Décision no 99-D-67 du Conseil de la concurrence en date du
3 novembre 1999 relative à la saisine présentée par les sociétés SA Concurrence
et SA Semavem
NOR : ECOC0000011S
Le Conseil de la concurrence (commission
permanente),
Vu la lettre enregistrée le 2 février 1999 sous le numéro
F 1120 par laquelle les sociétés SA Concurrence et SA Semavem ont saisi le Conseil
de la concurrence de pratiques mises en uvre par la société Philips quelles
estiment anticoncurrentielles ;
Vu lordonnance no 86-1243 du 1er décembre
1986 modifiée relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret no 86-1309
du 29 décembre 1986 modifié pris pour son application ;
Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du
Gouvernement et le représentant des sociétés SA Concurrence et SA Semavem
entendus ;
Après en avoir délibéré hors la présence du rapporteur et du
rapporteur général ;
Considérant que larticle 19 de lordonnance
précitée prévoit que le Conseil de la concurrence peut déclarer, par décision
motivée, la saisine irrecevable sil estime que les faits invoqués ne sont pas
appuyés déléments suffisamment probants ;
Considérant que, le 2 février 1999, les sociétés SA
Concurrence et SA Semavem ont saisi le Conseil de la concurrence de pratiques de la
société Philips concernant lapplication des conditions de vente proposées aux
sociétés Camif et Darty qui seraient contraires aux dispositions de lordonnance du
1er décembre 1986 ; quelles reprochent notamment à la
société Philips davoir passé avec la société Darty, dune part, des
accords de coopération de 1992 à 1995 qui « comportent une valorisation globale
des services de 7 % sans la moindre justification de la réalité des contreparties
et de la valorisation de ces contreparties à hauteur de 7 % », dautre
part, des conventions dassortiment et dobjectifs par lesquelles « le
revendeur sengage sur une prévision globale de chiffre daffaires HT pour
limage et pour le son et à référencer certains produits définis dans une
liste », la société Philips sengageant à octroyer une remise spéciale et
à maintenir ses prix stables pendant un an ; quelles reprochent également à
la société Philips davoir accordé, en 1996, à la société Camif des prix
différents des prix de base assortis de remise de 6 à 3 % et des escomptes non
justifiés ainsi quune garantie sur les prix ;
Considérant, en premier lieu, que les parties saisissantes
napportent aucun élément probant à lappui de leur allégation selon
laquelle les conditions octroyées à Darty et à la Camif étaient « non
justifiées par des contreparties réelles » ou étaient accordées de façon
discriminatoire ; que lallégation des parties saisissantes selon laquelle les
avantages conférés par Philips à Darty et à la Camif permettraient de présumer
« des agissements identiques envers dautres distributeurs » est de
nature, au contraire, à suggérer que la société Philips ne pratiquait pas de
discrimination en faveur de ces deux distributeurs ; quenfin les parties
saisissantes napportent pas déléments probants suggérant que de telles
conditions leur auraient été refusées de façon discriminatoire ;
Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance, à la
supposer établie, que Darty et la Camif auraient été, de façon injustifiée, les seuls
distributeurs bénéficiaires des conditions figurant dans les documents joints par les
parties saisissantes à lappui de leur saisine, est insuffisante pour établir une
présomption de pratique discriminatoire dès lors que, comme la admis la Cour de
cassation dans un arrêt du 4 mai 1999, le fait « quil soit arrivé
occasionnellement quun concurrent ait obtenu une remise à laquelle il naurait
pu prétendre (nimplique) pas pour autant discrimination du fait des clauses
elles-mêmes ou de leur application intentionnelle, ni potestativité des remises ni
absence de critères objectifs » ;
Considérant, en troisième lieu, quà supposer que les
conditions octroyées par Philips à la Camif aient été discriminatoires, la saisine
napporte aucun élément suggérant que ces distributeurs auraient passé avec leur
fournisseur des conventions révélant un accord de volonté « auquel les parties
(...) avaient librement consenti en vue de limiter laccès au marché ou la libre
concurrence » (Cour de cassation, chambre commerciale, 7/04/1998) ; quen
particulier elles ne fournissent aucun élément permettant de penser que Darty et la
Camif auraient demandé ou obtenu que les avantages dont ils bénéficiaient ne soient pas
octroyés à dautres distributeurs ni que Philips aurait accédé à une telle
requête ;
Considérant, en quatrième lieu, que les parties saisissantes
napportent aucun élément de nature à établir que les pratiques dénoncées ont
eu ou pouvaient avoir pour effet de limiter la concurrence sur un marché ;
quà cet égard, doit être relevé le caractère artificiel de leur dénonciation
de pratiques sur le marché « des produits bruns (de la seule marque)
Philips » dans la présente saisine alors quelles ont dénoncé, par ailleurs,
dans le cadre dautres procédures, une entente globale sur le marché des
« produits audiovisuels » ; quà supposer que les produits bruns
Philips constituent un marché distinct du marché des produits bruns de chacune des
autres marques, une entente généralisée entre fournisseurs opérant sur des marchés
différents ne serait pas de nature à être visée par les dispositions de
larticle 7 de lordonnance ; quà linverse, si les
produits bruns Philips sont substituables aux produits bruns dautres marques, la
saisine napporte aucun élément pouvant établir que les conditions
discriminatoires consenties par la société Philips à Darty et à la Camif, à les
supposer établies, auraient pu avoir pour effet de limiter la concurrence sur le marché
regroupant lensemble des fournisseurs et lensemble des distributeurs de
produits bruns ;
Considérant, en dernier lieu, que dès lors que, comme indiqué
dans la saisine, « la société Semavem a été mise en sommeil depuis 1993,
na plus dactivité et a réalisé un chiffre daffaires nul pour les
trois derniers exercices », il ne saurait être soutenu par cette société que les
pratiques de Philips postérieures à la cessation dactivité de la Semavem auraient
pu lui porter préjudice ; quenfin, le fait que la société Concurrence a vu
son chiffre daffaires passer de 32,7 millions de francs en 1997 à
39 millions de francs en 1998 ne permet pas de présumer que cette société aurait
été mise hors marché par les pratiques alléguées de la société Philips ;
Considérant quil ressort de ce qui précède que les
parties saisissantes napportent aucun élément de nature à établir que les faits
quelles dénoncent sont susceptibles de se rattacher à des pratiques visées par
les dispositions de larticle 7 de lordonnance du 1er décembre
1986 ; quil y a lieu, dès lors, de faire application de larticle 19
de ladite ordonnance,
Décide : Article unique. - La saisine
enregistrée sous le numéro F 1120 est déclarée irrecevable.
Délibéré, sur le rapport de Mme Servella-Huertas, par
Mme Hageslteen, présidente, Mme Pasturel et M. Jenny, vice-présidents.