Sommaire N° 6 du 23 mai 2000

Avis de la commission de la sécurité des consommateurs relatif au danger présenté par le réemploi d’emballages vides de produits d’entretien (campagne de publicité restreinte de la société Lever)

NOR :  ECOC0000183V

    La Commission de la sécurité des consommateurs,
    Vu le code de la consommation, notamment ses articles L. 224-1, L. 224-4, R. 224-4 et R. 224-7 à R. 224-12 ;
    Vu les requêtes nos 99-035 B et 99-048,
    Considérant que :

Les saisines

    1.  Au début du mois de juin 1999, la Commission de la sécurité des consommateurs a été saisie de deux requêtes relatives à une publicité diffusée par le groupe Lever au sujet d’une fiche « brico junior ».
    2.  Le 1er juin 1999, Mme R. s’est plainte auprès d’une association de consommateurs de Quimper d’avoir reçu dans sa boîte à lettres un document publicitaire diffusé par le groupe Lever qui proposait à des « juniors » de réaliser un bricolage à partir d’emballages de produits d’entretien éventuellement classés « irritants » (Coral, Domestos, Sun, Cif) pour les assembler sous la forme d’un animal. Elle a estimé qu’il s’agissait « d’une incitation au suicide, d’une intention criminelle dans la mesure où selon elle, chaque année, des dizaines d’enfants meurent, l’estomac broyé par l’ingestion de produits toxiques ». Elle a parallèlement directement saisi la CSC.
    3.  Le 21 juin 1999, l’union départementale CLCV du Finistère a pris position en faveur de la requérante et a jugé utile de transmettre son courrier à la CSC, afin qu’un terme soit mis à de telles pratiques.
    4.  Le 11 juillet 1999, M. T., président de l’UFC Que Choisir de Quimper alertait à son tour la Commission sur cette publicité.

Le problème soulevé

    5.  Le problème posé par ces consommateurs n’est pas nouveau pour la Commission. En effet, un avis relatif au conditionnement (emballage, publicité, étiquetage) en forme d’animal de certains produits d’entretien ou de bricolage a déjà été rendu le 7 juin 1989. Cet avis précise que :
    La publicité et l’étiquetage des produits d’entretien et de bricolage et notamment des produits pour W.C. ne devraient pas reproduire l’image ou la forme d’un animal.
    L’étiquetage de ces produits devrait être conforme aux directives communautaires transposées en droit national et devrait attirer l’attention des parents et éducateurs sur la nécessité de ne pas laisser les enfants jouer avec des emballages vides.
    Le conditionnement de ces produits devrait éviter les risques de confusion et d’ingestion et/ou être équipé d’une fermeture refermable à l’épreuve des enfants, conforme à la norme NF H00-201.
    Ces mesures préventives devraient être prises et généralisées par les professionnels concernés individuellement et collectivement (modification du code de la chambre syndicale des fabricants de produits d’entretien) ou, à défaut, imposées par les administrations compétentes sur la base des textes réglementaires pertinents ou de la loi du 21 juillet 1983.
    Il apparaît clairement au 2o de cet avis, qu’il convient de ne pas laisser les enfants jouer avec les emballages vides. Un suivi de l’avis a donné lieu à une information de la DGCCRF dans le rapport annuel de la CSC de 1989 en ces termes :
    « Deux des produits nommément cités dans l’avis de la Commission ne sont plus commercialisés sous leur première présentation. L’étiquette du détartrant de la société X... représentant à l’origine l’image d’un canard a été modifiée, et subira encore d’autres évolutions. Quant aux produits « ... », sa commercialisation va être abandonnée par l’entreprise Y...
    « Ces diverses mesures vont dans le sens voulu par la Commission de la sécurité des consommateurs et sont conformes à la directive du Conseil des Communautés européennes no 88-379 du 7 juin 1988 relative aux préparations dangereuses, non encore introduite dans le droit national. Cette directive prévoit que : “Les Etats membres prennent toutes les mesures utiles pour que les récipients contenant des préparations dangereuses offertes ou vendues au grand public ne puissent pas avoir une forme ou une décoration graphique susceptible d’attirer ou d’encourager la curiosité active des enfants...”
    « En ce qui concerne la nécessité de ne pas laisser les enfants jouer avec des emballages vides, les professionnels interrogés reconnaissent dans leur ensemble son intérêt. Toutefois, bien que l’une des sociétés concernées ait placé en bonne place sur l’étiquette de son produit la mention “ne pas réutiliser le flacon une fois vide - ne pas laisser à la portée des enfants”, la profession estime qu’une indication préconisant de ne pas laisser jouer les enfants avec des emballages vides doit être placée dans le cadre de l’information ou de l’éducation des parents et des responsables d’enfants. Elle estime qu’une telle action peut, par exemple, prendre la forme d’une campagne d’information regroupant l’ensemble des acteurs concernés.
    « Des professionnels appartenant à la chambre syndicale des fabricants de produits d’entretien et de produits désinfectants sont prêts à s’associer, selon des modalités tenant compte de leurs moyens, à ce genre de campagne. »

La réglementation

    6.  Par ailleurs, si la directive européenne du 23 juillet 1991 se limite à réglementer les dispositifs de fermeture de sécurité des récipients contenant des produits dangereux, il n’en demeure pas moins que ce dispositif est prévu particulièrement pour les enfants et que dans ces conditions, en raisonnant par analogie, il résulte que le contenu de tels récipients ne doit en aucune façon se retrouver entre les mains des enfants. Cette directive a été publiée postérieurement à une réglementation française en date du 21 février 1990 qui définit les critères de classification et les conditions d’étiquetage et d’emballage des préparations dangereuses.

L’audition de la société Lever

    7.  La Commission, compte tenu du « dérapage » constaté, a pris contact avec la société Lever qui a été auditionnée téléphoniquement par la CSC, le 30 septembre 1999.
    8.  Il a été demandé à la société Lever les motifs pour lesquels elle ne s’était pas conformée à l’avis émis en 1989 qui précisait :
    –  que le conditionnement des produits ne devait pas reproduire l’image ou la forme d’un animal (...) ;
    –  que la publicité et l’étiquetage des produits d’entretien, en particulier et notamment des produits pour W.-C., devaient éviter les risques de confusion et d’ingestion ;
    –  qu’il ne fallait pas laisser les enfants jouer avec des emballages vides.
    9.  La société Lever a déploré cet « incident », affirmant qu’il ne se reproduirait plus. La campagne en cause se situait dans un moment où est intervenu un défaut de vigilance de sa part vis-à-vis de la société de publicité auprès de laquelle était sous-traitée cette campagne. Elle a insisté sur le fait que cette campagne ne s’adressait pas à l’ensemble des usagers des produits Lever, mais à un groupe de clients inscrits dans un fichier spécifique pour avoir manifesté le souhait d’être informés des dernières nouveautés. Ce fichier fonctionne comme un club d’abonnés et comporte environ 25 000 noms. Pour bien montrer à quoi sert cette « feuille » publiée périodiquement, elle a adressé à la CSC celle en cours d’élaboration,
                    Emet l’avis suivant :
    Dans la mesure où, à la suite d’une évolution récente, de nombreux produits d’entretien se présentent sous une forme concentrée (exemple des recharges destinées à être transvasées dans le conditionnement d’origine), il apparaît nécessaire de rappeler quelques règles de précaution relatives à la réutilisation d’emballages vides. A cette fin, la CSC préconise :

A destination des fabricants

    1.  La CSC prend acte de l’engagement de la société Lever :
    –  de respecter les recommandations concernant l’emballage, la publicité, l’étiquetage des produits d’entretien ou de bricolage telles qu’elles résultent de l’avis émis par la Commission le 7 juin 1989 ;
    –  de s’interdire à l’avenir toute opération publicitaire susceptible d’inciter des enfants, des parents ou des éducateurs, à utiliser à des fins de jeux ou autres des emballages vides ayant contenu des produits d’entretien, de bricolage, de jardinage.
    2.  Afin que ces mesures de prévention s’appliquent à l’ensemble des milieux professionnels concernés, la CSC demande à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) :
    a)  De leur rappeler les règles qu’il leur revient de respecter en matière d’étiquetage, d’emballage et de publicité en application :
    –  de l’arrêté du 21 février 1990 modifié (JO du 24 mars 1990), et notamment de son article 27 qui précise que « ... les récipients contenant des préparations dangereuses destinées à un usage non exclusivement professionnel ne doivent pas avoir une forme ou une décoration graphique susceptibles d’attirer ou d’encourager la curiosité active des enfants ou d’induire les consommateurs en erreur » ;
    –  du code de la consommation, articles L. 121-1 à 7 relatifs à la publicité mensongère ou de nature à induire en erreur.
    Il serait bon également de leur rappeler, à toutes fins utiles, le décret no 92-985 du 9 septembre 1992 relatif à la prévention des risques résultant de l’usage de certains produits imitant des denrées alimentaires ;
    b)  De leur préciser que si plusieurs directives européennes (notamment 90/35 CEE du 19 décembre 1989, 91/410 CEE du 22 juillet 1991 et 91/442 CEE du 23 juillet 1991) ont imposé des fermetures de sécurité à l’épreuve des enfants pour certaines préparations seulement (notamment, très toxiques, toxiques ou corrosives), il n’en demeure pas moins que l’intention des rédacteurs a bien été de viser tout particulièrement la protection générale des enfants et d’empêcher que le contenu de tels récipients se retrouve dans leurs mains du fait de circonstances involontaires. A fortiori, toute mesure incitative doit être proscrite. Même dans le cas de préparations simplement classées « irritantes » ou même non classées, il est nécessaire d’habituer les enfants à ne pas considérer ces produits comme des jouets.

A destination des parents

    Compte tenu des risques que présentent pour les enfants, notamment les plus jeunes, les produits d’entretien, de jardinage, de bricolage,... (certains présentant même des risques graves), il apparaît indispensable de renouveler les appels à une grande vigilance de la part des parents et des éducateurs en rappelant qu’il convient :
    –  de placer de tels produits hors de portée des enfants, en particulier dans les cuisines ;
    –  de ne pas créer de risque de confusion en réutilisant les emballages pour y placer d’autres produits, notamment alimentaires ;
    –  de ne pas utiliser de flacons à usage alimentaire (bouteilles d’eau par exemple) pour y placer des produits chimiques destinés à l’entretien, au bricolage ou au jardinage.
    Ces règles de sécurité élémentaires seront rappelées dans un communiqué de presse, ainsi que dans la prochaine lettre de la CSC, et seront disponibles de façon permanente sur le site internet de la commission.
    Adopté au cours de la séance du 18 avril 2000, sur le rapport de Dominique Auzou, assistée de Annick Liotta et de Jacques Bedouin, conseillers techniques de la Commission, conformément à l’article R. 224-4 du code de la consommation.


© Ministère de l'économie, des Finances et de l'Industrie- 13 juin 2000