Contamination de boissons par des phtalates provenant des matériaux destinés au contact des denrées alimentaires

La mise en évidence de la présence de phtalates dans des vins et des boissons spiritueuses en 2013 a conduit la DGCCRF à mettre en place une enquête sur la contamination de boissons par des phtalates provenant des matériaux destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires. Des contrôles ont été réalisés au stade de la production des vins et spiritueux par les brigades interrégionales d’enquêtes sur les vins (BIEV), et auprès des fabricants de matériaux destinés au contact des denrées alimentaires et des producteurs des autres boissons par les enquêteurs des départements.

 

 

Les obligations réglementaires des professionnels

La responsabilité première en matière de sécurité alimentaire incombe aux exploitants du secteur alimentaire qui doivent mettre en place, conformément à l’article 5 du règlement (CE) n°852/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, des procédures d’analyse des risques sur la base d’une méthode fondée sur les principes de l’HACCP[1], afin de vérifier que les denrées mises sur le marché ne portent pas atteinte à la santé des personnes.

Les matériaux destinés à entrer en contact avec les denrées alimentaires doivent, quant à eux, respecter le principe d’inertie de l’article 3 du règlement (CE) n°1935/2004 du Parlement européen et du Conseil du 27 octobre 2004 (et les textes spécifiques par matériau) et d’autres dispositions générales : étiquetage, traçabilité, mise à disposition d’une déclaration de conformité et d’une documentation technique montrant leur inertie.

Il n’existe pas à ce jour de teneurs maximales fixées pour les phtalates dans les denrées alimentaires, y compris les vins et spiritueux. Le caractère impropre à la consommation des boissons a dès lors été déterminé sur la base d’une analyse des risques, réalisée lorsque les teneurs mesurées dans l’aliment dépassaient la limite de migration spécifique (LMS) établie pour un phtalate dans la réglementation des matériaux destinés au contact des denrées alimentaires.

Les phtalates les plus courants

DIDP : phtalate de di-isodécyle
DINP :phtalate de di-isononyle
BBP : phtalate de benzylbutyle
DBP : phtalate de dibutyle
DEHP : phtalate de di-2-éthyl-hexyle
DEP : phtalate de diéthyle
DHP : phtalate de dihexyle
DIBP : phtalate de di-isobutyle
DMP : phtalate de diméthyle
DNOP : phtalate de di-n-octyl
DCHP : dicyclohexyl phtalate

Les résultats de l’enquête

Les contrôles ont principalement porté sur des boissons alcoolisées notamment les vins et boissons spiritueuses, sur d’autres boissons (jus de fruits, sodas…) et sur des cuves, tuyaux, récipients…

Les enquêteurs ont établi un bilan mitigé de la prise en compte du risque phtalate par les professionnels. Dans le secteur des vins ou des spiritueux, seules les grandes entreprises identifient ce risque dans leur démarche HACCP. Dans les autres secteurs, moins impactés par la problématique, le risque n’était pas identifié ou sa prise en compte plus récente.

70 prélèvements de boissons ou de matériaux ont été effectués lors de l’enquête. Les phtalates les plus fréquemment mesurés sont le DBP, le BBP et le DEHP. Le DINP et le DIDP sont également présents dans quelques échantillons.

Au total, dix-sept échantillons de boissons spiritueuses sur dix-neuf analysés contenaient du DBP et du DEHP (dont sept avec une teneur supérieure à la LMS), douze contenaient du DINP.

Pour les vins, sur dix-huit échantillons analysés, quinze contenaient du DBP (dont deux avec une teneur supérieure à la LMS) et six du BBP.

Ces valeurs (proportion d’échantillons contenant des phtalates et teneurs en phtalates) sont similaires à celles observées entre 2013 et 2014 sur davantage d’échantillons (55 échantillons de boissons spiritueuses et 78 de vins).

Dans le secteur de la cidrerie, de faibles quantités en DBP ont été détectées dans trois échantillons sur six analysés.

Aucun phtalate n’a été détecté dans les échantillons de boissons sans alcool et les bières.

En l’absence de teneur maximale en phtalates dans les denrées alimentaires et de dépassement des doses journalières tolérables en phtalates pour la seule contamination de ces boissons, aucun échantillon de boisson n’a été déclaré impropre à la consommation.

Parmi les 8 échantillons de matériaux soumis à l’analyse, un tuyau en matière plastique souple a été déclaré non-conforme du fait de la présence de DEHP[2], interdit pour l’usage considéré avec les boissons spiritueuses. L’emploi d’articles en matières plastiques contenant du DBP et/ou du DEHP au contact de boissons d’un TAV supérieur à 20 % en volume, alors que le règlement (UE) n°10/2011 du 14 janvier 2011 l’interdit, est fréquemment l’explication principale de la présence de ces phtalates dans les boissons spiritueuses.

Différents facteurs rendent complexe la recherche des sources de la contamination (matériels anciens, interlocuteurs différents, boissons revendues ou assemblées plusieurs fois au cours de leur vieillissement, etc.). D’une manière générale, des lacunes importantes dans la traçabilité des équipements industriels ont été constatées, rendant difficiles voire impossible la recherche des sources de contamination. Le renouvellement des équipements industriels, notamment des cuves revêtues par des résines époxy qui contribuent de manière importante à la contamination des vins par le DBP, est une question centrale.

L’enquête a permis de sensibiliser les opérateurs au risque phtalate, mais la DGCCRF maintiendra sa vigilance dans ce secteur.

Cible Résultats

82 établissements
152 actions de contrôle
70
prélèvements effectués

9 anomalies
8 avertissements

________________________

[1] Hazard analysis critical control point. Analyse des dangers – les points critiques pour leur maîtrise.

[2] L’emploi du DEHP est interdit dans les matériaux et objets en matières plastiques au contact des aliments « gras » au sens du règlement (UE) n° 10/2011 du 14 janvier 2011.

 

 

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