Avis n°18-2 bis relatif à une demande d’avis d’une société portant sur la notion de factures périodiques

La Commission d’examen des pratiques commerciales,

Vu la lettre enregistrée le 30 novembre 2017, sous le numéro 17-56, par laquelle une société interroge la Commission à propos de la notion de factures périodiques.

Vu les articles L440-1 et D440-1 à D440-13 du code de commerce ;

Le rapporteur entendu lors de sa séance plénière du 1er février 2018 ;

 

L’article L.441-6 du Code de commerce prévoit la possibilité de recourir au système de facturation périodique, consistant à émettre une seule facture, au cours d’un même mois civil, lorsque le prestataire fournit plusieurs prestations distinctes.

La licéité d’un tel recours repose sur la qualification du caractère distinct des prestations, ou a contrario sur leur caractère global.

Il convient donc d’examiner si l'on est en présence d'une opération unique, ou au contraire, de plusieurs opérations dissociables qui revêtent chacune le caractère de prestations de services indépendantes.

En l’espèce, si le client a recours à l’entreprise de travail temporaire « pour des missions ponctuelles », selon les termes du saisissant, différentes dans leur nature les unes des autres, le recours à la facturation périodique est légitime. Il en irait différemment si la prestation de mise à disposition de personnel concernait une tâche unique.

I. Objet de la saisine

Une entreprise sollicite l’avis de la Commission concernant l'interprétation de la notion de « factures périodique » issue de l'article L. 441-6-I du Code de commerce qui affirme comme suit:

« En cas de facture périodique, au sens du 3 du I de l'article 289 du code général des impôts, le délai convenu entre les parties ne peut dépasser quarante-cinq jours à compter de la date d'émission de la facture ».

Dans la pratique, l’entreprise concernée entretient des relations commerciales avec plusieurs entreprises de travail temporaire qui lui fournissent des intérimaires pour des besoins ponctuels et elle se demande si les factures s'y rapportant répondent, ou non, à la définition de factures périodiques et doivent donc être payées à 45 jours date de facture.

Selon le Code général des impôts, la facture « peut être établie de manière périodique pour plusieurs livraisons de biens ou prestations de services distinctes réalisées entre l'assujetti et son client au titre du même mois civil ».

D'après l’entreprise, la mission réalisée par la société de travail temporaire doit être considérée dans sa globalité, chaque journée de travail ne constituant pas à elle seule une prestation distincte. Dès lors, les règles sur la facturation périodique ne seraient pas applicables.

Au vu de ce qui précède, l’entreprise demande si la Commission peut confirmer l’exactitude de son interprétation.

II. Analyse de la saisine

L’article L.441-6 du Code de commerce prévoit que « le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser soixante jours à compter de la date d'émission de la facture. Par dérogation, un délai maximal de quarante-cinq jours fin de mois à compter de la date d'émission de la facture peut être convenu entre les parties, sous réserve que ce délai soit expressément stipulé par contrat et qu'il ne constitue pas un abus manifeste à l'égard du créancier. En cas de facture périodique, au sens du 3 du I de l'article 289 du code général des impôts, le délai convenu entre les parties ne peut dépasser quarante-cinq jours à compter de la date d'émission de la facture ».

Le dernier alinéa du 3. du I. de l’article 289 du Code général des impôts dispose :

« Elle [la facture] peut être établie de manière périodique pour plusieurs livraisons de biens ou prestations de services distinctes réalisées au profit d'un même acquéreur ou preneur pour lesquelles la taxe devient exigible au cours d'un même mois civil. Cette facture est établie au plus tard à la fin de ce même mois ».

La facture périodique (ou « récapitulative ») a été instituée dans un souci de simplification, en vue de limiter le nombre de factures à émettre par une entreprise.

Elle constitue une dérogation au principe de facturation immédiate, l’article L.441-3 du Code de commerce imposant l’émission de la facture « dès la réalisation de la vente ».

Il faut également souligner qu’il s’agit d’une faculté et non d’une obligation, le texte indiquant que la facture « peut » (et non « doit ») être établie.

Afin qu’une entreprise puisse recourir à une facturation récapitulative, l’article 289 I 3° du Code général des impôts pose trois conditions cumulatives :

  1. les ventes de produits ou les prestations de service doivent être distinctes les unes des autres ;
  2. elles ne doivent concerner à chaque fois qu’un seul et même acquéreur ou bénéficiaire des prestations :
  3. elles rendent exigibles la TVA qu’elles génèrent au cours du même mois civil.

La difficulté réside dans la détermination de ce qui constitue une prestation ou une livraison distincte, ni l’administration fiscale ni la DGCCRF n’ayant à date apporté de précision à cet effet.

L’examen des débats parlementaires, relatifs à la loi du 17 mars 2014, et de la doctrine fiscale (BOI-TVA-DECLA-30-20-10, version au 13 janvier 2014) ne permettent pas plus d’identifier des éléments d’interprétation.

D’après l’auteur de la saisine, les prestations fournies par les entreprises de travail temporaire, consistant à mettre à disposition du personnel « pour des besoins ponctuels », ne relèvent pas de services distincts, mais d’une prestation qui doit s’apprécier dans sa globalité.

Au regard des éléments fournis par le saisissant, il apparaît que dans la mesure où l’entreprise de travail fournit du personnel « pour des besoins ponctuels », qui induit des prestations potentiellement de nature différente, les prestations sont bien distinctes les unes aux autres.

Il en irait autrement si l’entreprise de travail temporaire fournissait du personnel affecté à l’exécution d’une seule et même mission définie entre les parties.

Le recours, en l’espèce, aux modalités de l’article L.441-6 alinéa 9, par le prestataire, apparaît ainsi justifié.

Délibéré et adopté par la Commission d’examen des pratiques commerciales en sa séance plénière du 1er février 2018, présidée par Monsieur Benoît POTTERIE.

Fait à Paris, le 1er février 2018,
Le président de la Commission d’examen des pratiques commerciales

Benoît POTTERIE