de commerce ;
Quil sensuit que le recours est irrecevable ;
Sur les autres
demandes :
Considérant que lexercice dune action en justice
constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une
dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, derreur
grossière équipollente au dol ou, à tout le moins, de légèreté blâmable ; que
tel nétant pas le cas en lespèce, la demande formée pour procédure abusive
par la société Vortex ne peut être accueillie ;
Que, de même, il ny a pas lieu à application des
dispositions de larticle 700 en faveur de cette même société ;
quen conséquence, la demande quelle forme à ce titre sera rejetée ;
Par
ces motifs :
Rejette la demande en nullité de lassignation ;
Déclare le recours irrecevable ;
Rejette toutes autres demandes ;
Met les dépens à la charge des requérantes.
Le greffier | Le président |
(*) Décision no 2000-D-45 du Conseil
de la concurrence en date du 18 janvier 2001 (parution dans le BOCCRF no 2
du 23 février 2001).
© Ministère de l'économie, des Finances et de l'Industrie - 14 mai 2001