Sommaire N° 13 du 05 décembre 2000

Arrêté du 3 mai 2000 relatif à l’acquisition par la société
Sara Lee de certains actifs du groupe Benckiser
NOR :  ECOC0000115A

    Le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et le secrétaire d’Etat à l’industrie,
    Vu l’ordonnance no 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée relative à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment son titre V, et le décret no 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié pris pour son application ;
    Vu le règlement (CEE) no 4064/89 du Conseil du 21 décembre 1989 relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, et notamment son article 1er ;
    Vu la notification déposée par Sara Lee et déclarée complète le 3 novembre 1999 ;
    Vu la lettre de saisine du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie enregistrée le 3 janvier 2000 sous le numéro A 290 ;
    Vu l’avis no 2000-A-07 du 28 mars 2000 du Conseil de la concurrence ;
    Vu les observations présentées par les sociétés Sara Lee et Benckiser en date du 2 mai 2000 ;
    Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 39 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 : « La concentration résulte de tout acte, quelle qu’en soit la forme, qui entraîne transfert de propriété ou de jouissance sur tout ou partie des biens, droits et obligations d’une entreprise ou qui a pour objet, ou pour effet de permettre à une entreprise ou un groupe d’entreprises d’exercer, directement ou indirectement, sur une ou plusieurs autres entreprises, une influence déterminante » ;
    Considérant que l’acquisition par la société Sara Lee H & BC d’actifs de la société Benckiser, constitués notamment de la marque Baranne et d’une partie des équipements industriels installés dans l’usine de Bonneval, entraîne transfert de propriété sur une partie des biens de la société Benckiser ; qu’ainsi, cette opération constitue un projet de concentration au sens des dispositions de l’article 39 précité ;
    Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 38 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 une opération de concentration ne peut être soumise à l’avis du Conseil de la concurrence que « lorsque les entreprises qui sont parties à l’acte ou qui en sont l’objet ou qui leur sont économiquement liées ont soit réalisé ensemble plus de 25 % des ventes, achats ou autres transactions sur un marché national de biens, produits ou services substituables, ou sur une partie substantielle d’un tel marché, soit totalisé un chiffre d’affaires hors taxes de plus de sept milliards, à condition que deux au moins des entreprises parties à la concentration aient réalisé un chiffre d’affaires d’au moins deux milliards de francs » ;
    Considérant que le chiffre d’affaires de la partie cédée par la société Benckiser est inférieur à 100 millions d’écus ; qu’en conséquence, l’opération de concentration soumise au Conseil n’est pas de dimension communautaire au sens du règlement (CEE) no 4064/89 du Conseil du 21 décembre 1989 modifié.
    Considérant que le chiffre d’affaires total réalisé en France par la société Sara Lee H & BC s’est élevé, en 1998, à 804 millions de francs et celui de Benckiser à 868 millions de francs ; qu’ainsi, la condition fixée à l’article 38 de l’ordonnance susvisée relative au montant du chiffre d’affaires des entreprises concernées n’est pas remplie ; qu’il importe donc de rechercher si le seuil en valeur relative fixée par ce même texte est atteint ;
    Considérant que les parties à la concentration soutiennent que « du point de vue des acteurs de la profession », les produits concernés par l’opération « relèvent d’un même marché, à savoir celui de l’entretien du pied et de la chaussure » ; qu’elles ajoutent que « cette approche repose principalement sur les caractéristiques de l’offre et de la demande. En effet, analysé du point de vue des fournisseurs et des intermédiaires, le marché pertinent du pied et de la chaussure est un marché global dans la mesure où ces acteurs offrent la totalité ou une large partie des différents produits de la gamme. S’agissant de la demande, le même constat peut être fait puisque les intermédiaires des différents canaux de la distribution offrent la totalité ou une large partie des produits de la gamme » ;
    Considérant que le marché est généralement défini comme le lieu sur lequel se rencontrent l’offre et la demande pour un produit ou un service spécifique, c’est-à-dire substituables pour le consommateur ou l’utilisateur ; que toutefois, ainsi que l’a observé le Conseil de la concurrence, notamment dans son rapport annuel pour 1990 : « rares sont les produits ou services qui sont, au sens strict, parfaitement substituables. Aussi est-il nécessaire de recourir à une conception plus opératoire de la substituabilité. Pour définir les contours d’un marché, le Conseil identifie les produits ou services dont on peut raisonnablement penser que les demandeurs les considèrent comme des moyens alternatifs de satisfaire une même demande et entre lesquels ils peuvent arbitrer » ;
    Considérant qu’ainsi que l’a noté le Conseil de la concurrence dans son rapport annuel pour 1992 « la question de la substituabilité de deux biens ou services est essentiellement une question de comportement des consommateurs ou des demandeurs. Si des biens émanant de plusieurs offreurs sont considérés comme substituables par une grande partie de la clientèle, alors une variation de prix de l’un d’entre eux entraînera un déplacement substantiel de la demande d’une entreprise à l’autre » ; qu’en conséquence, il convient d’examiner, à l’intérieur d’une catégorie de produits répondant à un même besoin, si ces produits possèdent un degré de substituabilité suffisant pour appartenir au même marché ;
    Considérant que l’objectif visé dans la délimitation d’un marché pertinent consiste à rechercher quel est l’ensemble de biens ou de services au sein duquel il est utile de veiller à ce que règne une concurrence suffisante, parce que la proportion de consommateurs susceptibles de se reporter vers d’autres biens ou services, en cas de hausse des prix, est trop faible pour dissuader les offreurs de pratiquer de telles hausses ;
    Considérant que, de ce point de vue, et sans qu’une démonstration approfondie apparaisse nécessaire, il est clair qu’une augmentation du prix des cirages ne conduira pas une proportion significative de consommateurs à reporter leurs achats vers les lacets, semelles ou autres produits accessoires ; que ces produits ne se situent donc pas sur le même marché ; qu’en revanche, même si les produits pour rénover le daim et les chaussures de sport ou les imperméabilisants concernent des types de chaussures spécifiques et ont des usages légèrement différents de ceux des cirages classiques, des reports de consommation entre ces catégories de produits en cas de hausse des prix ne sont pas à exclure ; qu’il n’est pas non plus exclu que le choix de certains types de chaussures entraîne le choix de types particuliers de produits d’entretien ou, à l’inverse, soit influencé, pour un nombre significatif de consommateurs, par les variations des prix relatifs des cirages et de ces autres produits ; qu’il est donc légitime de les considérer comme appartenant au même marché ;
    Considérant, en outre, que, si le cirage, principal produit d’entretien de la chaussure, se rencontre sous forme de pâte, de crème ou de liquide dans des conditionnements variés, tels que les boîtes, les tubes, les tubes avec applicateur, et dans des couleurs différentes, il est fabriqué à partir des mêmes ingrédients et est perçu par le consommateur comme assurant une fonction identique de nettoyage et de rénovation des chaussures ; que les produits pour rénover le daim ou les chaussures de sports, souvent vendus sous forme d’aérosols, s’ils ont des caractéristiques techniques différentes, ont, pour le consommateur, le même usage que les cirages pour des types particuliers de chaussures ; que ces produits, pour des conditionnements identiques, sont vendus à des prix voisins ; que la grande distribution les considère comme appartenant à un même marché et les regroupe dans un même linéaire, alors que les produits dits accessoires, comme les semelles ou les lacets, sont ventilés dans plusieurs rayons (entretien, droguerie, bazar ou chaussures suivant les cas) ;
    Considérant que les produits d’entretien de la chaussure et les produits accessoires sont distribués en France soit par les grandes et moyennes surfaces, soit par des magasins spécialisés dont les principaux sont les magasins de chaussures et les cordonneries, auxquels il convient de rattacher les magasins de sport, les surfaces de bricolage et les grands magasins ; que ces deux circuits représentent respectivement 60 % et 40 % des ventes en volume des produits d’entretien de la chaussure ;
    Considérant que le niveau des prix pratiqués dans le circuit spécialisé est de deux à trois fois supérieur à celui pratiqué dans les grandes surfaces ; qu’en particulier, les tubes de cirage liquide, dont le prix moyen en grande et moyenne surface est de 10 francs, sont vendus entre 20 et 34 francs par les chausseurs ; que les rénovateurs pour le daim, dont le prix moyen en grande et moyenne surface est de 16 francs, sont vendus dans le circuit des magasins de chaussures autour de 40 francs et aux environs de 48 francs dans le circuit cordonnerie ; que les mêmes marques de produits d’entretien de la chaussure ne sont pas présentes simultanément dans les deux circuits de distribution ; que les entreprises qui vendent leurs produits dans ces deux circuits disposent de marques différentes pour chaque circuit ; qu’en particulier, la société Sara Lee vend des produits de marque Kiwi dans les grandes et moyennes surfaces, ceux de marque Tana dans les magasins de chaussures, et ceux de marque Tuxan dans les cordonneries ; qu’en outre, les méthodes de vente sont généralement différentes dans ces deux circuits ; que, si la vente en livre service se développe dans le circuit spécialisé, l’achat des produits d’entretien et des produits accessoires reste dans ce circuit majoritairement un acte d’achat effectué en complément de l’achat principal de chaussures ou du service de réparation ; que le coût de cet achat ne représente qu’une faible part de l’achat principal ; que, par ailleurs, plusieurs fabricants ont reconnu l’existence de deux marchés distincts correspondant à ces deux circuits de distribution ; qu’en particulier, pour la société Pfirter (marque Famaco) « on peut distinguer en matière de produits d’entretien pour la chaussure deux marchés : le marché du spécialiste chausseur + cordonnerie où gravitent les marques suivantes, Tana - Famaco - Grison - Collonil - Woly - Gybem - Saphyr ; le marché de la grande distribution où l’on retrouve les marques Kiwi et Baranne, qui, à elles seules, représentent 85 % du marché » ; que la société Avel considère également qu’il « existe deux marchés distincts en termes de gestion des marques » ;
    Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les marchés concernés par l’opération sont le marché des produits d’entretien de la chaussure vendus dans les grandes et moyennes surfaces (GMS), le marché des produits d’entretien de la chaussure vendus dans les magasins spécialisés, le marché des produits accessoires vendus en GMS et, enfin, le marché des produits accessoires vendus dans les magasins spécialisés ; que, si les produits peuvent être vendus loin de leur lieu de production, il existe des différences radicales entre les marques vendues dans les différents pays européens ; qu’il suit de là que les marchés pertinents sont de dimension nationale ;

    Considérant que, sur le marché des produits d’entretien de la chaussure dans les grandes et moyennes surfaces (GMS), la société Sara Lee disposait en 1999 d’une part du marché national de 43,2 % et la société Benckiser de 41,9 % ; que la réalisation de l’opération projetée conférera 85,2 % de parts de marché au nouvel ensemble constitué principalement des marques Kiwi et Baranne ; qu’en conséquence, l’opération de concentration est contrôlable au regard de l’article 38 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 ;
    Considérant qu’avec 85,2 % de part de marché sur le marché national des produits d’entretien de la chaussure dans les GMS, le nouvel ensemble se situera au premier rang des fournisseurs de produits d’entretien de la chaussure, tant en France qu’en Europe, et disposera du plus important portefeuille de marques, dont les deux seules marques de très forte notoriété, Kiwi et Baranne ; que cette situation est caractéristique de la création d’un quasi-monopole sur le marché français des produits d’entretien de la chaussure dans les GMS ;
    Considérant que les autres entreprises présentes sur le marché représentent chacune une part de marché inférieure à 5 %, que deux de ces entreprises, 3 M et Idéal, ne sont actives que sur le seul segment des imperméabilisants ; que la seule société offrant une gamme complète de produits en grandes surfaces, la société Werner et Mertz ne réalise qu’une part de 3,8 %, soit un écart de 81,4 points avec le nouvel ensemble ; qu’en outre, les marques de distributeur ne représentent, selon l’étude Nielsen, que moins de 1 % du marché ; que la part de marché détenue par Emva, marque premier prix distribuée par la société Carrefour, est également inférieure à 1 % et représente moins de 5 % des ventes de ce distributeur dans le secteur des produits d’entretien de la chaussure ; qu’en conséquence, il existe un doute très sérieux sur la capacité de l’ensemble de ces sociétés à exercer, en l’état actuel, une pression concurrentielle sur le nouveau groupe issu de l’opération de concentration ;
    Considérant que cette situation est attestée par certains acheteurs de la grande distribution qui ont indiqué, dans leurs réponses au questionnaire qui leur a été adressé, qu’il n’existe pas actuellement de produits susceptibles de constituer une alternative à l’offre proposée par les groupes Sara Lee et Benckiser ; qu’en particulier, pour la société Intermarché il n’y a « pas de produits de substitution, il n’y a pas de solution alternative à ces deux marques (Kiwi et Baranne) qui soit satisfaisante en matière d’assortiment » ; que pour Système U également « en entretien de la chaussure, il n’y a pas de produits de substitution. Il n’y a aucune solution alternative à ces deux marques qui soit satisfaisante en matière d’assortiment » ; que la société Auchan considère qu’il y a « peu » de produits de substitution et que la marque Buffalo de Werner et Mertz ne constitue pas une solution alternative « car la marque Buffalo n’a pas de notoriété et la gamme est trop courte » ; que la société Opéra, qui regroupe les achats de Casino et Cora, cite comme produit de substitution la marque de cirage Buffalo mais précise « ce n’est pas une solution alternative pour nous » ; que la société Carrefour ne recense qu’une seule marque en dehors des marques concernées par la concentration « présente dans certaines enseignes la marque Erdal (marque appartenant à Werner et Mertz) dont la part est potentiellement de 5 % en France » ; qu’enfin, le groupe Leclerc fait valoir que : « sur le marché français, il y a sur le marché de l’entretien de la chaussure deux marques à forte notoriété nationale, 1 Baranne, 2 Kiwi » ;
    Considérant, cependant, que la pression concurrentielle à laquelle sera soumise la société Sara Lee après la réalisation de l’opération ne dépendra pas seulement de l’état actuel du marché mais aussi des possibilités de développement des opérateurs minoritaires ou de l’entrée sur le marché français de nouveaux acteurs ;
    Considérant que les parties notifiantes exposent que « l’entrée sur le marché ne se heurte à aucune barrière d’ordre technologique, financière ou réglementaire. Cette facilité d’accès au marché se retrouve au stade de la fabrication, de l’approvisionnement et de la commercialisation » ;
    Considérant, effectivement, qu’il n’existe pas de barrières réglementaires à l’entrée sauf, en ce qui concerne les aérosols, souvent fabriqués par des sous-traitants ; que les technologies utilisées ne sont pas spécifiques à la production de cirage et ne sont pas couvertes par des brevets ; que les matières premières sont facilement disponibles et que les dépenses de publicité engagées par les sociétés Sara Lee et Benckiser ces dernières années ont été faibles ou inexistantes, compte tenu de la notoriété solidement établie de ces deux marques ; que les parties notifiantes citent un exemple de pénétration récente du marché sur le segment des imperméabilisants, celui de la société 3 M, en précisant « cette société commercialise depuis la fin de 1996 trois références de produits imperméabilisants (dont deux pour le cuir et un pour les textiles) auprès de la grande distribution sous la marque Scotchgard. La fabrication de ces produits imperméabilisants est assurée par un sous-traitant, la société Trost. Or, en 1998 et sans investissements publicitaires notamment, ni innovation spécifique, la société 3 M est devenue le leader du secteur des produits imperméabilisants devant Kiwi et Baranne » ; que cependant cette entrée s’est réalisée sur un segment spécifique du marché, sans que 3 M ne cherche à étendre sa gamme aux produits traditionnels d’entretien de la chaussure ; que cette entrée a en outre été favorisée par la notoriété de la marque Scotch, reprise dans la dénomination « Scotchgard » et par la notoriété de la marque 3 M ;
    Considérant, en effet, que la notoriété des marques Kiwi et Baranne constitue une barrière à l’entrée puisque l’acquisition d’une forte notoriété suppose des dépenses de publicité importantes qui sont perdues en cas d’échec ;
    Considérant que les acheteurs de la grande distribution ne retiennent en règle générale qu’une seule marque, compte tenu notamment, de la contrainte d’espace que représentent des produits aux nombreuses références (40 à 50 dans le circuit), à faible rotation et faible valeur unitaire ; qu’ils font valoir que leurs principaux critères d’achat sont l’étendue de la gamme et la notoriété de la marque ; qu’ils ajoutent que seules les marques Baranne et Kiwi bénéficient à la fois d’une telle étendue de la gamme et d’une forte notoriété ; qu’en particulier, la société Leclerc souligne « que sur le marché français, il y a sur le marché de l’entretien de la chaussure deux marques à forte notoriété : 1o Baranne, 2o Kiwi » ; que les fournisseurs soutiennent le même point de vue ; qu’en particulier, la société Punch souligne « We believe that there is a strong recognition of both the Kiwi and the Baranne brands of shoe care in the french market place » ; que la société Ideal précise « les marchés sont difficiles à pénétrer puisque l’on a affaire à deux marques puissantes, Kiwi et Baranne » ; que pour la société LJW « il y a une grande fidélité aux marques » ;
    Considérant qu’aucune autre marque présente sur le marché ne dispose d’une telle notoriété ; que selon une étude Secodip, citée par la société 3 M, la marque Baranne connaîtrait un taux de pénétration de 45,5 % et la marque Kiwi un taux de 34,3 % contre un taux de 1,1 % pour la marque Scotchgard ; que la société Werner et Mertz reconnaît que « face à nos compétiteurs, la marque Buffalo ne bénéficie pas d’un niveau de notoriété et d’une image comparable, facteur clé de succès sur un marché banalisé » ; que la seule marque qui disposait également d’une certaine notoriété, la marque Lion Noir, a cessé toute activité ;
    Considérant que les parties soumettent plusieurs études de marché d’où il ressort, notamment, que l’entretien des chaussures serait « une tâche dévalorisante à tous les niveaux » et que les principaux critères d’achat du consommateur sont liés à la satisfaction de besoins objectifs, tels que le type de chaussures acheté, sa couleur ou son utilisation ; qu’il s’agit, en effet, de produits banals ;
    Considérant cependant que la notoriété de la marque figure parmi les deux principaux critères d’achat pour les acheteurs de la grande distribution ; que le fait, pour les distributeurs de n’offrir à leur clientèle qu’une seule marque, soit Kiwi, soit Baranne, montre que, si elles ne sont pas individuellement incontournables, il apparaît très difficile, pour un distributeur, de ne pas proposer l’une de ces deux marques ;
    Considérant que le représentant de la société Solitaire a déclaré en séance que la marque Lion Noir, dont elle est propriétaire, disparue depuis huit ans du marché, jouissait encore d’une forte notoriété mais que, faute d’un attachement suffisant des consommateurs à cette marque, elle était d’une valeur quasi nulle et n’avait d’ailleurs, pour cette raison, pas pu être cédée ;
    Considérant en revanche que la marque Baranne a, quant à elle, trouvé acquéreur ; que cet actif immatériel est, à l’exception de quelques actifs industriels de faible valeur, le seul objet de l’opération notifiée ; que cet élément démontre que, à la différence de la marque Lion Noir, la marque Baranne a une valeur importante ; qu’il s’en déduit que cette valeur est liée soit à l’attachement du consommateur à cette marque, soit au caractère incontournable d’un ensemble qui résulterait de la combinaison des marques Kiwi et Baranne ;
    Considérant que le fait que les entrées sur le marché ont été très limitées durant les deux dernières décennies ; qu’au contraire on a essentiellement constaté des sorties du marché ; que le Conseil de la concurrence avait établi, dans son avis no 92-A-11 du 1er décembre 1992 relatif à l’achat de la société Parker par la société Gillette (1), que « si les entreprises établies sur le marché peuvent se contenter d’efforts publicitaires relativement mesurés, il n’en serait pas de même pour un nouvel entrant, notamment en présence du groupe puissant, comprenant deux marques de grande notoriété, issu de la concentration envisagée (...) ; qu’aussi bien (...) les entrées ont été limitées au cours de la dernière décennie, à quelques cas (...) ; qu’il résulte de cette situation, rapprochée des constatations (...) au sujet de la modification prévisible des parts de marché, que ladite opération est de nature à porter atteinte au libre jeu de la concurrence » ; que les mêmes constatations quant aux barrières à l’entrée liées à la notoriété des marques s’imposent quant au projet de concentration formé entre Sara Lee et Benckiser ;
    Considérant que la grande distribution ne consacre aux produits d’entretien de la chaussure qu’une surface de linéaire limitée, qui ne permet de référencer qu’une seule marque ; que cet élément joue en faveur des marques jouissant d’une forte notoriété, au détriment des autres ;
    Considérant qu’il ressort de ce qui précède que la notoriété des marques Kiwi et Baranne constitue une forte barrière à l’entrée sur le marché ; que les investissements publicitaires qui devraient être consentis pour pénétrer sur ce marché seraient dissuasifs ;
    Considérant qu’il peut être envisagé que, si les distributeurs faisaient face à une hausse des prix de la part de la société Sara Lee, ils pourraient réagir en développant des marques de distributeurs (MDD), qui n’ont pas besoin d’un investissement en marketing aussi important ;
    Considérant cependant que le lancement d’une ligne de MDD représente un coût important, ne serait-ce que pour établir les cahiers des charges pour une gamme de produits comportant 40 à 50 références ; que ces produits, de faible valeur unitaire et à faible rotation, n’offriraient pas au distributeur une rentabilité suffisamment attractive pour compenser les coûts initiaux de mise en place de sa ligne de produits ; que, compte tenu du caractère incontournable de la combinaison des marques Kiwi et Baranne, cette MDD devra voisiner avec l’une de ces deux marques, occupant ainsi une surface de linéaire disproportionnée par rapport à la rentabilité de ces produits ; que le cirage correspondant pour le consommateur à un achat indispensable, la demande est peu élastique au prix ; qu’il en résulte qu’une augmentation du prix du cirage ne se traduira pas nécessairement par une diminution de la demande ; qu’en conséquence les distributeurs ne seront pas particulièrement incités à développer une ligne alternative de MDD ; que cette possibilité n’a d’ailleurs pas été évoquée par la grande majorité des distributeurs au cours de l’instruction ; qu’a contrario ceux-ci ont mis l’accent sur l’importance de la marque sur un tel marché ; que si le lancement d’une MDD avait été possible sur ce marché, les distributeurs auraient usé de cette possibilité pour faire pression sur le duopole constitué par Sara Lee, à travers sa marque Kiwi, et Benckiser, à travers sa marque Baranne ; que, bien que le prix moyen au détail des produits d’entretien du cuir et de la chaussure ait augmenté de 18,25 % entre 1997 et 1999 (2) et de 25 % sur le segment des cirages en tube, la variation induite du volume de vente n’a pas incité les distributeurs à faire entrer des MDD ; qu’il s’en déduit que les distributeurs ne peuvent pas être considérés comme des concurrents potentiels des parties ;
    Considérant que, si la grande distribution constitue l’un des principaux débouchés des fabricants de produits d’entretien de la chaussure et qu’elle est traditionnellement créditée d’une forte puissance d’achat, elle ne pourra exercer cette puissance d’achat que si elle dispose d’une offre alternative à celle des parties ; que, si les ventes de Benckiser sont actuellement réparties entre quatre principaux acheteurs du secteur de la grande distribution seulement, l’absorption de Baranne par Sara Lee aura pour conséquence de réduire considérablement la pression concurrentielle que subissait auparavant Benckiser pour sa marque Baranne ; qu’en dépit de cette pression concurrentielle, la structure duopolistique que connaît le marché actuellement a permis des hausses de prix considérables sur ce marché ; que si le marché devenait quasi monopolistique, cette tendance ne pourrait que se poursuivre ou s’accentuer, d’autant plus que les élasticités prix sont très faibles sur ce marché ; qu’il est symptomatique que les prix aient augmenté de 18,25 % entre 1997 et 1999 sur l’ensemble du marché, mais seulement de 0,24 % sur le segment des imperméabilisants, sur lequel les parties subissaient la concurrence de 3M ainsi que de la société Ideal sous sa marque Idealo ; qu’il en ressort que, à l’exclusion du segment des imperméabilisants, les parties n’ont pas de concurrents ; qu’en conséquence la puissance de marché de la grande distribution s’en trouve très fortement diminuée ; que cette situation serait aggravée si Sara Lee devait acquérir Baranne ;
    Considérant que les produits vendus dans les circuits de la grande distribution et des magasins spécialisés sont largement indentiques et que les fournisseurs du circuit spécialisé recourent largement à la sous traitance, à la différence de Sara Lee et de Benckiser ; qu’il convient en outre de souligner que la production destinée au circuit spécialisé est d’un ordre de grandeur comparable à celle qui est destinée au circuit de la grande distribution ; qu’on ne peut toutefois pas en déduire qu’un certain nombre de producteurs en France ou à l’étranger pourraient soit fabriquer, soit vendre de tels produits en vue d’alimenter le marché des produits d’entretien de la chaussure vendus dans les grandes et moyennes surfaces ;
    Considérant que le transfert au bénéfice de Sara Lee des ventes réalisées par Benckiser avec quatre acheteurs de la grande distribution est certain à court terme, dans la mesure où il n’existe pas sur le marché d’autres opérateurs susceptibles de répondre à la demande de la grande distribution ; que le maintien de ce transfert est très probable sur le moyen ou long terme, dans la mesure où les barrières à l’entrée sur ce marché ne permettront pas l’émergence d’un concurrent viable de l’entité issue de la concentration ;
    Considérant en effet que, sur le marché français des produits d’entretien de la chaussure dans le circuit des magasins spécialisés, seules trois PME, Pfirter, Avel et Gybem, sont présentes ; qu’elles réalisent respectivement un chiffre d’affaires de 25, 15 et 20 millions de francs en France ; que Benckiser réalise un chiffre d’affaires de 79 millions de francs en France auprès de quatre distributeurs ; qu’il s’en déduit que, en moyenne, un distributeur achète annuellement 20 millions de francs de produits d’entretien de la chaussure, étant donné que les distributeurs ne référencent qu’un seul fournisseur sur ce marché ; que si l’une des trois entreprises précitées souhaitait venir concurrencer les parties sur le circuit de la grande distribution, cela impliquerait un doublement de son chiffre d’affaires, avec les investissements et l’élévation du point mort y afférent ; que, dans cette hypothèse, elle réaliserait 50 % de son chiffre d’affaires avec un seul client, ce qui la mettrait dans une situation de dépendance totale vis-à-vis de ce client ; qu’une cessation des relations commerciales avec ce client viendrait alors remettre en cause la pérennité de l’entreprise ; que, pour cette raison, il est peu vraisemblable que l’une des trois entreprises précitées prenne le risque de venir concurrencer les parties sur le circuit de la grande distribution ; que, à titre d’illustration, la société Avel a déclaré au cours de l’instruction (3) que : « En ce qui nous concerne, nous avons envisagé, il y a plus de 10 ans, de nous intéresser à ce marché de la distribution alimentaire et avions créé une société pour ce circuit avec une nouvelle marque Brillax. Mais nous avons dû arrêter cette activité, ne pouvant concurrencer les sociétés présentes sur ce marché. Nous avons par ailleurs fabriqué pour Baranne (...). Aujourd’hui, (...) nous pourrions réfléchir à un moyen de pénétrer ce marché, mais son évolution avec un concurrent aussi fort que Sara Lee verrouille ce dernier » ;
    Considérant en outre que Sara Lee et la marque Baranne réalisent un chiffre d’affaires de près de 200 millions de francs sur le marché des produits d’entretien de la chaussure, en France ; que ce chiffre est à rapprocher de la vingtaine de millions de francs que réalisent chacun Pfirter, Avel et Gybem ; qu’il s’en déduit que Sara Lee bénéficierait d’économies d’échelle par rapport aux trois entreprises précitées ; que Sara Lee serait de ce fait à même de dissuader toute entrée sur le marché en positionnant temporairement son niveau de prix en dessous du prix de revient de l’entrant potentiel ; qu’en outre le prix de revient de cet hypothétique entrant se trouvera majoré du montant des dépenses publicitaires nécessaires pour s’implanter sur le marché face à deux marques à la notoriété établie ; que Sara Lee a consacré 4 millions de francs à la publicité en 1999, alors même que sa marque jouissait d’une forte notoriété ; qu’un nouvel entrant devrait consacrer à la promotion de sa marque un montant supérieur pour s’imposer face à Kiwi et Baranne ; que le montant de 4 millions de francs, raisonnable pour Sara Lee, représente 20 à 25 % du chiffre d’affaires de Pfirter, Avel ou Gybem ; que ce point a notamment été confirmé au cours de l’instruction par les déclarations de la société Pfirter (4), qui précise notamment que : « sur ce marché il est très difficile d’introduire une nouvelle marque du fait de la notoriété des deux marques déjà présentes. En effet, il faudrait dépenser énormément en publicité pour pouvoir pénétrer ce marché » ; que pour ces raisons également l’entrée de l’une de ces entreprises sur le marché est très improbable ;
    Considérant que, malgré les parts de marché très importantes détenues par le groupe Sara Lee dans la plupart des pays européens, il subsiste un certain nombre de producteurs absents ou quasi absents du marché français, notamment au Royaume-Uni et en Allemagne ;
    Considérant cependant qu’un opérateur comme Werner & Mertz, qui détient 80 % du marché en Allemagne, réalise moins de 5 % des ventes en France, avec sa marque Buffalo ; que cet élément illustre tant le caractère national des marchés concernés que l’existence de barrières à l’entrée très élevées sur le marché dans le circuit de la grande distribution ; que la société LJW, qui distribue en France dans le circuit des magasins spécialisés la marque Punch, présente essentiellement en Grande-Bretagne et en Irlande, ainsi que la marque Magix de Sara Lee, réalise, toutes marques confondues, un chiffre d’affaires de 20 millions de francs sur ce marché ; que la société Collonil, qui réalise un chiffre d’affaires de 15 millions de francs en France, n’est également présente que sur le circuit spécialisé ; qu’il ressort de ces éléments qu’aucun opérateur étranger n’a réussi à s’implanter de manière significative sur le circuit de la grande distribution ; que les barrières à l’entrée dues à la notoriété des marques Kiwi et Baranne sont de nature à dissuader tout entrant, compte tenu notamment du montant des investissements publicitaires qu’ils devraient consentir et qui viendraient obérer la rentabilité de l’opération ; qu’il se conclut de l’ensemble de ces éléments que les opérateurs étrangers ne constituent pas des concurrents potentiels pour les parties en France sur le circuit de la grande distribution ;
    Considérant en outre que la société Sara Lee dispose d’une gamme très étendue de produits sur les marchés des produits d’entretien de la chaussure ; qu’elle dispose également d’un large portefeuille de marques dans les secteurs des produits d’entretien et des soins du corps ; qu’elle pourrait ainsi être à même, si le besoin s’en faisait sentir, de consentir des remises pour bénéficier d’effets de portefeuille au détriment d’un entrant potentiel ; que ces éléments viennent renforcer la puissance de marché de Sara Lee et constituent également une barrière à l’entrée ;
    Considérant que l’un des principaux obstacles à l’entrée sur le marché détectés par le Conseil de la concurrence est constitué par le fait qu’une seule marque est présente sur les linéaires, ce qui obligerait un nouvel entrant à obtenir du distributeur qu’il remplace intégralement la gamme du concurrent en place par la sienne ; que cela l’obligerait également à produire dès son entrée sur le marché l’ensemble de la gamme, soit 40 à 50 références, ce qui constitue également une barrière à l’entrée ;
    Considérant que cet obstacle provenant notamment du comportement des distributeurs ; que, dans le cas où ces derniers s’estimeraient victimes de hausses de prix excessives de la part de Sara Lee, il peut être fait valoir qu’il leur serait loisible de modifier ce comportement en accueillant sur leur linéaire, parallèlement aux produits du groupe Sara Lee, une marque dont ils voudraient favoriser la pénétration ;
    Considérant cependant qu’il a été démontré que, la demande étant peu élastique aux prix, d’une part, et le linéaire étant une ressource rare, d’autre part, il ne serait pas dans l’intérêt des distributeurs d’augmenter la surface de linéaire consacrée aux cirages afin de favoriser l’émergence sur le marché d’un nouvel opérateur ; que si tel était le cas, les distributeurs auraient déjà fait rentrer un nouvel opérateur afin de briser le duopole entre Sara Lee et Benckiser ; qu’en outre il n’y a pas d’opérateurs susceptibles d’entrer sur le marché, pour les raisons exposées ci-dessus et du fait de l’étendue de la gamme nécessaire pour pouvoir fournir la grande distribution ;
    Considérant qu’il s’ensuit que, d’une part, sur le marché des produits d’entretien de la chaussure vendues dans les grandes et moyennes surfaces, les barrières à l’entrée sont très importantes, que, d’autre part, les distributeurs n’auraient pas de forte incitation à diversifier leurs fournisseurs, compte tenu de la faible élasticité de la demande, de la rareté de la ressource en linéaire et du caractère incontournable de la combinaison des marques Kiwi et Baranne ; que les distributeurs qui, par hypothèse, ne souhaiteraient pas avoir comme seul fournisseur la société Sara Lee seraient dépourvus de solution alternative et pourraient très difficilement trouver d’autres fournisseurs ; que le développement de marques de distributeurs pour ces produits est très improbable ; que la grande distribution n’a pas pu réagir, ou n’a pas jugé utile de le faire, face au duopole constitué par Sara Lee et Baranne, en dépit des hausses de prix que cette situation engendrait ; que cette situation se dégraderait dans le cas où ce duopole serait remplacé par un quasi-monopole ; qu’il ressort ainsi de l’ensemble de ces éléments que l’opération projetée est de nature à porter atteinte à la concurrence sur ce marché ;
    Considérant que la société Sara Lee est, avec un chiffre d’affaires de 38 millions de francs, le premier intervenant national sur le marché des produits d’entretien de la chaussure vendus dans le circuit des magasins spécialisés ; qu’elle y vend ses produits sous une marque principale, Tana, et deux marques secondaires, Tuxan et Meltonian ; que Sara Lee vend également des produits sous la marque Kiwi dans certaines catégories de magasins rattachés à ce circuit (grands magasins, magasins de bricolage, magasins de sport), ainsi que des produits distribués sous marque de distributeurs, essentiellement dans les enseignes de chaussures (Bailly, André) ;
    Considérant que les principaux autres intervenants dans ce circuit sont trois fabricants nationaux, les Ets Pfirter (marque Famaco), la société Aveil (marque Saphyr) et la société Gytem, deux fournisseurs allemands, les sociétés Salzenbrodt (marque Collonil) et Salamander, marques (Salamander, Coxy et Wolly) et un distributeur, la société LJW, qui distribue des produits de la gamme de la société irlandaise Punch Holding Ltd. (notamment Boston), des produits fabriqués par cette dernière mais vendus sous une marque appartenant à la société LJW (marque Grison), mais également des produits de la société Salamander (marques Coxy et Woly) ainsi que des produits de la société Sara Lee (marque Magix) ; que chacun de ces intervenants réalise un chiffre d’affaires égal ou inférieur à 20 millions de francs ; qu’en outre ces sociétés, à la différence de la société Sara Lee, ne sont présentes que dans un seul circuit de distribution, celui des magasins spécialisés ;
    Considérant que la société Benckiser n’est pas présente sur ce marché ; que l’opération de concentration ne modifiera donc pas directement la situation de la concurrence sur ce marché ;
    Considérant que Benckiser peut être considéré comme un entrant potentiel sur ce marché ; que toutefois il n’a pas été prouvé, au cas d’espèce, que cet état de fait ait eu un impact significatif sur le fonctionnement du marché avant l’opération de concentration ;
    Considérant que sur les marchés des produits accessoires dans le circuit de la grande distribution le chiffre d’affaires total réalisé, d’environ 291 millions de francs, se répartit essentiellement entre deux produits : les semelles, qui en représentent 53 %, et les lacets dont la part est de 34 % ; que les autres produits accessoires ne représentent que 5 % du total pour les brosses, et moins de 1 % pour les embauchoirs et les chausse-pieds ;
    Considérant que la société Sara Lee détenait, en 1999, dans l’ensemble du secteur des produits accessoires vendus dans la grande distribution, une part de 31 % et la société Benckiser une part de 3,7 % ; que la réalisation de l’opération de concentration conférera au nouvel ensemble une part de 34,7 % ;
    Considérant que les autres fournisseurs présents sur ces marchés sont des entreprises spécialisées, dont la principale, la société DMC, détient une part de 13,3 % ; qu’à l’exception de la société Saulire, dont la part s’élève à 11,5 %, les autres sociétés ne détiennent que des parts inférieures à 10 % ; qu’en conséquence le nouveau groupe sera le seul présent à la fois sur le marché des produits accessoires et des produits d’entretien de la chaussure, et sera donc le seul en mesure d’accorder des remises de gamme ;
    Mais, considérant que les acheteurs de la grande distribution répartissent généralement ces produits dans des rayons différents de ceux des produits d’entretien de la chaussure, notamment les principaux d’entre eux, les semelles et les lacets, et s’approvisionnent souvent pour ces produits auprès de fournisseurs autres que ceux qu’ils ont retenus pour les produits d’entretien de la chaussure ; qu’il existe un nombre important d’entreprises susceptibles d’approvisionner la grande distribuion ; que les barrières à l’entrée sur ces marchés sont faibles ;
    Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la réalisation de l’opération projetée n’est pas de nature à conférer au groupe Sara Lee une position dominante, ni à porter atteinte à la concurrence sur ces marchés ;
    Considérant que les seules statistiques disponibles sur le marché des produits accessoires dans le circuit spécialisé concernent les semelles ; que, sur ce segment qui représente l’essentiel du marché, il ressort des données Secodip que la société Sara Lee avec la marque Bama détient une part de 25,1 % ; que la société Benckiser n’est présente sur aucun de ces marchés ; que la situation ne sera pas modifiée par l’opération de concentration ;
    Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la réalisation de l’opération projetée n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur ce marché ;
    Considérant que les parties n’ont pas fait valoir que l’opération était susceptible d’apporter au progrès économique une contribution susceptible de compenser les atteintes à la concurrence relevées sur le marché des produits d’entretien de la chaussure dans le circuit de la grande distribution ;
    Considérant que, dans les observations qu’elles ont transmises le 2 mai, les parties n’ont pas apporté d’éléments nouveaux ; qu’elles mettent en avant le rôle compensateur de la puissance d’achat de la grande distribution et estiment que l’opération pourrait avoir pour effet de renforcer leur poids face à celle-ci ; que cette assertion est difficilement compatible avec leur analyse d’un marché sans barrière à l’entrée puisque la grande distribution serait justement, selon elles, toujours à même de faire entrer d’autres offreurs, et donc de maintenir inchangées ses conditions d’achat ;
    Considérant qu’il convient cependant d’examiner l’argument en présence des barrières à l’entrée qui ont été mises en évidence ; que, dès lors, force est de constater que, quand bien même l’opération permettrait à Sara Lee d’améliorer ses conditions commerciales, il n’en résulterait pas nécessairement un gain pour la concurrence, surtout si cette amélioration devait se réaliser au prix de la création d’un quasi-monopole ; que les développements précédents ont déjà montré que les concurrents, existants ou potentiels, ne seraient pas en mesure de s’aligner sur les conditions de vente que les parties seraient capables de proposer ou d’accepter et se trouveraient dissuadés d’entrer ou de rester sur ce marché ; que l’opération porte donc atteinte à la concurrence ; que, quand bien même l’amélioration des conditions commerciales pouvait être analysée comme élément de progrès économique, ce qui n’a pas été démontré, il n’a pas été prouvé que ce progrès pourrait compenser l’atteinte à la concurrence, ni qu’une partie équitable du gain serait répercutée au consommateur ; que sur ce dernier point, au contraire, l’inélasticité de la demande finale aurait vraisemblablement pour effet d’amener la grande distribution à accroître ses prix de détail sur les produits considérés si ses conditions d’achat se détérioraient ;
    Considérant [...] (5),
                    Arrêtent :
    Art.  1er.  -  Il est enjoint à la société Sara Lee de renoncer à l’opération notifiée en ce qu’elle concerne la France.
    Art.  2.  -  Le directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et le directeur général de l’industrie, des technologies de l’information et des postes sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent arrêté, qui sera publié au Bulletin officiel de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
    Fait à Paris, le 3 mai 2000.

Le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie,
Pour le ministre et par délégation :
Le directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes,
J.  Gallot


Le secrétaire d’Etat à l’industrie,
Pour le secrétaire d’Etat et par délégation :
La directrice générale de l’industrie, des technologies de l’information et des postes,
J.  Seyvet



    (1)  BOCCRF du 15 janvier 1993, page 3.
    (2)  Source AC Nielsen/Secodip - Cote 000475 du rapport établi par M. Jacques Poyer, rapporteur auprès du Conseil de la concurrence.
    (3)  Cote 000787 du rapport établi par M. Jacques Poyer, rapporteur auprès du Conseil de la concurrence.
    (4)  Cote 000782 du rapport établi par M. Jacques Poyer, rapporteur auprès du Conseil de la concurrence.
    (5)  A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées. Ces informations relèvent du « secret d’affaires », en application de l’article 28 du décret no 86-1309 du 29 décembre 1986, modifié par le décret no 95-916 du 9 août 1995, avant-dernier alinéa.


© Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie- 08 janvier 2001