Sommaire N° 1 du lundi 31 janvier 2000

Décision no 99-D-67 du Conseil de la concurrence en date du 3 novembre 1999 relative à la saisine présentée par les sociétés SA Concurrence et SA Semavem

NOR :  ECOC0000011S

    Le Conseil de la concurrence (commission permanente),
    Vu la lettre enregistrée le 2 février 1999 sous le numéro F 1120 par laquelle les sociétés SA Concurrence et SA Semavem ont saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par la société Philips qu’elles estiment anticoncurrentielles ;
    Vu l’ordonnance no 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret no 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié pris pour son application ;
    Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et le représentant des sociétés SA Concurrence et SA Semavem entendus ;
    Après en avoir délibéré hors la présence du rapporteur et du rapporteur général ;
    Considérant que l’article 19 de l’ordonnance précitée prévoit que le Conseil de la concurrence peut déclarer, par décision motivée, la saisine irrecevable s’il estime que les faits invoqués ne sont pas appuyés d’éléments suffisamment probants ;
    Considérant que, le 2 février 1999, les sociétés SA Concurrence et SA Semavem ont saisi le Conseil de la concurrence de pratiques de la société Philips concernant l’application des conditions de vente proposées aux sociétés Camif et Darty qui seraient contraires aux dispositions de l’ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu’elles reprochent notamment à la société Philips d’avoir passé avec la société Darty, d’une part, des accords de coopération de 1992 à 1995 qui « comportent une valorisation globale des services de 7 % sans la moindre justification de la réalité des contreparties et de la valorisation de ces contreparties à hauteur de 7 % », d’autre part, des conventions d’assortiment et d’objectifs par lesquelles « le revendeur s’engage sur une prévision globale de chiffre d’affaires HT pour l’image et pour le son et à référencer certains produits définis dans une liste », la société Philips s’engageant à octroyer une remise spéciale et à maintenir ses prix stables pendant un an ; qu’elles reprochent également à la société Philips d’avoir accordé, en 1996, à la société Camif des prix différents des prix de base assortis de remise de 6 à 3 % et des escomptes non justifiés ainsi qu’une garantie sur les prix ;
    Considérant, en premier lieu, que les parties saisissantes n’apportent aucun élément probant à l’appui de leur allégation selon laquelle les conditions octroyées à Darty et à la Camif étaient « non justifiées par des contreparties réelles » ou étaient accordées de façon discriminatoire ; que l’allégation des parties saisissantes selon laquelle les avantages conférés par Philips à Darty et à la Camif permettraient de présumer « des agissements identiques envers d’autres distributeurs » est de nature, au contraire, à suggérer que la société Philips ne pratiquait pas de discrimination en faveur de ces deux distributeurs ; qu’enfin les parties saisissantes n’apportent pas d’éléments probants suggérant que de telles conditions leur auraient été refusées de façon discriminatoire ;
    Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance, à la supposer établie, que Darty et la Camif auraient été, de façon injustifiée, les seuls distributeurs bénéficiaires des conditions figurant dans les documents joints par les parties saisissantes à l’appui de leur saisine, est insuffisante pour établir une présomption de pratique discriminatoire dès lors que, comme l’a admis la Cour de cassation dans un arrêt du 4 mai 1999, le fait « qu’il soit arrivé occasionnellement qu’un concurrent ait obtenu une remise à laquelle il n’aurait pu prétendre (n’implique) pas pour autant discrimination du fait des clauses elles-mêmes ou de leur application intentionnelle, ni potestativité des remises ni absence de critères objectifs » ;
    Considérant, en troisième lieu, qu’à supposer que les conditions octroyées par Philips à la Camif aient été discriminatoires, la saisine n’apporte aucun élément suggérant que ces distributeurs auraient passé avec leur fournisseur des conventions révélant un accord de volonté « auquel les parties (...) avaient librement consenti en vue de limiter l’accès au marché ou la libre concurrence » (Cour de cassation, chambre commerciale, 7/04/1998) ; qu’en particulier elles ne fournissent aucun élément permettant de penser que Darty et la Camif auraient demandé ou obtenu que les avantages dont ils bénéficiaient ne soient pas octroyés à d’autres distributeurs ni que Philips aurait accédé à une telle requête ;
    Considérant, en quatrième lieu, que les parties saisissantes n’apportent aucun élément de nature à établir que les pratiques dénoncées ont eu ou pouvaient avoir pour effet de limiter la concurrence sur un marché ; qu’à cet égard, doit être relevé le caractère artificiel de leur dénonciation de pratiques sur le marché « des produits bruns (de la seule marque) Philips » dans la présente saisine alors qu’elles ont dénoncé, par ailleurs, dans le cadre d’autres procédures, une entente globale sur le marché des « produits audiovisuels » ; qu’à supposer que les produits bruns Philips constituent un marché distinct du marché des produits bruns de chacune des autres marques, une entente généralisée entre fournisseurs opérant sur des marchés différents ne serait pas de nature à être visée par les dispositions de l’article 7 de l’ordonnance ; qu’à l’inverse, si les produits bruns Philips sont substituables aux produits bruns d’autres marques, la saisine n’apporte aucun élément pouvant établir que les conditions discriminatoires consenties par la société Philips à Darty et à la Camif, à les supposer établies, auraient pu avoir pour effet de limiter la concurrence sur le marché regroupant l’ensemble des fournisseurs et l’ensemble des distributeurs de produits bruns ;
    Considérant, en dernier lieu, que dès lors que, comme indiqué dans la saisine, « la société Semavem a été mise en sommeil depuis 1993, n’a plus d’activité et a réalisé un chiffre d’affaires nul pour les trois derniers exercices », il ne saurait être soutenu par cette société que les pratiques de Philips postérieures à la cessation d’activité de la Semavem auraient pu lui porter préjudice ; qu’enfin, le fait que la société Concurrence a vu son chiffre d’affaires passer de 32,7 millions de francs en 1997 à 39 millions de francs en 1998 ne permet pas de présumer que cette société aurait été mise hors marché par les pratiques alléguées de la société Philips ;
    Considérant qu’il ressort de ce qui précède que les parties saisissantes n’apportent aucun élément de nature à établir que les faits qu’elles dénoncent sont susceptibles de se rattacher à des pratiques visées par les dispositions de l’article 7 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu’il y a lieu, dès lors, de faire application de l’article 19 de ladite ordonnance,
                    Décide :
    Article unique.  -  La saisine enregistrée sous le numéro F 1120 est déclarée irrecevable.
    Délibéré, sur le rapport de Mme Servella-Huertas, par Mme Hageslteen, présidente, Mme Pasturel et M. Jenny, vice-présidents.

Le secrétaire de séance,
Sylvie  Grando

La présidente,
Marie-Dominique  Hageslteen



© Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie - 23 mars 2000