Le service national des enquêtes de la DGCCRF a mené entre fin 2016 et début 2018 une enquête pour contrôler la loyauté des informations relatives à l’origine des kiwis commercialisés en France.
Cette enquête d’ampleur, une majorité des acteurs de la filière française de négoce du kiwi (37 établissements) ont été contrôlés, avait pour objectif de protéger les consommateurs français qui attachent une importance particulière à l’origine des produits agricoles qu’ils achètent – et en particulier l’origine France – mais également de protéger les producteurs français de kiwis contre une forme de concurrence déloyale.
À la suite d’un signalement, la DGCCRF a tout d’abord enquêté sur les pratiques d’une société italienne suspectée de commercialiser à des grossistes français des kiwis italiens sous une fausse « origine France ». Ces investigations, qui se sont notamment appuyées sur des données communiquées par les douanes, ont conduit à une saisine des autorités italiennes via le réseau de coopération « Food Fraud » mis en place par la Commission européenne après l’affaire de la « viande de cheval ». Une procédure pénale a ainsi été initiée en Italie à l’encontre de cette société.
Par ailleurs, alertés par la présence régulière de résidus de produits phytosanitaires interdits en France sur des kiwis pourtant étiquetés « origine France », les enquêteurs de la DGCCRF ont procédé à plusieurs enquêtes de filières qui ont conduit à identifier sept autres entreprises ayant « francisé » des kiwis italiens.
Au total, les investigations menées par la DGCCRF ont conduit à identifier une fraude portant sur environ 15 000 t de kiwis « francisés » sur les trois dernières années, soit environ 12% des kiwis « origine France » commercialisés sur le territoire national et un bénéfice illicite total de l’ordre de 6 M€.
La DGCCRF restera ainsi particulièrement vigilante dans ce secteur au cours des prochains mois et poursuit une coopération resserrée et fructueuse avec ses homologues italiens, au bénéfice des consommateurs et des filières agricoles françaises.
Une attention forte de la DGCCRF du fait d’un contexte économique propice au développement de pratiques frauduleuses
Cinquième producteur mondial de kiwi, et troisième européen, la France a récolté 67 000 tonnes de kiwis en 2015, principalement dans le sud-ouest qui représente 80% de la production nationale. Majoritairement vendus à la grande distribution désireuse de proposer une « origine France » davantage sollicitée par les consommateurs, les kiwis français sont aujourd’hui fortement concurrencés par un apport massif de kiwis venus de l’étranger et notamment d’Italie. L’offre de kiwis en provenance d’Italie bénéficie en effet de prix de production plus faibles et d’un volume de production plus important (de l’ordre de 500 000 t) permettant une vente sur une plus longue période.
Cette situation est susceptible d’inciter les grossistes-introducteurs français ou les exportateurs italiens à vendre de manière frauduleuse des produits italiens sous une fausse origine France. Ceci pour deux raisons principales :
- L’effet combiné d’un coût de production plus faible pour les kiwis italiens et d’un prix de vente plus élevé des kiwis français (supérieur de l’ordre de 30c€/kg) : la francisation de kiwis italiens permet ainsi de dégager un bénéfice illicite élevé ;
- La production italienne plus importante peut répondre à la demande des consommateurs sur une période plus longue : la francisation de kiwis italiens permet ainsi de satisfaire la demande en fin de saison, lorsque la production française n’est plus suffisante et que l’approvisionnement est tendu.
La DGCCRF a d’abord enquêté, sur plainte, sur les pratiques d’une société italienne d’export
Fin 2016, la DGCCRF a reçu un signalement de pratiques supposées frauduleuses concernant une entreprise italienne qui exportait des quantités importantes de kiwis étiquetés « origine France ».
Sur la base de données fournies par la douane française et de contrôles auprès de ses principaux clients, les enquêteurs ont montré que cette entreprise avait commercialisé environ 3 350 t de kiwis « origine France » alors qu’elle n’en avait acheté qu’une centaine de tonnes. Pour maquiller ses pratiques trompeuses, cette entreprise allait jusqu’à présenter des certificats falsifiés.
La DGCCRF a saisi ses homologues italiens via le réseau « Food Fraud »[1], ce qui a permis l’assignation de l’entreprise devant la Justice italienne.
Alertés par la présence de résidus de pesticides interdits sur des kiwis, les enquêteurs ont mis en évidence une fraude plus large
Par ailleurs, les enquêteurs de la DGCCRF ont suspecté des pratiques plus larges de « francisation » du fait de la présence régulière de résidus de produits phytosanitaires interdits en France sur des kiwis pourtant annoncés d’origine française : présence de fenhexamide et/ou de fludioxonil, substances actives dont l’usage est interdit en France contrairement à l’Italie où il est utilisé pour améliorer la conservation des kiwis, a été relevée 27 fois au cours des dernières années[2].
À partir des données de traçabilités (factures, …), les enquêteurs de la DGCCRF ont alors remonté la filière de la distribution à la production pour l’ensemble de ces produits non-conformes afin de vérifier s’il ne s’agissait pas de produits « francisés ». Ces investigations ont permis d’identifier 7 sociétés suspectées de pratiques frauduleuses (6 sociétés françaises et 1 société italienne). En tout, ces sociétés seraient responsables de la francisation d’environ 12 000 t de kiwis italiens. Des procès-verbaux ont été transmis par la DGCCRF à la justice.
Parmi les filières démantelées, on peut notamment citer le cas d’une tromperie en bande organisée mise en place entre une entreprise italienne et une entreprise française, via une société domiciliée dans le sud de la France. Cette « société écran », qui ne disposait pas de locaux et était administrée à distance par un cabinet comptable, avait pour seule activité l’achat de kiwis « origine Italie » dont elle maquillait l’origine afin qu’ils soient revendus en bout de chaîne sous une fausse « origine France . Entre 2015 et 2017, environ 6 000 t de kiwis ont ainsi été « francisées » par l’édition de fausses factures pour un bénéfice illicite estimé à environ 2 M€.
[1] Réseau de coopération entre autorités européennes pour lutter contre les fraudes alimentaires, mis en place par la Commission après l’affaire de la « viande de cheval »
[2] Chaque année, la DGCCRF mène un plan de contrôle de résidus de pesticides dans les denrées d’origine végétale, dont les fruits. Environ 5 000 échantillons sont ainsi contrôlés chaque année. https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/controle-des-residus-pesticides-dans-denrees-vegetales-en-2016