La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), par l’intermédiaire des pôles C des directions (régionales) de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS), contrôle chaque année les délais de paiement interentreprises.
Le respect des délais de paiement permet d’éviter des difficultés de trésorerie en chaîne pouvant provoquer la disparition prématurée de nombreuses entreprises et particulièrement des plus fragiles d’entre elles. Il constitue donc un enjeu essentiel notamment pour les plus petites entreprises, qui sont souvent les premières à payer et les dernières à l’être.
Les contrôles menés par la DGCCRF jouent un rôle important dans la lutte contre les retards de paiement en ce qu’ils dissuadent les entreprises d’y recourir compte tenu de l’amende encourue et de l’atteinte à leur image liée à la publication de la sanction. Ces contrôles sont d’autant plus nécessaires que les entreprises victimes n’osent généralement pas réclamer des indemnités de retard ou introduire des recours en justice par peur de nuire à leur relation commerciale.
Cette FAQ est destinée aux entreprises souhaitant s’informer sur les modalités de ces contrôles.
I. Fondements du contrôle
II. Pouvoirs de contrôle et sanctions encourues
III. Déroulement du contrôle
IV. Causes exonératoires en cas de retards de paiement
V. Modalités de sanction
VI. Voies de recours
L’ensemble des paiements effectués dans le cadre de contrats de vente de marchandises ou de prestation de services par des entités exerçant une activité économique (activité de production, de distribution et de services y compris celles qui sont le fait de personnes publiques) peuvent être contrôlés.
La réglementation relative aux délais de paiement est détaillée dans une fiche pratique qui peut être consultée à l’adresse suivante : Délais de paiement : les règles à connaître
Les manquements aux délais plafonds de paiement sont recherchés et constatés par les agents de la CCRF (habilités par les articles L. 450 et A. 450-1 du code de commerce) dans les conditions fixées aux articles L. 450-1 à L. 450-4, L. 450-7 et L. 450-8 du code de commerce.
Les agents de la CCRF ont le pouvoir de recueillir les déclarations et documents pertinents auprès du professionnel dans les locaux où s’exerce son activité ou de lui demander de se présenter, muni de ces documents, dans les locaux de l’administration.
Les constats effectués donnent généralement lieu à l’établissement de procès-verbaux de déclaration et de communication de documents qui, le cas échéant, viendront fonder les procédures de sanction.
Le I de l’article L. 470-2 du code de commerce habilite la DGCCRF à infliger les sanctions administratives visées aux articles L. 441-16 du code de commerce, L. 2192-15 et L. 3133-14 du code de la commande publique.
Le secret professionnel ne peut être opposé aux enquêteurs par les entreprises.
Le fait pour les personnes contrôlées de faire obstacle à l’exercice des fonctions des agents est une infraction pénalement sanctionnée, passible de deux ans d’emprisonnement et 300 000 € d’amende.
Les sanctions pour dépassement des délais de paiement interprofessionnels sont prononcées dans les conditions fixées à l’article L. 470-2 du code de commerce.
L’article L. 441-16 du code de commerce prévoit que les entreprises encourent une amende maximale de 2 millions d’euros (ou 4 millions d’euros en situation de réitération) en cas de dépassement des délais plafonds de paiement prévus au I de l'article L. 441-10, au II de l'article L. 441-11, à l'article L. 441-12 et à l'article L. 441-13 du même code.
Les articles L. 2192-15 et L. 3133-14 du code de la commande publique prévoient que les pouvoirs adjudicateurs qui sont des entreprises publiques au sens du II de l'article 1er de l'ordonnance n° 2004-503 encourent une amende administrative maximale de 2 millions d’euros (ou 4 millions d’euros en situation de réitération) en cas de dépassement du délai plafond de paiement fixé par voie réglementaire conformément aux articles L. 2192-10 et L. 3133-10 du code la commande publique.
Le V de l’article L. 470-2 du code de commerce prévoit la publication de la décision de sanction administrative, à la fois sur le site internet de la DGCCRF et sur un journal d’annonces légales aux frais de l’entreprise sanctionnée. Cette publication est systématique pour les décisions prononcées en application de l’article L. 441-16 du même code et facultative pour les décisions prononcées en application de l’article L. 2192-15 du code de la commande publique.
- Les agents habilités récupèrent auprès de l’entreprise les documents et informations utiles à la réalisation du contrôle. Ces transmissions peuvent se faire à distance avant et/ou après la venue de l’enquêteur dans les locaux de l’entreprise. Les données comptables sont analysées par type de délai et le délai de paiement est calculé.
- Si la D(R)EETS constate des dépassements des délais plafonds de paiement interprofessionnels, elle décide, en fonction de l’ampleur et des circonstances des manquements, de mettre en œuvre les suites suivantes : avertissement, injonction administrative de se mettre en conformité (article L. 470-1 du code de commerce) ou amende administrative (article L. 470-2 du code de commerce).
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En cas d’amende administrative, la D(R)EETS adresse à l’entreprise contrôlée une lettre dans laquelle elle fait part des manquements constatés et de la sanction envisagée, à savoir le montant de l’amende et les modalités de sa publication, en lui indiquant qu’elle peut prendre connaissance des pièces du dossier et se faire assister par le conseil de son choix. Cette lettre est accompagnée du procès-verbal administratif détaillant les fondements juridiques de la sanction et les constats réalisés lors du contrôle. Par la lettre précitée, est également notifiée à l’entreprise l’ouverture de la phase contradictoire pour une période de 60 jours conformément aux dispositions du IV de l’article L. 470-2 du code de commerce. Durant cette phase, l’entreprise contrôlée est invitée à présenter toute observation et à produire tout document de nature à justifier les retards de paiement constatés.
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A l’issue de la phase contradictoire, la D(R)EETS adresse à l’entreprise une lettre motivant l’éventuelle sanction en tenant compte, le cas échéant, des arguments justifiant une diminution de la sanction prononcée par rapport à celle initialement envisagée.
Les agents de la CCRF peuvent exiger la communication des livres comptables, factures et autres documents professionnels de toute nature, propres à faciliter l’accomplissement de leur mission. Il s’agit notamment des documents que le professionnel a l’obligation de détenir au titre de son activité professionnelle tels que par exemple des contrats, documents comptables, etc. Les enquêteurs peuvent obtenir l’original de ces documents ou en prendre copie.
A titre non exhaustif, la communication des documents suivants, sous forme dématérialisée, peut être demandée à l’entreprise contrôlée :
- Un extrait Kbis,
- La balance fournisseurs sur le dernier exercice clos,
- Le grand livre fournisseurs lettré et le grand livre clients lettré sur le dernier exercice clos au format Excel,
- La liste des fournisseurs au format Excel indiquant leur typologie de manière précise et rigoureuse ;
- La liste des codes journaux utilisés et leur intitulé ;
- Un échantillon de factures papier et leurs preuves de paiement émises au cours de la période contrôlée,
- Les liasses fiscales du dernier exercice comptable clos et de l’exercice comptable précédent.
L’enquêteur recueille également par procès-verbal toute déclaration de nature à décrire les modalités d’enregistrement et de paiement des factures.
Les contrôles des délais de paiement portent, sauf exceptions, sur une période d’un an correspondant au dernier exercice comptable clos.
Les délais de paiement sont déterminés, en principe, sur la base des dates figurant dans le grand livre fournisseurs.
La D(R)EETS pourra néanmoins recueillir un échantillon de factures et d’avis de paiement afin de s’assurer qu’une éventuelle mauvaise tenue de la comptabilité ne soit pas de nature à minorer l’ampleur réelle des retards de paiement.
En cas d’impossibilité d’exploiter la comptabilité, les délais de paiement pourront être analysés sur la base d’un échantillon aléatoire de factures, les résultats de l’analyse de cet échantillon étant ensuite extrapolés à l’ensemble des factures émises pendant la période de contrôle.
L’absence de volonté délibérée dans la commission des manquements ne remet pas en cause leur matérialité. En effet, aucun élément intentionnel n’est nécessaire pour caractériser des manquements aux délais plafonds de paiement. Tout retard de paiement conduit automatiquement à une rétention de trésorerie supplémentaire bénéficiant indûment à la société débitrice et pénalisant la trésorerie de la société créancière.
Seuls les litiges dûment justifiés et portant sur une partie significative de la prestation ou de la marchandise concernée, peuvent conduire à l’exclusion des factures en cause des constats de manquement.
L’exception d’inexécution visée à l’article 1219 du code civil suppose une inexécution suffisamment grave et une proportionnalité de la réponse. Elle ne peut être invoquée que concernant les obligations souscrites dans le cadre d’un même contrat.
En principe, en vertu de l’article L. 123-23 du code de commerce, une comptabilité irrégulièrement tenue ne peut être invoquée par son auteur à son profit.
En vertu du principe de co-responsabilité visé à l’article L. 441-9 du code de commerce, l’acheteur doit réclamer la facture si le vendeur ne la lui a pas fournie dès la réalisation de la livraison ou de la prestation de services. Seules les factures ayant donc fait l’objet d’au moins une relance avant leur échéance légale pourront être écartées, dès lors qu’une preuve de cette relance pourra être apportée.
Les règles relatives aux délais de paiement étant d'ordre public, le fait qu’une mention contractuelle ou légale soit manquante ou erronée sur la facture n’autorise pas le débiteur à la régler avec retard dès lors qu’elle mentionne suffisamment d’éléments pour lui permettre de vérifier le bien-fondé de la dette qu’elle constate (avis n°19-11 de la CEPC).
Seules les factures pour lesquelles un avoir total a été émis avant l’échéance légale peuvent être écartées. En cas d’avoir portant sur une partie du montant de la facture, le montant restant doit être réglé avant l’échéance légale.
La réglementation sur les délais de paiement étant d’ordre public, il n’est pas possible d'y déroger par contrat.
Les délais de paiement visés au code de commerce sont des maximums, de sorte que tout dépassement est constitutif d’un manquement. Des paiements avant l’échéance légale ne peuvent compenser des dépassements, y compris dans l’hypothèse où ils concernent les mêmes fournisseurs. En effet, les délais de paiement que les entreprises sont amenées à se consentir, dans la limite des plafonds légaux, constituent une forme de crédit au profit du client et donc en soi un avantage de trésorerie en sa faveur. Il est d’ailleurs tout à fait courant pour deux entreprises de prévoir contractuellement un délai de règlement inférieur à ces plafonds.
Ces justifications sont inopérantes dès lors que le fournisseur n’a pas à subir les conséquences de l’organisation interne de son client. A cet égard, l’obligation contractuelle de fournir certains documents ne peut pas justifier le non-respect de l’échéance légale.
La décision de sanction n’est pas conditionnée à la constatation antérieure de manquements aux délais de paiement légaux, ayant préalablement donné lieu à un avertissement ou à une injonction. Des retards de paiement peuvent ainsi donner lieu à une amende administrative dès lors que des manquements sont caractérisés, même en l’absence d’antécédents de l’entreprise concernée, dans la mesure où le droit à l’erreur prévu à l’article L. 123-1 du code des relations entre le public et l’administration n’est pas applicable à ce type de manquements.
La détermination du montant de l’amende procède à la fois d’une méthodologie harmonisée entre les différentes D(R)EETS et d’une analyse au cas par cas tenant compte des circonstances particulières de chaque espèce conformément aux principes de proportionnalité et de personnalité des peines.
Quand plusieurs types de délais légaux sont applicables, les amendes correspondantes sont calculées séparément de sorte que l’entreprise connaisse le détail de chacune d’entre elles et pas uniquement le montant total de la sanction.
1. Calcul du montant de base
Le critère principal de détermination de l’amende est le montant de la rétention de trésorerie générée par les manquements. Ce montant se calcule en additionnant les gains en besoin de fonds de roulement (« BFR ») générés par le retard de paiement de chaque facture concernée.
Gain en BFR=montant de la facture ×nombre de jours de retardnombre de jours de la période contrôlée.
En cas de contrôle d’un échantillon aléatoire de factures du fait du caractère inexploitable de la comptabilité, le gain en BFR est estimé en fonction de la part du montant total des factures de l’échantillon réglées en retard.
Le résultat de ce calcul est ensuite ajusté en tenant compte des circonstances du manquement et notamment de :
- La taille de l’entreprise, en fonction de l’importance de son chiffre d’affaires ;
- L’importance relative du retard par rapport au délai maximum prévu par la réglementation (plus le délai plafond est court, plus le retard est grave).
2. Majoration en cas de réitération
En cas de réitération des manquements, une majoration est appliquée au montant de base de l’amende.
3. Maximum légal de la sanction
L’amende n’excède pas le maximum légal de 2 millions d’euros visé à l’article L. 441-16 du code de commerce et aux articles L. 2192-15 et L. 3133-14 du code de la commande publique.
En cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive, à savoir lorsque toutes les voies de recours ordinaires ont été épuisées, ce maximum légal est de 4 millions d’euros.
4. Prise en compte de la situation financière de l’entreprise
Les éléments financiers transmis par l’entreprise contrôlée, à savoir les liasses fiscales correspondant au dernier exercice clos et à l’exercice comptable précédent, sont pris en compte pour la détermination du montant de l’amende envisagée.
Dans un second temps, si l’entreprise mise en cause entend se prévaloir de l’existence de difficultés financières particulières affectant sa capacité à payer l’amende envisagée, il lui appartient d’apporter tout élément justificatif afférent à l’existence de difficultés réelles et actuelles l’empêchant de s’acquitter, en tout ou partie, de la sanction pécuniaire que la D(R)EETS envisage de lui notifier. La sanction pourra alors être réduite en fonction des circonstances de l’espèce.
La Direction des créances spéciales du Trésor assure le recouvrement de l’amende. Suite à la notification de l’amende, elle envoie à l’entreprise un titre de perception indiquant les modalités de règlement de l’amende administrative. Toute demande d’échelonnement du paiement de l’amende liée à des difficultés financières devra donc lui être adressée (22 boulevard Blossac, CS 40649, 86106 Châtellerault cedex).
Les amendes prononcées font l’objet d’une publication, sous un mois à compter de la notification de la sanction, sur le site internet de la DGCCRF (pour une durée variant en fonction de la gravité des faits et n’excédant jamais 12 mois) ainsi que dans un support d’annonces légales.
Les publications prennent la forme d’un communiqué indiquant a minima le nom de l’entreprise concernée, le montant de l’amende prononcée et identifiant la D(R)EETS ayant réalisé le contrôle.
Une publication sur d’autres supports peut également être prévue pour les manquements les plus graves.
Cette publication relève uniquement de la responsabilité de l’entreprise sanctionnée (sur le support de son choix, par ses moyens et à ses frais).
La loi n° 55-4 du 4 janvier 1955 concernant les annonces judiciaires et légales prévoit que « la liste des publications de presse et services de presse en ligne susceptibles de recevoir les annonces légales dans le département est fixée chaque année au mois de décembre pour l'année suivante, par arrêté du préfet » (article 2) et que « le tarif des annonces, forfaitaire ou calculé en fonction du nombre de caractères ou de lignes, est fixé chaque année, après avis des organisations professionnelles les plus représentatives des entreprises de presse, par arrêté conjoint des ministres chargés de la communication et de l'économie » (article 3).
En cas d’inexécution, le V de l’article L. 470-2 du code de commerce prévoit que la D(R)EETS peut mettre en demeure l’entreprise de publier la décision sous une astreinte journalière de 150 € à compter de la notification de la mise en demeure jusqu'à publication effective.
Si l’entreprise sanctionnée souhaite contester la décision de sanction, elle dispose de la possibilité de former un recours administratif dans les conditions prévues aux articles L. 410-1 à L. 411-7 du code des relations entre le public et l'administration.
Ce recours administratif peut prendre la forme d’un recours gracieux et/ou hiérarchique.
Le recours gracieux doit être adressé à la D(R)EETS ayant prononcé la décision de sanction.
Le recours hiérarchique doit être adressé au ministre chargé de l’Economie, à l’adresse suivante : bureau-3C@dgccrf.finances.gouv.fr ou
DGCCRF – Bureau 3C
59 boulevard Vincent Auriol
75703 Paris Cedex 13
L’entreprise peut introduire un recours contentieux devant le tribunal administratif de son ressort territorial dans un délai de deux mois à compter de la réception de la décision ou à compter de la date de réponse au recours administratif ou de la date de son rejet tacite si celui-ci a été formé dans les deux mois suivant la réception de la décision. L’introduction d’un recours gracieux ou hiérarchique n’est pas un préalable obligatoire à un éventuel recours contentieux.
En vertu du privilège du préalable, toute sanction administrative est exécutoire immédiatement. Ainsi, les recours exercés ne sont pas suspensifs. Les entreprises sanctionnées ont néanmoins la possibilité d’introduire, en complément du recours contentieux au fond, un référé-suspension dans les conditions prévues à l’article L. 521-1 du code de justice administrative.