
Fin 2015, la DGCCRF a mené une enquête pour contrôler l’application des nouvelles dispositions en faveur de la protection économique des consommateurs dans le secteur des services à la personne qui sont entrées en vigueur le 1er juillet 2015 [1].
Cette enquête, qui a visé 396 établissements, a démontré que 75 % des structures contrôlées méconnaissent la réglementation et présentent au moins une anomalie. Des pratiques commerciales trompeuses dans l’information délivrée aux consommateurs et des clauses litigieuses dans les contrats ont également été relevées.
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L’enquête ciblait plus particulièrement les opérateurs généralistes (y compris des services d’aide et d’accompagnement à domicile) et notamment ceux qui proposent des services de garde d’enfant, d’entretien domestique (ménage et repassage), de petit jardinage ou encore de courses et repas.
Une présentation commerciale trompeuse des prestations
Les présentations commerciales (prospectus, vitrines, sites internet) mettent parfois en avant l’ouverture de droits à défiscalisation qui ne sont pas effectifs[2]. De plus, l’avantage fiscal est souvent présenté comme systématiquement acquis alors que la loi[3] prévoit pourtant des plafonds de remboursement différents selon les prestations achetées.
La technique de la minoration du prix à payer a été souvent constatée. En effet, certains opérateurs indiquent sur leurs sites internet un taux horaire inférieur à celui facturé au client ou des devis de « coûts réels de la prestation » en défalquant le montant des aides de la prestation d’accueil du jeune enfant ainsi que la déduction fiscale de 50% prévue seulement dans certains cas[4]. Des incohérences entre prix pratiqué et prix affiché ou entre devis et contrat ainsi que des grilles tarifaires obsolètes ont aussi été notées.
Par ailleurs, dans certains cas, le décompte du temps de prestation était arrondi alors que l’opérateur allégait une facturation à la minute.
La survalorisation du savoir-faire de l’entreprise et de ses intervenants
La mise en avant frauduleuse de la détention d’un agrément, obligation légale pour certaines activités, est quelquefois constatée. Par ailleurs, des logos de certification non encore homologuée ou même parfois expirée sont apposés sur les brochures de documentation.
La présence délictueuse[5] de logos institutionnels sur une plateforme de référencement de professionnels de services à la personne ou sur des prospectus pour apporter plus de crédibilité à l’entreprise a également été relevée.
L’expérience des intervenants à domicile est souvent présentée de manière plus que favorable. Plusieurs des établissements contrôlés ne disposaient pas du personnel expérimenté, annoncé pourtant comme tel (mention de qualifications, diplômes, expertises ne correspondant pas à la réalité). L’emploi valorisant du qualificatif « médicalisée » pour une offre de service de téléassistance consistant en une simple écoute accompagnée et, le cas échéant, en l’alerte de services de secours a également été noté.
Des suites correctives ont été engagées chaque fois que l’information publicitaire est apparue déloyale.
Une méconnaissance des obligations réglementaires chez les opérateurs
Les obligations réglementaires sont très peu respectées par les professionnels et assez mal comprises.Ces obligations portent chacune des étapes de la relations commerciale.
Obligations générales d’information sur les prestations proposées
L’information préalable du consommateur prévue par la réglementation[6] doit se traduire par la mise à disposition, sur le lieu d’accueil du public du professionnel ainsi que sur le site internet, de la liste des activités proposées à la vente[7]. De plus, chaque prestation doit être accompagnée du mode d’intervention (par exemple si les personnes qui réalisent l’activité sont employées directement ou non par le consommateur) utilisé par l’organisme pour sa réalisation. Ce mode d’intervention au domicile du consommateur, et ses conséquences, doivent, par ailleurs, être précisés sur le devis et la première page du contrat.
Information sur les prix et les éventuelles réductions de prix
Les enquêteurs ont pu relever que l’information sur les prix[8] est assez mal délivrée. Les prix hors taxes – information qui revêt son importance puisque les activités de services à la personne sont soumises à des taux de TVA différents (5,5, 10 ou 20%) selon leur catégorie – et les frais annexes (montant des frais de dossiers ou de transport par exemple) ne sont parfois pas indiqués. Des indications imprécises telles que des prix plancher ou des fourchettes de prix se rencontrent encore fréquemment. Ces manquements ont fait l’objet de 191 avertissements, 46 injonctions et 3 procès-verbaux.
La présentation des avantages fiscaux n’est pas non plus conforme à la réglementation ; les déductions fiscales se trouvent mentionnées dans les contrats alors qu’elles ne sont pas systématiques. Cette pratique concourt à entretenir un flou sur le montant de la facture qui devra être acquittée par le consommateur.
Devis
Tout consommateur qui en fait la demande peut se voire remettre gratutiement un devis personnalisé des prestations qu’il envisage d’acheter[9]. Dans certains cas précis, la remise de ce devis gratuit est d’ailleurs obligatoire. Si ces obligations sont respectées dans la plupart des cas, le formalisme imposé par la réglementation n’est pas toujours suivi par les professionels (absences de la durée de validité et des modes d’intervention par exemple).
Remise d’une facture avant paiement
S’agissant de la remise de note spécifique[10], appelée « facture », elle doit être délivrée systématiquement et gratuitement[11] au consommateur avant paiement. Cette exigence est très bien respectée par les opérateurs même si le formalisme n’est pas toujours parfait (absences du numéro et date d’agrément, de la nature exacte des services fournis, du numéro d’immatriculation de l’intervenant ou encore du décompte du temps passé). Sur 391 actions de vérification, 66 seulement comportaient une anomalie. Ces pratiques ont généré 39 avertissements et 8 injonctions.
La présence de clauses abusives (29 % d’anomalies) dans les contrats signés en établissements…
L’enquête a pu démontrer que les clauses litigieuses relevées dans les contrats sont sensiblement les mêmes que celles constatées lors des derniers contrôles :
- Des clauses illégales : l’attribution de compétence pour le règlement des litiges[12], l’absence d’information sur le délai de rétraction et le préavis de résiliation, la facturation de frais pour paiement par chèque ou chèque emploi service universel - CESU[13], la facturation de frais de recouvrement en l'absence de titre exécutoire[14].
- Des clauses abusives de manière irréfragable[15] (clauses noires) : constat d'une adhésion du consommateur à des clauses non explicites dans le contrat, mentions d'un droit réservé au professionnel de modifier unilatéralement certaines clauses[16], du caractère obligatoire de la partie du contrat incombant au consommateur sans obligation en contrepartie contraignant le professionnel, de réductions du droit de réparation en cas de préjudice subi par le consommateur pour manquement du professionnel à l'une de ses obligations.
- Des clauses présumées abusives[17] (clauses grises) : mentions d'un montant disproportionné à régler par le consommateur s'il n'exécute pas ses obligations, de la faculté donnée au professionnel de résilier le contrat sans préavis raisonnable, des conditions pour la résiliation ou la résolution du contrat plus contraignantes pour le consommateur que pour le professionnel.
Des suites pédagogiques et des suites correctives ont été engagées : 56 avertissements pour clauses abusives et 51 injonctions.
… et des infractions relevées dans les contrats passés à distance et hors établissement
Les services à la personne entrent dans le champ des dispositions prévues pour les contrats conclus à distance et hors établissement[18].
Afin de rechercher les infractions ou manquements relatifs à la vente à domicile ou à la vente à distance, les enquêteurs ont inspecté 113 établissements qui concluaient ce type de contrats (70 pour la vente à domicile et 43 pour la vente à distance). Ces contrôles ont occasionné 47 avertissements et 26 injonctions.
La présence et le formalisme des bordereaux de rétractation ainsi que le délai d’exercice de ce droit (14 jours), ne sont pas toujours conformes aux dispositions de la loi[19].
De plus, l’enquête a permis de constater des manquements aux dispositions du Code de la consommation[19] qui prévoient qu’un professionnel ne peut recevoir aucun paiement ou aucune contrepartie, sous quelque forme que ce soit, de la part du consommateur avant l'expiration d'un délai de sept jours à compter de la conclusion du contrat conclu à distance ou au domicile de celui-ci.
Les anomalies relevées concernent essentiellement les opérateurs locaux de services à la personne. Un effort pédagogique important a été fourni par l’administration pour aider ces opérateurs à mieux appréhender les nouvelles dispositions de la réglementation en vigueur.
Cependant, devant le taux extrêmement élevé (plus de 75%) d’établissements présentant au moins un manquement ou une infraction à des dispositions légales ou règlementaires, la DGCCRF poursuivra son action dans ce secteur en pleine expansion pour garantir aux consommateurs une information loyale et claire sur les prestations proposées.
Cible | Résultats |
---|---|
396 établissements visités |
622 actions de contrôle |
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[1] Soit parce que l’organisme prestataire n’a pas pris la peine de se déclarer sur le portail NOVA ou auprès de l’unité travail de la région dont il relève, soit parce que la prestation proposée à la vente ne relève pas de la liste des activités de services personne
(article D. 7231-1 du code du travail).
[2] Code général des impôts : article 199 sexdecies.
[3] Seule la référence au décret-liste d’activités éligibles au dispositif codifié par la réglementation du Code du travail permet au consommateur de s’assurer d’une possibilité de défiscalisation pour la prestation qu’il a choisi d’acheter.
[4] Article 444-3 du code pénal.
[5] Articles 2 et 3 de l’arrêté du 17 mars 2015.
[6] Article D 7231-1 du code du travail.
[7] Article 4 de l’arrêté du 17 mars 2015.
[8] Article 6 de l’arrêté du 17 mars 2015
[9] Article D. 7233-1 du code du travail.
[10] Article 8 de l’arrêté du 17 mars 2015.
[11] Article 46 du code de procédure civile.
[12] Article L. 112-12 du code monétaire et financier.
[13] Article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution.
[14] Article R. 132-1 du code de la consommation.
[15] Durée, caractéristiques, prix du bien.
[16] Article R. 212-2 du code de la consommation.
[17] Article L. 221-2 du code de la consommation depuis le 1er juillet 2016.
[18] Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation.
[19] Article L.121-18-2e du Code de la consommation.
Fiches pratiques de la consommation