Sur la saisine
au fond :
1. Les pratiques dénoncées
Considérant que la société Pharma-Lab
a été autorisée, par arrêté ministériel du 2 octobre 1995, à ouvrir un
établissement pharmaceutique de distribution en gros à lexportation, avenue de
Versailles à Paris ; quaux termes de larticle 2 dudit arrêté
létablissement a pour activité lexportation de médicaments, à
lexception de produits stupéfiants, en dehors du territoire national ;
Considérant que, selon larticle L. 511 du code de
la santé publique, « on entend par médicament, toute substance ou composition
présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à légard
des maladies humaines ou animales, ainsi que tout produit pouvant être administré à
lhomme ou à lanimal en vue détablir un diagnostic médical ou de
restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions organiques » ; que, par
ailleurs, daprès larticle L. 511-1 du même code, « on
entend par :
5o Spécialité pharmaceutique, tout
médicament préparé à lavance, présenté sous un conditionnement particulier et
caractérisé par une dénomination spéciale.
... » ;
Considérant que ces produits pharmaceutiques sont achetés
aux laboratoires français par la société Pharma-Lab qui les revend exclusivement dans
les pays de lUnion européenne ;
Considérant que les chiffres daffaires réalisés en France
par les fournisseurs de produits pharmaceutiques mis en cause par la société Pharma-Lab
sélèvent, en milliards de francs, à :
Glaxo Wellcome : 3,3 ;
Lilly : 1,3 ;
Boehringer Ingelheim : 0,71 ;
Wyeth Lederlé : 1,2 ;
Leo France : 0,44 ;
Ferring : 0,22 ;
Abbott Medisense : 0,082 ;
Novartis Pharma SA : 2,8 ;
Pfizer : 1,4 ;
Considérant que les concurrents français de la société
Pharma-Lab sont, grossistes exportateurs et grossistes répartiteurs confondus, Alliance
Santé Serex, Cerp Bretagne Nord, Cerp Lorraine, Cerp Rouen, Intermed, OCP Gehe,
Pharmadex, Pharmajet, Sirdev ;
Considérant que les prix des médicaments sont variables selon
les pays, selon quils sont soit fixés librement par les laboratoires, soit imposés
ou contrôlés comme cest le cas en France ; que ces politiques de prix
génèrent un commerce croissant de produits pharmaceutiques des zones où les prix sont
contrôlés par lEtat vers les zones où les prix sont libres ou fixés à un niveau
plus élevé ;
Considérant que le laboratoire Glaxo Wellcome distribue,
notamment, les médicaments Serevent suspension pour inhalation 120 doses et Serevent
poudre pour inhalation 60 doses, destinés au traitement symptomatique continu de
lasthme et des autres broncho-pneumopathies obstructibles réversibles, le produit
Combivir comprimé pelliculé boîte de 60, qui est indiqué dans le cadre
dassociations antirétrovirales pour le traitement de linfection par le VIH
chez ladulte et ladolescent de plus de douze ans, le produit Naramig comprimé
pelliculé de 2,5 mg, utilisé pour le traitement de la phase céphalgique de la
crise de migraine avec ou sans aura, le produit Zelitrex enrobé 500 mg boîte de 42,
utilisé dans la prévention des douleurs associées au zona, des infections génitales
récidivantes à virus Herpès simplex, des infections et des maladies à
cytomégalovirus (CMV) après greffe dorganes et le produit Epivir confirmé
pelliculé 150 mg, indiqué dans le cadre dassociations antirétrovirales pour
le traitement de linfection par le VIH chez ladulte et chez
lenfant ;
Considérant que la société Pharma-Lab fait valoir que, depuis
le mois doctobre 1998, les médicaments Serevent, Zelitrex, Combivir, Epivir et
Naramig lui sont livrés avec retard, les délais étant de plus de 285 jours pour
certains produits ; quen outre le laboratoire Glaxo Wellcome ne lui donne
aucune explication sur les retards de livraison et les quantités qui pourront lui être
livrées ;
Considérant que le laboratoire Lilly distribue notamment Prozac
gélule 20 mg, utilisé pour le traitement des épisodes dépressifs majeurs et les
troubles obsessionnels compulsifs, et le médicament Zyprexa comprimé enrobé
5 mg/7,5 mg/10 mg, qui est indiqué dans le traitement de la
schizophrénie ;
Considérant que la société Pharma-Lab précise que, depuis le
mois de janvier 2000, elle rencontre des problèmes pour se faire livrer le Prozac et
le Zyprexa, les délais de livraison étant de 76 jours pour certains produits, alors
quelle fait parvenir régulièrement au laboratoire Lilly des plannings afin
quil puisse planifier ses commandes ; que, par ailleurs, le laboratoire Lilly
la informée, par courriers des 24 janvier et 29 février 2000, de la mise
en place dune nouvelle politique de gestion de ses approvisionnements à partir du 1er mars
2000, selon laquelle les quantités de médicaments commandés seront contingentées par
rapport à lhistorique de ses achats à fin octobre et aux prévisions du
laboratoire quant à lévolution de la demande du produit ; que, de plus, le
laboratoire Lilly nacceptera pas de commandes pendant la période de référence
concernée qui dépasseraient les quantités unilatéralement fixées par lui-même ;
Considérant que le laboratoire Boehringer Ingelheim distribue
notamment le médicament Atrovent suspension pour inhalation 200 doses, destiné au
traitement symptomatique de la crise dasthme, le médicament Combivent suspension
pour inhalation 200 bouffées, utilisé pour le traitement symptomatique continu du
bronchospasme réversible de la broncho-pneumopathie chronique obstructive lorsquun
seul broncho-dilatateur nest pas suffisant, et le médicament Caldine comprimé
pelliculé 2 mg, boîte de 28, utilisé pour le traitement de lhypertension
artérielle ;
Considérant que la société Pharma-Lab indique que, le mois
davril 1999, ses commandes en médicaments Combivent, Atrovent et Caldine lui sont
livrées partiellement et avec retard, les délais étant de 74 jours pour certains
produits ; que, dans une lettre du 23 décembre 1999, le laboratoire Boehringer
Ingelheim sest déclaré en rupture complète de stocks en Atrovent du 9 au
17 décembre 1999 et en Combivent depuis le 14 décembre ; quil a
ajouté que la situation devrait revenir à la normale au cours de la deuxième semaine de
janvier pour lAtrovent et à compter du 5 janvier pour le Combivent ; que,
toutefois, à ce jour, elle na toujours pas été livrée de la totalité des
quantités commandées en Atrovent, Combivent et Caldine ; que Pharma-Lab fait encore
valoir que, depuis le 22 septembre 1997, elle bénéficiait auprès de Boehringer
Ingelheim dun délai de règlement de 30 jours fin de mois et dun
escompte de 3,5 % ; que, par lettre du 12 juillet 1999, ce laboratoire
lui a signifié quà compter du 1er septembre prochain il ramènera
les conditions de règlement export à 30 jours fin de mois sans escompte, invoquant
une baisse du chiffre daffaires entre 1998 et 1999 ; que deux mois plus tard,
dans une lettre du 16 septembre 1999, Boehringer Ingelheim décidait de ramener, à
compter du 1er décembre 1999, le délai de règlement des commandes à
destination de la CEE de 60 jours à 30 jours, cela sans aucun motif ;
Considérant que le laboratoire Wyeth Lederlé distribue notamment
le médicament Soprol comprimé pelliculé 10 mg, boîte de 28, utilisé pour le
traitement de lhypertension artérielle et la prophylaxie des crises dangor
deffort ;
Considérant que la société Pharma-Lab se plaint quelle
est approvisionnée en Soprol avec retard depuis le mois de décembre 1999, les délais de
livraison allant jusquau 43 jours ; que le laboratoire Wyeth Lederlé
sest, tout dabord, prévalu de la nécessité de vérifier la traçabilité
des lots et a ensuite invoqué des problèmes dapprovisionnement ;
Considérant que le laboratoire Leo France distribue, notamment,
le produit Fucidine crème et pommade 2 %, tube 15 g, dont les indications
procèdent de lactivité antibactérienne et des caractéristiques
pharmacocinétiques de lacide fusidique ;
Considérant que la société Pharma-Lab indique quà
compter du mois doctobre 1999 le délai de livraison de ce médicament a été pour
certaines commandes de 63 jours, délai très supérieur à ceux pratiqués dans la
profession ; quelle a dû sapprovisionner auprès de grossistes
répartiteurs qui lui ont dailleurs livré la totalité des produits
commandés ; quelle ajoute que jusquen octobre 1999 Leo France la livrait
en produits pharmaceutiques à destination de lexportation contre un règlement à
90 jours fin de mois ; que, le 13 octobre 1999, il lui a confirmé que « les
conditions de règlement appliquées à tout grossiste exportateur en France, quelle que
soit la destination de réexportation, sont les suivantes : paiement intégral à la
commande, escompte maximum de 0,8 % » ; que, par lettre du
22 novembre 1999, elle a demandé à Leo France de lui confirmer que les conditions
de paiement quil lui octroyait étaient identiques à celles faites aux grossistes
répartiteurs ; que ce dernier lui a répondu, par lettre du 3 décembre 1999,
que les conditions de vente aux grossistes exportateurs sont : « paiement
comptant + 0,8 % descompte. (...) Nous préférons cette formule pour les
grossistes exportateurs en raison du risque financier bien connu qui sattache à
certains dentre eux » ;
Considérant que le laboratoire Ferring distribue, notamment,
le médicament Minirin comprimé 0,1/0,2 mg, boîte de 90, utilisé pour le
traitement du diabète insipide dorigine centrale pitressosensible ;
Considérant que la société Pharma-Lab expose que, depuis le
mois de mars 1999, ce produit lui est livré avec retard ; que, le 23 avril
1999, le laboratoire Ferring sest déclaré incapable de satisfaire une commande du
24 mars 1999, au motif que celle-ci dépassait les stocks dont il disposait ;
que, toutefois, par lettre du 14 juin 1999, le laboratoire Ferring lui a fait savoir
quil serait en mesure de satisfaire sa commande vers la fin du mois de novembre ou
courant décembre 1999 au plus tard ; que les quantités quelle a commandées
représentent une faible part du marché, à savoir moins de 0,25 % des ventes « sortie
pharmacie » annuelles ; quelle a dû sadresser à des
grossistes répartiteurs qui lont livrée dans des délais conformes à ceux de la
profession ; que, toutefois, depuis le 5 juin 2000, ses commandes sont livrées
dans des délais conformes à ceux de la profession ; que, par ailleurs, par deux
télécopies des 28 et 29 septembre 1999, le laboratoire Ferring a indiqué
quil entendait appliquer à la société Pharma-Lab un prix HT supérieur de
2 % au prix normalement appliqué à légard des autres grossistes, du fait de
la destination CEE de ses commandes ; que, par télécopie du 12 octobre 1999,
le laboratoire Ferring explique cette diversité de prix par la différence entre les
conditions CIF (Cost Insurance and Freight) et les conditions FOB (Free on Board) ;
quainsi il revient sur sa position en lui accordant un prix quasiment identique à
celui appliqué aux grossistes français, mais aux conditions FOB et non CIF, alors que
les autres grossistes français bénéficient du même prix de vente, mais aux conditions
CIF ;
Considérant que le laboratoire Medisense France distribue,
notamment, les produits Medisense précision plus électrodes, boîte de 100, qui sont des
tests réactifs ;
Considérant que la société Pharma-Lab fait valoir que, depuis
le mois de décembre 1999, la société Mendisense France fait état de difficultés
dapprovisionnement au plan mondial du produit précité ; que la société
Pharma-Lab a commandé auprès de grossistes répartiteurs des quantités importantes du
produit Medisense précision plus 100 EL et en a obtenu la livraison dans des délais
conformes à ceux de la profession ; que la direction départementale de la
concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes du Bas-Rhin, saisie de
ces pratiques, a procédé à une enquête et a constaté que Medisense France connaissait
des difficultés dapprovisionnement qui devaient être résorbées début
mai 2000 ; que, cependant, malgré la conformité des commandes à
léchéancier prévisionnel (15 000 unités/mois), des retards de
livraison perdurent ;
Considérant que le laboratoire Novartis Pharma SA distribue,
notamment, le médicament Lamisil comprimé sécable 250 mg boîte de 28, qui est
utilisé dans le traitement des onychomycoses, mycoses et candidoses cutanées, et le
médicament Gestoral comprimé sécable 10 mg boîte de 14, utilisé dans le
traitement des troubles liés à une insuffisance lutérale, en particulier ménopause en
complément dune traitement strogénique ;
Considérant que la société Pharma-Lab indique que, depuis le
mois de novembre 1999, le produit Lamisil lui était livré avec retard, les délais
de livraison étant pour certaines commandes de 91 jours ; que Novartis Pharma
justifiait ces délais de livraison par des contraintes de production et des tensions sur
lapprovisionnement et exigeait que les commandes lui soient adressées
quatre mois à lavance, exigence non imposée aux grossistes
répartiteurs ; que ces délais trop longs ont entraîné des annulations de
commandes ; que finalement, au mois davril 2000, Novartis Pharma a
débloqué le solde des commandes de Lamisil ; que, par ailleurs, le
5 mai 2000, elle a adressé une commande de 7 040 boîtes de Gestoral
à Novartis Pharma ; que le laboratoire ne lui a livré que 100 boîtes, se
contentant de lui faire savoir quil ne maîtrisait pas la production de ce
produit ; que, face à ces difficultés, elle a commandé 200 boîtes de
Gestoral à un grossiste répartiteur (CERP Rouen), qui les lui a livrées dans les
délais demandés ;
Considérant que le laboratoire Pfizer distribue, notamment, le
médicament Amlor gélule 5 mg boîte de 30, utilisé pour le traitement préventif
des crises dangine de poitrine et dhypertension artérielle, et le médicament
Zithromax gel 250 mg boîte de 6, dont les indications sont limitées aux infections
dues aux germes définis comme sensibles (angines, surinfections des bronchites
aiguës) ;
Considérant que la société Pharma-Lab fait valoir que, le
15 avril 1999, elle a passé une commande de 480 boîtes dAmlor
5 mg Gelu 30 à Pfizer qui, par courrier du 4 mai 1999, lui a
répondu, sans autre précision, quil ne pouvait donner suite à cette
demande ; que, nayant pas accès à ce produit spécifique, elle na pas
pu se positionner sur le marché, ses clients sétant adressés à dautres
grossistes ; que, par ailleurs, le 26 avril 2000, elle a passé à ce même
laboratoire une commande à Pfizer de Zythromax ; que, par télécopie en date du
27 avril 2000, il lui a été demandé den préciser la destination ;
que, finalement, suite à ses démarches, notamment auprès de la direction générale de
la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, elle a reçu
livraison du Zythromax commandé dans des délais conformes aux usages de la
profession ;
Considérant que la société Pharma-Lab prétend que les
laboratoires susvisés se sont entendus pour entraver le libre jeu de la concurrence sur
le marché européen des produits pharmaceutiques ; que le parallélisme de leurs
comportements ne peut sexpliquer ni par les conditions de fonctionnement du marché,
ni par la poursuite de lintérêt individuel de chacun dentre eux ;
quelle demande au Conseil de la concurrence de constater lexistence de
pratiques anticoncurrentielles contraires à larticle 7 de lordonnance du
1er décembre 1986, devenu larticle L. 420-1 du code
de commerce, et à larticle 81 du traité de Rome ;
2. La défense au fond des laboratoires
Considérant que les laboratoires Lilly,
Medisense France, Novartis Pharma et Boehringer Ingelheim prétendent que sont en cause,
en lespèce, des comportements individuels qui relèvent dun contentieux
commercial ; que, par ailleurs, les laboratoires Lilly, Glaxo Wellcome, Boehringer et
Pfizer soutiennent quil y a absence de parallélisme de comportement de leur part,
les agissements dénoncés ne concernant pas les mêmes produits et relevant a priori
de marchés distincts ;
Considérant que le laboratoire Lilly fait observer que, malgré
une période de tension entre novembre et mi-décembre 1999 sur le Zyprexa,
spécialité qui venait dêtre lancée en juin 1999, toutes les commandes
avaient été honorées ; quà la suite de la mise en place dun nouveau
système de gestion des approvisionnements la situation est satisfaisante, une seule
commande de Pharma-Lab nayant pas été livrée ;
Considérant que le laboratoire Wyeth Lederlé fait remarquer que,
désormais, les retards ponctuels de livraison sont inexistants ; quil ajoute
que la demande faite à la société Pharma-Lab de justifier du respect des procédures
relatives à la traçabilité des produits était légitime ; quayant reçu des
bons de commande de produits Soprol destinés aux DOM-TOM, alors quun distributeur
en gros à lexportation nest pas habilité à revendre les produits
pharmaceutiques sur le territoire national, il se devait de vérifier que la société
Pharma-Labo respectait la réglementation ;
Considérant que le laboratoire Ferring soutient que la majoration
quil a proposée sur le prix fabricant HT sexplique par la prise en charge des
frais de transport et de dévignettage des produits ; quau surplus ses rapports
contractuels avec Pharma-Lab se sont normalisés dès la fin du mois
doctobre 1999 et que cest à compter du 20 juin 2000 que
Pharma-Lab a repris ses commandes auprès de ses services, commandes toutes
honorées ;
Considérant que le laboratoire Leo France invoque labsence
de paiement de ses commandes par Pharma-Lab pour justifier leur absence de
livraison ;
Considérant que le laboratoire Glaxo Wellcome fait valoir que ses
relations difficiles avec Pharma-Lab tiennent à de nombreux facteurs, à savoir les
contraintes de santé publique qui lont conduit à livrer tous les grossistes
répartiteurs, la politique commerciale opportuniste de Pharma-Lab liée à la demande de
ses clients européens et les exigences particulières de Pharma-Lab qui demande des
produits issus dun même lot assortis dun bulletin danalyse
unique ;
Considérant que le laboratoire Medisense France fait observer que
les retards de livraison qui étaient justitiés par des difficultés
dapprovisionnement sont résorbés ; quau 24 août 2000 aucune
commande de Pharma-Lab nétait en souffrance ;
Considérant que le laboratoire Boehringer Ingelheim soutient que
Pharma-Lab a bénéficié dun traitement au moins aussi favorable que celui
réservé aux autres grossistes exportateurs, tels quAtrovent ou Combivent ;
quil fait valoir que des situations de rupture de stocks sont à lorigine des
livraisons partielles ; que OCP Répartition SAS, grossiste répartiteur, a été
confronté aux mêmes problèmes de stocks disponibles ; que, sagissant de ses
conditions de paiement, les nouveaux délais sappliquent à tous les clients, à
lexception de OCP Gehe, en raison de ses volumes dachats ; que cest
la diminution des achats destinés aux ventes hors CE de Pharma-Lab qui explique le
retrait de lescompte de 5 % ; quen ce qui concerne le produit
Caldine aucun problème significatif de livraison nexiste ;
Considérant, enfin, que le laboratoire Novartis Pharma fait
valoir quil se trouve confronté à deux marchés spécifiques, lun constitué
par la demande des grossistes répartiteurs et lautre constitué par la demande des
exportateurs ; que des contraintes spécifiques simposent aux grossistes
répartiteurs, cest-à-dire la continuité de lapprovisionnement en
médicaments tandis que la demande des exportateurs est imprévisible ; que,
toutefois, il ny a plus actuellement de problème dapprovisionnement en
Lamisil ; que les problèmes de fourniture du Gestoral perturbent les livraisons de
tous les opérateurs ;
3. La recevabilité de la saisine
Considérant que les laboratoires Glaxo
Wellcome et Novartis Pharma soulèvent lincompétence territoriale du Conseil de la
concurrence pour connaître des pratiques dénoncées, dans la mesure où ces dernières
naffectent pas la concurrence sur le territoire national ;
Mais considérant que les dispositions du droit communautaire sont
dapplication directe par les Etats membres ; que la Cour de justice des
Communautés européennes a précisé dans son arrêt Simmenthal du 9 mars 1978 que « le
juge national chargé dappliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions
du droit communautaire, a lobligation dassurer le plein effet de ces normes en
laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire à la
législation nationale... » ; que le Conseil de la concurrence, qui a reçu
compétence en vertu de larticle L. 470-6 du code de commerce pour
appliquer les articles 81 et 82 du traité de Rome doit donc assurer le plein effet
de ces dispositions ; que celles-ci sont applicables si les pratiques
anticoncurrentielles en cause sont susceptibles daffecter le commerce entre Etats
membres ; quil en résulte que le Conseil de la concurrence est compétent pour
appliquer ces normes à des pratiques susceptibles daffecter le commerce entre Etats
membres et qui ont pour objet ou pour effet dempêcher, de restreindre ou de fausser
le jeu de la concurrence à lintérieur du marché commun, même si ces pratiques
nont pas deffet sur le territoire français ; quainsi, le Conseil a
estimé dans sa décision no 97-D-68 relative à des pratiques relevées
dans le secteur des films radiographiques et des films destinés aux arts graphiques
industriels que les pratiques dénoncées si elles navaient pas eu deffet ou
dobjet anticoncurrentiels sur le territoire national étaient contraires aux
dispositions de larticle 85-1 du traité de Rome et susceptibles, comme telles,
dêtre sanctionnées par lui ;
Sur
lapplication des articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce :
Considérant que les pratiques alléguées concernent la
livraison de produits pharmaceutiques destinés à lexportation ; que, dès
lors, ces pratiques, même si elles savéraient établies, ne sont pas susceptibles
daffecter le marché français et ne sont pas visées par les dispositions des
articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce ;
Sur
lapplication des articles 81 et 82 du traité de Rome :
Considérant que les produits pharmaceutiques achetés par la
société Pharma-Lab sont destinés à être exportés dans dautres Etats de
lUnion européenne ; que des pratiques anticoncurrentielles qui viendraient
perturber cette activité affecteraient le commerce entre Etats membres et seraient donc,
si elles sont établies, susceptibles de tomber sous le coup des prohibitions énoncées
par les articles 81 et 82 du traité de Rome ;
Considérant que la société Pharma-Lab allègue quelle a
éprouvé des difficultés pour se faire livrer et que les conditions commerciales qui lui
étaient appliquées ont subi des modifications quelle estime défavorables de la
part de neuf laboratoires entre la fin de 1998 et le début de
lannée 2000 ; quen létat, il ne peut être exclu que les
difficultés auxquelles cette société a été confrontée résultent dune entente
tacite ou expresse entre les laboratoires susmentionnés pour sopposer à
lexportation de produits pharmaceutiques afin de réduire la concurrence par les
prix dans le marché commun ; que, par ailleurs, il ne peut être exclu, ni que
certains des laboratoires en cause détiennent une position dominante sur le marché
dun médicament pour lequel il nexiste pas de substitut, ni que la société
Pharma-Lab soit victime de discriminations de la part de ces laboratoires, ayant pour
objet ou pour effet de limiter la concurrence sur le marché commun et dentraver le
commerce entre Etats membres ; quil résulte de ce qui précède que la saisine
nest pas irrecevable ;
Sur la demande
de mesures conservatoires :
Considérant quaccessoirement à sa saisine, la
société Pharma-Lab demande au Conseil de la concurrence de prononcer, par application de
larticle L. 464-1 du code de commerce, les mesures conservatoires
suivantes :
quil soit enjoint aux laboratoires de revenir, pour
lexécution des commandes en cours, à létat antérieur aux pratiques
anticoncurrentielles, à savoir de lui livrer la totalité des produits pharmaceutiques
quelle leur commande dans des délais conformes aux usages de la profession ;
quil soit enjoint aux laboratoires de lui livrer les
quantités de produits commandés et qui nont pas été livrés ;
quil soit enjoint aux laboratoires de cesser toutes mesures
de contingentement des commandes de produits pharmaceutiques quelle a
passées ;
Considérant quaux termes de
larticle L. 464-1 du code de commerce : « Le Conseil de la
concurrence peut, après avoir entendu les parties en cause et le commissaire du
Gouvernement, prendre les mesures conservatoires qui lui sont demandées par le ministre
chargé de léconomie, par les personnes mentionnées au deuxième alinéa de
larticle L. 462-1 ou par les entreprises. Ces mesures ne peuvent
intervenir que si la pratique dénoncée porte une atteinte grave et immédiate à
léconomie générale, à celle du secteur intéressé, à lintérêt des
consommateurs ou à lentreprise plaignante. Elles peuvent comporter la suspension de
la pratique concernée ainsi quune injonction aux parties de revenir à létat
antérieur. Elles doivent rester strictement limitées à ce qui est nécessaire pour
faire face à lurgence... » ;
Considérant que la société Pharma-Lab prétend que les
pratiques mises en uvre par les laboratoires pharmaceutiques lui causent un
préjudice financier et commercial ; quelle fait également valoir que ces
pratiques la contraignent, pour répondre partiellement aux commandes les plus pressantes
de ses clients européens, à sapprovisionner auprès des grossistes répartiteurs
dont les tarifs sont plus élevés que ceux des laboratoires ; quenfin, les
pratiques quelle dénonce entraînent des annulations de commandes de la part de ses
clients étrangers qui sadressent à dautres fournisseurs ;
Considérant, en premier lieu, que la société Pharma-Lab ne
fournit aucun élément en ce qui concerne latteinte qui serait portée à
léconomie générale, à léconomie du secteur et à lintérêt des
consommateurs ;
Considérant, en second lieu, que la partie saisissante invoque
une perte de chiffre daffaires sur lannée 1999 sélevant à
272 258 975 F, ou seulement 269 270 497 F si la part de
chiffres daffaires non livrée par le laboratoire UPSA, contre lequel la saisine a
été retirée, est soustraite ; quelle affirme quil est également
possible quelle perde des marchés potentiels ; quen outre, elle serait
conduite à sapprovisionner ponctuellement, à des conditions plus onéreuses
auprès des grossistes répartiteurs ; quenfin, certains de ses clients
auraient annulé leurs commandes ;
Mais considérant quun manque à gagner, à le supposer
démontré, est insuffisant à lui seul pour caractériser latteinte grave et
immédiate justifiant le prononcé de mesures durgence ; quau surplus,
les bilans et comptes de résultats produits par la société Pharma-Lab établissent que,
pour les exercices 1996/1997, 1997/1998, 1998/1999, son chiffre daffaires total est
en augmentation ; que ces exercices sont bénéficiaires, le bénéfice étant
lui-même en augmentation ; quen ce qui concerne la période postérieure au
30 septembre 1999, date de clôture du dernier exercice clos, elle fournit seulement
des projections de pertes de chiffre daffaires annuel pour cause de non-livraison et
fait état des suppléments de prix quelle doit acquitter par produit
lorsquelle sapprovisionne auprès des grossistes répartiteurs et des
commandes perdues ; que ces éléments qui ne fournissent, en eux-mêmes, aucune
indication sur la situation de lentreprise, ne sont pas suffisants pour établir que
les pratiques quelle dénonce lui causent une atteinte grave et immédiate
nécessitant ladoption de mesures durgence ;
Considérant, par suite, que la demande de mesures conservatoires
enregistrées sous le numéro M 273 doit être rejetée,
Décide :
Art. 1er. - Il est
donné acte à la société Pharma-lab du retrait de la saisine à lencontre du
laboratoire UPSA.
Art. 2. - La demande de mesures
conservatoires enregistrée sous le numéro M 273 est rejetée.
Délibéré, sur le rapport oral de Mme de Mallmann, par
M. Jenny, vice-président, présidant la séance, Mme Flüry-Herard,
MM. Nasse et Robin, membres.
La secrétaire de séance, Patricia Perrin |
Le vice-président, présidant la séance,
Frédéric Jenny |
© Ministère de l'économie, des Finances et de l'Industrie-
30 janvier 2001