Avis N°16-11 relatif à une demande d’avis d’une société sur l’ordre de prévalence des documents contractuels applicables dans le cadre d’une vente

La Commission d’examen des pratiques commerciales,

Vu la lettre enregistrée le 8 février 2016, sous le numéro 16-17, par laquelle une société demande l’avis de la Commission sur la hiérarchie des documents contractuels et leur force obligatoire dans le cadre d’une vente entre professionnels.

Quels sont les documents faisant foi concernant une vente, et quel est l’ordre de prévalence de ces derniers, dans le cas où plusieurs documents contractuels existent :

- offre commerciale du fournisseur,

- conditions générales de vente proposées par le fournisseur,

- conditions générales d’achat imposées par un donneur d’ordre,

- contrat cadre de fourniture de produits et/ou de services accepté entre le donneur d’ordre et le fournisseur,

- commande et mentions particulières émises par un donneur d’ordre,

- accords spécifiques acceptés entre le donneur d’ordre et le fournisseur au titre d’une commande particulière.

Est-ce qu’un donneur d’ordre ne peut accepter que partiellement une offre commerciale proposée par le fournisseur ? C’est à dire que le donneur d’ordre accepte les prix proposés sans tenir compte des conditions particulières de l’offre par exemple.

Vu les articles L440-1 et D440-1 à D440-13 du code de commerce ;

Le rapporteur entendu lors de sa séance plénière du 16 juin 2016 ;

Lorsque les contrats de vente font l’objet de documents écrits, les documents ayant valeur contractuelle sont ceux qui font l’objet d’un accord des deux parties, qu’ils aient été établis d’un commun accord entre elles (contrat, conditions particulières de vente) ou qu’il s’agisse de documents établis par l’une des parties dès lors qu’ils ont recueilli l’accord exprès ou implicite de l’autre partie (conditions générales de vente, conditions générales d’achat, offre commerciale).

Aux termes de l’article 1101 du code civil (applicable au 1er octobre 2016), « Le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations ». L’article 1582 définit le contrat de vente comme une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose, et l'autre à la payer.

Aucun texte législatif ou réglementaire ne précise la forme des contrats de vente. En effet, conformément au principe du consensualisme qui prévaut en matière commerciale, le contrat de vente ne requiert pas en principe de formalisme particulier. Ainsi, l’article 1583 précise que la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé.

I - Lorsqu’il existe un écrit, le contrat de vente est constitué par les documents ayant recueilli l’accord des deux parties.

Ont ainsi valeur contractuelle, selon l’ordre de prévalence indiqué, le cas échéant, dans le contrat écrit, les documents suivants :

1. Le contrat écrit signé des deux parties, notamment dans l’hypothèse envisagée par la saisine, le contrat cadre de fourniture de produits ou de services signé entre le donneur d’ordre et le fournisseur. Les commandes émises par le donneur d’ordre sur le fondement du contrat et selon les modalités qu’il prévoit ont également force obligatoire entre les parties.

2. Les parties peuvent, par ailleurs, dans le cadre de la négociation commerciale, convenir pour l’achat de produits ou de prestation de services des conditions particulières de vente. Il peut s’agir de conditions dérogatoires consenties à titre général pour l’exécution du contrat, ou ponctuellement à l’occasion d’une commande particulière : peuvent notamment entrer dans cette catégorie les accords spécifiques acceptés entre le donneur d’ordre et le fournisseur au titre d’une commande particulière, mentionnés dans la saisine.

L’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats et de la preuve des obligations, place les conditions particulières d’un contrat au-dessus des conditions générales lorsque leurs conditions sont discordantes. Aux termes de l’article 1119 nouveau du code civil qui entrera en vigueur pour les contrats conclus à compter du 1er octobre 2016 : « Les conditions générales invoquées par une partie n'ont effet à l'égard de l'autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées. En cas de discordance entre des conditions générales invoquées par l'une et l'autre des parties, les clauses incompatibles sont sans effet. En cas de discordance entre des conditions générales et des conditions particulières, les secondes l'emportent sur les premières. ».

3. A défaut de contrat écrit et de conditions particulières de vente, les conditions générales de vente du vendeur, acceptées et signées par l’acheteur.
Aux termes de l’article L. 441-6 du code de commerce, les conditions générales de vente (CGV) constituent « le socle unique de la négociation commerciale ». Ces CGV comprennent notamment: les conditions de vente, le barème des prix unitaires, les réductions de prix, les conditions de règlement.
Ces CGV peuvent être négociées et donner lieu à l’établissement d’un contrat ou de conditions particulières de vente. Le cas échéant, les dispositions des CGV auxquelles le contrat renvoie expressément ont également valeur contractuelle.

A défaut de négociation, elles ont valeur de contrat si elles sont acceptées sans modification par l’acheteur.

4. Les conditions générales d’achat (CGA) du client acceptées par le vendeur : à défaut de CGV du vendeur, ou, si d’un commun accord entre les parties, celles-ci ont été écartées par les parties au profit des conditions générales d’achat du client, ou encore si elles complètent utilement les CGV.

Le cas échéant, les dispositions des CGA auxquelles le contrat renvoie expressément ont également valeur contractuelle. En revanche, les CGA ne peuvent légalement être imposées par l’acheteur.

II - Les documents établis de manière unilatérale par l’une des parties et n’ayant pas recueilli l’accord exprès du cocontractant n’ont pas valeur contractuelle et n’ont donc pas force obligatoire entre les parties.

C’est notamment le cas de l’offre commerciale du fournisseur, des CGV du fournisseur et des CGA du client, lorsqu’elles n’ont pas été acceptées par le cocontractant.

Ces documents ne peuvent acquérir valeur contractuelle qu’une fois qu’ils ont recueilli l’accord de l’autre partie.

III - Le contrat n’est pas valablement conclu si un donneur d’ordre accepte partiellement l’offre commerciale du fournisseur, à défaut de toute autre négociation.

Le contrat de vente n’est valide que si le fournisseur, acceptant la négociation de son offre, donne son accord sur les conditions demandées par son client.

Dans l’exemple donné par la saisine, le donneur d’ordre peut néanmoins accepter le prix et demander à négocier les conditions particulières de l’offre. Le contrat sera alors constitué par les dispositions de l’offre acceptées par le client et les autres dispositions négociées d’un commun accord entre le donneur d’ordre et le fournisseur. A défaut d’accord, le fournisseur peut aussi retirer son offre commerciale et renoncer à conclure la vente.

Délibéré et adopté par la Commission d’examen des pratiques commerciales en sa séance  plénière du 16 juin 2016, présidée par Madame Annick LE LOCH

Fait à Paris, le 16 juin 2016
La présidente de la Commission d’examen des pratiques commerciales

Annick LE LOCH