La Commission d’examen des pratiques commerciales,
Vu la lettre enregistrée le 16 novembre 2016, sous le numéro 16-56, par laquelle un cabinet d’avocats demande à la Commission si les structures de regroupement à l’achat peuvent ou non solliciter de la part des laboratoires pharmaceutiques que ces derniers émettent des factures à leur ordre.
Vu les articles L440-1 et D440-1 à D440-13 du code de commerce ;
Le rapporteur entendu lors de sa séance plénière du 11 mai 2017 ;
A propos de la possibilité pour les structures de regroupement à l’achat (ci-après « SRA ») de solliciter (ou non) de la part des laboratoires pharmaceutiques que ces derniers émettent des factures à leur ordre, deux cas de figure se présentent :
Lorsque la SRA agit en tant que référenceur, elle négocie des conditions de vente et des tarifs pour ses adhérents. Dans un tel contexte, le fabricant/exploitant émet les factures au nom de chaque officine.
Lorsque la SRA agit en tant que commissionnaire à l’achat, elle centralise les commandes des adhérents qu’elle transmet en son nom au fabricant/exploitant. Dans cette situation, le fabricant/exploitant émet les factures au nom de la SRA qui procède au règlement pour le compte de ses adhérents.
1. Objet de la saisine
Un cabinet d’avocats souhaite recueillir l’avis de la Commission sur la question suivante.
Les structures de regroupement à l’achat (ci-après « SRA ») peuvent-elles ou non solliciter de la part des laboratoires pharmaceutiques que ces derniers émettent des factures à leur ordre, lorsqu’en application de l’article D. 5125-24-16 du code de la santé publique, elles interviennent en vue de l’achat d’ordre et pour le compte de leurs associés, membres ou adhérents pharmaciens titulaires d’officine ou sociétés exploitant une officine, de médicaments (à l’exception des médicaments remboursables par les régimes obligatoires d’assurance maladie) ?
L’article D. 5125-24-16 du code de la santé publique indique en effet que : « Les pharmaciens titulaires d’officine ou les sociétés exploitant une officine peuvent constituer une société, un groupement d’intérêt économique ou une association, en vue de l’achat, d’ordre et pour le compte de ses associés, membres ou adhérents pharmaciens titulaires d’officine ou sociétés exploitant une officine, de médicaments autres que des médicaments expérimentaux, à l’exception des médicaments remboursables par les régimes obligatoires d’assurance maladie. Cette structure peut se livrer à la même activité pour les marchandises autres que des médicaments figurant dans l’arrêté mentionné à l’article L. 5125-24.
La structure mentionnée au premier alinéa ne peut se livrer aux opérations d’achat, en son nom et pour son compte, et de stockage des médicaments en vue de leur distribution en gros à ses associés, membres ou adhérents, que si elle comporte un établissement pharmaceutique autorisé pour l’activité de distribution en gros ».
Il résulte de ce texte que si la SRA ne comporte pas d’établissement pharmaceutique, elle ne peut acheter en son nom et pour son compte et donc ne peut être facturée à ce titre.
La lecture stricte de ce texte devrait aussi conduire à considérer que la SRA ne peut pas non plus agir « en son propre nom mais pour le compte de », donc qu’elle ne peut pas intervenir en qualité de commissionnaire à l’achat.
En pratique et pour tenir compte de cette disposition, les SRA s’adossent à des centrales d’achat pharmaceutiques (« CAP ») ou à des dépositaires ou établissements pharmaceutiques habilités à manipuler les médicaments, lesquels assurent les fonctions logistiques. A ce titre, lesdits établissements habilités agissent parfois en qualité de commissionnaires à l’achat, ce qu’autorise expressément leur statut, et sont donc destinataires en cette qualité des factures du vendeur émises à leur nom mais pour le compte de leurs commettants (pharmacies).
Toutefois, certaines SRA sollicitent que les factures de produits commandés d’ordre et pour compte de leurs adhérents soient libellées directement à leur ordre, ce qui paraît contraire aux dispositions légales précitées. Une telle pratique conduirait en effet à devoir les qualifier de commissionnaires à l’achat de leurs membres ou d’acheteurs, ce que semblent proscrire les textes qui régissent leur statut.
En effet, le texte précité prévoit que les SRA peuvent acheter « d’ordre et pour compte » ce qui signifie littéralement dans le cadre d’un mandat au sens de l’article 1984 du code civil. Le contrat de vente est donc conclu par l’officine associée ou adhérente laquelle est directement facturée par le vendeur.
Dans son avis de décembre 2013, l’Autorité de la concurrence avait d’ailleurs indiqué en point 118 que « Les officines peuvent par ailleurs faire partie de SRA, lesquelles leur permettent une négociation groupée avec les laboratoires pharmaceutiques, sur les médicaments non remboursables uniquement. Ces structures ne peuvent cependant pas acquérir les produits elles-mêmes et doivent donc toujours passer par un établissement pharmaceutique, comme par exemple une CAP ou un grossiste-répartiteur ».
Par ailleurs, le régime même du contrat de commission aux termes duquel l’intermédiaire opaque agit « en son propre nom mais pour le compte de », lequel emporte des effets personnels pour le commissionnaire semble contraire au statut conféré aux SRA par le code de la santé publique ; ces effets personnels de l’opération de commission se traduisent par un engagement personnel de cette dernière, alors que le texte de l’article D. 5125-24-16 du code de la santé publique prévoit l’inverse.
Ces éléments conduisent donc à s’interroger sur le point de savoir si les SRA peuvent ou non solliciter de la part des vendeurs (laboratoires pharmaceutiques) que ces derniers émettent des factures à l’ordre des SRA, lorsqu’en application de l’article D. 5125-24-16 du code de la santé publique, elles interviennent en vue de l’achat d’ordre et pour le compte de leurs associés, membres ou adhérents pharmaciens titulaires d’officine ou sociétés exploitant une officine, de médicaments (à l’exception des médicaments remboursables par les régimes obligatoires d’assurance maladie) ?
2. Analyse de la saisine
Selon l’article D. 5125-24-1 du code de la santé publique, une SRA constitue un regroupement de pharmaciens d’officines au sein d’une structure dotée d’une personnalité morale (société, groupement d’intérêt économique, association) en vue de se livrer à l’achat de médicaments non remboursables pour le compte des pharmaciens titulaires d’officine adhérents.
Il existe deux types d’activités possibles pour les SRA :
- soit elle se livre à l’achat d'ordre et pour le compte de ses associés, membres ou adhérents et peut alors agir comme référenceur ou comme commissionnaire à l’achat,
- soit elle achète en son nom et pour son compte des médicaments en vue de leur distribution en gros à ses adhérents établissements pharmaceutiques (Centrale d’Achat Pharmaceutique).
Lorsque la SRA agit en tant que référenceur, elle négocie des conditions de vente et des tarifs pour ses adhérents. Les relations contractuelles sont de 3 ordres :
- un contrat de référencement conclu entre la SRA et le fabricant/exploitant,
- un contrat d'affiliation conclu entre la SRA et les officines,
- des contrats de vente entre le fabricant/exploitant et chacune des officines membres de la SRA.
Dans un tel contexte, le fabricant/exploitant émet les factures au nom de chaque officine.
Lorsque la SRA agit en tant que commissionnaire à l’achat, elle centralise les commandes des adhérents qu’elle transmet en son nom au fabricant/exploitant. Il existe alors 2 types de relations contractuelles :
- un contrat entre la SRA et le fabricant/exploitant,
- un contrat de commission à l'achat entre la SRA et chacun de ses adhérents.
Dans cette situation, le fabricant/exploitant émet les factures au nom de la SRA qui procède au règlement pour le compte de ses adhérents.
La réponse à la question posée par l’avocat dépend donc de la situation. Si la SRA intervient en tant que commissionnaire, elle peut solliciter de la part des laboratoires pharmaceutiques que ces derniers émettent des factures à son ordre.
Délibéré et adopté par la Commission d’examen des pratiques commerciales en sa séance plénière du 11 mai 2017, présidée par Madame Annick LE LOCH
Fait à Paris, le 11 mai 2017,
La présidente de la Commission d’examen des pratiques commerciales
Annick LE LOCH