Avis de la commission de la sécurité des consommateurs relatif au
danger présenté par le réemploi d’emballages vides de produits
d’entretien (campagne de publicité restreinte de la société Lever)
NOR : ECOC0000183V
La Commission de la sécurité des
consommateurs,
Vu le code de la consommation, notamment ses articles L. 224-1,
L. 224-4, R. 224-4 et R. 224-7 à R. 224-12 ;
Vu les requêtes nos 99-035 B
et 99-048,
Considérant que :
Les saisines
1. Au début du mois de
juin 1999, la Commission de la sécurité des consommateurs a été saisie de
deux requêtes relatives à une publicité diffusée par le groupe Lever au
sujet d’une fiche « brico junior ».
2. Le 1er juin
1999, Mme R. s’est plainte auprès d’une association de consommateurs
de Quimper d’avoir reçu dans sa boîte à lettres un document publicitaire
diffusé par le groupe Lever qui proposait à des « juniors » de réaliser
un bricolage à partir d’emballages de produits d’entretien éventuellement
classés « irritants » (Coral, Domestos, Sun, Cif) pour les
assembler sous la forme d’un animal. Elle a estimé qu’il s’agissait
« d’une incitation au suicide, d’une intention criminelle dans la
mesure où selon elle, chaque année, des dizaines d’enfants meurent,
l’estomac broyé par l’ingestion de produits toxiques ». Elle a parallèlement
directement saisi la CSC.
3. Le 21 juin 1999, l’union départementale
CLCV du Finistère a pris position en faveur de la requérante et a jugé utile
de transmettre son courrier à la CSC, afin qu’un terme soit mis à de telles
pratiques.
4. Le 11 juillet 1999, M. T., président
de l’UFC Que Choisir de Quimper alertait à son tour la Commission sur
cette publicité.
Le problème soulevé
5. Le problème posé par
ces consommateurs n’est pas nouveau pour la Commission. En effet, un avis
relatif au conditionnement (emballage, publicité, étiquetage) en forme
d’animal de certains produits d’entretien ou de bricolage a déjà été
rendu le 7 juin 1989. Cet avis précise que :
La publicité et l’étiquetage des produits
d’entretien et de bricolage et notamment des produits pour W.C. ne devraient
pas reproduire l’image ou la forme d’un animal.
L’étiquetage de ces produits devrait être conforme
aux directives communautaires transposées en droit national et devrait attirer
l’attention des parents et éducateurs sur la nécessité de ne pas laisser
les enfants jouer avec des emballages vides.
Le conditionnement de ces produits devrait éviter les
risques de confusion et d’ingestion et/ou être équipé d’une fermeture
refermable à l’épreuve des enfants, conforme à la norme NF H00-201.
Ces mesures préventives devraient être prises et généralisées
par les professionnels concernés individuellement et collectivement
(modification du code de la chambre syndicale des fabricants de produits
d’entretien) ou, à défaut, imposées par les administrations compétentes
sur la base des textes réglementaires pertinents ou de la loi du 21 juillet
1983.
Il apparaît clairement au 2o de cet
avis, qu’il convient de ne pas laisser les enfants jouer avec les emballages
vides. Un suivi de l’avis a donné lieu à une information de la DGCCRF dans
le rapport annuel de la CSC de 1989 en ces termes :
« Deux des produits nommément cités dans
l’avis de la Commission ne sont plus commercialisés sous leur première présentation.
L’étiquette du détartrant de la société X... représentant à l’origine
l’image d’un canard a été modifiée, et subira encore d’autres évolutions.
Quant aux produits « ... », sa commercialisation va être abandonnée
par l’entreprise Y...
« Ces diverses mesures vont dans le sens voulu par
la Commission de la sécurité des consommateurs et sont conformes à la
directive du Conseil des Communautés européennes no 88-379 du
7 juin 1988 relative aux préparations dangereuses, non encore introduite
dans le droit national. Cette directive prévoit que : “Les Etats membres
prennent toutes les mesures utiles pour que les récipients contenant des préparations
dangereuses offertes ou vendues au grand public ne puissent pas avoir une forme
ou une décoration graphique susceptible d’attirer ou d’encourager la
curiosité active des enfants...”
« En ce qui concerne la nécessité de ne
pas laisser les enfants jouer avec des emballages vides, les professionnels
interrogés reconnaissent dans leur ensemble son intérêt. Toutefois, bien que
l’une des sociétés concernées ait placé en bonne place sur l’étiquette
de son produit la mention “ne pas réutiliser le flacon une fois vide - ne
pas laisser à la portée des enfants”, la profession estime qu’une
indication préconisant de ne pas laisser jouer les enfants avec des emballages
vides doit être placée dans le cadre de l’information ou de l’éducation
des parents et des responsables d’enfants. Elle estime qu’une telle action
peut, par exemple, prendre la forme d’une campagne d’information regroupant
l’ensemble des acteurs concernés.
« Des professionnels appartenant à la chambre
syndicale des fabricants de produits d’entretien et de produits désinfectants
sont prêts à s’associer, selon des modalités tenant compte de leurs moyens,
à ce genre de campagne. »
La réglementation
6. Par ailleurs, si la
directive européenne du 23 juillet 1991 se limite à réglementer les
dispositifs de fermeture de sécurité des récipients contenant des produits
dangereux, il n’en demeure pas moins que ce dispositif est prévu particulièrement
pour les enfants et que dans ces conditions, en raisonnant par analogie, il résulte
que le contenu de tels récipients ne doit en aucune façon se retrouver entre
les mains des enfants. Cette directive a été publiée postérieurement à une
réglementation française en date du 21 février 1990 qui définit les
critères de classification et les conditions d’étiquetage et d’emballage
des préparations dangereuses.
L’audition de la société Lever
7. La Commission, compte
tenu du « dérapage » constaté, a pris contact avec la société
Lever qui a été auditionnée téléphoniquement par la CSC, le 30 septembre
1999.
8. Il a été demandé à la société Lever
les motifs pour lesquels elle ne s’était pas conformée à l’avis émis en
1989 qui précisait :
– que le conditionnement des produits ne
devait pas reproduire l’image ou la forme d’un animal (...) ;
– que la publicité et l’étiquetage des
produits d’entretien, en particulier et notamment des produits pour W.-C.,
devaient éviter les risques de confusion et d’ingestion ;
– qu’il ne fallait pas laisser les
enfants jouer avec des emballages vides.
9. La société Lever a déploré cet
« incident », affirmant qu’il ne se reproduirait plus. La campagne
en cause se situait dans un moment où est intervenu un défaut de vigilance de
sa part vis-à-vis de la société de publicité auprès de laquelle était
sous-traitée cette campagne. Elle a insisté sur le fait que cette campagne ne
s’adressait pas à l’ensemble des usagers des produits Lever, mais à un
groupe de clients inscrits dans un fichier spécifique pour avoir manifesté le
souhait d’être informés des dernières nouveautés. Ce fichier fonctionne
comme un club d’abonnés et comporte environ 25 000 noms. Pour bien
montrer à quoi sert cette « feuille » publiée périodiquement,
elle a adressé à la CSC celle en cours d’élaboration,
Emet
l’avis suivant :
Dans la mesure où, à la suite d’une évolution récente,
de nombreux produits d’entretien se présentent sous une forme concentrée
(exemple des recharges destinées à être transvasées dans le conditionnement
d’origine), il apparaît nécessaire de rappeler quelques règles de précaution
relatives à la réutilisation d’emballages vides. A cette fin, la CSC préconise :
A destination des fabricants
1. La CSC prend acte de
l’engagement de la société Lever :
– de respecter les recommandations
concernant l’emballage, la publicité, l’étiquetage des produits
d’entretien ou de bricolage telles qu’elles résultent de l’avis émis par
la Commission le 7 juin 1989 ;
– de s’interdire à l’avenir toute opération
publicitaire susceptible d’inciter des enfants, des parents ou des éducateurs,
à utiliser à des fins de jeux ou autres des emballages vides ayant contenu des
produits d’entretien, de bricolage, de jardinage.
2. Afin que ces mesures de prévention
s’appliquent à l’ensemble des milieux professionnels concernés, la CSC
demande à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de
la répression des fraudes (DGCCRF) :
a) De leur rappeler les règles
qu’il leur revient de respecter en matière d’étiquetage, d’emballage et
de publicité en application :
– de l’arrêté du 21 février 1990
modifié (JO du 24 mars 1990), et notamment de son article 27
qui précise que « ... les récipients contenant des préparations
dangereuses destinées à un usage non exclusivement professionnel ne doivent
pas avoir une forme ou une décoration graphique susceptibles d’attirer ou
d’encourager la curiosité active des enfants ou d’induire les consommateurs
en erreur » ;
– du code de la consommation, articles L. 121-1
à 7 relatifs à la publicité mensongère ou de nature à induire en erreur.
Il serait bon également de leur rappeler, à toutes
fins utiles, le décret no 92-985 du 9 septembre 1992
relatif à la prévention des risques résultant de l’usage de certains
produits imitant des denrées alimentaires ;
b) De leur préciser que si plusieurs
directives européennes (notamment 90/35 CEE du 19 décembre 1989, 91/410
CEE du 22 juillet 1991 et 91/442 CEE du 23 juillet 1991) ont imposé
des fermetures de sécurité à l’épreuve des enfants pour certaines préparations
seulement (notamment, très toxiques, toxiques ou corrosives), il n’en demeure
pas moins que l’intention des rédacteurs a bien été de viser tout particulièrement
la protection générale des enfants et d’empêcher que le contenu de tels récipients
se retrouve dans leurs mains du fait de circonstances involontaires. A
fortiori, toute mesure incitative doit être proscrite. Même dans le cas de
préparations simplement classées « irritantes » ou même non classées,
il est nécessaire d’habituer les enfants à ne pas considérer ces produits
comme des jouets.
A destination des parents
Compte tenu des risques que présentent
pour les enfants, notamment les plus jeunes, les produits d’entretien, de
jardinage, de bricolage,... (certains présentant même des risques graves), il
apparaît indispensable de renouveler les appels à une grande vigilance de la
part des parents et des éducateurs en rappelant qu’il convient :
– de placer de tels produits hors de portée
des enfants, en particulier dans les cuisines ;
– de ne pas créer de risque de confusion
en réutilisant les emballages pour y placer d’autres produits, notamment
alimentaires ;
– de ne pas utiliser de flacons à usage
alimentaire (bouteilles d’eau par exemple) pour y placer des produits
chimiques destinés à l’entretien, au bricolage ou au jardinage.
Ces règles de sécurité élémentaires seront rappelées
dans un communiqué de presse, ainsi que dans la prochaine lettre de la CSC, et
seront disponibles de façon permanente sur le site internet de la commission.
Adopté au cours de la séance du 18 avril 2000,
sur le rapport de Dominique Auzou, assistée de Annick Liotta et de Jacques
Bedouin, conseillers techniques de la Commission, conformément à l’article R. 224-4
du code de la consommation.
© Ministère de l'économie, des Finances et de l'Industrie-
13 juin 2000