La Commission d’examen des pratiques commerciales,
Vu la saisine enregistrée sous le numéro 17-55, par laquelle un professionnel interroge la CEPC sur les modalités de calcul de l’assiette des ventes faisant l’objet de remises de fin d’année.
Vu les articles L440-1 et D440-1 à D440-13 du code de commerce ;
Les rapporteurs entendus lors de sa séance plénière du 12 avril 2018 ;
Un professionnel interroge la Commission au sujet des remises de fin d'année.
Est-il possible de calculer le volume de ventes pour les RFA sur la base des ventes aussi bien directes qu’indirectes ?
Deux exemples :
1) une société A pratique des remises à un client B. Ces remises sont calculées sur la base de différents paliers de volumes de vente. La société A vend ses produits au client B et aux sous-traitants du client B. Il est possible de calculer les RFA sur le volume global des ventes, c'est à dire en incluant aussi bien les ventes faites directement par A à B que les ventes faites par A aux sous-traitants et par conséquent payer les remises ainsi calculées au client B ?
2) Une société A a passé un accord avec un client B pour lui pratiquer des RFA sur une liste de produits déterminée. Le client B achète lesdits produits aussi bien à la société A qu’à des distributeurs. Il est possible de demander aux distributeurs de pratiquer audit client B les remises, plus élevées par rapport à celles pratiquées par le distributeur à ses clients, prévues dans l'accord entre A et B et ensuite rembourser au distributeur la différence entre la remise pratiquée et la remise que le distributeur pratique à ses clients ?
Les ristournes de fin d’année sont des réductions de prix généralement assises sur des objectifs d’atteinte de volume d’affaires.
Elles ne doivent pas être imposées sans négociation et disproportionnées dans leur montant, sauf à créer, au regard de l’analyse de l’économie globale du contrat, un déséquilibre significatif contraire à l’article L. 442-6-I-2 du code de commerce. Elles doivent être assorties d’une contrepartie tenant au volume de ventes réalisées et leur montant ne doit pas être manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu, sous peine de contrevenir à l’article L 442-6-I-1° du code de commerce.
La fixation des modalités de détermination, et en particulier la prise en compte d’un chiffre d’affaires réalisé indirectement via des sous traitants, est conforme au principe de liberté contractuelle, sous réserve d’une parfaite connaissance par les parties des conditions économiques de la relation commerciale et aux conditions exprimées ci-dessus.
Les ristournes de fin d’année (communément appelées « RFA ») constituent des réductions de prix différées, généralement conditionnées à la réalisation d’un palier de chiffre d’affaires préalablement défini par les parties au moment de la conclusion du contrat. Le terme « ristourne » semble plus approprié que celui de « remises », qui désignent des réductions de prix immédiates sur le prix d’un bien ou d’un service.
Dans sa décision du 25 janvier 2017 (Cour de cassation chambre commerciale, GALEC contre ministre de l’économie, n° 15-23.547), la Cour de cassation a admis l’application de l’article L. 442-6-I-2° du code de commerce à des ristournes. Se prononçant sur la validité de cette pratique, elle a rappelé que celles-ci constituent la contrepartie de l’atteinte d’un volume de chiffre d’affaires, et ne doivent pas être, sous réserve de la démonstration d’une soumission ou d’une tentative de soumission du partenaire commercial et de l’analyse de l’économie globale du contrat, constitutives d’un déséquilibre significatif.
En pratique, il est d’usage d’assoir le montant de ces réductions de prix sur le chiffre d’affaires dit « ristournable », dont la définition relève de la liberté contractuelle (cf avis 17-47). Ce chiffre d’affaires est généralement défini comme le chiffre d’affaires net.
Une pratique de ristournes est également susceptible d’être examinée au regard de l’article L. 442-6-I-1° du code de commerce visant le fait « d’obtenir ou de tenter d’obtenir d’un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu ».
Comme cela a déjà été relevé (not. avis CEPC n°15-13), l’exposé des motifs du projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques ayant introduit cette règle dans le droit français des pratiques restrictives indiquait : « sera présumée constituer un avantage discriminatoire toute coopération commerciale ou toute forme de marge arrière sans contrepartie proportionnée ; il établit aussi le principe d’une contrepartie proportionnée pour les fournisseurs lors de l’octroi d’un avantage financier au distributeur ».
Cependant, la lettre du texte, visant « un avantage quelconque » et « le service commercial » sans aucune autre précision ni restriction, est large. Il convient également d’observer que le législateur a fait figurer la « globalisation artificielle de chiffres d’affaires » parmi les exemples non exhaustifs de pratiques susceptibles d’être appréhendées sur le fondement de cette disposition.
Dans un arrêt du 13 septembre 2017 (n° 15-24117), la Cour d’appel de Paris a d’ailleurs jugé que « le service commercial tel que prévu par le texte n’est pas limité à l’application de ces seuls services (de coopération commerciale), ainsi que l’a estimé la commission d’examen des pratiques commerciales » et a admis d’en faire application à des ristournes.
Pour autant, une pratique relative à des ristournes ne contrevient à cette disposition que dans le cas où celles-ci ne correspondent à aucun service effectivement rendu ou si leur montant est manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu.
Le saisissant distingue deux types de stipulations contractuelles :
Dans le premier cas évoqué, un distributeur de produits consent à son client principal des remises de fin d’année, assises sur des paliers de volumes de produits vendus. La question porte sur la conformité d’une clause consistant à incorporer, dans les modalités de calcul de ces remises, les ventes réalisées auprès des sous traitants du client principal, lequel bénéficiera indirectement des ventes réalisées avec un tiers.
Dans le second cas, et en l’état de la lecture pouvant être faite de la saisine, le distributeur consent à son client principal des remises de fin d’année calculées sur la base d’une liste de produits déterminés entre les parties dans le cadre d'un accord. Ce client se fournit par ailleurs, pour ces mêmes produits, auprès d’autres « distributeurs », dont la saisine semble indiquer qu’ils sont contractuellement liés au distributeur principal. Dans le cadre des contrats de vente conclus avec le client, ces distributeurs lui octroient des remises correspondant à celles fixées dans l'accord signé avec le distributeur principal, lesquelles sont en conséquence supérieures dans leur montant à celles qu'ils consentent habituellement à leurs autres clients. Le distributeur principal, dans un second temps, compense la perte qui en résulte pour les distributeurs en leur rétrocédant la différence.
De telles pratiques, sous réserve qu’elles ne soient pas imposées sans négociation par une partie à une autre et qu’elles ne constituent pas, sous les réserves déjà exprimées ci-dessus, un déséquilibre significatif, sont conformes à l’article L. 442-6-I-2° du code de commerce.
De même, et sous réserve qu’elles soient assorties d’une contrepartie tenant au volume de ventes réalisées et que leur montant ne soit pas manifestement disproportionné, les ristournes ne contreviennent pas à l’article L 442-6-I-1° du code de commerce.
Délibéré et adopté par la Commission d’examen des pratiques commerciales en sa séance plénière du 12 avril 2018, présidée par Monsieur Benoît POTTERIE.
Fait à Paris le 12 avril 2018,
Le président de la Commission d’examen des pratiques commerciales
Benoît POTTERIE