Décision no 2000-D-61 du Conseil de la concurrence en
date du 13 décembre 2000 relative à une saisine présentée par la
SARL Bijouterie 6 Paradis, enseigne Joaillerie Bornand
NOR : ECOC0000452S
Le Conseil de la concurrence (commission
permanente),
Vu la lettre enregistrée le 12 avril 1995 sous le
numéro F 755 par laquelle la SARL Bijouterie 6 Paradis agissant
sous lenseigne « Joaillerie Bornand » a saisi le Conseil de la
concurrence de pratiques émanant de la SA Française des montres Rolex quelle
estime anticoncurrentielles ;
Vu le livre IV du code de commerce et le décret no 86-1309
du 29 décembre 1986 modifié pris pour lapplication de lordonnance
no 86-1243 du 1er décembre 1986 ;
Vu les observations présentées par le commissaire du
Gouvernement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Le rapporteur, le rapporteur général suppléant et le
commissaire du Gouvernement entendus au cours de la séance du
18 octobre 2000 ;
Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et les
motifs (II) ci-après exposés :
I. - CONSTATATIONS
Les faits
La SARL Bijouterie 6 Paradis, à
lenseigne « Joaillerie Bornand », implantée à Marseille, fait valoir
quelle distribue des montres de marques prestigieuses telles que Tiffany, Omega, Tag
Heuer, Patek et quelle a demandé, par lettres des 11 octobre 1993 et
24 janvier 1994, à la SA Française des montres Rolex, devenue Rolex
France, deffectuer la distribution de ses produits. Par ailleurs, le
7 février 1994, elle a adressé un nouveau courrier à la SA Française
des montres Rolex dans lequel elle faisait référence à ses précédentes lettres,
restées sans réponse, passait une commande ferme de 55 pièces et indiquait
quelle pourrait assurer en permanence le service après-vente de Rolex. Le
8 février 1994, la SA Française des montres Rolex lui a répondu que les
projets de développement de son réseau de distributeurs agréés Rolex « ne
prévoient pas, dans limmédiat, louverture de nouveaux points de vente dans
son secteur géographique dactivité », la marque y étant déjà
représentée. Enfin, le 7 avril 1994, la partie saisissante a fait sommation
par ministère dhuissier à la SA Française des montres Rolex de lui livrer
les 55 pièces susvisées, cette commande nayant pas été honorée.
La SARL Bijouterie 6 Paradis soutient que la
SA Française des montres Rolex soppose à ce quelle distribue et vende
ses produits sans justifier objectivement les raisons de son refus et napporte pas
la preuve dun choix de ses revendeurs selon des critères objectifs et les règles
du contrat type intitulé « Accords de distribution pour le commerce de détail
spécialisé dans le marché commun ». En conséquence, la partie saisissante
demande au Conseil de la concurrence, dune part, de constater la violation par la
SA Française des montres Rolex de larticle L. 420-2 du code de
commerce, dautre part, denjoindre à cette société de lui livrer une
commande de 71 pièces dont elle donne les références, sous astreinte journalière
de 50 000 F à compter de la décision à intervenir.
Les demandes dagrément formulées auprès de la SA Française des
montres Rolex, devenue Rolex France, pour distribuer à Marseille les montres Rolex
M. Masset, directeur général de la SA Rolex
France, entendu le 14 mars 2000 par le rapporteur, a indiqué que « les
montres Rolex sont commercialisées en France exclusivement par lintermédiaire
dun réseau de distribution sélective. Tous les distributeurs agréés Rolex sont
donc signataires du contrat dénommé Accord de distribution Rolex ». Il a
communiqué la liste des professionnels ayant demandé un accord pour distribuer les
montres Rolex, qui est la suivante :
13001 Marseille
21-04-1984. Armand Rolland Joaillier.
24-09-1988. Bijouterie Express.
21-01-1989. Armand Rolland Joaillier.
22-06-1989. Pellegrin et Fils.
28-06-1990. Pellegrin et Fils.
05-11-1991. Pellegrin et Fils.
11-11-1993. Bijouterie Bornand.
16-12-1993. Bijouterie Bornand.
24-01-1994. Bijouterie G. Bornand.
26-09-1995. Bijouterie Armand Rolland.
13-11-1995. Bijouterie Piery.
24-04-1997. Bijouterie Armand Rolland.
13002 Marseille
22-03-1991. Joaillerie Grégoire.
13-02-1992. Claudia N. Joaillier.
25-02-1992. Claudia N. Joaillier.
13006 Marseille
23-10-1985. Quatuor.
08-04-1991. Le Jasmin, SARL LHermine.
21-10-1993. Horlogerie du Jura.
13011. Marseille.
15-03-1995. Maruani.
13008 Marseille
04-01-1982. Nucci Joaillier.
14-12-1990. Pellegrin et Fils.
17-03-1992. Pellegrin et Fils.
01-07-1992. Pellegrin et Fils.
Les distributeurs officiels Rolex à Marseille
Leur liste, communiquée par le directeur
général de la société Rolex, était la suivante à la date du 19 avril
2000 :
DISTRIBUTEURS |
ADRESSES |
DATES DES ACCORDS
distribution |
Diamant blanc (Le) |
50, rue Saint-Ferréol, 13001 Marseille. |
1er octobre 1978 |
Frojo |
63, rue Saint-Ferréol, 13001 Marseille. |
30 août 1999 |
Frojo |
66, boulevard Rodocanachi, 13008 Marseille. |
30 août 1999 |
Jasmin (Le) |
80, rue Saint-Ferréol, 13006 Marseille. |
23 septembre 1997 |
Pellegrin & Fils |
|
19, rue Francis-Davso, 13001 Marseille. |
3 juin 1999 |
La SA Rolex France a précisé, dune part,
sagissant de la bijouterie Frojo, quun contrat initial a été signé avec
cette dernière en octobre 1978 et quun nouveau contrat, signé le 30 août
1999, a été conclu à la suite de changements intervenus dans les implantations,
dautre part, en ce qui concerne la bijouterie Le Jasmin et la bijouterie
Pellegrin & Fils, quelles ont été agréées et ont signé les
accords de distribution après lintervention de décisions judiciaires.
M. Sitbon, entendu en qualité de gérant de la société
Bijouterie 6 Paradis, a confirmé cette liste en déclarant, le 1er avril
1996, que « Trois points de vente seulement sont agréés à Marseille : Le
Diamant blanc et deux établissements à lenseigne Frojo... », puis,
entendu à nouveau le 1er février 2000 en qualité cette fois de
directeur de la bijouterie Bornand, « la société Rolex a depuis 1994-1995
livré la bijouterie Le Jasmin rue Saint-Ferréol et la bijouterie Pellegrin à
Marseille ».
II. - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRÉCÈDENT, LE CONSEIL,
Sur le refus dagrément opposé à la SARL Bijouterie 6
Paradis par la SA Française des montres Rolex devenue Rolex France
Considérant que la SARL Bijouterie 6 Paradis a
contacté la SA Française des montres Rolex, devenue Rolex France, le 11 octobre
1993, le 16 décembre 1993 et le 24 janvier 1994 ; que la partie
saisissante fait valoir que cette dernière ne lui a jamais communiqué son contrat de
distribution et na pas visité son point de vente ; quelle prétend
remplir toutes les conditions requises pour distribuer les montres Rolex et se déclare
prête, si cela était nécessaire, à se mettre en conformité avec les critères
dagrément de cette société ; quelle précise quelle est
désormais concessionnaire exclusif à Marseille dautres marques de montres de
luxe ;
Considérant, en premier lieu, que les bijouteries de Marseille
qui ont été agréées comme distributeurs par la société Rolex depuis le
11 octobre 1993, date de la première demande de la société saisissante, avaient
toutes présenté leur candidature antérieurement à celle-ci ; quen effet la
bijouterie Pellegrin & Fils, agréée par Rolex le 3 juin 1999, avait adressé
des demandes à cette fin les 22 juin 1989, 28 juin 1990 et 5 novembre
1991, pour son établissement du 1er arrondissement, et les
14 décembre 1990, 17 mars et 1er juillet 1992, pour celui du 8e arrondissement ;
que la bijouterie Le Jasmin, agréée le 23 septembre 1997, avait, pour sa part,
présenté sa candidature le 8 avril 1991 ; quen ce qui concerne la
bijouterie Frojo les accords de distribution signés avec Rolex le 30 août 1999, à
la suite de modifications intervenues dans ses implantations, succèdent à un précédent
contrat signé en octobre 1978 ;
Considérant, en second lieu, que le 8 février 1994, la
SA Française des montres Rolex a répondu à la société Bijouterie 6
Paradis : « ... Nos projets de développement de notre réseau de
distributeurs agréés Rolex ne prévoient pas dans limmédiat louverture de
nouveaux points de vente dans votre secteur géographique dactivité dans lequel
nous sommes déjà représentés... » ; que le dossier ne comporte aucun
élément permettant détablir que la société saisissante aurait été victime
dune discrimination dans la sélection des points de vente Rolex à Marseille, aucun
des établissements ayant présenté une candidature pour la distribution des montres
Rolex après le 11 octobre 1993 nayant été agréé au détriment de la
société saisissante ;
Considérant que, dans ces conditions, il nest pas établi
que le refus de vente opposé à la SARL Bijouterie 6 Paradis soit constitutif
dune pratique anticoncurrentielle tombant sous le coup des dispositions de
larticle L. 420-2 du code de commerce,
Décide :
Article unique. - Il ny a pas
lieu de poursuivre la procédure.
Délibéré, sur le rapport de Mme de Mallmann, par
Mme Hagelsteen, présidente, Mme Pasturel, vice-présidente, et M. Robin,
membre, en remplacement de M. Cortesse, vice-président, empêché.
La secrétaire de séance, Patricia Perrin |
La présidente, Marie-Dominique Hagelsteen |
© Ministère de l'économie, des Finances et de l'Industrie-
30 janvier 2001