Sommaire | N° 01 du 23 janvier 2001 |
Arrêt de la cour dappel de Paris (1re chambre, section H) en date du 16 janvier 2001 relatif au recours formé par AFAT Voyages (Association française des agences de tourisme) contre une décision no 2000-D-30 du Conseil de la concurrence en date du 14 juin 2000 relative à la saisine des groupements dagents de voyages AFAT Voyages, Tourcom et Sélectour (1)
NOR : ECOC0100041X
Demanderesses au recours :
AFAT Voyages (Association française des agences de tourisme),
prise en la personne de son président, ayant son siège 17, avenue Honoré-Serres,
BP 64, 31902 Toulouse Cedex 9 ;
Tourcom GIE (Groupement dintérêt économique), prise en la
personne de son président, ayant son siège 8, rue Boudreau, 75008 Paris ;
Sélectour, société anonyme coopérative de tourisme à capital
variable, prise en la personne de son président, ayant son siège 6/6 bis,
rue Laferrière, 75009 Paris,
représentées par la SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, avoués, 23, rue du Louvre,
75001 Paris, assistées de Me Fedida (Jean-Marc),
toque E 485, avocat au barreau de Paris, 226, boulevard Saint-Germain,
75007 Paris.
Défenderesses au recours :
Lufthansa, compagnie aérienne, prise en la personne de ses
représentants légaux, ayant son siège 122, avenue du général-Leclerc,
BP 72, 92105 Boulogne Cedex, représentée par la SCP Valdelièvre-Garnier,
avoués, 21, rue du Mont-Thabor, 75001 Paris, assistée de Me Manin,
cabinet Klein Goddard, toque K 110, 44, avenue des Champs-Elysées,
75008 Paris ;
IATA (International Air Transport Association), prise en la
personne de ses représentants légaux, ayant son siège 800, place Victoria,
Montréal, Québec (Canada), représentée par la SCP Duboscq-Pellerin, avoués,
18, rue Séguier, 75006 Paris, assistée de Me D. Brault,
cabinet Coudert Frères, toque J 018, 52, avenue des Champs-Elysées,
75008 Paris.
En présence du ministre de léconomie, des finances et du
budget, représenté aux débats par Mme Roubert, munie dun mandat régulier.
Composition de la cour lors des débats et du délibéré :
M. Coulon, premier président ;
M. Cavarroc, président ;
Mme Penichon, conseillère.
Greffier :
Lors des débats : Mme Padel, greffier ;
Lors du prononcé de larrêt : Mme Thierry,
greffier.
Ministère public : M. Woirhaye, substitut général,
entendu en ses observations.
Débats à laudience publique du 21 novembre 2000.
Arrêt prononcé publiquement le 16 janvier 2001, par
M. Coulon, premier président, qui a signé la minute avec Mme Thierry,
greffier.
Après avoir, à laudience publique du
21 novembre 2000, entendu les conseils des parties, les observations de
Mme le représentant du ministre chargé de léconomie et celles du ministère
public ;
Par décision no 2000-D-30 du
14 juin 2000, le Conseil de la concurrence a déclaré irrecevable la saisine de
lAssociation française des agences de tourisme (ci-après AFAT Voyages), du GIE
Tourcom et de la société Sélectour, en application de larticle 19 de
lordonnance du 1er décembre 1986, au motif que celle-ci
« ne comporte aucun élément probant pour étayer lallégation de
lexistence de pratiques anticoncurrentielles au sens de larticle 8 de
lordonnance ».
Le 19 juillet 2000, les groupements dagents de
voyages AFAT Voyages, Tourcom et Sélectour ont formé un recours en annulation devant la
cour dappel de Paris contre cette décision. Ils entendent dénoncer les pratiques
quils estiment anticoncurrentielles de la société Lufthansa Lignes Aériennes
Allemandes (ci-après Lufthansa), qui, en accord avec la société International Air
Transport Association (ci-après IATA), exploite abusivement la position dominante
quelle détient sur le marché démission et de vente de titres de transport
aérien en abaissant de 9 % à 7 % le taux de commission versé aux agences
de voyage et en développant ses propres comptoirs de vente.
Par lettre du 12 octobre 2000, le Conseil de la
concurrence a fait connaître quil ne souhaitait pas user de la faculté de déposer
des observations écrites prévues par larticle 9 du décret no 87-849
du 19 octobre 1987.
Le ministre chargé de léconomie, dans ses observations du
13 octobre 2000, demande à la cour « de déclarer irrecevable le recours des
groupements dagents de voyages et de confirmer la décision no 2000-D-30
prononcée par le Conseil de la concurrence le 14 juin 2000 ».
Il fait valoir, en premier lieu, que la déclaration de recours,
qui reprend les termes de la saisine du Conseil du 8 mars 2000, ne comporte aucun
moyen critiquant la décision du 14 juin 2000 et que le recours est, en conséquence,
irrecevable.
Il soutient, en second lieu, que la mise en cause doffice de
la société IATA est régulière, les dispositions de lalinéa 2 de
larticle 7 du décret du 19 octobre 1987 et du nouveau code de procédure
civile ayant été respectées et la saisine du Conseil par les requérants visant la
société IATA.
Il considère, en troisième lieu, quaucun élément
nest apporté par les requérants de nature à mettre en cause la décision
attaquée.
Dans leur mémoire du 30 octobre 2000, les groupements
dagents de voyages AFAT Voyages, Tourcom et Sélectour sollicitent la Cour de
débouter les défendeurs de leurs demandes et dannuler la décision rendue par le
Conseil de la concurrence le 14 juin 2000.
Ils prétendent, en premier lieu, que la déclaration de recours
expose, outre son objet, les textes applicables et les moyens invoqués à lappui de
lannulation sollicitée, qui visent lensemble des considérants de la
décision critiquée et sont étayés par des éléments de fait et de droit, les
relations juridiques unissant les parties et les pratiques anticoncurrentielles étant
décrites avec précision, replacées dans leur contexte historique et appuyées par des
pièces probantes.
Ils arguent, en second lieu, que la société IATA a été
régulièrement mise en cause doffice, conformément aux dispositions combinées de
lalinéa 2 de larticle 7 du décret du 19 octobre 1987 et du
nouveau code de procédure civile, la déclaration dappel ne pouvant sanalyser
en une cause nouvelle et la société IATA nétant pas fondée à se prévaloir du
non-respect des droits de la défense.
Dans son mémoire du 29 septembre 2000, la société
Lufthansa, mise en cause doffice, conteste les pratiques anticoncurrentielles qui
lui sont reprochées et demande à la Cour de confirmer en toutes ses dispositions la
décision du Conseil de la concurrence, de rejeter lensemble des prétentions et
demandes formées par AFAT Voyages, Tourcom et Sélectour, de condamner solidairement les
requérants à lui verser la somme de 15 000 F au titre de
larticle 700 du nouveau code de procédure civile et de condamner ceux-ci aux
entiers dépens.
Dans ses conclusions des 29 septembre et 31 octobre
2000, la société IATA, mise en cause doffice, demande à la Cour, vu les articles
331, 332 et 555 du nouveau code de procédure civile et larticle 7 du décret
du 19 octobre 1987, de dire que « nayant été ni partie à la procédure
devant le Conseil de la concurrence, ni visée dans la plainte quil a dite
recevable, ni appelée régulièrement à la cause dappel par une partie, [elle]
doit être mise hors de cause » et, vu les articles 555 et 564 du même code, de
déclarer irrecevable les prétentions nouvelles visant IATA.
Selon les mémoires, lordonnance du 5 septembre 2000
serait irrégulière. La déclaration de recours sanalyserait en une cause nouvelle.
Les conditions de la mise en cause doffice de la société IATA porteraient atteinte
aux droits de la défense et au principe dégalité des armes. Le renvoi de
laffaire devant le Conseil de la concurrence contraindrait cette autorité à
surseoir à statuer dans lattente des décisions communautaires en cours.
Le ministre de léconomie et le ministre public ont été
entendus en leurs observations tendant respectivement à lirrecevabilité du recours
pour le premier et à la confirmation de la décision du Conseil pour le second.
Les parties ont été mises en mesure, à laudience, de
répondre aux observations du ministre et du ministère public.
Sur ce, la
Cour :
Considérant que, selon larticle 7 du décret du
19 octobre 1987, la déclaration de recours doit comporter, à peine
dirrecevabilité prononcée doffice, lexposé des moyens invoqués à
lappui du recours, ceux-ci pouvant être déposés au greffe dans les deux mois qui
suivent la notification du Conseil de la concurrence ;
Considérant que les dispositions de ce texte sont inspirées par
la volonté de mettre en uvre une procédure écrite, adaptée aux impératifs de
rapidité du marché, et permettant à tous les acteurs de la procédure de prendre
position, dans les meilleurs délais, sur un recours argumenté et étayé ;
Considérant, ainsi que le fait remarquer le ministre chargé de
léconomie, que la déclaration de recours, qui na pas été complétée dans
le délai de deux mois prévu par larticle 7 précité, reprend mot pour mot
les termes de la saisine du 8 mars 2000 du Conseil de la concurrence ;
Que vainement les requérants soutiennent que la déclaration en
cause comporterait les moyens de fait et de droit nécessaires au soutien du
recours ; quen lespèce, la duplication de la saisine du Conseil
nest pas de nature à se substituer à lexposé des moyens prévu par le texte
susvisé ;
Considérant dès lors, quen se bornant à reproduire leur
saisine initiale, sans articuler de moyens en relation avec les motifs de la décision
attaquée, les requérants nont pas mis la Cour à même de discerner les points de
droit ou de fait contestés de la décision du Conseil et nont pas, en létat,
satisfait aux dispositions du texte susvisé ;
Quil convient, dans ces conditions et sans quil y ait
lieu de se prononcer sur les autres moyens, de déclarer le recours irrecevable ;
Considérant quaucune circonstance déquité ne
commande de faire bénéficier la société Lufthansa des dispositions de
larticle 700 du nouveau code de procédure civile,
Par
ces motifs :
Déclare irrecevable le recours formé par les groupements de
voyages AFAT Voyages, Tourcom et Sélectour ;
Dit ny avoir lieu à lapplication des dispositions de
larticle 700 du nouveau code de procédure civile ;
Condamne les requérants aux dépens.
Le greffier | Le président |
(1) Décision no 2000-D-30 en date du 14 juin 2000 (BOCCRF no 10 du 12 septembre 2000).
© Ministère de l'économie, des Finances et de l'Industrie - 20 février 2001